Auteurs et autrices / Interview de Matz et Jacamon
A l'occasion de la sortie du tome 9, rencontre avec les 2 auteurs du Tueur, une des séries classées parmi les immanquables de BDThèque.
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Jacamon : Naturellement. Je ne vais pas être très original en vous répondant que j'ai toujours dessiné. Mais bon, en allant chercher un peu plus loin, je pourrais dire que mon goût pour le dessin est venu du fait que je viens d'une famille nombreuse et en tant que petit dernier, les occasions de partager des temps de jeux avec mes frères plus grands étaient réduites. J'ai trouvé dans le dessin une manière d'occuper mon temps et de me raconter des histoires. Mais aussi et surtout, lorsque l'adolescence arrive, certainement une façon d'exister et de s'affirmer à travers un "talent" que l'on semblait vouloir me reconnaitre... C'est là que tout se joue, après le chemin est tout tracé, une école d'arts appliqués et les démarches (bien que tardives) chez les éditeurs.
Matz : J’y suis venu d’abord comme lecteur. Enfant, je me suis abreuvé de bandes dessinées, de manière assez boulimique et systématique. Le journal de Spirou surtout – j’étais un insatiable lecteur de Franquin, mais aussi de Jijé, et Lucky Luke. Mais je lisais aussi très avidement Mac Coy et Blueberry, Hugo Pratt, ou Strange, qui faisait un tabac quand j’étais petit ! J’avais la chance d’avoir un père qui s’intéressait à la bd donc il y en avait pas mal à la maison, celles que j’avais le droit de lire et celles que je n’avais pas le droit de lire mais que je lisais quand même. Ensuite, j’ai délaissé la bd pour la littérature et le cinéma, et puis j’y suis revenu, mais à moindres doses.
Pour ce qui est d’écrire pour la bd, cela s’est fait assez simplement. Il y a plus de vingt ans de cela – j’étais encore étudiant – et que je caressais le rêve d’écrire, j’ai rencontré Chauzy, qui m’a dit qu’il avait un contrat pour écrire un album, qu’il avait une idée de scénar mais qu’il avait des problèmes. Je lui ai proposé de faire un essai, qui a été jugé concluant et a débouché sur l’album Bayou Joey, publié en 1990 aux éditions Futuropolis…
Quelles sont aujourd’hui vos sources d’inspiration et références ?
Jacamon : Je suis un peu gêné par cette formulation. J'ai toujours essayé de me démarquer, d'avoir un style propre. Même si j'ai bien conscience du fait que l'on n’échappe pas à l'influence des auteurs que l'on apprécie. L'important étant de bien "digérer" tout cela. Je ne vous en ferai pas une longue liste, il y en a trop, mais si je devais en retenir un, ce serait Franquin. Ce type a généré à lui tout seul un nombre incalculable de vocations. Il y a tout dans le travail de cet auteur. Après, des gens comme Loisel et Baru sont aussi de belles références pour moi, et pour lesquels la mise en scène, l’énergie et l'expression des personnages ne sont pas de vains mots.
Matz : Mes sources d’inspiration et mes références sont multiples, dans la littérature, c’est bien évidemment et toujours Kafka et von Kleist, et puis aussi les grands latinos américains, comme Fuentes ou Carpentier, pour qui j’ai une admiration sans borne, ou dans le polar des auteurs comme Thompson, Cain ou Willeford. Evidemment la liste est longue et j’aime aussi beaucoup des auteurs plus drôles comme Westlake ou Friedman, et de la littérature française classique. L’inspiration vient de partout. De la lecture de haïkus japonais à celle de romans ou de biographies historiques. Et puis je lis aussi des bd et j’essaie de percer le mystère du charme de celles qui m’ont enthousiasmé, les Gil Jourdan, les Tif et Tondu, les Mac Coy, les Franquin, leur énergie, leur capacité à divertir, à amuser, sans prétention mais avec tellement de savoir-faire et de talent ! J’ai relu aussi les XIII, récemment, et là aussi, il y a un vrai talent de feuilletoniste, du rebondissement, des surprises, des retournements de situation qui font qu’on a envie d’en savoir plus et de continuer.
