Auteurs et autrices / Interview de Romain Hugault
Des avions et des jolies filles, c’est là le domaine de prédilection de Romain Hugault, le jeune et talentueux dessinateur du Grand Duc, dont le troisième volet sort ce 24 novembre. Une rencontre de haut vol !
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Bonjour, non, je crois qu’on a tous nos railleries de cour d’école… peu y échappent. Mais cela forge le caractère.
Combien d’heures de vol comptez-vous à votre actif ? Sur quel(s) appareil(s) ?
J’ai à peu près 420 heures de vol, ce qui n’est pas trop mal pour un pilote privé de mon âge. Je vole sur piper L4 « grasshopper » (la sauterelle), et piper PA28 archer, ainsi que quelques autres appareils.
Continuez-vous à sélectionner les lieux où vous vous rendez, comme les festivals de BD, en fonction de la proximité d'un aérodrome pour y poser votre coucou ?
L’aviation de loisir est un moyen de transport rapide pour gens pas pressés. C’est à dire que se fixer un rendez vous « professionnel » en petit avion n’est pas aisé, car il faut une bonne météo. En petit avion on ne peut pas voler par mauvais temps. Donc il ne faut pas avoir d’impératifs trop importants pour le retour si on est bloqués par une perturbation. Cela dit, j’ai déjà fait un festival à Amiens, en venant en avion, c’était très sympa.
D’où vous vient cette passion pour l’aéronautique ? Avoir un père colonel de l’armée de l’air joue certainement un rôle prépondérant !
Bien sûr. Tout vient de lui, même s’il ne m’a jamais imposé quoi que ce soit (pas comme les parents qui forcent leur enfant à être champion de tennis à leur place). C’est venu naturellement, à force de voler en passager on a envie de venir s’asseoir derrière les commandes !
A côté de votre métier d’illustrateur et de votre passion pour l’aviation, reste-t-il de la place pour autre chose ?
C’est vrai que ces deux passions sont très prenantes, mais j’ai une vie sociale, je vous rassure.
Y a-t-il un ou des artistes qui vous ont influencé dans votre travail ?
Oui plein. Il y a forcément des dessinateurs de BD (Bergèse, Guarnido, Wendling, Gibrat, Toppi), mais aussi des peintres classiques. Je suis également très influencé par des peintres spécialisés dans le domaine aéronautique. Les anglais sont très forts et ont de véritables guildes de peintres spécialisés extrêmement doués (Michaël Turner et Robert Taylor notamment).
Aujourd’hui, quelles sont les bandes dessinées et les auteurs que vous préférez ?
Etant moi même dessinateur, je suis plus attiré par les graphismes et j’essaie d’avoir une bibliothèque éclectique avec plein de styles différents. Je suis tout autant admiratif devant des bd comme Grand Prix, Sky-Doll, Les Ailes de Plomb, Blacksad, Il était une fois en France et beaucoup d’autres.
On peut dire que vous avez choisi d’illustrer ce qui vous passionne le plus. Mais, justement, est-ce un choix ? Vous propose-t-on autre chose que des séries axées sur l’aéronautique ?
Non, c’est vrai que je suis sur ce domaine que j’apprécie plus particulièrement. Et je me vois mal dessiner une histoire de trolls ou de pirates. J’ai la chance d’être libre au sein des éditions Paquet et de faire les albums que je veux, en totale liberté. Donc je dessine vraiment les thèmes qui me sont chers.
Votre premier album, Le Dernier Envol, traite sous un angle original des aviateurs durant la seconde guerre mondiale. Vous limiter à quatre courtes histoires et, donc, à quatre nationalités n’était-il pas frustrant ?
