Auteurs et autrices / Interview de Nicolas Otéro

Il a l'air trash comme garçon, mais en fait il collectionne les Bisounours en peluche. C'est Nico Otéro, un garçon qui a du talent et de l'humour.

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Nicolas Otéro Salut Bad Boy. Dis-moi, comment tu es arrivé à faire de la BD ?
Salut Spooky !! On va tenter de faire simple et rapide sur ce type de questions, y a vite moyen de sombrer dans la psychanalyse ou la thérapie !! D’aussi loin que je me souvienne, le dessin a toujours été pour moi le langage qui me convenait le mieux, m’apaisait et me faisait voyager, je repense souvent aux histoires que me racontait mon grand-père et que je posais frénétiquement sur le papier, la nuit, à la lumière d’une lampe-torche, tout en m’asticotant la nouille… ha, mince, ça y est, tu vois, on tombe dans le Freudien direct, zut, j’élude la question, contraint et forcé !

Comment Amerikkka est-il arrivé dans le giron des éditions EP ?
Amerikkka a d’abord été publié aux éditions Hors Collection (les deux premiers tomes) et Emmanuel Proust était alors directeur de collection dans cette maison d’édition. Il a décidé un jour de se lancer lui-même dans l’aventure et nous l’avons suivi, on avait pas mal à perdre puisqu’on passait d’une grosse structure à une plus petite entité avec moins de moyens… mais plus de liberté, pas de censure et une volonté certaine de défendre le projet et de le soutenir. Et puis, changer d’éditeur en cours de série est toujours compliqué et il a fallu batailler sévère pour en arriver jusque-là !!!

Mais le temps nous donne de plus en plus raison, Amerikkka est devenu un titre majeur chez EP, le travail de terrain a fidélisé un lectorat exigeant, et on tente de faire mieux à chaque fois !

Accéder à la BD Amerikkka Qu’est-ce qui t’a intéressé dans ce projet, réaliser une BD sur le KKK ?
J’étais encore étudiant en arts appliqués quand le projet s’est monté (une rencontre totalement fortuite et magnifiquement agencée par le hasard), de mon côté j’avais démarché à Angoulême avec mon diplôme de fin d’études sur l’adaptation de Mississippi Burning d’Alan Parker pendant qu’au même moment, Roger Martin soumettait ce qui allait devenir Amerikkka à Emmanuel Proust… et j’ai rencontré Proust !!

Après, ma démarche avait toujours été de me dire que quand tu risques de passer près d’un an de ta vie pour faire un livre, il vaut mieux y croire un minimum, juste pour donner le meilleur.

Et ce film, Mississippi Burning, représentait une synthèse de mes centres d’intérêt (polar, Histoire, militantisme, cinéma…). Quand le projet Amerikkka a pris forme définitivement et que j’ai attaqué la série, je ne me suis pas dit que je pouvais participer à une quelconque avancée éducative ou à une quelconque portée militante, historique et didactique, je me suis juste dit putain, comment je vais faire pour tenir ces délais de malade et finir le bouquin a temps… et j’ai essayé de prendre le plus de plaisir possible en dessinant…

Les analyses se font en général après…

Accéder à la BD Amerikkka Qu’y a-t-il de plus dans l’intégrale d’Amerikkka qui vient de sortir ?
Nouvelle couv’, nouvelle maquette, gros cahier supplémentaire contenant moultes infos sur le Klan, son histoire, ses rites, une belle préface de Roger, et puis des photos dont certaines assez rares, issues de toute la doc’ qu’on a pu accumuler sur le sujet... Et puis, il y a les trois premiers tomes qui s’enchaînent et qui, je trouve, prennent encore une autre ampleur et une tension assez intéressante. Je dis ça parce que j’ai reçu un exemplaire récemment, et pour tout te dire, je n’ai pas pour habitude de me relire tous les week-ends en contemplant mon nombril et j’ai quasi « redécouvert » tout ça, avec un œil neuf (bien que plus vieux et abîmé par des nuits à encrer !!!), et j’ai eu l’agréable surprise de m’être laisser happer par le récit et les trois tomes ont été dévorés d’une traite !!! La vache, si c’est pas de la promo en béton, le propre auteur trouve ça bien, youpi !!!!!