Matz, entre Peines perdues et le premier tome de Le Tueur, il se passe cinq ans. Qu’avez-vous fait dans l’intervalle ?
Matz : Peines perdues est sorti en 1993, Le Tueur 1 en 1998. Entre ces deux dates, j’ai fait quelques petits boulots, j’en ai aussi trouvé un à plein temps dans les jeux vidéo (j’ai écrit et réalisé un jeu d’aventures intitulé « Les 9 destins de Valdo », pour Ubisoft). Dans le domaine de la bd, j’ai publié dans A Suivre... trois histoires courtes avec Pourquié, et j’ai écrit le Tueur. A l’origine, j’avais pensé l’écrire sous forme de roman, et j’en ai donc jeté les bases et écrit une bonne partie, avant de me dire que finalement, ce serait peut-être plus intéressant en bd. Je crois que c’est aussi à cette époque-là que j’ai écrit le scénario de Du plomb dans la tête. Bref, je n’ai pas fait que me tourner les pouces !
Comment est né le personnage du Tueur ?
Matz : La lecture de fictions, polars ou autres, mais aussi l’histoire, avec son cortège de guerres, de massacres etc., m’a toujours intrigué avec tous ces personnages qui tuent, et dont on ne sait rien. Dans les fictions, les tueurs sont la plupart du temps des entités vides, de simples outils dont on se sert pour l’action. Ce sont forcément des méchants, sans aucune épaisseur. On ne sait rien de ce qu’ils pensent. Or, ils doivent bien penser et ressentir quelque chose.
L’histoire aussi nous présente des tas de tueurs, dont on ne sait rien ou presque. Depuis toujours, je me suis demandé ce qu’il pouvait bien y avoir dans la tête d’un soldat à qui on demande de tirer sur la foule, et qui le fait. On l’a vu partout dans le monde. On a même vu très récemment au Rwanda ou en Yougoslavie des civils comme vous et moi qui se mettent à trucider leurs voisins à la pelle. Alors ce sont des questions pour le Tueur : est-ce que ce sont tous des ordures ? Est-ce qu’avec un minimum de conditionnement, on obtient à peu près n’importe quoi des gens ? Qu’est-ce qui leur passe par la tête ? Bref, l’histoire, l’actualité, la littérature, le cinéma, tout cela est une source d’interrogation et de réflexion, et c’est tout cela qui nourrit Le Tueur.
Comment avez-vous été amenés à collaborer sur ce projet ?
Matz : Nous nous sommes rencontrés par l’intermédiaire d’un ami commun, lui aussi dessinateur. Tous les deux voulaient faire de la bd. Je leur ai fait faire un essai, et si tous les deux étaient de bons dessinateurs, Luc était vraiment très motivé, ce qui est une caractéristique pour qui veut se lancer dans la bd. Parce qu'être un bon dessinateur ne suffit pas (on peut voir aussi assez souvent qu’être bon n’est pas non plus tout à fait indispensable), il faut surtout une grande motivation.
Le "striage" de planches sur certains tomes a soulevé pas mal d'interrogations. Beaucoup ont cru être tombé sur un tome défectueux. Si avec le recul on peut comprendre une volonté d'animer un peu la page (à la manière de ce qui se fait un peu dans certains mangas), pourquoi avoir adopté cette technique ?
Jacamon : L'effet graphique n'est évidemment pas gratuit et n'est en rien une volonté "d'animer la page". Il s'agit, de façon un peu extrême, mais néanmoins explicite, de traduire la tension psychologique du personnage qui est sur le point de lâcher prise. Même si je ne m'attendais pas à ce que tout le monde adhère à cette idée, cette découpe des images exprime à mon sens assez bien l'instabilité dont est victime notre personnage.
On ne sait toujours rien de la véritable identité du héros ? Est-ce un souhait de ne pas lui avoir donné de nom ? Est-ce que vous aussi comme son ami Mariano vous l’appelez « Tueur » ?