Pas du tout, c’était un one-shot, pour moi, un ballon d’essai, je ne voulais pas commencer la bd par une série de 5 tomes. J’y suis allé petit à petit, donc ce format était parfait pour commencer et me faire la main. Après, c’est vrai qu’en 10 pages on a du mal à donner de la profondeur à un personnage. C’est bien pour ça que j’ai voulu ensuite faire un diptyque Au-delà des nuages puis un triptyque Le Grand Duc pour avoir plus de matière à faire évoluer les personnages.
Comment s’est fait le choix des nationalités ? Vous n’avez jamais imaginé donner une suite à cet album, avec d’autres nationalités (anglais, tchèques, italiens, …) ?
Non, Le Dernier Envol est un one-shot, et raconte la dernière mission de 4 pilotes. Le but était de montrer que même s’ils se battaient pour leurs pays respectifs, rien ne distingue un pilote d’un autre, hormis l’étoile ou la croix peinte sur son fuselage qui fait de lui un ami ou un ennemi. Réitérer cet album avec d’autres pays n’aurait aucun sens, car il n’y aurait plus l’effet de surprise du scénario construit avec Régis Hautière, qui fait du dernier envol un album original.
Il y a actuellement beaucoup de nouvelles séries qui planent dans l’univers de l’aéronautique. Comment expliquez-vous cet engouement ?
Je pense que pour les gens qui aiment les bd d’aviation, il n’y a eu pendant longtemps que les 2 piliers Tanguy et Laverdure ainsi que Buck Danny pour traiter ce sujet. L’arrivée de petits jeunes avec un œil frais et plus de liberté (dans Buck Danny, vous ne verrez jamais de scène érotique ou trop violente par exemple), a redonné un peu de boost au genre et « ré-ouvert » le marché. Après, entre ceux qui font ça par passion et ceux qui font ça pour avoir une « part du gâteau »… Je pense que le dernier juge est le lecteur qui trie lui même et n’achète que ce qui lui semble bon.
A l’instar des voitures américaines des années 50-60, y a-t-il une période et/ou un type d’appareil plus agréable à dessiner dans le domaine aéronautique ?
J’aime sincèrement tous les avions, modernes ou anciens. Mais c’est vrai que j’ai une affection plus particulière pour les avions anciens, où le pilotage est pur et non assisté d’ordinateurs. Je trouve qu’il n’y a pas plus belle forme mécanique qu’une hélice d’avion.
Jusqu’à présent, vous ne publiez que chez Paquet dans la collection « Cockpit ». Vous n’avez pas envie, de temps à autres, de voler vers d’autres horizons ?
Non, j’y suis très bien, comme un poisson dans l’eau ou plutôt comme un oiseau dans l’azur.
Qu’apportent selon vous les tirages spéciaux de la série Le Grand Duc (le documentaire qui accompagnait 500 exemplaires du premier tome, ainsi qu’une version Luxe du même tome 1) ? Ce genre de décision est-il du ressort de l’éditeur ou plutôt des auteurs ?
C’est une décision commune. Par exemple, le coffret édité pour la fin du Grand duc, permettant de ranger ses 3 albums ensemble, est un « caprice » de ma part. L’éditeur m’a suivi, en jouant le jeu pour les lecteurs, quitte à le faire sans bénéfices. Car nous avons choisi de le faire au prix le plus bas possible.
Vous imagineriez-vous sur une série futuriste ou, carrément, dans de la fantasy ? En fait, y a-t-il un autre genre qui vous tenterait ?
Non, j’aime trop le côté historique.
Jusqu’à présent, vous vous limitez à des séries courtes. Vous n’imaginez pas créer ou illustrer les aventures d’un personnage récurrent à la Buck Danny ?
Je trouve que 3 ans sur une série, c’est déjà beaucoup. 3 tomes est un bon équilibre. Je n’aimerais pas être « bloqué » pendant 20 ans à une période ou un type d’histoire particulière.
Dans quelle mesure participez-vous à l’élaboration des scénarios de vos séries ?
