Auteurs et autrices / Interview de Bruno Le Floc'h

Vous ?
Cinquante ans passés. Vivant tout au bout du monde... au pays bigouden.

Parcours ?
Études aux Arts Décos de Paris. Sorti au début des années quatre-vingt, je travaille pour le dessin animé... essentiellement pour des séries télévisées. Clémentine, la toute première puis, sans toutes les citer : Tortues Ninja, Spirou et Fantasio, le Marsupilami, Pif et Hercule, Princesse Shéhérazade etc....

En 2001/2002 je travaille auprès de Jean-François Laguionie sur le long métrage : l'Île de Blackmor. Cette aventure m'entraine tout droit vers la bande dessinée. Un petit dossier sous le bras je vais au salon Quai des Bulles de St Malo où je rencontre Thomas Ragon qui est éditeur chez Delcourt. J'y ferai trois livres. Une parenthèse avec un livre chez Ouest-France et je renoue ma complicité avec Thomas Ragon qui depuis est passé chez Dargaud.

Techniques ?
Feutre et pinceau sur papier machine A4 puis mise en couleurs avec Photoshop.

Thèmes ?
La Bretagne de la fin du dix neuvième et du début du vingtième pour les quatre premiers albums et le jazz des années soixante pour le dernier.

Au bord du monde, Trois éclats blancs, Une après-midi d'été et Paysage au chien rouge :

Bretagne ?
Bretagne, le paysage que je connais le mieux. Du coup, mon travail de documentation est négligeable car j'ai tout en mémoire visuelle et au pire, je n'ai qu'à sortir de chez moi pour saisir le détail qui me manque. Les gens de mes livres sont des paysans, des marins, des gens du peuple des côtes bretonnes. C'est l'univers dans lequel je suis né, mes parents étaient artisans et travaillaient pour les marins pêcheurs du port de Loctudy. Là aussi je n'ai qu'à me replonger dans mes souvenirs pour y retrouver les traits justes des caractères et des mœurs de mes personnages.

Époques ?
Dix-neuvième et début du vingtième. Époque charnière où le vieux monde accouche de notre modernité dans les douleurs de la première guerre mondiale. Une époque de tous les possibles. Quelle richesse !

Guerre ?
Plongez-vous dans les livres sur cette tranche d'histoire pour y trouver une première mesure à l'horreur. La seconde guerre mondiale a fait, ô combien pire dans le genre, mais les livres de Barbuze ou de Céline par exemple sur la guerre de quatorze... !

Anecdotes ?
- Le personnage féminin de Trois éclats blancs porte le surnom de Perdrix en manière de clin d'œil aux habitants de mon port de naissance qui est Loctudy. Les Perdrix est le nom du célèbre phare à damier noir et blanc qui marque l'entrée du port.

- Pour le titre de Trois éclats blancs je m'étais un peu creusé pour inventer un code lumineux qui n'existe pas au phare créé pour les besoins du livre. Après consultation de documents sur le sujet, je lui invente donc trois éclats blancs toutes les vingt secondes... J'ai appris plus tard que c'était le code du phare de Porto Vecchio en Corse. En bon voisin de l'océan j'avais oublié que sur la mer Méditerranée il y a aussi des phares et un passé et présent maritime d'une grande richesse.

Saint-Germain, puis rouler vers l'Ouest :

Inspiration ?
Un peu de ma vie, des gens que j'ai croisés, des aventures humaines partagées... Sans que rien de cette histoire ne soit des faits réels, on peut dire que c'est mon album le plus autobiographique (désolé pour cette réponse un peu tordue)

Musique ?
Jazz ! Il me semble qu'un musicien de musique Classique n'aurait pas collé à l'esprit vagabond d'Alexis... il me fallait de l'improvisation dans sa démarche. Je pense qu'un Rocker aurait fait le voyage Paris-Dinard d'une seule traite. Restait le Jazz, l'élégant et bluesy, le cultivé et nonchalant, le raffiné et futile Jazz... un pur bonheur que de calquer le rythme de mon histoire sur une impro nostalgique expirée dans le cuivre chaud d'un saxo.

Personnages ?
Des femmes... toutes sortes de femmes. Non pas pour en faire une somme qui serait comme une vaine et grotesque tentative de faire le portrait d'une femme idéale mais des personnages comme des touches qui raisonnent à l'esprit d'Alexis dans sa quête de celle qu'il aime. Alexis, un portrait d'homme égoïste et amoureux. Un peu minable.

Format ? (de la BD)
Surprise ! Travailler sur ce format a été un vrai challenge. Mon style narratif et graphique sobre, voire anémique, y laisse des espaces immenses. C'est peut-être mon travail le plus graphique de tous et j'ai beaucoup aimé cette expérience nouvelle. Puis-je avouer que certaines pages m'émeuvent quand je les revois ?

Projets ?
Après cet album introspectif, courir vers l'aventure avec un grand V : exotique et copieuse !

Merci Bruno.