Editeurs et éditrices / Interview de Fabrice Sapolsky - Atlantic BD
Fabrice Sapolsky a débuté dans la presse spécialisée, relative aux comics, avant de progressivement écrire ses propres histoires. Aujourd’hui il lance sa structure d’édition, Atlantic BD. Rencontre avec un passionné.
(rires) Fabrice Sapolsky, 41 ans depuis quelques jours, scénariste, éditeur en chef d’Atlantic BD… Directeur artistique, Co-dirigeant de l'agence Full FX, plein de choses en fait.
Tu es un grand amateur de comics, puisque tu as participé longtemps à l’aventure Comic Box, l’une des rares revues françaises consacrées aux comics…
Je suis un grand amateur de BD, et je vais sans doute révolutionner ta manière de penser, mais les comics, c’est de la BD. Il faut arrêter de compartimenter la bande dessinée, surtout par les origines géographiques. Je suis absolument contre ça, et même si ça ressemble un peu à Don Quichotte, j’y tiens. Il faut décloisonner la BD, on est dans un monde global. Tant qu’une œuvre a des cases, des bulles, ce qui correspond à l’art séquentiel, c’est de la bande dessinée, point.
Concernant Comic Box, j’en ai même été à l’origine hélas (rires) ; non je plaisante, c’est une belle histoire, à laquelle je suis toujours lié, puisque je suis copropriétaire de la marque avec mes camarades Xavier Fournier et Lise Benkemoun, même si je ne m’occupe plus du magazine en soi.
Pourquoi avoir quitté le magazine ?
C’est simple, je suis quelqu’un d’engagé, et je n’aime pas trop le mélange des genres. Soit on est journaliste, et c’est très bien, soit on est dans le milieu, en l’occurrence éditeur BD, et on ne peut pas être juge et partie. Il aurait été particulièrement malvenu et déplacé d’être à la fois la personne qui critique, qui parle de BD et celle qui en fait. C’est comme si tu étais réalisateur et critique de cinéma. C’est impossible, tu perds ton objectivité au moment où tu deviens acteur de ce métier. Cela ne gêne pas certains, mais moi, si. J’ai donc décidé de me retirer. Ceci dit, 13 ans à la tête de Comic Box, ce n’est pas comme si je n’avais rien fait. Il était sans doute temps pour moi de passer à autre chose ; maintenant c’est Xavier qui gère le magazine, c’est très bien que ça se passe comme ça. Je n’interviens pas, même si on continue à travailler dans le même bureau. Il y a beaucoup de choses qui se passent ici, et je ne suis pas forcément au courant de ce qu’il y aura dans le prochain Comic Box.
Tiens revenons un peu sur la genèse du mag. Comment ça s’est monté, quand, et pourquoi ?
J’ai eu l’idée en janvier 1998, je trouvais qu’il manquait un magazine d’information sur les bandes dessinées américaines, dont j’ai toujours été très fan. Il y avait des fan-magazines, mais rien comme mag d’information, c'est-à-dire avec de l’info, de l’analyse, une parution régulière… Beaucoup de gens avaient envie de le faire, nous on a été assez bêtes pour se lancer, et on a eu une bonne idée, puisque ça marche depuis 13 ans. La raison profonde de tout ça, c’est la passion. Comment conjuguer ma passion des media (j’adore la presse, surtout pour la jeunesse, et je suis drogué aux infos), avec ma passion de la bande dessinée américaine ? Eh bien en créant Comic Box :)
Et quand tu te retournes sur ces 13 années, comment analyses-tu le parcours de Comic Box ?
Un magazine qui a une si longue histoire (ce n’est pas évident, il faut tenir, les garçons sont en train de boucler le 72ème numéro, soit plus de 90 en comptant les hors séries, les numéros spéciaux…), qui est le reflet d’une belle aventure humaine, j’ai rencontré plein de gens formidables ; une aventure économique, ça n’a pas été un long fleuve tranquille, mais ça existe toujours, c’est toujours là, il y a encore des gens pour le porter. Il y a une renégociation avec l’éditeur qui est en cours, mais il y a de fortes chances pour qu’on continue de voir Comic Box pendant plusieurs années. Pour moi c’est une grande fierté, car j’ai la chance d’être associé à un projet qui a rencontré des lecteurs, fidèles, et parfois plus nombreux qu’avant. Je ne suis pas du genre à me reposer sur mes lauriers et d’attendre en disant « regardez ce que j’ai fait, il est beau mon château… » ; je suis toujours capable de me lancer des défis impossibles, comme avec Atlantic BD. Comic Box, j’en suis fier. On a fait pas mal de choses, on a sorti des scoops, j’ai rencontré des gens incroyables en interview, je me sens honoré d’avoir pu côtoyer tant de gens, et je pense que quelque part ça rend un petit peu meilleur, je le dis avec beaucoup d’humilité.
