Auteurs et autrices / Interview de Jérémy
Jérémy fait le bonheur des lecteurs de Murena et de la Complainte des landes perdues puisqu’il en assure les couleurs depuis 8 ans. A l’occasion de la sortie de sa première BD en tant que dessinateur, nous sommes allés à la rencontre de ce jeune talent prometteur…
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Heureux, bien sûr, de voir l’album imprimé et distribué dans les bacs. Je l’avais terminé depuis fin 2009, j’avais hâte qu’il sorte. Me voilà en pleine promo de l’album, avec les dédicaces et interviews. La rencontre avec les lecteurs est tout de même un moment privilégié.
Nous allons parler un peu de toi. Qu’as-tu fait avant de devenir le coloriste attitré de Murena et de La Complainte des landes perdues ?
Professionnellement, rien de concret. Mon travail de coloriste sur les planches de Delaby est mon premier travail rémunéré. Je sortais d’études supérieures à l’académie des beaux-arts de Tournai, études que j’ai abandonnées pour rejoindre l’atelier de Delaby.
Comment as-tu rencontré Philippe Delaby ?
J’avais 15-16 ans, ma mère travaillait (travaille toujours) à la même école que la femme de Delaby. Ils sont venus souper un soir à la maison, je lui ai montré mes dessins, et c’est ainsi que nous nous sommes connus. C’était il y a une dizaine d’années.
Avant de le rencontrer tu étais semble-t-il plus inspiré par le manga ; ce style est-il définitivement banni, ou t’amuses-tu encore à l’utiliser ?
Toute culture est bonne pour notre enrichissement personnel, de ce fait, il serait idiot de rejeter complètement ce qui m’a attiré durant toute mon adolescence. J’essaie, à ma manière, d’apporter quelques codes provenant du manga, et de les adapter dans mon travail.
Donc tu as mis en couleurs à ce jour les tomes 5 à 8 de Murena et le tome 6 de la Complainte. Comment passes-tu de l’un à l’autre ?
Passer d’un univers à l’autre ne se fait pas d’un claquement de doigts. Je parviens à me mettre dans l’ambiance grâce à la musique. Rien de tel que de plonger son espace de travail dans une ambiance celtique avant de prendre les pinceaux pour peindre les landes…
Ton travail sur Murena, mais encore plus sur La Complainte des Landes perdues, est juste fantastique. Delaby te donne-t-il beaucoup de directives sur les ambiances et les trames, ou te laisse-t-il la bride ?
La liberté est totale. Certaines teintes sont données par le scénario ou par les envies du dessinateur (costumes, ambiance, chevelure…). A part ça, Delaby me faisait entièrement confiance. Il connaît mes goûts et les partage, ce qui facilitait grandement la tâche !
Et voilà que Jean Dufaux, en 2007, te propose de travailler sur Barracuda… Lui avais-tu parlé d’envies particulières ?
Ayant lu nombre de ses bd, et connaissant sa façon de travailler, je pouvais lui faire confiance. Je savais qu’il trouverait un point de vue original à exploiter pour Barracuda. Il m’arrive rarement de lui demander des éléments plus particuliers… Ce sont souvent des détails, qui me permettent d’apporter quelque chose graphiquement.
Ton style est fortement inspiré par –ou proche de- celui de Delaby… Ne crains-tu pas qu’on te le fasse remarquer souvent ?
L’ayant connu durant mon adolescence, et ayant évolué ces 8 dernières années à ses côtés dans son atelier, logique qu’une telle expérience laisse des marques. On me le fait remarquer, et je ne nierais pas la familiarité dans le trait. La couleur n’aide pas non plus à m’en éloigner, vu que la technique utilisée est la même que pour Complainte et Murena. Ceci étant, Jean et moi tentons, au fur et à mesure, à exploiter ce qui m’est propre, ce qui me différencie donc de mon influence principale. Je crois qu’avec le temps, mon dessin s’éloignera de plus en plus de l’école Delaby, sans pour autant aller jusqu’à renier mes premières influences.
J’imagine que tu as travaillé avec de la documentation… quelques titres ?
Je ne connais pas tous les titres de mémoire… Disons que je tente de me procurer tous les bons bouquins qui sortent sur la piraterie. A l’heure actuelle, internet est aussi une bonne base pour la recherche, ainsi que tous les films de pirates. Tout peut servir là-dedans…
En dédicace, il est courant que les lecteurs demandent un dessin "sexy" d'un personnage. Comment réagirais-tu si cette demande t’était faite avec comme sujet un(e) des enfants de la série ? Sans tomber dans la pédopornographie (j'insiste : il n'est pas question de parler de pédopornographie dans la bd), n'as-tu pas peur de verser dans une sorte de pédo-érotisme ?
Les gens que j’ai rencontrés en dédicaces sont tout à fait conscients que mes 3 personnages principaux ne sont encore que des adolescents ! Ils gardent eux-mêmes une certaine pudeur vis-à-vis de leur âge, moi aussi. Mais les adolescents vont grandir ; dès le début de Barracuda 2, quelques années se seront écoulées…
Pourquoi, lorsque le gamin rentre (et découvre) la maison de Flynn, la seule pièce éclairée est-elle celle qui lui servira de chambre ? A ce moment de l'histoire, personne ne sait qu'il va la choisir comme chambre, pas même lui. Il me semble que c'est le salon qui doit être éclairé et non une chambre jusqu'alors inutilisée.
