Auteurs et autrices / Interview de Dobbs
Dobbs est surtout connu pour se histoires de tueurs en série. Spécialiste du cinéma, il s'est également lancé depuis quelques temps dans des scenarii mettant en scène des figures victoriennes au sein de la collection 1800 chez Soleil.
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Faux glandeur et faux méchant, je suis auteur à tendance maniaco-cinéphilique.
Nous allons donc parler essentiellement de ta carrière d’auteur de BD… Tu es d’abord passé par la case jeux video et jeux de rôle. Es-tu toi-même un gros joueur ? Quels sont tes titres préférés ?
Je fus un très gros adepte des jeux de rôles (licence AD&D), des séries tactiques à la Warlords/Warcraft/Starcraft et de certains FPS depuis Doom. N’ayant plus trop le temps, je me réserve désormais aux jeux vidéo « fractionnables », avec petites parties vite fait comme sur la DS (oui, je suis devenu casual gamer)… Idem pour les jeux de plateaux traditionnels, mais là je n’ai carrément plus le temps, c’est fort dommage… Mais bon depuis ma période console de jeu Atari 2600 et Vectrex, et mes tests de jeux PC, j’en ai eu pas mal dans les pattes : je peux me reposer maintenant. Quoique… j’ai testé Stacraft 2 et ça me titille…
A la même époque à peu près, tu commences à écrire des gags pour la série « Après la Classe », publiée au journal de Mickey, avec Fenech au dessin. Cette série n’a pas connu de publication en album ?
Non, elle faisait partie d’un encart thématique de l’époque appelé Récréazone, je crois. Un fourre-tout très intéressant avec plein de créations en strips plus ou moins décalés. J’ai bien aimé cette époque dans la mesure où écrire un truc court humoristique est un exercice vraiment ardu. Chapeau aux auteurs qui arrivent à se renouveler dans ce créneau !
Ta première série est Welcome to Paradise, une histoire de tueurs en série comme on en produit des tas aux Etats-Unis… Qu’est-ce qui t’a amené vers ce sujet ? Ta courte carrière en sociologie ?
Hahaha, non. En fait, c’est dans l’optique de fabriquer en BD un terrain fantasmatique bien connu au cinéma (U-Turn, Red Rock West…) et TV (Twin Peaks…). Pour moi, c’était une expérience d’écriture pour savoir comment aborder une narration BD longue avec de grosses analogies cinématographiques.
Comment as-tu rencontré Guglie, le dessinateur de l’album ?
Grace à un ami commun, Louis (le dessinateur de Tessa, Agent Intergalactique et 42 agents intergalactiques). On s’est rencontrés sur un de ses anciens forums : on a sympathisé autour de projets assez noirs. Son style comics grotesque, très ombres portées, m’a plu très vite. On est devenus amis comme ça, magie d’internet.
A quand la suite ?
Je voulais boucler la série avec un gros tome 2, Carabas ne donne pas suite c’est dommage. Je verrai si un autre éditeur veut récupérer la série pour que je puisse y apporter la touche finale. En tout cas, je retravaillerai avec Simone Guglielmini (Guglie), c’est sûr.
Peu après tu rencontres le Mal en personne, à savoir Jean-Luc Istin, grand manitou chez Soleil, qui te propose de travailler sur plusieurs projets… En commençant par des récits sur des tueurs en série. Quelles contraintes as-tu eu pour ces premiers pas chez l’éditeur toulonnais ?
C’est un exercice technique dans tous les sens du terme : cela me permettait de rentrer chez Soleil sur des tomes unitaires présentant la biographie de tueurs en série que je connaissais bien du fait d’une thèse sur le sujet. Je ne voulais pas faire du collectif comme les précédents tomes de la collection Serial Killers, mais je voulais tout de même m’essayer sur des sujets où les contraintes de formes étaient assez marquées. Faire le topo d’une vie criminelle en 46 planches n’est pas aisé, et on fait des impasses, des choix. On est tenu par quelque chose qui nous dépasse.
J’ai presque eu l’impression d’un exercice scolaire, un exposé clinique, en lisant ces deux albums… N’y aurait-il pas mieux valu faire quelque chose d’un peu plus passionné, notamment en prenant en compte l’impact de ces personnages sur la société américaine contemporaine ?
