Auteurs et autrices / Interview de Jean-Marie Michaud

Salut Jean-Marie, avant de se lancer dans une série de questions qui tiennent plus à ton travail, peux-tu nous dire deux trois mots sur toi pour te présenter ?
Jean Marie Michaud, donc, illustrateur (BD et jeunesse). 42 ans.
Marié. Père de 4 enfants, une fille et 3 garçons.
Habite Bourgneuf en Retz (44) depuis 1997.

Peux-tu nous parler de ton parcours pour en arriver là ? Qu’est-ce qui t’a fait plonger et te décider pour te lancer ? As-tu suivi des études ou des formations particulières ?
Dessinateur comme tous les petits enfants, j'ai découvert la BD comme moyen d'expression spécifique en CM2 grâce à un instituteur passionné de BD qui avait monté un petit journal.

J'ai ensuite découvert certaines séries du journal Tintin de l'époque qui m'ont marqué définitivement : Buddy Longway de Derib, Comanche, Bernard Prince de Hermann et Greg puis un peu plus tard Blueberry, Corto Maltese etc. La liste de mes admirations et influences serait trop longue.

A partir de là je n'ai plus vraiment arrêté d'en lire... et d'en dessiner. Après le bac, j'ai suivi 2 ans une école de dessin où j'ai rencontré l'Art et ma compagne. Je vis désormais en compagnie des deux !!, puis j'ai intégré les Arts Décos à Paris.

Beaucoup ont trouvé l’univers de La Saison de la Couloeuvre très riche et original. Peux-tu nous parler de tes influences SF, en BD ou en romans ? Quelles sont les tes œuvres et/ou auteurs favoris dans ce domaine ?
Lorsque l'Atalante m'a proposé de collaborer, j'étais plutôt dans une inspiration heroic fantasy. Cela m'a fait un peu peur de plonger dans une littérature de genre qui me plaisait mais dont j'étais loin d'être un lecteur inconditionnel.

Néanmoins des dessinateurs comme Moebius, Bilal, Gimenez, Druillet, font partie de mon panthéon personnel. Des films comme Blade Runner ont marqué ma génération. Pour ce qui est de littérature, je suis un piètre lecteur de roman en général. J'ai lu avec plaisir quelques Silverberg, Heinlein ou Asimov. J'ai aussi une relation particulière à Rosny Ainé, un des pionniers de la SF française.

Mon "inculture" SF ou tout du moins mon innocence ne gênait pas du tout Serge. Au contraire, il avait la gentillesse d'y voir un atout de fraîcheur.

Quoiqu'il en soit, je pense que la SF est une des littératures de genre susceptible de développer le plus de possibilités : elle est a priori ouverte sur la métaphysique, l'imaginaire, le questionnement existentiel. Cela est excitant. Serge m'ayant fait lire quelques-unes de ses nouvelles, j'ai immédiatement pensé à Borges, que je place au sommet de la littérature.

As-tu d’autres sources d’inspiration que la lecture ?
Le cinéma, comme tout le monde si j'ose dire, avec un rapport amour-haine envers cette "industrie artistique totalitaire" qui bouge trop vite et qui impose ses 24 images secondes et son son THX Stéréo à la masse de la planète.

Les grands dessinateurs du Jugenstiel (Bilibine, Klimt, Valloton etc...) ou de la renaissance (Durer, Vinci etc.).

L'esthétique orientale et extrême orientale en général (Supposition heureusement improbable, j'hésiterais entre une planche de Arzach et un tapis du Turkestan !).

Et au niveau technique, dessin et colorisation, peux-tu nous expliquer comment tu travailles ? Car la couleur, surtout dans ta dernière série La Saison de la Couloeuvre, joue un rôle prépondérant.
J'ai opté pour cette série pour de la couleur directe (plume, pinceau et encre Colorex). Je me limite au noir et bleu outremer pour les séquences monochromes. C'est une technique plus longue, un peu plus risquée mais plus intense que l'aquarelle avec laquelle j'avais réalisé ma série précédente (La Dernière fée du pays d'Arvor, chez Glénat, scénario d’Arnoux).

Revenons un moment sur ta bibliographie. Au début de sa carrière, tu as souvent collaboré avec Claude Carré. Mais depuis l'abandon de la série Le principe de l'Enfer, il n'y a plus eu de nouvelles œuvres du duo. Et Claude Carré ne fait plus trop parler de lui dans le milieu de la BD. Celui-ci s'est-il envolé vers d'autres horizons, ou une nouvelle collaboration est-elle envisageable ?
Je reste en très bons termes avec Carré que j'appelle de temps en temps notamment pour des travaux de commande d'adaptation, technique dans laquelle il excelle : à paraître en collaboration avec lui une adaptation de Notre-Dame de Paris de Hugo ; travail de commande des éditions Adonis.

Pour ce qui est de sa carrière, il se consacre avec bonheur à la littérature jeunesse (Editions Actes sud) et roman noir adulte.

J'ai bossé 10 ans avec lui et nous nous connaissons très bien.

Qu'as-tu fait entre le dernier tome de La Dernière fée du pays d'Arvor et le premier de La Saison de la Couloeuvre ? Trois ans les séparent...
Notre-Dame de Paris (voir ci-dessus) et Anne de Bretagne aux éditions Coop Breizh (scénario Dominique Robet et Etienne Gasche). Album de commande moins personnel que la Saison.

Le second tome de La Saison de la Couloeuvre vient tout juste de sortir. Il était attendu par pas mal des lecteurs de BDthèque qui avaient apprécié le premier opus. Celui-ci a-t-il eu un bon succès public, s’est-il bien vendu ?
Un succès interstellaire, comme il se doit. Particulièrement apprécié par les lecteurs de Cassiopée ! La diffusion sur Orion et Vega a posé quelques soucis, mais tout semble rentrer dans l'ordre...

Peux-tu nous raconter comment se sont concrétisées cette BD et ta collaboration avec Serge Lehman ? Vous connaissiez-vous avant ? Et son édition chez l’Atalante est-elle le fruit du hasard ou liée à une proximité géographique ?
Un lecteur lors d'une dédicace m'a informé que les éditions Atalante représentées par Georges Merel recherchaient des dessinateurs pour un projet de collection BD. Je me suis présenté avec mon book et quelques projets personnels. Georges a montré mes travaux à Serge qui était le scénariste prévu. Ils ont été convaincus et m'ont rappelé. J'ai fait la connaissance de Serge aux Utopiales 2005 je crois. Le courant est passé.

Serge est une personne extrêmement positive et confiante. Il est de plus un auteur maison à l'Atalante. Nous sommes complémentaires...

Combien de tomes sont-ils prévus pour cette série ?
En principe c'est une trilogie. Mais il se peut que des éditions extraterrestres (Martiennes notamment, où l'ouvrage est très apprécié de la population autochtone) nous supplient de faire un second cycle.

On verra. Je me méfie des ces gens tout verts, munis d'antennes sur le front et peu scrupuleux.

Et ensuite ? As-tu déjà d’autres projets sur le feu ?
Plein. Je vais d'ailleurs aller baisser le gaz.

Amicalement,
Jean-Marie