Auteurs et autrices / Interview de Sarah Masson
Artiste pluridisciplinaire (sérigraphe, illustratrice pour enfants, auteure de bande dessinée), Sarah Masson démontre qu’elle maîtrise de nombreuses techniques, toutes mises au service de créations atypiques. Elle publie à La Boite à Bulles sa première bande dessinée en solo : Conte de la rivière.
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Pendant ces 9 années, j'ai publié avec Michel Squarci "Speculoos" et "Redji a perdu le goût !", deux livres de recettes pour enfant (Zoom éditions - collection Danse du ventre). De plus j'ai réalisé d'autres petites créations que ce soit en sérigraphie ou en textile (voir exemples ici) tout en continuant mon boulot alimentaire de secrétariat.
J'ai commencé Conte de la rivière avant la mort de mon père et il m'a fallu du temps pour remettre en chantier une histoire dont le personnage principal en est beaucoup inspiré. Outre la difficulté de travailler à partir de photos de lui, j'ai cherché le style et la technique adéquats à l'histoire que je voulais raconter.
Étant à l'origine de la 5e Couche, on se connaît tous depuis longtemps, tant ses membres que son comité rédactionnel actuel. Il était important pour moi de ne pas avoir l'impression de faire de l'autoédition et de présenter ce travail à quelqu'un d'extérieur à ce cercle. Vincent Henry a fait un vrai travail d'éditeur, La Boite à bulles m'a permis de sortir de ce confinement en portant un regard neuf et attentionné sur mon travail.
Tu es aussi illustratrice, plasticienne... Comment se répartissent tes activités créatives ? Les vis-tu comme complémentaires ?
Je n'ai pas l'impression de séparer ces activités. Cela m'a toujours semblé naturel d'être éclectique. Parfois c'est perturbant, notamment dans les travaux de longue haleine (comme la BD), mais par ailleurs c'est nourrissant pour ceux-ci. Bref, c'est distrayant dans le mauvais comme dans le bon sens du terme !
Tu as réalisés des livres sur la cuisine, tu as appelé ton premier ouvrage "Amorce"... Or Conte de la rivière met en scène une partie de pêche, de la création culinaire... Est-ce à dire que tu as pioché dans des activités qui te tiennent particulièrement à cœur pour construire ton ouvrage ?
La cuisine est en effet un sujet de prédilection, mon père était cuisinier et nous avons eu un restaurant pendant quinze ans. Toute mon enfance, j'ai donc vécu dans l'ambiance de la restauration qui était intimement liée à ma vie de famille. Mais la cuisine et les recettes ne sont jamais un sujet en soi, ce qui m'intéresse ce sont les relations que des personnages peuvent tisser entre eux à partir de cet univers. La nourriture, les outils, le lieu où l'on cuisine sont autant d'éléments inspirateurs. La pêche était un domaine totalement inconnu pour moi, mais il génère un grand potentiel poétique (comme la cuisine finalement). Le titre Amorce de mon précédent livre, n'a rien à voir avec la pêche mais fait plutôt allusion au début, à l'ébauche, à une manière d'entamer.
Dans Conte de la rivière, tu opposes plusieurs conceptions de la création : celle purement ludique de l'enfant, celle trop technique et académique et celle embrassant les deux dimensions... Est-ce ta conception de l'Art ? Où situerais-tu l'art moderne faite d'installations, de concepts ? Du côté de l'enfant ?
Je n'ai pas la prétention d'être historienne de l'art et mon livre n'est pas une thèse sur l'art. Je fais seulement part de ma vision qui me sert de ressort dramaturgique. L'importance de la technique dans la création artistique est quelque chose qui me touche : je suis souvent confrontée à mes faiblesses en dessin; ce qui m'oblige par ailleurs de trouver d'autres moyens de raconter les choses. Dans ce processus, je reviens souvent à un aspect ludique pour décloisonner mon travail (collage, décalques, photos, gribouillage...). Cela vient sans doute du scrapbook (tradition britannique) de mon enfance dans lequel se mêlaient plic-ploc des éléments très hétéroclites regroupés dans un carnet.
L'installation, pour moi, se retrouve souvent à l'opposé de la posture de l'enfant. Elle serait plutôt du côté de la maîtrise (même si certains artistes travaillent sur le hasard et la spontanéité). L'enfant, lorsqu'il est seul, ne fait pas les choses dans le but de montrer ou démontrer. Il joue et laisse incidemment des "traces".
Ta technique de travail apparait très particulière, faite de grands aplats, une sorte de travail de patchwork ou au pochoir rehaussé d'un trait presque d'enluminure. D'où te vient cette technique... ?
Je l'ai élaborée en faisant coïncider mon goût pour le collage, la couleur et la pratique de la sérigraphie. C'est d'ailleurs ainsi que mon travail est conçu : une superposition d'éléments hétéroclites fusionnés en couches colorées. Processus assez long, fait de recettes "maison", proche de l'artisanat et qui, même finalisé sur ordinateur, garde une certaine douceur.
A voir tes storyboards, il semble que tu travaille d'après photo. N'est-ce pas étonnant pour un rendu aussi épuré, de passer par une étape d'absolu réalisme ?
Je n'ai jamais été une très bonne dessinatrice ni de mémoire, ni d'imagination et le dessin n'est pas mon propos. Dés lors, je m’appuie sur de bons documents, des photos que je réalise moi-même (finalement la plus grande partie de mes documents) si je ne trouve pas ce dont j’ai besoin. Par ailleurs, je pense que c'est une perte de temps de chercher ex-nihilo la bonne posture ou la bonne forme alors que la photo peut servir d'appui. J'aime plutôt m'attarder sur le récit, la composition et le traitement des couleurs.
Comment fonctionne ta "maison d'édition", Tea Time production ?
Plus qu'une maison d'édition "Tea Time Production" est un label sous lequel je regroupe toutes mes créations. Une sorte de vitrine pour les "objets" que je fabrique. Cela permet aux gens d'avoir une vision d'ensemble de mon travail (avec les influences d'un domaine sur l’autre).
Quels sont tes projets en cours ou à venir ?
Pour une sorte de suite de Conte de la rivière (avec une ambiance graphique similaire - forêt et végétaux), je réalise actuellement des dessins en grands formats (80 sur 160 cm) qui me permettent de revenir à quelque chose de plus direct et de détacher mes yeux de l'écran. En parallèle je collabore avec Michel Squarci sur un nouvel album de BD.
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