Dépassionner le débat était tout de même un des points importants pour faire une sorte de docu frisson comme on en voit à la TV. Pas de gratuité, pas de choses trop crues, un peu de sang, un peu de didactique, un peu de technique policière… le tout en replaçant ces criminels dans leurs époques respectives.
Comment expliques-tu le fait que ceux qui ont aimé Ted Bundy n’aiment pas Ed Gein, et inversement ?
J’ai choisi de travailler sur ces deux axes car ils sont opposés, et cela m’a évité de m’enfermer dans un travail de ce genre. Ayant œuvré sur deux tueurs aux antipodes dans des époques remarquablement différentes (l’Amérique rurale des années 1950 avec une patte old school horror style EC Comics, et une Amérique moderne urbaine froide, très dépersonnalisé pour les années 1970), je pouvais m’arrêter là. Les amoureux d’une vraie narration et les bédéphiles ont préféré me semble t-il Ed Gein et les adeptes de techniques policières Ted Bundy…
Après Ed Gein et Ted Bundy, qui sera le prochain à se faire aligner par Dobbs ?
J’aime les méchants de service c’est un fait, mais les tueurs en série ne me fascinent pas. Je n’ai pas envie d’être catalogué spécialiste comme je l’ai été à la fac (rire). Le monde est plein d’autres malfaisants auxquels je peux « m’attacher ». Ted Bundy est mon dernier portrait dans cette collection Soleil.
J’ai cru lire que tu travailles aussi pour la collection des "Secrets du Vatican" ? Un tueur en série sur la Place Saint-Pierre, ça pourrait le faire non ?
J’ai déjà écrit deux tomes dans cette série pour laquelle je cherche encore un dessinateur. Mon objectif est de faire du thriller d’espionnage/action contemporain, ce qui n’empêche nullement d’utiliser des tueurs, quels qu’ils soient, hehehehe. Mais chut, tu en sais déjà trop Spooky.
Depuis cette année tu as aussi investi la collection 1800, qui mêle des personnages réels et fictifs de l’époque victorienne. Beaucoup de mythes littéraires étant nés à cette époque, il y a de quoi faire j’imagine ?
L’objet de cette collection atypique, dirigée par Jean-Luc Istin, est effectivement d’adapter des romans de l’époque ou de faire se rencontrer le réel historique et les fantasmes victoriens des auteurs : entre hommages, transpositions, créations et passé alternatif, la transtextualité y est donc très riche. Les possibilités sont énormes…
Mister Hyde contre Frankenstein. Pourquoi ces deux personnages, parmi les plus emblématiques de l’époque victorienne ?
Jean-Luc avait cette idée folle de les faire se rencontrer. Il ne restait qu’à trouver le pourquoi et le comment, puis de se faire plaisir. Deux monstres créés par la science « déviante » qui permettait à l’homme de jouer à Dieu, voilà quel en était l’intérêt premier du crossover.
Le récit sera bouclé en deux tomes, ce qui est visiblement la constante de la collection. Tu n’as pas eu de mal à y faire rentrer tes deux stars ?
Si, mais l’enjeu du chiffre deux était important. Non pas que la collection l’exige au final, mais un diptyque me paraissait intéressant afin de présenter une histoire de doubles et de faire une boucle. On peut lire cette mini-série en ne connaissant pas les œuvre de Shelley et de Stevenson, mais on peut aussi l’interpréter comme une possible passerelle entre les deux (du moins, s’il on accepte le fait que j’ai pu retoucher la fin de Frankenstein ou le Prométhée moderne).
Pourquoi est-ce Gérald Parel qui fait les couvertures de cette série ?
Parce que c’est devenu un ami, et que je lui ai demandé tout simplement. Je connaissais bien son travail chez Delcourt et Marvel, j’avais envie de collaborer avec lui, et une chose en entrainant une autre je lui ai proposé de me faire les couvertures des deux tomes. Cela nous a pris du temps pour les élaborer et garder l’esprit du dessin d’Antonio. Il y a de nombreuses références dans le livre, mais également sur les couvertures.
Le tome 2 arrive maintenant. J’imagine que ce temps réduit (6 ou 8 mois) entre les deux tomes était voulu ?
On a un peu retardé la sortie du tome 1, et comme nous avions déjà commencé le travail du tome 2 les choses ont pu être possibles dans le temps imparti. Cela permet d’avoir des sorties proches et de respecter les attentes des lecteurs qui n’ont pas longtemps à attendre pour boucler l’histoire.
Tu sembles travailler surtout avec des dessinateurs italiens… Un hasard ? Un choix ?
