Auteurs et autrices / Interview de Sylvain Runberg
Sylvain Runberg aime bien emmener ses lecteurs sur des chemins inconnus, de la Suède profonde aux confins de l’espace, de Londres à la seconde guerre mondiale… Rencontre avec un touche-à-tout.
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Je suis né d’un papa Français et d’une maman Belge il y a 39 ans, j’ai grandi en Provence, fait des études d’Arts Plastiques et d’Histoire politique, puis travaillé en librairie, dans l’édition et je suis maintenant scénariste BD depuis bientôt 6 ans. Je partage mon temps entre le sud de la France et Stockholm, où résident ma compagne et mon fils.
Tes années étudiantes sont assez diversifiées. Tu as également beaucoup voyagé. J’imagine que toutes ces expériences ont nourri ton imaginaire ?
Sans aucun doute. Des séries comme Les Colocataires et London calling sont inspirées d’ expériences personnelles, ce sont des fictions semi-autobiographiques, Mic Mac Adam, Hammerfall et Les Carnets de Darwin sont liés à mon goût pour l’Histoire, un projet comme Orbital est aussi influencé par mon intérêt concernant la politique et la géopolitique, au sens large, Face cachée a été écrit après un séjour au Japon, et un récit comme Les Chemins de Vadstena est ancré dans la Suède contemporaine.
Tu as travaillé aux Humanos -à quel poste d’ailleurs ?- , avant de te tourner vers l’écriture. Des regrets ?
J’avais des responsabilités assez variées. Organisation des tournées de dédicaces, rédaction des documents commerciaux et marketing, présentation des nouveautés aux équipes de ventes, gestion du contenu du site Internet etc. Ca a été une expérience très intéressante, mais d’être ensuite devenu scénariste ? Non : aucun regret ! :)
Ton premier album, le tome 1 d’Astrid, avec Karim Friha, sort en 2004 chez Soleil. Malheureusement il n’y a pas eu de suite…
Et c’est dommage, d’autant plus que l’album avait eu de bonnes critiques et que le trop petit nombre de lecteurs l’ayant lu avaient en général beaucoup apprécié. Mais bon, un premier album jeunesse d’auteurs inconnus lâché tout seul dans les bacs en octobre, période surchargée en librairie, ça ne pardonne généralement pas. Au bout de deux semaines, il avait disparu des rayons. Un classique de la dure réalité éditoriale. Mais ça reste un beau souvenir, et j’aime toujours beaucoup ce livre.
Karim Friha vient de faire un retour remarqué avec Le Réveil du Zelphire. Aimerais-tu retravailler avec lui ?
Oui, et c’est une envie commune. L’année dernière, ça a d’ailleurs failli se faire mais Karim s’est rendu compte qu’entre Le Réveil du Zelphire et ses activités dans l’animation, il n’avait pas le temps nécessaire pour s’atteler à un troisième projet. Mais ça arrivera un jour !
Très vite tu te diversifies, entre Les Colocataires, Hammerfall et Orbital… L’envie de ne pas être catalogué dans un genre ?
Non, pas du tout. Ca reflète simplement mes propres goûts de lecteur ou de spectateur, assez variés. Et l’écriture permettant de se lancer dans des récits très différents, c’est venu très naturellement, dès le départ. C’est quelque chose que j’apprécie dans ce métier, pouvoir ainsi fréquemment changer d’univers.
Orbital a permis de découvrir le dessin de Serge Pellé, qui fait du super boulot. Comment choisis-tu tes dessinateurs ?
En général, je propose mon projet de scénario seul aux éditeurs, et ensuite, s’il est accepté, on se met alors en recherche d’un dessinateur ensemble, après avoir discuté du style de graphisme recherché. C’est ce qui s’est passé avec Orbital et Serge, que j’ai rencontré par l’intermédiaire de Dupuis. Mais depuis quelques temps, j’ai pas mal de dessinateurs qui me contactent directement pour proposer une collaboration, et ce n’est pas plus mal comme ça aussi !
Au début du second cycle de la série, on remarque un gros changement dans le comportement des personnages, en particulier chez Caleb qui essaie d’aller vers la non-violence plus systématiquement… Ce changement est-il conscient ? Te l’a-t-on déjà fait remarquer ?
Je n’aime pas trop les personnages à une seule facette, tout simplement parce que dans la réalité, chacun, selon les périodes, les moments, peut se révéler sous un jour inattendu. Et ça vaut aussi pour Caleb. Pas mal de lecteurs l’ont effectivement remarqué, et ce n’est pourtant que le début...
