Auteurs et autrices / Interview de Fabien Nury
En quelques séries et six ans de carrière, Fabien Nury est devenu l’un des scénaristes les plus en vue de la Bd franco-belge. Dialoguiste de génie au découpage redoutable, il n’a pas dit son dernier mot…
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J’ai 34 ans, je suis d’origine ardéchoise.
Je suis scénariste à temps plein depuis 5 ou 6 ans, ce qui est l’aboutissement d’un rêve de gosse : raconter des westerns, au cinéma ou en BD. Je n’ai pas encore fait de western pur, d’ailleurs, mais je ne désespère pas. Et il y a d’autres genres que j’aime.
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J’ai fait des études de commerce, qui ne m’intéressaient pas beaucoup. Je cherchais un métier qui lui, me passionne. Je me suis dit qu’écrire était une possibilité, c’était techniquement faisable, et cela s’appliquait à mes deux médias préférés : cinéma et BD. Donc, je me suis mis à écrire des scripts, sur mon temps libre. Puis j’ai fait des rencontres, des stages chez des éditeurs, etc. C’est-à-dire que j’ai cherché des gens susceptibles de lire ce que j’écrivais, et d’en faire quelque chose.
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Euh… Avec Xavier Dorison et Christian Rossi, je n’avais pas vraiment de mérite ! Le concept originel est de Xavier, et il m’a donné la chance de ma vie en me proposant de l’écrire avec lui. Merci, Xavier… Et Christian est arrivé ensuite, ce qui signifiait tout de même qu’un GRAND dessinateur allait transformer notre scénario en BD. Tout devient plus facile, avec des comparses comme ces deux-là.
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On discute, on prend des notes, on discute, on prend des notes… Et puis quand l’histoire est construite, l’un de nous se met à écrire telle ou telle scène, et l’autre la réécrit. Et le premier la réécrit de nouveau… Etc.
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Renaud a presque fini le tome 3, qui sort en janvier. Et le tome 4 est écrit et dialogué. Il devrait lui aussi sortir en 2011, et boucler le cycle 2. Ensuite on verra, mais la trame d’ensemble de la série est déjà écrite.
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Oh oui, et pas qu’un peu. Il faut juste que chacun ait droit à sa présentation et à son parcours solitaire, pour qu’ensuite, quand la confrontation aura lieu, il ait les armes et l’état d’esprit requis… Mais je vous rassure, ils ne vont pas se faire de cadeaux. Ou alors, empoisonnés…
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C’est Philippe Hauri, éditeur aux Humanos à l’époque et chez Glénat maintenant, qui a raconté l’histoire à John, au ComicCon de San Diego. John a lu, il a aimé, on s’est lancé dans l’aventure.
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Ce n’est pas l’anglais qui pose un problème, mais c’est tout de même une question de langage : on ne découpe vraiment pas de la même manière, en comics et en BD franco-belge. La narration est très différente. Mais John a joué le jeu, et moi aussi ; sur le 2 et le 3, j’ai écrit un scénario au format « film dialogué », et il l’a adapté en BD. Une contrainte était bien sûr d’écrire tout le script d’une traite, pour les 3 tomes.
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D’un des premiers plans du film « La Forteresse Noire », de Michael Mann. Et puis l’enfant démoniaque ou possédé est une « tarte à la crème » du genre fantastique : à ce sujet, le chef d’œuvre est à mon avis « Les Innocents » de Jack Clayton, d’après « Le tour d’écrou » de Henry James. Regardez-le, ça vous cloue au mur.
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Ils ont raison. J’ai fait l’erreur de confondre film (ou roman) et bande dessinée, et John a renforcé ce défaut, car malgré toutes ses qualités, certains de ses personnages se ressemblent physiquement… Et vu qu’en plus, ils sont presque tous en uniforme… C’est plutôt coton à suivre. Maintenant, si c’était à refaire… Hé bien, en fait, je VAIS le refaire ! Ou plutôt, je vais faire « Les Chroniques de Légion », qui exploitera le même concept fantastique du « sang éternel » dans des univers historiques différents, et avec un tout autre style narratif. Ce sera à vous de juger du résultat.