Tu disais être entre autres amateur de bandes dessinées américaines… Quelque part, tu as déjà bouclé la boucle en collaborant avec Marvel, le rêve de beaucoup de fans français, en coécrivant Spider-Man Noir…
Tout à fait. Tu vois, je ne peux pas dire que ça ait été pour moi le début de la fin, ou la fin du début, au choix, mais c’est sûr qu’à partir du moment où j’ai eu fait Spider-Man Noir, Comic Box n’était plus le même plaisir. Clairement, j’ai senti qu’il fallait que je fasse un choix. Reclasser mes priorités et mes envies. Une fois que tu passes de l’autre côté de la barrière, que tu deviens un membre de ce monde des auteurs, ton rapport aux choses change, et forcément, tes priorités aussi. Ça a été un déclic : je me suis senti très à l’aise dans la peau du scénariste, j’ai eu envie de continuer, et ça passait par un changement de casquette. C’est ce que j’ai fait en quittant Comic Box ce printemps, pour concentrer mon activité BD sur mes rôles d’éditeur en chef et de scénariste.
Pour la création de Spider-Man Noir, comment cela s’est-il passé ?
Très simplement, par un petit déjeuner entre Dave Hine et moi (rires), dans le quartier de Kensington, à Londres. Je venais de passer une nuit merveilleuse dans un hôtel formidable, où j’avais eu cette révélation, ce concept d’une réinterprétation de Spider-Man dans les années 1930, avec cette tagline de base concernant le meurtre de Jonah Jameson. C’était fin 2006. Beaucoup de scénaristes ne fonctionnent peut-être pas comme ça, mais moi j’ai des idées dans des situations incongrues. Par exemple hier j’ai eu une idée d’une nouvelle série, je rentrais chez moi en voiture, dans un embouteillage mais à mi-chemin entre l’endormissement et l’éveil, et j’ai eu une idée que j’ai trouvée formidable, et il fallait que je rentre vite chez moi avant de l’oublier. Donc, j’avais un rendez-vous avec Dave pour petit-déjeuner ensemble, et il me dit : « c’est une idée nulle, ça ne marchera jamais. » (rire général)
Ça aurait pu se finir là, mais le temps que je rentre à Paris en TGV, Dave avait changé d’avis, et il m’a rappelé pour me dire qu’il fallait le faire, du coup on en a discuté. Quelques semaines plus tard j’étais à New York, j’en ai profité pour faire un petit coucou aux gens de chez Marvel, et au cours de la discussion je leur ai parlé de ça, leur demandant si ça les intéresserait éventuellement. Et ils m’ont répondu « on ne t’a rien dit, mais c’est possible. » Dave et moi avons peaufiné notre pitch, l’avons envoyé à Joe Quesada, il a répondu 20 minutes plus tard qu’il revenait vers nous, et ça s’est enchaîné…
Ca veut dire que le principe du sous-univers Noir, c’est toi qui l’aurais imaginé au départ, ou qu’il se serait inscrit dans un vague projet qu’ils avaient déjà à l’époque ?
Tu sais, c’est comme ces idées qui flottent dans l’air du temps. Je ne saurai jamais ce qu’il s’est passé, Marvel ne le dira probablement jamais. Disons qu’il y a une conjonction de choses qui ont fait que ça a marché. L’autre projet, sorti en même temps que le nôtre, c’était X-Men Noir. Sauf qu’au départ il ne s’appelait pas ainsi. Nous c’était notre titre depuis le début. Cela a-t-il eu une influence ? Je ne sais pas. Est-ce qu’ils ont décidé d’en faire une ligne après ? Je ne le sais pas non plus, et ne le saurai jamais. On ne va pas se jeter des fleurs, jouer les prétentieux.
La seconde mini-série a été programmée alors que la première n’était pas terminée… Ca a dû être gratifiant de se voir dans cette situation, non ?