A partir de ma première collaboration avec Simone Guglielmini, je me suis fait pas mal de contacts italiens travaillant ou non pour l’éditeur Bonelli (des gens très polyvalents, capables d’œuvrer avec rapidité sur des narrations très différentes). J’ai enfoncé le clou lorsque l’on m’a proposé de travailler avec Alessandro Nespolino et Alessandro Vitti pour les Serial Killers. Ensuite tout s’est organisé avec les disponibilités des uns et des autres en fait. Mais je n’ai pas travaillé qu’avec des Italiens, puisque j’écris pour DimD (Les Mines du Roi Salomon) et pour Benjamin Loirat (pour la collection Celtic sur un nouveau projet). D’autres collaborations sont en cours, avec des… Italiens (rire).
Parlons de ta nouvelle série, « Allan Quatermain et les Mines du Roi Salomon »… c’est une mini-série en deux parties, mais en quoi Allan Quatermain fait-il partie du XIXème siècle ?
L’auteur de ce roman d’aventure est le pionnier du genre littéraire « lost world » avec une publication en 1885. En effet, Henry Rider Haggard a travaillé sur plusieurs romans se déroulant durant la course à l’Afrique avec tous les préjugés liés au 19ème siècle. Son « héros », Allan Quatermain, qui a tant inspiré le cinéma et d’autres écrits d’aventures et de chasses aux trésors, est devenu une sorte de prototype assez remarquable.
D’autres projets en cours ?
Oui, plusieurs notamment : un thriller contemporain en recherche de dessinateur, une série en cours de réalisation dans la collection Celtic, et une quatrième série pour 1800 en écriture à l’heure actuelle.
Sur ton blog on peut voir des wip concernant la couverture du tome 1 de Mister Hyde contre Frankenstein. Vas-tu renouveler ce genre d’articles, très intéressant ?
Oui, tout à fait. On m’a, à plusieurs reprises, demandé comment se constituaient des BD, quels étaient les protocoles et autres méthodologies de la collaboration entre auteurs etc. Ca me semblait intéressant de montrer aux lecteurs l’envers du décor avec toutes les étapes successives de création d’un tome.
Tu es enseignant chez ArtFX, école supérieure technique des effets spéciaux et de l'animation 3D sur Montpellier. Quelle est ta spécialité ?
Depuis une bonne dizaine d’années maintenant, je suis formateur en histoire du cinéma et en analyse filmique. Donc j’essaye à mon niveau de contribuer à la culture ciné/TV des étudiants des différentes classes, et de leur faire « bouffer » du film de façon intelligente… de la série Z jusqu’aux blockbusters en passant par les mouvements/écoles incontournables du 7eme Art. Il m’arrive aussi de leur parler BD, et les groupes de 2eme année font depuis l’année passée un exercice de bandes annonces BD en partenariat avec Soleil.
D’une manière générale, on te sent très influencé par le cinéma dans tes histoires. Quels sont tes mentors du 7ème Art ?
Cela ne va pas être très évident pour moi comme réponse, tout comme il m’est très difficile de définir mon film préféré. En tout cas, il y a de nombreux cinéastes dont j’admire le travail et c’est plutôt quelque chose de l’ordre d’une liste internationale assez globale : Lynch, Kurosawa, Woo, Nolan, Tarantino, Burton, Eastwood, Welles, Kubrick, Leone, Gilliam, Watkins, MacTiernan, Verhoeven, Dante, Frears, Audiard, Pollack… Mais s’il fallait nommer des cinéastes qui m’ont assez marqué, ça serait de l’ordre de Milos Forman, des frères Coen, de Wes Anderson et plus récemment de Zack Snyder.
Je me suis laissé dire que tu appréciais beaucoup l’univers de Tolkien. Tu n’as jamais été tenté d’écrire une histoire de fantasy ?
La fantasy au sens conventionnel du terme demeure trop manichéenne pour moi, avec cette structure quasi immuable autour d’une quête, d’une communauté alliée contre un mal destructeur, d’un(e) élu(e) etc. Ma tasse de thé serait plutôt la light fantasy à la Pratchett et Goldman, ou encore la dark fantasy plus « anti-héroique. » Je suis en train d’écrire de la sword & sorcery urbaine, nous verrons bien ce qu’il en sortira de « bon » hehehehe…
Olivier, merci.
Crédit photo : Tiziana Annesi-2010
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