La série est donc terminée ?
Non, du tout, la série doit compter neuf tomes, on avait décidé ça depuis notre première rencontre de travail avec Roger (donc trois intégrales !!) et probablement un dixième album plus épais en pagination qui doit s’appeler 1865 (date de création du Klan) et qui nous permettrait de boucler la boucle (et je ne parle pas de lynchage !!).

Il reste encore donc quelques bonnes histoires à raconter (le passé de Steve et Angela par exemple…) et quelques nuits blanches à noircir du papier !!

Accéder à la BD Bonecreek Bonecreek te permet d’aller un peu plus loin dans ton dessin, et de croquer des « gueules » plus ravagées. Es-tu fan de western ? Si oui, quels sont tes films, tes auteurs préférés ?
Haaa, Bonecreek, c’est ma petite bulle d’air, avec Bat au scénar, qui franchement, a un certain talent pour le découpage et les dialogues percutants, ça m’a permis de sortir de facholand et de proposer un truc plus personnel et de pur divertissement, blindé de nos références ciné, et fruit de nos délires communs !!! La structure est en effet celle du western, mais tu verras, ça part vraiment dans d’autres sphères (et ce dès le tome 2 !!), on se sert des codes traditionnels Far West pour mieux les dynamiter, et c’est le panard pour moi en dessin !!!
Et pour répondre à ta question, je ne suis fan de rien, juste amateur !!!!^^
J’aime le cinéma dans son ensemble, le western en fait partie mais pas plus que d’autres genres…

Certains se plaignent que le lettrage et le dessin du premier tome de Bonecreek soient un peu petits… Y aura-t-il des modifications pour le suivant ?
Tu me files les noms de ces certains et on s’en occupe personnellement !!!
Ouais, sinon, il y a eu un peu merdage lors du lettrage (uniquement les récitatifs), et c’est parfois un peu petit, en effet, quant au dessin, je ne sais pas ce que tu veux dire par là !!!!^^
On a corrigé le tir pour le tome 2, changé la typo des récitatifs, ça devrait aider les vieilles taupes comme toi à ne pas s’abîmer la rétine (alors qu’en fait, si, tellement le bouquin déchire !!!!).

Accéder à la BD La Tour sombre L’univers de Bonecreek me rappelle un peu La Tour sombre, de Stephen King… c’est voulu ou simplement inconscient ?
Je pense que tu n’aimerais pas savoir ce qu’il y a dans mon inconscient.

Et sinon, oui, Bat a une affection particulière pour ce bouquin (entres autres !!) et le personnage d’Eddie Road a été inspiré par le Pistolero de La Tour Sombre… (c’est ce que m’a dit Bat, perso, je ne l’ai pas lu, je sais je suis un branleur !!! En réalité, je voulais éviter toute influence extérieure, je trouve ça risqué quand elles sont aussi marquées, on est à dix mille lieues d’un quelconque remake et je voulais vraiment me concentrer sur l’univers Bonecreek, les designs de personnages sont juste sortis de nos caboches !!!).

Qu’en est-il de la sortie du tome 2 en autoédition de Bonecreek ?
Ce ne sera finalement pas de l’autoéditon, on n’a pas assez de temps ni d’argent pour faire ça vraiment bien, le tome 2 sortira donc chez Idées+, petite maison d’édition nîmoise, et c’est pour tout bientôt, sortie prévue le 21 Mars !!! Je suis ravi car cette série n’était pas adaptée au catalogue d’EP, on a récupéré les droits et une nouvelle aventure commence… encore une histoire de liberté tout ça !!!^^

Combien de tomes comptera la série au final ?
La série comportera quatre tomes, format court mais récit dense !!!!!