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Un film est un ouvrage collectif, très cher et très compliqué. Une BD est plus libre, de ce point de vue. Mais on n’a pas de son, et le nombre de cases et pages est limité… Le reste découle de ces différences simples. Je pense que Xavier et moi sommes devenus de meilleurs auteurs de BD après avoir écrit ce film ; mieux vaut faire l’expérience des différences, que simplement les expliquer.
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Le film n’a pas fait assez d’entrées pour qu’il y ait une suite. La BD a bien marché, mais bon... Tous ces problèmes de droits… Mais c’est drôle que vous me parliez de « La bande à Bonnot », car je travaille justement à un projet audiovisuel sur le sujet. Comme ça, j’aurais œuvré dans les deux camps, police et anarchie !
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Je suis légion a été optionné et adapté, mais je ne sais pas si le film se fera, et encore moins quelle tête il aura. Pour mes autres séries, il y a des intérêts marqués, surtout avec Il était une fois en France. Mais c’est cher, compliqué, aléatoire… Il ne faut pas fermer la porte, mais pas compter dessus non plus !
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J’ai écrit, et je continue d’écrire, plusieurs scénarios de film, financés et développés par des sociétés de production. A ce jour, il n’ont pas été tournés. Donc je continue, mais je ne compte pas dessus. Les BD, elles, je dois souvent les attendre, mais elles finissent pas sortir, et parfois elles sont conformes à mes attentes. Pourquoi arrêterais-je ? La BD est un formidable laboratoire, qui peut justement servir à raconter les histoires qui ne verraient pas le jour sur d’autres supports. Un exemple : j’ai écrit « Atar Gull », une histoire d’esclaves particulièrement féroce, et en ce moment Brüno m’envoie des pages formidables. Il y a des bateaux, des abordages, l’Afrique, la Jamaïque… L’histoire est adaptée d’un roman d’Eugène Sue, qui date de 1830 : c’est tragique, parfois atroce, et toujours sans concessions. En film, c’est impensable. En BD, c’est un rêve.
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Merci ! Un détail m’amuse à ce sujet : il y a six ans, j’ai proposé le sujet à des producteurs. Un Juif collabo ? Ils m’ont traité de fou, ou presque… Mais maintenant que les BD existent et marchent, ils changent de discours. Vive la BD !
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J’ai essayé de décrire honnêtement le personnage, d’après ce que j’avais retenu d’une documentation abondante, et souvent contradictoire. C’est une fiction, et non une thèse d’histoire… Mais j’ai essayé d’inventer aussi peu de choses que possible, et toujours de dramatiser (simplifier, condenser) les éléments réels.
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Regardez des photos d’époque. Il n’est pas si caricatural, ce dessin. Et surtout, il est EXPRESSIF et SUBTIL. Je crois que Sylvain est un grand dessinateur, et que cet univers était « en lui » depuis de nombreuses années. Cela se voit à chaque page qu’il dessine.
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Oui. Vous savez, c’est une histoire vraie, le personnage vieillit et meurt. On ne va pas lui inventer des aventures supplémentaires, simplement parce que la série marche.
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Oui, c’est un hommage. Je trouve aussi que le destin de Joanovici permettait un tel titre. Et oui, Leone est un génie, il m’a fait rêver enfant, plus que tout autre. D’ailleurs, j’ai revu « Il était une fois dans l’Ouest » et « …La révolution » en salle, le mois dernier, en copie neuve. Quelle claque ! On connaît ces films par cœur, presque plan par plan, et pourtant on les découvre, on les vit de nouveau. On sort de la salle hypnotisé, béat. C’est pour ce genre de films que le cinéma a été inventé.
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Il y en a tellement ! En ce moment, je me refais un cycle « western » : Delmer Daves, Anthony Mann, Robert Aldrich et d’autres… Le Jardin du diable, L’Homme sauvage, 3h10 pour Yuma, La Colline des potences, L’Homme de l’ouest, Fureur apache, etc. Je ne m’en lasserai jamais. En revanche, pour les adaptations, je préfère les romans ou les histoires vraies.