Excellente remarque… Dans le scénario, la chambre était éclairée par des bougies. Jean m’a dit que Flynn avait ses raisons de vouloir acheter Emilio (raisons qui seront dévoilées plus tard, qui ont un rapport avec le passé de Flynn). Sans doute était-il si persuadé de son achat, que la chambre était prête pour son arrivée. C’est ce que je me dis.
Depuis trois ans que tu bosses sur la série, as-tu retravaillé certains passages du tome 1 ?
Non, je ne reviens quasiment jamais sur les planches réalisées. J’aimerais bien, parfois, mais si je commence à faire ça, je n’avancerais plus sur la suite. Je préfère me souvenir de mes erreurs pour ne plus les répéter par la suite. Si j’ai mis autant de temps à réaliser cet album, c’est parce que je jonglais avec mon travail de coloriste.
Barracuda tome 1 est sorti le lendemain de ton vingt-sixième anniversaire je crois… Superbe cadeau non ? C’est un hasard ?
Hasard. Comme il m’en arrive souvent avec les dates. Je reçois le scénar de Barracuda 1 le jour de l’anniversaire de celle qui est devenue ma femme, je termine Barracuda 1 le dernier jour de 2009, je reçois Barracuda imprimé la veille de mon mariage… Rien de tout cela n’a été calculé, mais les coïncidences sont amusantes à relever.
Pourquoi seul ton prénom apparaît-il sur la couverture, et pas ton nom ? « Plus court, moins compliqué », dis-tu sur ton blog…
Il est évident que je n’ai pas un très beau nom de famille… Il était un moment question que je prenne un pseudo, en même temps pour me différencier de mon travail de coloriste où là, je gardais mon nom entier. Quel que soit le pseudo que je prenais, je me disais que je regretterais ce choix. Jean m’a alors conseillé de garder mon prénom comme nom d’auteur, conseil que j’ai suivi.
Coloriste sur deux séries majeures, et dessinateur sur une série très attendue. Tes journées doivent être bien remplies à présent…
C’est sûr que je ne chôme pas. La promo pour Barracuda 1 me prend aussi pas mal de temps actuellement, et il faut que j’avance sur le second tome ! Le principal est que je m’amuse !
En 2008 tu expliquais sur ton blog que le tome 1 de Barracuda sortirait lorsque tu serais sur le troisième… As-tu réussi à tenir tes délais ?
Non, les choses ont changé depuis. Barracuda 1 est effectivement terminé depuis fin 2009, mais le travail sur les couleurs de Delaby est tel que je ne parviens pas à avancer à bonne allure sur Barracuda, puisque mettre en couleur un Murena ou un Complainte, c’est un travail qui représente 6 mois. L’éditeur avait prévu la sortie de Barracuda 1 depuis plus d’un an, il comptait bien sortir la bd, où que je sois dans l’avancement de la suite.
Question qui découle logiquement : une idée des dates de sorties ?
L’éditeur (Dargaud) souhaite une sortie un an après le premier. Le seul moyen que j’y parvienne est de me consacrer uniquement à ce projet. Vu les délais à respecter, Murena 8 sera donc le dernier album que je mettrai en couleur pour Delaby.
Puisque tu annonces que tu vas arrêter ton activité de coloriste pour te consacrer pleinement à Barracuda. Quel regard portes-tu sur ces 8 années aux côtés de Delaby ? Sais-tu qui va prendre la relève pour les couleurs de ses albums ?
J'en garde une belle expérience, et au-delà de tout ce que j'ai pu apprendre, j'y vois une belle amitié. Et ça, il n'y a pas de raisons que ça cesse. Quant à la relève, je ne sais pas. Je ne crois pas que Philippe ait déjà trouvé quelqu'un.
Quelles sont tes techniques ? Comment alternes-tu les travaux ?
Assez classique, dans l’ensemble. Je crayonne et j’encre comme beaucoup d’auteurs, et je mets en couleur à l’aquarelle. Après, j’alterne les mois où je travaille sur les n/b et les couleurs. C’est cette alternance qui dynamise mon travail, le fait de varier les plaisirs, ne pas toujours se contenter de ne faire que du crayonné…
Tu es un passionné de cinéma (comme Jean Dufaux et Philippe Delaby d’ailleurs), et tu dis que les deux media sont liés… Comment approfondirais-tu cette affirmation ?
Il y a beaucoup de façon de percevoir la bd aujourd’hui. La bd façon cinéma est une optique qui nous plaît, à Jean, à moi et à tous les auteurs avec qui il travaille. Nous travaillons alors en termes de casting, de cadrages, de point de vues, de rythme… Nos influences sont aussi cinématographiques, et les films sont souvent notre principal sujet de discussion à table.
Quels sont tes projets ?
Pour l’instant, je me plais dans ce monde de pirates. J’attends de voir comment les choses vont évoluer avant de préparer un nouveau projet. Barracuda est une histoire prévue en 3 tomes, et l’on s’y tiendra bien. Si l’envie nous prend, on pourra toujours partir ailleurs dans l’univers de Barracuda, ou alors partir explorer d’autres mondes…
Jérémy, merci.
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