Le Sixième soleil - couverture tome 1 Il y a 18 mois tu te lançais dans une nouvelle série, "Le Sixième soleil", avec Laurent Moënard, chez Glénat. C’est un western qui flirte avec le récit d’espionnage, dans les profondeurs de la guerre civile mexicaine au début du XXème siècle. Comment s’est passée ta rencontre avec ton scénariste ?
Un peu comme tout ce qui m’arrive dans la vie, une concordance de rencontres et de hasards divers, j’aime assez me laisser porter par les sensations, les petits signes que la vie envoie sans cesse, garder les yeux ouverts, faire des choix et surtout ne rien regretter !!!! Laurent est journaliste, très cultivé, élégant et très bon raconteur, un peu tout mon opposé finalement !!!! J’ai aimé son scénar qu’il m’avait proposé par l’intermédiaire d’un ami commun avec qui j’avais un peu bossé sur un projet de court-métrage et on s’est lancé, proposé ça à Glénat et l’aventure me convient parfaitement aussi. Bosser pour une Major n’est pas différent, j’ai un excellent directeur de collection en la personne de Franck Marguin, et je m’éclate comme un petit teckel sur une pelote en angora, autre récit, autre période, autre style d’écriture, on se balade en pleine révolution mexicaine, l’industrialisation est en marche, pourtant, certains rites et croyances aztèques ancestrales viennent s’immiscer dans cette nouvelle réalité, du bon quoi !!!! Je travaille actuellement sur le tome 3 qui sortira en novembre et qui clôturera le premier cycle de la série.

Combien de tomes va compter la série ?
Voir question précédente !!! :))

Lorsqu’on fait une recherche sur toi sur internet, on te voit souvent échanger tes fluides et des gros mots avec des tas de gens. Alors, Nico Otéro, érotomane, sadique ou masochiste ?
Les gros mots, je confirme, pour les fluides, j’ose espérer que certaines vidéos et autres photos compromettantes ne sont pas dans tes archives perso, sache que je ne céderai jamais à ton misérable chantage, vilain rascal !!!!

Je vais me permettre de ne pas choisir parmi les trois adjectifs proposés, puisque tous exacts, je me contenterai juste d’en ajouter un… vivant !!!!

Bonecreek - couverture tome 2 C’est quoi ton tatouage là ?
Je t’emmerde, ça ne te regarde pas !!!

Imaginons un tournoi d’arts martiaux entre un militant cacochyme du Klan, un cow-boy mort-vivant, un dieu serpent à plumes et une huître perlière, qui remporte le tournoi ?
Alors, écoute, je me suis fait démonter la semaine dernière par une huître du bassin d’Arcachon qui pratiquait le Viet Vo Dao, alors je n’hésite pas une seconde et donne l’huître vainqueur, et ce, sans même avoir besoin de lâcher une petite perle.

Et si un poulpe gay intervient et prend le gagnant ?
Je te vois venir avec tes gros sabots, tu ne m’entraîneras pas sur un terrain aussi glissant, tu connais ma capacité à la rime et là, le poulpe, il a des tentacules et je risque de… je vais… si si, je vais déraper !!!!

Et sinon, où tu as pris cette habitude de mettre « fuckin’ » dans chacune de tes phrases ? Tu as mal quelque part ?
Oui, je sais, tu aimerais que ce soit à l’endroit où ta tête se trouve le matin, mais non, hormis les fuckin’ douleurs liées à ce fuckin’ job de dessinateur, ça va, la tuyauterie fonctionne !!!
Et je ne dirai pas le mot cul dans cette interview, n’insiste pas.

Un extrait de Bonecreek tome 2 Vas-tu faire un blog un de ces jours, ou tu es trop feignant pour t’y mettre ?
Trop feignant.

Quels seraient tes modèles dans le 9ème Art ?
Tu sais, j’ai 34 balais alors j’ai grandi avec toute la génération de ceux que j’appelle « les grands », mais je n’ai jamais aimé citer des noms, parce que j’en oublie toujours (jamais les mêmes mais tous essentiels !!!). Et puis la notion de modèle m’a toujours dérangé, j’ai aimé des histoires, j’ai rêvé, j’ai appris, j’ai ressenti… et je comprenais leur langage surtout !! Alors, on rejoint finalement la première question, lire de la bande dessinée enfant a forcément contribué aussi à ce que je suis devenu maintenant.

Aimerais-tu te lancer dans d’autres projets, éloignés du western (au sens large) ?
C’est prévu, j’aimerais aussi m’essayer au récit, j’ai mon petit projet perso sous le coude, mais je ne brusque rien, c’est un peu trop intime et ça a besoin de mûrir, rien ne presse.
Quand aux autres projets, j’ai la sale superstition de ne pas aimer en parler tant que ce n’est pas signé, donc…
J’ai juste envie de dessiner des histoires en fait, ça ne va pas très loin finalement, je suis un mec simple !!!!^^

Nico, merci.
Spooky, ce fut un plaisir.
Interview réalisée le 15/03/2010, par Spooky.