Matz : Bien sûr que c’est un souhait délibéré de ne pas lui avoir donné de nom. Et d’ailleurs, c’est aussi un challenge, parce qu’écrire 10 albums avec des dialogues sans que le personnage principal n’ait de nom, ce n’est pas toujours facile et ça oblige à quelques contorsions ! Mais j’ai toujours pensé que le fait qu’il n’ait pas de nom était consubstantiel du personnage, de son activité et du propos de la série. Bien sûr, il a des pseudonymes, qui changent au gré des missions et des albums. Mais on ne connaît pas son vrai nom. Sa « copine » non plus, d’ailleurs, n’a pas de nom. Dans le premier tome, on effleure sa jeunesse, et même sa famille, ses parents. Vous verrez que dans le tome 10, il y a une petite surprise à ce sujet. Mais le fait que le Tueur n’ait pas de nom est pour moi tout à fait essentiel. C’est un vrai professionnel, dans la vie duquel nous nous immisçons. Un homme comme lui n’utilise à mon avis jamais son vrai nom, ni ne s’appesantit sur sa vie. Ses idées, oui, mais sa vie à lui, non. Nous sommes à des milliers de kilomètres des récits autobiographiques égocentriques autocentrés. Le Tueur est un récit qui essaie de présenter une vision du monde et des intrigues stimulantes. Entre nous, nous l’appelons « Le Tueur », parce qu’il n’y a pas moyen de faire autrement !
Le Tueur compte de nombreuses références sociopolitiques contemporaines. Ce genre de pensées semble parfois en décalage avec le personnage froid et cynique qu’il est. Est-ce qu‘en fin de compte on ne lirait pas plutôt un message des auteurs que les pensées du personnage ?
Matz : Absolument pas. Toute la démarche qui sous-tend l’écriture du scénario des albums du Tueur consiste à créer un personnage à la fois complexe, cohérent et contradictoire, atypique, en-dehors des normes et des idées reçues, avec sa logique propre, et une certaine lucidité, aussi. C’est ce personnage, dans l’intimité duquel on entre, qui fournit la colonne vertébrale du récit. Ses réflexions et sa vision du monde sont le cœur de la série, ce qui fait son intérêt, avant les missions et l’action. Et le Tueur n’est pas un imbécile. Il est peut-être froid et dépourvu de sollicitude pour son prochain, mais il n’est pas idiot. Il a une vision particulière du monde dans lequel nous vivons, mais cette vision a autant contribué à faire de lui ce qu’il est devenu, qu’elle l’a aidé à parvenir aux conclusions auxquelles il est arrivé en faisant ce qu’il fait. Si bien qu’au bout du compte, en essayant d’en faire un personnage cohérent, en lui créant cette vision du monde, on peut partager certaines de ses idées et pas d’autres. Je peux effectivement lui « confier » certaines des miennes, ou d’autres qui m’amusent mais que je ne partage pas nécessairement. Ce qui est amusant, c’est de lui construire un raisonnement parfois biaisé. Ceci dit, plus que les pensées particulières du Tueur, avec lesquelles on peut être d’accord ou pas, je pense que c’est la bd toute entière qui propose une sorte de vision du monde, noire et sans illusion, ainsi que sur la nature humaine. C’est pour ça que lorsqu’on me dit que le Tueur est cynique et immoral, je réponds qu’au contraire il me semble que c’est une bd humaniste. Le personnage est sans doute quelque peu sociopathe et désenchanté, mais la bd parle de conscience, au-delà même de ce personnage. Du moins est-ce comme ça que je la vois.
Cette œuvre a-t-elle pour but de faire passer un message sur l'actualité ? Si oui, est-ce que c'était dans vos intentions dès le tome 1 ?
Matz : Le but n’est pas de faire passer un message sur l’actualité mais plutôt de proposer une bonne bd bien ficelée, qui a la pêche, en toile de fond de laquelle on propose une réflexion sur la nature humaine et la conscience. Cela se nourrit de l’actualité, mais aussi de l’histoire, de la politique, de la littérature, de la philosophie, de tout ce qui peut tomber sous les yeux. Et d’ailleurs, lorsqu’on connaît un peu l’histoire, on se rend compte que l’actualité ne propose pas grand chose de vraiment neuf. Les choses ont une tendance assez curieuse et plutôt fâcheuse à se répéter. Le seul intérêt de l’actualité, c’est d’élargir le champ de la connaissance et de donner de nouveaux éléments, de nouvelles variations. Tout continue aujourd’hui exactement comme hier et comme demain.