Ca nous a fait plaisir, et nous a surpris aussi. Parce que la création de la première série avait été assez compliquée, en ce sens qu’au fil de l’écriture et de l’arrivée des pages, on n’avait pas de date de sortie. Marvel refusait de nous le dire, et on finissait par se dire que ça ne sortirait jamais. Et puis c’est parti d’un coup, on a eu la confirmation à la rentrée 2008, on l’a appris… par Internet. On a vu qu’on allait sortir Spider-Man Noir pour le début décembre. X-Men Noir sortait une semaine avant, je crois. Ils avaient bénéficié d’une promotion autrement plus importante, ce qui a donné plus de ventes pour eux que pour nous au départ, mais on les a pas mal rattrapés depuis. Donc le numéro 1 en décembre, le 2 en janvier, le 3 en février, et le 4 n’était pas encore sorti que Dave et moi étions à la Comic Con de New York, et lors du rendez-vous chez Marvel, on nous a dit « On est très contents, on veut la suite, le pitch dans une semaine. Oui, on n’est sûrs de rien, l’économie n’est pas certaine, il faut aller vite, on n’est pas sûrs d’avoir le budget pour lancer cette série dans un an, donc on la veut le plus vite possible. » Avec Dave on a commencé à travailler dessus, mais la pression éditoriale était beaucoup plus forte qu’avec la première série. Marvel ne savait pas trop où on allait sur la première série, là ils ont essayé de nous influencer d’une autre manière. Ça a été moins confortable, en plus sur le dernier numéro de cette deuxième série, Carmine, le dessinateur, n’avait pas eu le temps de coloriser lui-même, donc il avait fallu faire appel à une autre coloriste. Pour moi l’expérience a été beaucoup plus frustrante. Sur la première c’était un pur plaisir, c’était vraiment formidable, sur la deuxième, c’était… autre chose, définitivement. J’aurais souhaité que ça se déroule autrement. Mais bon, j’assume.
Du coup, tu as été échaudé pour renouveler l’expérience ? Si l’occasion se représentait, travaillerais-tu toujours avec David Hine ?
Pas de problème, mais lorsqu’on était prêts à travailler sur la troisième série, Marvel n’a pas renouvelé le contrat, ils n’avaient pas le budget pour ça. On en a discuté, plusieurs fois, et au moment où le jeu video Spider-Man Dimensions est sorti, l’éditeur nous avait appelés pour savoir si on était intéressés pour faire un one-shot, mais finalement ça ne s’est jamais fait. Ça se fera peut-être un jour, il ne faut jamais dire jamais, mais peut-être aussi qu’ils le feront sans nous, ils en ont le droit.
Tu aimerais retravailler pour Marvel, ou d’autres éditeurs américains ?
Je ne ferme pas la porte, mais je suis quand même embarqué avec Atlantic sur un projet très différent. Quand tu travailles avec Marvel, c’est formidable, hein, mais rien ne remplace le sentiment de travailler avec tes propres personnages. Je suis d’accord avec Mark Millar quand il dit que c’est chouette de travailler avec Marvel, mais que c’est encore plus chouette de créer ses propres personnages et d’en faire une franchise. Et c’est surtout ça que j’ai envie de faire maintenant. Travailler sur ses personnages, c’est construire son avenir.
Et tu avais fait d’autres choses avant…
Oui, je faisais donc de la Bd pour enfants, j’adore faire ça, ainsi que de la presse jeunesse. Ces BD ont été publiées en magazine, pour la plupart, et elles ont constitué une manière de me tester, en tant qu’auteur, et m’ont permis de proposer de nouvelles choses. Avec mon camarade Xavier Fournier, nous avions aussi fait un album sur le catch, intitulé Catch Heroes (Jungle), j’ai aussi fait avec mon frère une BD qui s'appelait Foot dragon (Panini), qui mélangeait Shaolin Soccer et les BD de super-héros. C’était très fun, on a fait ça avec un dessinateur britannique, Jack Lawrence, et un Italien, Matteo Scalera, deux gentlemen dont je ne vanterai jamais assez les qualités… J’ai aussi fait une BD, pour le magazine du même nom, qui s’appelait Miya, princesse papillon, pour les petites filles. Tout ça m’a amené à acquérir de l’expérience, mais aussi à écrire seul, puisque jusque-là j’étais toujours en collaboration. Je préfère tout de même écrire avec un coscénariste plutôt qu’être seul, l’écriture collective permettant d’être enrichissante, d’avoir différents points de vue, et surtout permet d’éviter les erreurs. A deux, on peut tuer les mauvaises idées. Actuellement j’écris seul, mais les collaborations reviendront puisqu’il y a beaucoup de projets chez Atlantic et que je ne peux pas tout écrire.