C’est une discussion avec les scénaristes pour savoir ce que l’on veut raconter et le type d’avions et d’environnement qui nous font envie. Il y a beaucoup de dialogue entre nous, et nous ne nous imposons jamais rien de façon péremptoire.
Appel à projet(s) : Y a-t-il un thème, une période, un personnage que vous aimeriez illustrer et que l’on ne vous a pas encore proposé ?
Il y a tant à raconter, l’histoire de l’aviation est un sujet inépuisable. Je n’aurai pas assez d’une vie pour dessiner tout ce dont j’ai envie.
Au début de votre carrière, la remarque négative qui revenait le plus souvent concernait les visages de vos personnages. Avez-vous spécialement travaillé cet aspect depuis ou la qualité est-elle simplement venue avec la pratique ?
C’est l’évolution normale d’un dessinateur, je sais que c’est mon point faible et je le travaille sans relâche. Le dessin est une quête sans fin, un auteur qui considère qu’il a atteint un but fixé ou qui se satisfait de son travail n’a plus qu’à changer de métier.
Comment en êtes-vous arrivé à illustrer la pochette du CD « Etre une femme 2010 » de Michel Sardou ?
Il passait des qualifications d’avion dans une école de pilotage, il a vu un poster avec une de mes pin-up, ça lui a donné l’idée pour son nouvel album. Il m’a contacté et c’était parti. C’est aussi simple que ça. Des pin-up et des avions, j’étais emballé. J’ai dit oui car c’était géré entre lui et moi, il n’y avait pas de directeur artistique ou de chaine de décision entre nous qui auraient tué la créativité.
Comptez-vous renouveler ce genre d’expérience ? Par exemples, là comme ça, on vous propose d’illustrer un coffret du Jefferson Airplane ou de Led Zeppelin, vous êtes preneur ?
Pourquoi pas, tant que le projet est sympathique et que je ne suis pas contraint à un certain sujet ou un graphisme imposé.
Question de macho : les mensurations idéales d’une femme pour vous, c’est … ?
Je ne résume pas les femmes à une suite de chiffres, disons que j’aime les formes bien équilibrées et surtout généreuses.
A force d’illustrer des créatures plus pulpeuses les unes que les autres dans vos séries, vous n’avez jamais peur de distraire le lecteur du fil du récit ?
Je ne pense pas. C’est inclus dans le récit, si mon héroïne a une poitrine de compétition, ça n’empêche pas de suivre l’histoire, on est content pour elle et pour moi, qui ai plus de plaisir à la dessiner.
Et, étant donnée la (fort belle) manière dont vous dessinez les femmes en général et les pin-up en particulier, est-ce que vous ferez un jour une bd érotique ?
C’est au fond de ma tête… et je le ferai un jour. Mais avant je dois améliorer mon dessin des personnages féminins, et trouver un scénario en béton... avec quelques avions !
Sans verser dans l’érotique, une série rien qu’avec des jolies filles mais sans avion, c’est concevable pour vous (et par vous) ?
Je ne pense pas, j’aime trop les avions pour ne pas en mettre dans un projet comme ça.
Question technique : vous n’êtes pas tenté par la couleur directe ?
Si mais c’est encore hors de portée pour moi, je ne suis pas Guarnido ou Gibrat.
Vous venez de finir le troisième tome du Grand Duc. Quel regard portez-vous sur la trilogie ?
Yann, le scénariste a fait un superbe travail et j’espère que les lecteurs apprécieront la fin que nous vous avons concoctée.
Quels sont vos projets, dans l’immédiat ?
Avec Yann, nous attaquons une nouvelle série en 3 tomes, sur la guerre de 14-18 avec des avions magnifiques, Nieuport 11 « bébé », Albatross, Spad, Fokker etc. J’espère que les héros seront aussi attachants que ceux du grand duc.
Romain un grand merci pour votre disponibilité ! Puissent vos albums encore longtemps nous mener au-delà des nuages !
Merci à vous !
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