Il s’est écoulé pas mal de temps entre les 2 cycles, les auteurs et le tueur ayant pris du repos... En quoi le personnage à t-il changé entre les deux ? Peut-on dire qu’il est plus sage, qu’il envisage la vie différemment ?
Matz : Entre les deux cycles il y a eu quatre ans. Quelques atermoiements de mon camarade Jacamon, et puis la machine est repartie, regonflée à bloc. Les gens doivent comprendre qu’un dessinateur dessine jour après jour, mois après mois, année après année, le même personnage, sous toutes les coutures, et qu’une certaine monotonie ou une certaine lassitude peuvent apparaître. Il peut devenir utile de faire un break. C’est ce que nous avons fait. J’ai trouvé intéressant de reprendre la série exactement comme si le Tueur avait continué à vivre pendant ces quatre années de silence, et il s’est retrouvé avec un fils dont l’âge correspond au break entre les deux cycles. Evidemment, avec le recul, cela devient assez invisible, mais sur le moment, ça paraissait une bonne idée – dont n’ont profité que les lecteurs fidèles de la série ! Pour ce qui est du Tueur, non, il n’a pas changé, il ne s’est pas assagi, ni n’a changé d’opinion sur les hommes et sur le monde. D’ailleurs, il a à un moment un laïus sur le fait que la paternité ne rend pas les hommes meilleurs, que c’est une illusion de croire cela, et l’histoire nous le rappelle : des tas de bons pères de familles ont commis des actes épouvantables. Donner la vie n’a jamais empêché de prendre celles des autres.
Dans le neuvième tome, en plus de son activité principale le tueur va se lancer dans un nouveau genre de business. Est-ce une manière de préparer sa retraite (et du même coup la fin de la série) ?
Matz : Non, c’est une façon de varier les plaisirs, d’explorer de nouveaux territoires, de traiter de nouvelles problématiques, d’aborder de nouvelles questions. Il faut bien sûr apporter du renouvellement, pour faire vivre la série et le personnage, le confronter à de nouvelles situations, sans pour autant perdre de vue ce qui en fait l’essence.
Du coup la question suivante est toute trouvée : A quand la fin de la série ?
Matz : Aucune idée. Quand nous n’aurons plus d’idées ou d’inspiration, quand nous aurons eu le sentiment d’avoir fait le tour de la question.
Vous avez également collaboré sur le début de la série Cyclopes. Comment est née cette histoire ?
Matz : Lorsque Luc a arrêté Le Tueur, il a souhaité travailler sur quelque chose qui lui permettrait de changer un peu, de pouvoir faire un peu plus de design, dans les véhicules, les armes, les costumes, etc. Mais quand Le Tueur a repris du service, il a décidé qu’il serait trop difficile pour lui de mener de front les deux séries, et il a choisi de reprendre Le Tueur. Je crois que le personnage lui manquait un peu, finalement.
Après 2 tomes le dessin à changé de main, pourquoi ? Est ce que Luc a participé au choix de son successeur dont le style est assez proche ?
Jacamon : J'ai bien sûr donné mon accord quant au choix de Gaël comme dessinateur, mais c'est Casterman qui en a fait la proposition au départ. Le passage de relais s'est décidé pour des raisons logistiques, car assumer deux séries en parallèle s'est avéré plus difficile qu'envisagé. Le Tueur s'est imposé comme LA série prioritaire pour moi dans la mesure où j'y ai retrouvé un regain d'envie. Les albums doivent sortir sans trop de temps entre chaque et cela aurait nécessité trop de travail pour moi d'assurer une telle production.
Pourquoi la série a-t-elle changé de format entre le premier et le deuxième tome ?
Jacamon : La collection "ligne rouge" nouvellement créée chez Casterman et dans laquelle s'inscrit la série du "tueur" a imposé ce changement.
Luc, vous n’avez jusqu’à présent travaillé que sur les scénarios de Matz ; vous n’avez pas envie de développer vos propres histoires ?