L’année dernière est donc sorti chez Jungle l’un de tes premiers scénarios pour de la BD franco-belge, Catch Heroes. Je ne l’ai pas lu, mais j’imagine que ce sont des gags ? ce n’est pas évident d’écrire sur ce format…
En fait c’était des séquences de cinq pages avec des interludes ; c’était humoristique, mais avec de l’action. C’était vraiment une approche super-héroïque du catch, qu’on a pu pousser très loin. On a eu la chance de travailler avec Jack Lawrence, auteur de Darkham Vale, Tigre et Nounours, qui est un dessinateur fabuleux, mais aussi un fan absolu de catch. Donc quand on lui a demandé s’il voulait faire une BD sur le catch, il a dit « vous rigolez ? c’est le rêve de ma vie ! ». Il était ultra-motivé ; en plus c’est une brute, il est capable de faire cinq planches par semaine, dessinées, encrées et colorisées. On a bouclé l’album en trois mois, malgré des process de validation compliqués. Jungle, qui nous avait commissionnés, Xavier et moi, pour faire l’album, avait une idée très précise de ce qu’il voulait, et on avait un partenariat avec One plus one, qui faisaient le magazine officiel du catch, et on était obligés de passer par eux pour avoir un feedback sur le contenu. Ça a mis longtemps à se mettre en place, mais après ça roulait. C’était une expérience sympathique.
Que tu aimerais renouveler ?
Pourquoi pas… Je pense toutefois que la mode du catch est un peu passée, donc c’est moins évident. Ceci dit les ventes n’étaient pas éblouissantes mais correctes. Jungle a été satisfait, et cela a servi de tremplin pour Atlantic BD, puisque cela a renforcé mes liens avec Moïse Kissous, le patron de Jungle, avec lequel on a créé Atlantic.
C’est quoi Full FX, dont tu es le co-directeur général ?
C’est ce qu’on appelle grossièrement un packager ; c'est-à-dire une agence qui propose des magazines clés en mains pour des éditeurs tiers.
En 2004 Xavier et moi sortions de Custom Publishing ; on s’est demandé comment continuer à faire ce qui nous intéressait. Rester dans la presse tout en étant indépendants, sachant que c’était la crise et que personne n’allait nous embaucher. On a donc développé ce système, proposer des magazines clés en main non pas en tant que salariés, mais en tant que société. Une agence de presse. On a fait énormément de choses comme ça, et là on a une bonne quinzaine de magazines en cours. Les domaines étaient très variés au départ, des magazines sur le loisir, le multimedia, les DVD, on a participé à l’Echo des Savanes… avant de lancer Full FX, on participait à Mad Movies via Custom Publishing, et on a relancé Comic Box via Full FX.
On a développé énormément de magazines jeunesse, et c’est devenu le gros de notre activité. On fait Scooby-Doo, Batman, Hello Kitty, Gormiti, Zhu Zhu Pets, Horseland, etc. On travaille avec énormément de franchises différentes, et c’est très rafraîchissant.
Que penses-tu de la prolifération actuelle des adaptations de comics –de super-héros en priorité, mais pas seulement- sur grand écran ? Penses-tu que cela peut nourrir les mythologies de papier, ou qu’au contraire, à terme, cela risque de les tuer ?
J’ai envie de te dire que c’est une arme à double tranchant ; il y a une double exposition médiatique, et clairement les personnages de comics –pas les comics, mais les personnages eux-mêmes- sont plus populaires que jamais. Maintenant, les deux tiers des gens qui portent un t-shirt Superman ou Batman ou vont s’acheter tel objet estampillé comics n’en ont probablement jamais lu. Les personnages sont devenus plus grands que les media qui les porte. Parce qu’ils ont profité de la vague d’adaptations ; ils bénéficient d’une double exposition, et les revenus qui en découlent sont encore plus importants.
