Editeurs et éditrices / Interview de Vincent Henry - La Boîte à Bulles
Fondateur et directeur de la sympathique maison d’édition La Boîte à Bulles, Vincent Henry a gentiment accepté de répondre aux questions de BDTheque.
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Je m’appelle Vincent Henry, j’ai une petite quarantaine, je vis à Antony en région parisienne, suis originaire de Brive-la-Gaillarde. En parallèle de mon travail pour faire vivre ma famille (conseil en entreprises), j’ai lancé une maison d’édition, La Boîte à Bulles, qui compte une petite quarantaine (décidément) de titres à son catalogue. La Boîte à Bulles est une SARL qui ne fonctionne que grâce à l’apport de bénévoles, tels que Bruno pour les finances, Francis pour l’éditorial ou Marielle, qui fut un temps notre unique salariée…
Comment t’es-tu lancé dans l’édition ?
Passionné de BD, je me suis lancé dans le journalisme BD à l’occasion du lancement d’une webtélé par des copains. J’ai depuis collaboré aux défunts cafecalva.com, alatele.com, Pavillon Rouge, Calliope, BDMag… et j’écris toujours pour La Lettre et bdselection.com. J’avais envie d’aider un peu plus les livres et les auteurs que j’aime en collaborant à une maison d’édition. J’ai travaillé quelques temps avec Jérôme Martineau des éditions Carabas. Suite au rachat de Carabas par Tournon, j’ai sauté le pas et lancé La Boîte à Bulles.
Avais-tu des contacts avec des auteurs avant de te lancer ?
En tant que journaliste BD, je connaissais pas mal d’auteurs. Mais la majorité des auteurs que j’ai publiés depuis, je ne les connaissais pas à l’époque. Pour la bonne raison que la plupart des albums de la Boîte à Bulles sont des premiers albums !
En fait, c’est la rencontre avec Jose Roosevelt et Vanyda qui a tout précipité. Ayant découvert la version autoéditée de La Table de Vénus de Jose Roosevelt à l’occasion d’un dossier Amérique du sud pour Calliope, je me suis dit qu’il fallait qu’un tel livre puisse être diffusé à plus grande échelle. Même chose avec la version fanzine de L’Immeuble d’en face de Vanyda (80 pages pour cette première version).
J’ai donc demandé à ces deux auteurs s’ils accepteraient que je les publie. Ils ont dit oui tous les deux, je n’avais plus le choix, je devais créer ma maison d’édition !
Comment as-tu trouvé le nom de la maison d’édition et son logo ?
Le nom est assez ancien. Je l’avais déposé à l’époque où, avec Pascal Mériaux (directeur du Festival d’Amiens), on envisageait de lancer la publication couplée de BD sur Internet et en livre. Le projet fut abandonné mais le nom était déjà déposé. 2 ans plus tard, je repris donc l’appellation. Ce nom faisait référence dans notre esprit aux « Boîte à images ». J’ai donc demandé à Vincent Rioult, le maquettiste de la BAB depuis ses débuts de trouver un logo qui illustre ce principe. Il a dessiné un encrier d’où sort une bulle. Plusieurs mois plus tard, je me suis aperçu avec effroi… que, de loin, le logo ressemblait à celui de Poisson Pilote. Heureusement personne n’en a jamais pris ombrage…
Le marché de la BD peut être rude avec les éditeurs dits « indépendants ». Quels sont tes meilleurs atouts pour faire connaître tes BDs ? Les librairies ? Une présence accrue sur Internet ?
En fait, différents aspects peuvent donner de la visibilité à un livre : une couverture qui accroche, un dessin qui plaît, un thème qui intéresse. Mais encore faut-il que le livre puisse être vu en librairie, donc commandé par le libraire et mis en avant.
Pour des jeunes auteurs, des livres moins dans l’air du vent, il est crucial que le livre soit conseillé par le libraire ou par des référents tels que journalistes, internautes… C’est une alchimie difficile à prévoir, à maîtriser.
Dans tout cela, difficile de dire quel est le meilleur atout de la Boîte à Bulles. Cela dépend de chaque livre en fait…
Tu avais organisé un « mini-festival » la Boîte à Bulles dans une librairie parisienne il y a quelques mois, ainsi qu’une exposition itinérante. Cela a-t-il accru ta visibilité ?
Le mini-festival n’avait pas pour objectif vraiment d’accroître la visibilité de la BAB. C’était avant tout l’occasion de faire la fête avec les auteurs et de travailler en étroite collaboration avec un libraire, BDnet. L’année précédente, nous avions été accueillis par la librairie Expérience à Lyon. Et en 2007… ce n’est pas encore décidé.
L’exposition sur Dieu(x) et idoles tourne encore puisqu’elle sera à l’office du tourisme d’Angoulême en janvier 2007 puis à Colomiers. Cette exposition permet de mettre en valeur le travail des auteurs pour ce collectif qui n’a pas eu un grand succès en librairie mais qui m’est très cher car il montre la richesse de styles de la BD actuelle.
Pour info, le prochain collectif devrait s’intituler « Amour ou désir ? »…
Ton catalogue est un savant mélange entre jeunes auteurs prometteurs et vieux routards. Comment définirais-tu cette diversité ?