Jacamon : C'est une idée qui traverse forcément l'esprit d'un dessinateur à un moment donné, mais il faut se sentir prêt pour cela. Ça n'est pas encore le cas. De plus, la série du Tueur bat son plein, et m'apporte toute satisfaction pour le moment, alors aucune raison pour moi d'aller voir ailleurs !
Matz, d’où vient votre nom d’artiste ?
Matz : Du constat que mon vrai nom n’était pas toujours très facile à lire et à prononcer... Et puis de la volonté de séparer les activités : un nom pour les romans, un nom pour les bd, et d’autres encore le cas échéant. Et puis, il y a quelque chose d’agréable à changer d’identité.
Pourquoi avoir publié l’album sur Zidane sous votre vrai nom ?
Matz : L’album sur Zinédine Zidane appartient à une autre famille que Le Tueur, Cyclopes et les autres. C’est un tout autre style, aussi bien du point de vue scénaristique que graphique. Je l’ai fait parce que j’ai toujours aimé le foot, et que j’ai toujours voulu en savoir un peu plus sur le monde du football. Jeter un coup d’œil de l’autre côté du rideau. Ce que j’ai pu un peu faire. Je me suis également servi de mon vrai nom pour un roman, « La Nuit du vigile », qui vient d’être publié aux éditions Rivages/Noir.
Dans la série Du plomb dans la tête, il est également question de tueurs et de criminalité. Qu'est ce que ça fait d'écrire sur la criminalité de grande envergure ? Quel genre de travail préparatoire doit-on effectuer dans ces cas-là ?
Matz : Je ne fais pas du documentaire, mais de la fiction. Bien sûr je me documente en lisant par exemple des biographies de criminels, ou des autobiographies, mais le genre noir est surtout intéressant pour ce qu’il permet d’aborder de la société et de notre monde. Du plomb dans la tête traite de thèmes très similaires à ceux du Tueur : la conscience. Il y a en plus l’amitié, le courage. Et aussi bien sûr l’idée qu’il y a les truands du bas de l’échelle, bien visibles, mais aussi d’autres, moins visibles, et probablement bien plus dangereux, et plus difficiles à attraper et mettre hors d’état de nuire.
La aussi l’aspect psychologique des personnages est très élaboré. On sent l’évolution de leurs personnalités tout au long de la série. C’est important pour vous d’arriver à faire ressentir ce genre de choses aux lecteurs ?
Matz : Bien sûr. Parvenir à ce que le lecteur se sente proche des personnages, les comprenne, ou même les aime, cela signifie qu’on a réussi non seulement les personnages mais aussi la narration. L’idéal, c’est que le lecteur ne se rende pas compte qu’il éprouve quelque chose pour le personnage, jusqu’à ce qu’il lui arrive quelque chose et qu’on sente qu’on se fait du souci pour lui, ou qu’on est content pour lui, ou triste, ou déçu…
Aimeriez-vous retravailler avec Colin Wilson ?
Matz : Absolument. Colin est un excellent dessinateur et un grand professionnel. Collaborer avec lui a été un vrai plaisir et j’adorerais recommencer. Je l’ai d’ailleurs sondé une fois ou deux mais il est vraiment très occupé ces temps-ci !
La série Shandy vous a permis d’aborder le genre historique. Pour l’heure elle ne compte que 2 tomes, et Bertail travaille sur Ghost money. La série est-elle terminée ?
Matz : Je prévoyais dix tomes, donc dans mon esprit, non. Concrètement, la défection de Bertail fait que la série est en sommeil, à moins que ce ne soit un coma qui risque d’être dépassé. C’est dommage parce que Bertail est à un très bon dessinateur, la série me plaisait et d’ailleurs les lecteurs étaient au rendez-vous.
Mirage Hôtel vous a permis de travailler avec Jeff Pourquié. Comment en êtes-vous venu à rencontrer cet auteur à l’univers graphique si particulier ?
Matz : Pourquié m’a été présenté par Chauzy.
Pourquoi avoir proposé cet album à 6 pieds sous terre ?