Finalement, dans l’industrie de la Bd américaine, les éditeurs se voient plutôt comme des départements de recherche et développement : ils créent leurs personnages, tout en sachant que ce sera adapté derrière en jeux, en films, en séries, etc. Ca peut limiter intellectuellement le champ d’application, mais d’un autre côté il n’y a pas de problème de budget dans les comics. On peut faire un film à 100 millions, 300 millions ou 4 milliards de dollars, on s’en fout. Et tant que ce sera possible, ce sera très bien. Il y a une mode, cette mode passera, mais l’impact qu’elle a eu sur l’industrie de la bande dessinée est définitif. Marvel appartient désormais à Disney, Warner a réinvesti, d’une certaine manière, sa filiale DC Comics… C’est immuable ; s’ils arrêtent, c’est qu’ils les auront détruites. Or je ne peux pas l’imaginer.
Donc il y aura encore beaucoup d’adaptations de comics, d’utilisations de personnages tirés de comics, il y aura des va et vient entre les différents départements de développement… Mais c’est un phénomène inconnu en France, les éditeurs n’étant pas du tout construits ainsi ; on n’a jamais vu un studio de cinéma fondre sur un éditeur de BD disant qu’il l’achète parce que ses propriétés intellectuelles l’intéressent. Le rapport à l’auteur est différent. L’auteur est détenteur de 50% de ses droits, quasiment tout le temps. Mais aux Etats-Unis, Marvel est propriétaire à 100% des droits. L’auteur n’est qu’un outil. C’est une question culturelle.
Et que penses-tu de la remise à zéro de la franchise Spider-Man au cinéma ?
Je ne suis pas trop fan de jeux video, du coup la première bande-annonce m’a laissé un peu de marbre. Maintenant il faut attendre de voir le film, on ne juge pas un livre sur sa couverture. On va être prudents, on va attendre. Je peux te parler de Thor et Captain America si tu veux, puisque je les ai vus, mais là je ne me prononce pas. Sur le principe du reboot, c’est vrai que Spider-Man 3 date seulement de 2007, mais pourquoi pas… Pour plein de gamins, Spider-Man c’est Spider-Man. J’ai déjà vu des reboots, enfin plutôt des remakes plus étranges, comme ceux de films d’horreur classiques. Est-ce qu’on en avait besoin ? pas forcément. Il faut voir ce reboot comme une nouvelle interprétation. Il faut arrêter de voir ça comme une logique implacable ; on voit des James Bond, en acceptant que l’acteur soit différent, que la narration soit différente, sur 22 ou 23 films, 40 ans de production… Si le public suit, c’est que le film était attendu, et ce sera mérité.
Et en fin d’année dernière, tu crées Atlantic BD, nouvelle structure éditoriale… Quelle est justement la ligne éditoriale ?
Atlantic BD est une structure créée par Moïse Kissous, et dont je suis l’un des principaux acteurs. Mais je n’en suis pas actionnaire, seulement l’éditeur en chef ; c’est déjà pas mal. Mais je fais ça au milieu de toutes mes activités, ce n’est pas la principale. Elle est née l’an dernier, à notre retour du Comic Con de San Diego, où nous étions ensemble, autour de Black Box. Ce titre était juste un titre, au milieu de trois autres, et Moïse voulait vraiment le publier mais Jungle ne se prêtait pas vraiment à ça. Nous avions par ailleurs des envies communes de faire des traductions de BD américaines, mais aussi de créer des choses, nos propres séries. Ça s’est fait naturellement, il m’a dit « je veux le faire, on va créer une nouvelle structure ».
On a cependant pris le temps de développer le contact, partant d’une feuille blanche ; on n’avait pas les mêmes soucis que d’autres maisons d’édition existantes, qui ouvrent un département « BD américaine ». Ce n’est pas notre cas, il n’a jamais été question d’ouvrir un tel département ; je vais être extrêmement clair là-dessus : Atlantic BD n’est pas un éditeur de BD américaines, c’est un éditeur de BD, point. Black Box est une création, il y en aura d’autres, qui vont dépasser le cadre du marché français, il n’y a aucun intérêt à nous cantonner à une origine géographique. Black Box c’est international : le scénariste et le coloriste sont français, mais le dessinateur est américain ; on a un projet avec un scénariste américain et un dessinateur asiatique, et notre slogan c’est « plongez dans la World BD ». Dans cette BD sans frontière, on doit pouvoir prendre des créateurs qui viennent de partout, si le projet est bon. On a pu développer, au sein d’Atlantic, une manière de développer une histoire, qui est internationale. Parfois on laisse de côté certaines BD, parce qu’elles nous paraissent trop américaines. On espère, ainsi, impulser quelque chose de nouveau, pour que le public se sente à l’aise avec nos albums.