Combien de tomes va compter la série au final ?
Nous avons déjà les grandes lignes du troisième cycle, les albums 5 et 6. Ensuite, tant que Serge et moi avons du plaisir à développer cet univers et que les ventes sont toujours satisfaisantes pour l’éditeur, il n’y a pas de raison de s’arrêter, Orbital se prêtant à ouvrir de nombreuses possibilités dramaturgiques. Ca ne veut pas dire non plus qu’on va faire durer le projet encore vingt ans :) !
Comment as-tu connu Niko Henrichon, le dessinateur de Hostile ?
Par l’intermédiaire de Luc Brunschwig, qui est un ami, un éditeur et une source d’inspiration !
Le tome 2 de cette série commence à se faire attendre… Niko a quitté la série…
Oui, Niko ne se sentait plus motivé par le projet et a d’ailleurs eu du mal à terminer le premier album. Pour l’instant, le projet est en stand-by, je ne peux pas en dire plus.
Tu as co-scénarisé les nouvelles aventures de Mic Mac Adam avec Luc Brunschwig sur les tomes 4 et 5. Comment s’est passée la collaboration ? Comment es-tu venu là ?
C’est Luc Brunschwig qui m’a contacté pour que l’on co-scénarise les deux derniers albums de la nouvelle série. On se connaissait bien et Luc savait mon goût pour l’Histoire, Mic Mac Adam se déroulant pendant la première guerre mondiale. Ca a été une très agréable collaboration, et travailler avec un dessinateur aussi talentueux qu’André Benn fût un véritable honneur.
Cette série est-elle terminée ou juste mise en sommeil ?
Je ne saurais te répondre, il faudrait poser la question à André Benn, le créateur de Mic Mac Adam.
Au-delà de tes projets personnels, tu intègres donc les univers des autres, comme Kookaburra Universe, ou des œuvres « de commande », comme Les Chemins de Vadstena… Comment t’appropries-tu ces univers ?
J’essaie simplement de respecter les fondamentaux de base des univers concernés tout en y apportant ma petite touche personnelle, pour éviter un copié collé qui n’aurait aucun intérêt, que ça soit pour moi ou les lecteurs. Mais oui, c’est quelque chose que j’aime bien faire.
Sur ce dernier album, la fin m’a semblé trop abrupte, et je me suis senti frustré… As-tu dû faire des coupes dans ton scénario pour « tenir » dans le format ?
Sur Les Chemins de Vadstena, nous avons opté pour un fin assez tranchée, abrupte, car ça correspondait assez bien à ce que ressentaient les personnages concernés. Mais je ne te cache pas que sur un one-shot comme ça, 10 ou 15 pages de plus seraient toujours les bienvenues ! Lisant pas mal de mangas, ou de graphic novels anglo-saxons, c’est quelque chose que j’apprécie, pouvoir prendre mon temps pour développer un récit.
Quels titres lis-tu ?
Sans pouvoir tous les citer, côté mangas il y a Planètes de Makoto Yulimura, 20th Century Boys et Monster de Naoki Urasawa, Zipang de Kaiji Kawaguchi et tout ce que fait Inio Asano (Solanin) que j’adore vraiment, et côté anglo-saxon, Walking Dead de Kirkman et Adlard, Paul Pope, Charles Burns, Fables de Willingham et Buckingham, Ex Machina de K.Vaughan et Harris, Ultimates de Millar et Hitch, l’univers de « Spawn » de Mc Farlane que j’aime bien aussi, DMZ de Wood et Burchielli et enfin Transmetropolitan de Ellis et Robertson qui est un de mes récits préférés !
Les Chemins de Vadstena t’a également permis de revenir un peu vers la Scandinavie qui t’est chère… As-tu d’autres projets se déroulant dans cette région ?
Il y a une nouvelle série qui va démarrer aux éditions Glénat en 2011, avec un dessinateur chinois, qui va se dérouler pendant la période Viking en Scandinavie. Mais là, on sera clairement plus proche de la fantasy et des récits mythologiques nordiques que de l’historique pur et dur. Et j’attends avec un éditeur une réponse pour engager l’adaptation en BD d’un roman suédois, un thriller contemporain se passant à Stockholm, mais là, rien n’est encore fait.
