Auteurs et autrices / Interview de Chanouga
Ses sirènes ont des tentacules. Son univers est sombre et poétique. Remarqué par Tony Sandoval, il vient de signer son premier album, De Profondis, aux éditions Paquet. Rencontre avec Chanouga, jeune et talentueux auteur marseillais.
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Je m’appelle Chanouga, je suis né à Marseille, formé à l'École des Beaux-arts et je travaille depuis plusieurs années comme graphiste illustrateur free-lance… Au berceau ma baby sitter m’endormait en me racontant Le trésor de Rackham le rouge, motivant chez moi une réelle passion pour la bande dessinée.
Pourquoi avoir opté pour un pseudo en guise de signature ?
Pourquoi pas ? Je ne suis pas le premier ! J’ai une vie avant de m’investir dans la bande dessinée, Chanouga c’est mon nom dans ma deuxième vie, de plus c’est une invention de ma fille !
Quels sont les auteurs qui t’ont influencé ?
Ça dépend des jours… je regarde beaucoup tout ce qui est édité… je ne sais pas si on peut parler vraiment d’influence mais il y a tout de même des auteurs tels que Lorenzo Mattotti, Gipi, pour qui j’ai une admiration sans borne… mais il n’y a pas que la bande dessinée, beaucoup de choses dans d’autres domaines peuvent m’influencer…
De profundis : l'étrange voyage de Jonathan Melville est ton premier album. Peux-tu nous en raconter la genèse ? Nous avons vu sur ton blog qu’au départ, cette histoire portait un autre nom.
Au départ, il n’y a pas vraiment l’ambition d’être édité, j’ai commencé à poster mes planches sur mon blog à partir d’une hypothèse de départ assez simple : un marin, des sirènes atypiques ; deux mondes parallèles qui allaient, à un moment donné, se rencontrer… Rapidement cette idée a fait son chemin mais surtout j’avais vraiment envie de vivre un moment avec mes personnages. Le titre définitif de l’album s’est imposé après avoir terminé d’écrire le scénario.
A propos de ton blog, les premiers dessins qu’on peut y voir ont de quoi effrayer le candidat lecteur ! Qui en est l’auteur ? Et pourquoi afficher ce type de dessin peu représentatif de ton style sur ton blog ?
Au début ce blog n’avait aucune prétention professionnelle… C’est plutôt un petit jeu avec ma fille qui à l’époque avait 6 ans… Je postais aussi bien ses dessins que les miens, sans prétention aucune ! C’était très rigolo et nous n’attendions rien en retour. Au fil du temps elle s’en est lassée, et j’ai commencé à m’y investir plus sérieusement (motivé par les commentaires…), c’est devenu une aventure plus personnelle, mon petit laboratoire…
On peut voir sur ton blog beaucoup de planches. Pourquoi ne pas avoir carrément opté pour la bande dessinée en ligne (via Manolosanctis, par exemple) ?
Effectivement, il doit y avoir une bonne quinzaine de planches… je les ai postées au début du projet sans savoir s’il y aurait une édition en bout de course… pour la plupart d’entre elles je les ai remaniées. Je trouvais intéressant d’avoir le retour des lecteurs du blog. Je ne suis pas très fan de l’édition en ligne, bien que je trouve l’aventure de Manolosanctis intelligente et très professionnelle, d’autant qu’en bout de course ils publient des albums souvent très intéressants.
Je suis très attaché au support papier, son toucher, l’odeur de l’encre… Je vis entouré des livres que j’ai aimés, j’ai le sentiment que le numérique est un outil fabuleux mais un peu synonyme d’éphémère, de consommation rapide…
Pourrais-tu nous retracer le parcours du combattant que tu as dû réaliser pour enfin accrocher un éditeur ? Tu avais déjà démarché le milieu de l’édition avec un autre projet sous les bras…
Je n’ai jamais vraiment démarché les éditeurs pour ce projet… Via le blog j’ai été contacté par Yannick Lejeune (Festiblog), qui m’a proposé de présenter un premier dossier aux éditions Delcourt : accueil plutôt enthousiaste… puis refus ! Par la suite, lors du Festival des blogs BD à Paris auquel j’étais invité, j’ai pu rencontrer Tony Sandoval depuis peu directeur de collection chez Paquet, mon projet lui a beaucoup plu. Quelques temps après, je suis allé à Genève pour une entrevue avec Pierre Paquet et Tony… et l’aventure a commencé.
Dans quelle mesure cet album est-il un hommage à Herman Melville ?
À travers le nom de mon héros c’est un hommage indirect aux grands écrivains maritimes, et en premier lieu à Joseph Conrad que j’adore, mais aussi Stevenson, London, Vercel mais pourquoi pas aussi Corto M… des auteurs dont les récits ont nourri mon imaginaire… mais mon histoire n’en est pas pour autant un récit maritime… simplement un voyage introspectif…
Le milieu marin semble être une source d’inspiration chez toi…
Depuis toujours. Je vis dans un grand port chargé d’histoire au bord de la mer méditerranée… l’univers maritime, et plus particulièrement le monde sous-marin m’ont toujours attiré et fasciné… une vraie addiction… impossible de m’en éloigner trop longtemps…
Tes sirènes tiennent plus de la pieuvre que du dauphin. Pourquoi un tel choix ?
Telles que les grecs antiques les décrivent, ce sont des femmes au corps d’oiseau, Homère évoque plutôt des femmes d’apparence normale, l’idée de la femme poisson est nordique et beaucoup plus récente… alors pourquoi pas des tentacules ??… Comme on peut le percevoir dans l’album, je ne suis pas un grand fan de Walt Disney qui en a fait de gentilles créatures un peu mièvres ; le monde est bien plus complexe et ambigu… à l’image de mes sirènes.
Tu sembles soigner l’enchaînement de tes cases. Le découpage est-il le moment le plus jouissif pour toi dans la création de tes œuvres ?
Oui, c’est pour moi le moment le plus intéressant, mais aussi le plus difficile… car je détermine le découpage parallèlement à l’élaboration du scénario… c’est vraiment une phase très intense qui me demande beaucoup d’énergie. L’esthétique globale de la planche me semble aussi importante que l’histoire qu’elle raconte : c’est mon choix.
D’autre part, contrairement à la lecture à l’écran, j’aime à croire que l’album de bande dessinée se lit avec une première perception globale (plus ou moins consciente) sur des doubles pages avant d’entrer, case après case dans le vif du sujet… cette idée guide souvent mes découpages.
As-tu eu des contacts avec Tony Sandoval ? Dans quelle mesure a-t-il influencé ton travail ?
J’adore l’univers de Tony, la liberté de son trait… sa façon de mélanger le sensible et le sordide… l’enfance et le morbide… en ce sens-là, oui, il a pu m’influencer ; et puis c’est quelqu’un de très sympathique. J’étais très flatté qu’il apprécie mon travail… et vraiment très heureux de collaborer avec lui.
Travailles-tu sur de nouveaux projets ? Toujours dans le fantastique, ou penses-tu explorer d’autres genres ?
C’est un peu compliqué d’émerger d’une histoire telle que « De Profundis », je m’y suis beaucoup impliqué… Mais j’ai deux pistes de travail, l’une dans la veine fantastique, l’autre pas vraiment… c’est une vraie réponse de Normand, non ?
Un Marseillais qui fait des réponses de Normand ?! Etrange, étrange… Chanouga, merci pour ta disponibilité, et bonne continuation dans ta carrière.
Merci à vous !
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Le blog de Chanouga
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