Tu as dit que Moïse Kissous a créé la structure Atlantic BD, or chez Jungle une collection Thriller a été lancée il y a quelques mois… Comment allez-vous vous démarquer l’un de l’autre ?
C’est une excellente question. Jungle est un éditeur de Bd franco-belge classique. La méthodologie employée, la mise en scène, le rythme des albums, tout cela est très codifié. Tu prends Poker Face, par exemple, qui est dans cette collection, c’est un album français classique. 9 à 10 cases par page, 46 pages, un album par an, un lecteur de BD franco-belge n’est pas dépaysé par ça. Chez Atlantic le format est différent ; on aura du 19x28, c'est-à-dire légèrement plus petit que le format français, mais légèrement plus grand que le format américain. On a choisi ce format pour marquer notre différence ; deuxièmement la pagination est à 72 planches. Et le rythme est particulier ; comme on joue la carte de l’international, on fait des épisodes de 20 ou 22 pages. Chaque album est en soi une minisérie publiable aux Etats-Unis, ou dans n’importe quel pays avec des rythmes de parution comparables, et il y en a plus que ce qu’on croit. L’Italie, l’Espagne, l’Amérique du sud utilisent les mêmes systèmes de diffusion que les Etats-Unis. Ensuite, on a choisi une même homothétie de pages que celle des grands exportateurs de BD : le Japon c’est 13x18, les Etats-Unis c’est 17x26 ; le 19x28 c’est la même homothétie. L’exportation est ainsi facilitée.
On a donc une narration, un format et une homothétie qui font que l’on est complètement différent de Jungle Thriller. La philosophie est différente également, puisque tu ne raconteras pas la même histoire si tu as 5 albums de 46 planches, ou si tu as trois épisodes d’une vingtaine de pages, publiables individuellement, et dont l’histoire est finie à la fin des 72 planches, mais peut également se continuer sur d’autres épisodes. Chez nous les séries sont ainsi pensées comme des feuilletons, un peu comme ce qui se fait en Italie, bien que notre modèle soit plutôt la série télé. De plus chaque série comprendra deux albums par an. Dans la production française c’est plutôt un par an. Au mois de mars 2012 il y aura un deuxième Black Box. Ça va vite, mais ça fait partie de notre concept, de notre vision. Cela va permettre à Atlantic de se développer rapidement, et, si le public suit, bien sûr, de compter sur la scène internationale. Le marché français est important, mais n’est pas une fin en soi.
Pourquoi avoir choisi ce nom, Atlantic ?
Il y a la petite histoire et la grande histoire ; la grande histoire c’est que Moïse aimait bien que l’on trouve un nom positif, et qui représente une passerelle entre les continents. Du coup, quel lien plus magnifique que l’océan reliant l’Europe aux Amériques, et on dit à nos partenaires américains « rencontrons-nous au milieu de l’océan, pour construire nos BD ensemble », ce à quoi ils sont assez sensibles. La petite histoire, c’est qu’on allait tous se demander comment Moïse Kissous allait ouvrir l’Atlantique. A défaut de la Mer rouge, il ouvrira l’Atlantique. (rires)
Le site d’Atlantic se démarque d’autres sites d’éditeurs, du moins franco-belges et orientés comics, en privilégiant le côté communauté tout de suite.
Quant tu es un jeune éditeur, tout compte ; il est important, pour Moïse et moi-même, d’arriver avec des idées neuves de manière à bousculer un peu des éditeurs de BD traditionnels –qui sont tout à fait respectables- dont l’expérience peut être un frein à l’innovation. On s’est donc demandé comment faire un peu de buzz, puisqu’on n’a pas les moyens de Dargaud ou Delcourt, pour être un éditeur proche du lecteur.