Je pense que les « vieux routards » vont apprécier !!! Personnellement, je ne fais pas de distinction, je suis tous les projets avec la même attention, sans faire de différence. Pour Anna, par exemple, on a apporté avec Christophe Bec et Stéphane Betbeder des modifications par rapport au projet tel qu’il existait dans les cartons des éditions Soleil. Avec Lidwine ou les frères Coudray, on discute des dessins à retenir. Il n’y pas de différence d’approche…
Chaque projet, chaque rencontre est un cas spécifique. Je n’ai pas été chercher de « vieux routards ». Ce sont des rencontres qui se sont présentées. Paul Carali par l’entremise de sa fille Mélaka, Lidwine sur suggestion de Marc Lizano, Chantal Montellier par Jérome Presti. Jean-Luc Coudray m’a envoyé ses gags de Béret et Casquette par la poste. A chaque fois, j’étais ravi. Mais il n’y a là nulle stratégie, nul mélange, nul dosage subtil. Je pense que ces « vieux routards » comme vous les appelez, sont des « auteurs prometteurs », pleins d’envie…
Tu as notamment déniché quelques auteurs anglo-saxons de talents (Nabiel Kanan, Ted Rall). Comment t’y prends-tu pour découvrir des comics intéressants ?
Je ne suis pas un spécialiste des comics, je n’en lis pas beaucoup. J’aurais bien aimé travailler avec quelqu’un de plus pointu que moi, sur les comics et les mangas… Pour Nabiel, l’envie date de l’exposition « Traits contemporains » organisée à Angoulême. Ses planches de « Lost Girl » (Fille perdue) m’avaient séduit. J’ai racheté les droits à son éditeur puis établi une relation directe avec Nabiel. Nous avons convenu que je publierai toutes ses œuvres. Ce que je fais et se prolongera avec la traduction d’« Exit » début 2008.
Pour Ted Rall, j’ai reçu son livre « To Afghanistan and Back » (Passage Afghan) de son éditeur. Je l’ai lu, trouvé son propos décapant et drôle… J’ai vérifié auprès de Didier Lefèvre la pertinence de son point de vue et donc acheté les droits puis travaillé avec Ted sur la traduction. Son nouveau livre (« Silk Road to ruin ») étant de la même veine, j’ai décidé avant même sa sortie de le publier. Plutôt que de faire des « coups », je préfère suivre des auteurs.
Hormis Ted Rall et Nabiel Kanan, je n’ai aucun projet de traduction en cours…
Est-ce que tu voudrais développer la présence de la Boîte à Bulles sur le marché des comics, ou plutôt te focaliser sur les auteurs francophones ? Ou peut-être développer d’autres origines ?
Personnellement, tout comme Francis Adam avec qui je collabore, nous préférons travailler à la création d’œuvres nouvelles. Donc, pour publier plus de comics et quelques mangas, il faudrait que d’autres viennent nous aider !
La diversité des collections présentes chez la Boîte à Bulles reflète un souci de toucher tous les publics. Mais tu n’as pas de collection orientée vers la jeunesse. Est-ce un hasard ?
La structuration du catalogue en collections est surtout destinée à donner des points de repères aux libraires et lecteurs. Pas de volonté d’être présent sur des « segments de marché ». Tous les bouquins ou presque sont des romans graphiques, humour décapant, témoignages… Plus quelques polars (collection Faits divers) et aventures fantastico-poétiques (collection Champ Libre). Cela correspond à des envies, des coups de cœur. Et parfois à l’envie d’accompagner les auteurs dans leurs évolutions…
Personnellement, j’adore la BD jeunesse, les débuts de la collection Delcourt Jeunesse… En tant que journaliste j’ai même réalisé plusieurs dossiers et conférences sur le sujet. Mais bon, on ne peut pas tout faire. La Boîte à Bulles a une image adulte, je préfère ne pas « brouiller » l’image encore fragile de la maison d’édition en la diversifiant trop. Même si je publie pour Noël le très tout public L’Empereur nous fait marcher des frères Coudray et que je ne serais pas contre, si l’expérience est probante, faire la même chose en 2007 avec Lucie Albon… Mais ce sont des auteurs déjà fortement présents au catalogue. Et ce serait au rythme d’un album par an, très visuel…
Quel est le programme de parution ?
En 2007, on devrait publier 11 livres. Vu l’engorgement du marché, on va baisser légèrement le rythme des sorties (15 en 2006). Quitte à reporter de quelques mois certains projets. Et tenter de coller à un rythme régulier de 2 livres tous les 2 mois.
On prévoit pour ce début d’année, au programme très proche de celui des premiers mois d’existence de La Boîte à Bulles :
Le 1er Février paraîtront deux ouvrages très attendus :
- L’Immeuble d’en face Vol 2 de Vanyda (3 ans après le premier volume…)
- Le Chat du kimono de Nancy Peña où l’auteur de La Guilde de la mer et du Chat botté renoue avec le format et la pagination du Cabinet Chinois.
Début avril, ce sera le tour de deux albums au format plus classique cartonné couleurs (mais au propos fort original…) :
- Juanalberto Dessinator de Jose Roosevelt
- Le Vœu de Simon de Boulet et Lucie Albon
Puis on espère pouvoir proposer « La Double mort » de Frédéric Bellot de Jérôme Presti (en retard de plus de deux ans…), un premier album de Patrick Lacan intitulé « Tristes Utopiques », le second volume de La Guilde de la mer, le nouvel ouvrage de Ted Rall (« La route de la soie en lambeaux »), un témoignage saisissant – et drôlatique - de Nicolas Wild sur ses deux années passées à Kaboul (« Kaboul Disco »), et des romans graphiques noir et blanc signés Sylvie Fontaine, Tommy Redolfi…
Merci Vincent !
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