Matz : Je n’ai jamais rien proposé à 6 pieds sous terre. Et pour être tout à fait honnête, les choses se sont vraiment très mal passées et se sont terminées au tribunal. Il a fallu que je défende mes droits en tant qu’auteur. J’ai d’ailleurs gagné, la Cour d’appel de Paris m’ayant donné raison sur tout, sauf sur le retrait du commerce de l’album, ce que je regrette beaucoup. C’est un album que je renie totalement, principalement parce que les histoires courtes originelles ont été mises bout à bout, ce qui les dénature. Sans parler de celles que je n’ai pas écrites et dont on laisse penser que je l’ai fait alors que je n’étais même pas en courant de leur existence. Pas la peine de me l’amener en dédicace, je ne le signerai pas.
Vous dirigez depuis plusieurs années la collection Rivages/Noir chez Casterman. Comment différenciez-vous votre travail d’auteur de celui du directeur de collection ?
Matz : Ce sont deux activités totalement différentes, il n’est pas possible de les confondre. Comme directeur de collection, lorsque je lis un scénario, je ne pense pas à la manière dont je l’aurais traité si j’avais été scénariste. Je le lis d’un point de vue neutre, de manière à bien essayer de percevoir ce que l’auteur a voulu faire, et à la manière dont le lecteur le recevra. Le travail de directeur de collection consiste à bien sûr choisir les livres qu’on adaptera, les auteurs qui les adapteront, et ensuite à lire les synopsis et les scénarios, à faire des notes et des suggestions pour les améliorer lorsque c’est possible (parfois, c’est bon du premier coup !), et à suivre les différentes étapes de la réalisation. Il faut respecter l’esprit de l’œuvre originale, c’est important aussi bien vis à vis des auteurs et de leurs ayant-droits, mais aussi de l’éditeur du roman original, et aussi le travail des auteurs. Mais il faut faire en sorte d’en tirer le meilleur travail possible.
Vous n’avez publié qu’un tome – en tant qu’auteur - dans cette collection... par manque de temps ? De projets qui vous tiennent réellement à cœur ?
Matz : La collection Rivages/Noir/Casterman a pour ambition et objectif la qualité. Du coup, nous ne publions pas beaucoup de titres chaque année. Environ six par an. Nous sommes dans notre troisième année d’existence et nous venons de publier notre seizième album. J’ai effectivement scénarisé un des quatre premiers albums de la collection, à la fois pour contribuer à son lancement, et aussi parce que Jim Thompson est un de mes auteurs préférés, et l’adapter était un vieux rêve. J’ai également travaillé à l’adaptation d’un autre roman, Adios Muchachos, du Cubain Daniel Chavarria, avec l’excellent Paolo Bacilieri, qui sortira en septembre prochain. Mais je n’ai pas l’intention de multiplier les albums dans la collection, mais ni par manque de temps ni de projets qui me tiennent à cœur. J’ai pas mal de projets par ailleurs, et puis il y a de nombreux auteurs qui peuvent apporter quelque chose, et c’est ce que veut offrir cette collection : une opportunité à des auteurs talentueux de travailler sur quelque chose qui sorte un peu de l’ordinaire, en marge de leurs séries habituelles, et offrir aux lecteurs une vision originale et personnelle d’un roman noir, une lecture par un auteur de bd de qualité.
Pour conclure quels sont vos prochains projets respectifs ?
Jacamon : Le tueur, le tueur et encore le tueur... Sérieusement, difficile de dire pour moi, dont le temps est exclusivement consacré au dessin d'une série en cours. Le moment où je sentirai poindre la fin du Tueur n'est pas encore d'actualité !
Matz : Dans l’immédiat, il y a un album dans la série Destins, de Frank Giroud, chez Glénat, qui devrait sortir très bientôt, dessiné de main de maître par Joseph Béhé, et qui promet d’être très divertissant. Ensuite, en septembre, "Adios Muchachos", avec Paolo Bacilieri, dans la collection Rivages/Casterman/Noir. J’ai bouclé le scénario du Tome 10 du Tueur et ne vais pas tarder à attaquer le 11. J’ai aussi une autre série en préparation chez 12BIS avec l’excellent Fabien Bedouel. Donc il y a du pain sur la planche !
Un grand merci à tous les 2.
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