Avec le système de réseau social que nous avons mis en place, nous sommes au cœur du lecteur ; en fait le lecteur est au cœur d’Atlantic. Il va pouvoir réagir, donner son avis, voire influer. Les gens peuvent me parler directement, je leur réponds. On est aussi très proches des représentants, des libraires ; quand je les rencontre, je leur donne mon numéro de portable, mon contact mail, en leur disant « vous avez des questions, je suis là ». Cette proximité est très importante, dans notre logique de développement, car on ne veut pas être un éditeur qui ne compte pas. On veut être un éditeur proche du public, on veut être un éditeur proche des libraires, et surtout, on veut mettre tous les atouts de notre côté pour que ça fonctionne. Je ne ménage pas mes efforts, ni mon temps, pour être dans cette optique-là.
Ce que font les éditeurs professionnels est très bien, mais cela ne me correspond pas ; je viens de la presse, je viens d’un media où l’information est disponible immédiatement, et où la proximité entre le public et les media est importante. Je viens aussi de la BD américaine ; quand tu vas dans les conventions aux Etats-Unis, le contraste est saisissant avec Angoulême, où c’est très distancié, où des vigiles t’interdisent l’entrée sur les stands pour discuter avec les auteurs. Aux Etats-Unis, pardonne-moi l’expression, c’est le bordel ; tu peux entrer sur les stands, discuter avec un auteur, qui que tu sois. J’aime ça ; j’aime le fait que les créateurs soient proches de leur public. J’aime le fait qu’on puisse avoir le feedback, un retour des lecteurs pour faire de meilleures BD. L’écoute, c’est très important ; on n’est pas un éditeur dans une tour d’ivoire, à se demander comment on peut, de manière pyramidale, déverser nos bouquins sur le petit peuple. On propose, et le public dispose. Je trouve plus intéressant d’inclure le public dans la réflexion, plutôt que de le laisser de côté et de le considérer comme un tiroir-caisse.
Connais-tu les sites comme bdtheque, où les gens viennent justement donner leur avis sur les bandes dessinées ? Comment tu vois ça ?
Je vois ça très bien (rires). Je ne le dis pas en tant qu’éditeur mais en tant qu’auteur : devenir auteur c’est accepter de se mettre en danger, accepter la critique, négative, positive, constructive, voire même inutile. Il y a des gens qui ne vont pas aimer Black Box. Tant mieux, ça m’inquièterait si tout le monde aimait cette série. La BD c’est un media collaboratif : il y a un scénariste, un dessinateur, un coloriste, un éditeur, il y a beaucoup de gens qui interviennent. Le produit fini n’a pas toujours la tête qu’il aurait dû avoir dès le départ, et c’est souvent très bien. Les avis différents influent sur la qualité du projet, et souvent en bien.
Et c’est le jeu. Je vais encore parler d’humilité, mais venant de la presse, secteur qui a plutôt mal vécu l’arrivée d’internet, on peut dire qu’avant tu avais des critiques professionnels. Depuis la venue d’internet, tout le monde est devenu critique. Qu’est-ce qui fait que l’opinion d’un journaliste avait plus de valeur que celle de Monsieur Tout le monde ? Rien. Ça nous a obligés à réfléchir à ce qu’on faisait. La critique est-elle ce qu’on attend de la presse ? La réponse est non ; de la presse on attend un éclairage, une analyse, des clés, pour qu’ensuite les gens puissent faire leur choix. Mais surtout pas une critique. D’ailleurs si tu regardes Comic Box, il n’y a pas de critiques, que de l’info. Ça te permet de choisir. Il n’y a jamais eu de forum sur comicbox.com, et il n’y en aura jamais, pour cette même raison. Le rôle d’un media pour moi, c’est d’aller jusqu’à la critique, et ensuite les gens se forgeront leur opinion. Les medias ne sont pas des faiseurs de rois. En tous les cas ils ne devraient pas l’être. Maintenant, c’est très bien qu’un site comme le vôtre existe, comme des tas d’autres, pour que les gens puissent exprimer leurs avis. Maintenant, il faut éviter que ça parte dans tous les sens, qu’il y ait des insultes, etc.
Nous sommes vigilants sur ce point en particulier sur bdtheque, comme sur d’autres. Parlons à présent de la série que tu as scénarisée. Dans la première vague de vos sorties, on trouve donc "Black Box", l’histoire d’une étrange boîte à musique… Cette histoire est-elle vraie ?