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Non, cette histoire devait être bouclée en deux tomes, je n’ai rien à dire de plus sur ce thème. Voilà une série où je changerais beaucoup de choses, dans le scénario. Surtout dans le tome 1 : il faudrait couper toutes les scènes où Gordon Devries n’apparaît pas, pour raconter l’histoire uniquement de son point de vue. C’est ce que j’ai fait dans le 2, mais il était déjà un peu tard… En fait, plus j’écris, plus je me méfie du montage alterné : c’est trop souvent une facilité, et cela peut amoindrir le point de vue et l’identification.
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Maurin est un ami d’enfance. On se voit, on bouffe et on cause… Il avait écrit une histoire sous forme de roman. Nous repartons du point de départ, pour faire une BD. C’est une aventure entre amis sur une histoire d’amitié. Nous sommes tous les deux des admirateurs de L’homme qui voulut être roi, entre autres… On rigole bien ensemble.
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Oui. C’est Blaise Cendrars qui avait adopté un hérisson, pendant la Grande Guerre. Je suis incapable d’inventer ce genre d’anecdotes.
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Ils vont surtout aller au bout de la Guerre du Rif ! Après, on verra qui s’en sort, et pour aller où…
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L’essentiel est de coller aux personnages, de leur donner une humanité. C’est LEUR humour, et ce sont LEURS drames et dilemmes. Après, les grandes histoires d’aventure se distinguent souvent par leur liberté de ton : on passe de la comédie à la violence sans prévenir, et vice versa. Mais c’est un peu la vie, ça, non ?
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Les éditeurs de 12Bis nous ont présenté Merwan, et c’est lui qui nous a présenté Fabien. Ils sont amis, ils ont beaucoup d’énergie et de talent. On est bien tombés, avec eux !
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Quatre.
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J’avoue, je ne l’ai pas fait exprès. Cette période me fascine, avec tous ses drames, ses horreurs planétaires et ses destins exceptionnels… Elle est suffisamment lointaine pour me faire rêver, et suffisamment proche pour que je la comprenne.
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La Mort de Staline se déroule intégralement en 1953 et raconte les circonstances et conséquences du trépas de cet invraisemblable tyran, qui a régné sur la moitié du monde. C’est une histoire vraie… soviétique ! Je suis tombé sur cette histoire en découvrant des vieux bouquins de mon grand-père. J’ai adoré. Je pensais que ce serait une bonne matière à thriller historique et politique, mais le contenu réel est tellement absurde que c’est devenu une comédie noire ! Je vous assure, malgré le titre, c’est vraiment drôle. Horriblement drôle… La seule référence que j’ai en tête serait Docteur Folamour, pour sa mise en scène de l’absurde, du décalage entre trivialité et enjeux mondiaux…
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C’est un petit miracle ! Thierry se passionnait pour l’univers stalinien depuis 10 ans, et c’est un formidable dessinateur et narrateur. J’ai découvert « Rouge de Chine » adolescent, et cela m’a marqué. Son style renforce justement l’ironie, l’aspect « comédie noire » de la chose, tandis que son érudition sur le sujet assure une crédibilité maximale. C’est comme avec Sylvain, pour « Il était une fois en France » : je ne peux plus imaginer cette histoire autrement qu’avec son trait. C’est Olivier TaDuc qui nous a mis en relation. Merci, Olivier !
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Je suis content, j’en ai plein. Il y a la fin du cycle 3 de W.E.S.T, en mars. Le « XIII mystery » sur Steve Rowland, que Richard Guérineau est en train de dessiner. Les suites (et fins) des séries en cours : Le Maître de Benson Gate, La Mort de Staline, Il était une fois en France, L'Or et le Sang. Un diptyque sur un détective dans l’univers la Première Guerre Mondiale. Plus les titres que j’ai déjà cités… Et un de ces jours je le ferai, mon western ! « Inch’allah », comme disent Calixte et Léon…
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