Sur Les Carnets de Darwin, tu fais vivre des aventures imaginaires à un personnage réel, Charles Darwin, de l’époque victorienne. Cette époque semble avoir la cote en ce moment, avec des cross-overs en tous genres entre personnes réelles, personnages classiques et créatures maléfiques… Comment vois-tu cette tendance ?
J’apprécie les récits qui mélangent imaginaire et faits réels, qui peuvent mettre le lecteur en situation de s’interroger sur ce qui tient de la fiction ou de la réalité. Pour ce qui est d’une tendance concernant le XIXème, je crois que cette période a toujours été un support propice aux récits de toutes sortes, mais personnellement, je n’ai pas d’attachement particulier à celle-ci. Pour moi, toutes les époques sont propices à l’imagination.
Darwin a un comportement bizarre… La bête ne serait-elle pas celle que l’on ne croit pas ?
Le Darwin présenté dans cette série a effectivement ses propres « démons intérieurs » à combattre, en plus de ceux qui pourraient éventuellement, je dis bien éventuellement, être la cause de l’enquête qu’il doit mener.
Depuis Hammerfall, tu n’as plus fait de BD « historique », sauf si l’on considère l’époque des Carnets de Darwin. Vas-tu revenir à des projets historiques à l’avenir ?
En plus du récit Viking à paraître chez Glénat, je travaille avec Thibaud De Rochebrune sur une nouvelle série se déroulant au XVIIIème siècle, mettant en scène un jeune aventurier suédois (et oui ;)), Tomas, qui parcourt le monde pour y confronter ses idéaux, et qui va paraître en 2011 chez Dupuis.
Ensuite il y a "Reconquêtes", avec François Miville-Deschênes au dessin et à la couleur directe, un récit historique/fantastique qui a pour héroïne principale une scribe envoyée par le roi de Babylone pour couvrir une guerre opposant des nomades Scythes au royaume Hittite, plusieurs millénaires avant notre ère. Le premier tome paraîtra aussi en 2011, chez Le Lombard. Et normalement, un projet médiéval se déroulant après la Guerre de Cent Ans, co-écrit avec Sylvain Ricard et mis en images par un dessinateur italien devrait aussi voir le jour la même année, aux éditions Quadrants. Donc, oui, l’Histoire est plus que jamais d’actualité en ce qui me concerne.
London calling a été originellement publié dans la collection 32 de Futuropolis, il me semble, avant de ressortir dans une pagination plus élevée. Sur le plan de l’intrigue, cela a-t-il changé beaucoup de choses pour toi ?
Ca a demandé à ce que je retravaille le récit sur un nouveau rythme, mais sur le fond, sur le contenu du projet, ça n’a rien changé, non.
Toi qui travailles chez Dupuis entre autres, tu n’as jamais eu envie de réaliser toi aussi un one shot de Spirou et Fantasio ? Avec Serge Pellé par exemple…
Je ne serais pas contre.
Venons-en à Face cachée, le diptyque dont le premier volet vient de sortir chez Futuropolis… Pas facile de raconter le quotidien d’un salary man japonais, tant parfois cette culture peut nous sembler exotique… Qu’est-ce qui t’a donné envie de raconter ce roman graphique ?
Il est né d’une idée que j’avais en tête depuis des années, sans réussir à trouver le bon cadre pour donner corps au récit de ce thriller psychologique. Et alors que je traînais le personnage principal et son histoire depuis des années sans réussir à le poser quelque part, je me suis rendu à Tokyo, une ville que j’ai adoré. Et là, tout s’est mis en place dans mon esprit, naturellement. Du coup, j’ai utilisé ce que j’ai vu ou compris là-bas pour écrire Face cachée, ainsi que de nombreuses conversations avec des amis japonais ou connaissant le Japon, auxquels je faisais lire mon synopsis, pour éviter les impairs.
Le titre, particulièrement bien trouvé, permet une double lecture de l’histoire, d’autant plus que la fin du tome 1 laisse planer le doute…
Je ne te le fais pas dire. Et je n’en dirai d’ailleurs pas plus ! :)
Quels sont tes projets, tes prochaines sorties ?
Fin septembre 2010 sort le T4 d’Orbital, « Ravages », qui clôt la fin du second cycle, puis 2011 verra la parution de la deuxième partie de Face cachée, du deuxième tome des "Carnets de Darwin", ainsi que d’une nouvelle série d’anticipation aussi publiée par Le Lombard dans la collection Troisième Vague, ainsi que les 4 autres nouveaux projets déjà évoqués plus haut. Plus, qui sait, quelques autres encore ?
Sylvain, merci.
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