(rires) Ca a l’air vrai, hein ? C’est tout l’intérêt de cette série, c’est qu’elle a l’air vraie. J’ai toujours nourri une grande passion pour l’Histoire. Je ne le dis pas toujours, mais j’ai une maîtrise d’Histoire contemporaine, et je m’en suis remis. En fait quand je l’ai faite, je me suis demandé pourquoi…. Et maintenant, au bout de quinze ans, je comprends enfin (rires). Ça m’aide à savoir où aller chercher, et à avoir la bonne analyse sur l’Histoire, et en particulier l’Histoire nord-américaine.
Pour en revenir à Black Box, je suis arrivé avec cette idée il y a environ deux ans, et à l’époque on ne parlait pas de Wikileaks, personne ne savait ce que c’était, et je me suis dit que ce serait formidable s’il y avait eu un système d’enregistrement dans le Bureau ovale à la Maison blanche pendant 200 ans. Je me suis gratté la tête, et cette idée de boîte à musique offerte par le Général Lafayette à son ami George Washington me paraissait plausible. L’idée me semblait riche, parce que les ressorts d’histoire que cela induit sont nombreux. On est dans la fiction, mais j’aime cette idée de la fiction si proche du réel qu’elle en est plausible. Dans le premier tome, le public verra à quel point on a essayé de s’engouffrer dans les petites brèches de l’Histoire, pour raconter des petites histoires avec des grands personnages, ou des grandes histoires avec des petits personnages. Dans le second tome ce sera encore plus marqué. L’idée n’est tout de même pas facile à exploiter ; j’ai fait des centaines d’heures de recherche pour le premier album, j’ai commencé à travailler sur le deuxième, et je sais ce qui m’attend, des bouquins, des films, des allers-retours en bibliothèque, pour trouver des réponses et faire en sorte que ce soit le plus plausible possible, historiquement parlant. Je pense que ce serait impardonnable si on était imprécis. On va parfois prendre quelques libertés, mais l’important est de rester dans la logique. Je n’en dis pas trop, tu m’excuseras, afin de ne pas déflorer l’album.
Je peux te dire qu’à la base le concept n’était pas comme ça. Il y avait la Black Box, les personnages étaient les mêmes, mais l’histoire était liée à trois autres séries que je devais écrire en même temps. Black Box était le lien entre toutes ces séries, à travers l’histoire. Et finalement cette série a pris une vie propre, déconnectée des autres, parce que je me suis rendu compte en pitchant mes quatre séries que c’était celle qui avait le plus gros potentiel, la plus grosse cote auprès des éditeurs et des partenaires. Le concept même de Black Box est un concept qui plaît, et j’espère que le public va suivre, car on a mis beaucoup d’énergie dans cette série.
Tu as une idée du nombre de tomes qu’elle va comporter ?
Absolument pas, c’est ça la beauté aussi. C’est une série régulière, c'est-à-dire qu’il y aura autant de tomes qu’il y a de succès. Tant que les gens achèteront Black Box, il y aura Black Box. Et la ressource est quasi inépuisable : 200 ans d’histoire ! Plus de cinquante présidents aux Etats-Unis, il y a de quoi faire…
Comment as-tu convaincu Tom Lyle d’en faire le dessin ?
Tu veux dire comment il m’a convaincu de le prendre ? (rires) C’est très rigolo avec Tom ; on s’est rencontré via une personne que je n’ai jamais vue, qui s’appelle Robert Greenberger. En fait je suis très ami avec Jordan Gorfinkiel, ancien éditeur de DC qui est aussi auteur et dessinateur ; Jordan travaille avec de Robert, également ancien de chez DC. Robert et moi avons travaillé ensemble sur un projet de comics pour Microsoft il y a environ trois ou quatre ans, un projet autour des développeurs IT, comme on dit. Ça se passait bien, j’avais embarqué le dessinateur français Ullcer dans le projet. Et un jour, Tom Lyle m’appelle, me disant : « j’ai eu ton numéro par Robert, je suis à Paris avec des étudiants, si ça te dit de venir intervenir… » Tom est un ancien dessinateur de Spider-Man, de Robin, pour Marvel et DC. Puis, à la fin des années 80, il est devenu professeur de dessin et d’art séquentiel, à l’Université de Savannah en Géorgie. A ce titre il fait des voyages avec ses étudiants, en Europe et en France en particulier. Il voulait rencontrer des auteurs et des éditeurs français, et le seul français que connaissait Robert, c’était moi. On a eu un bon contact, je suis allé voir ses étudiants. Il m’offre un café pour me remercier, et me demande ce que je fais, je lui ai parlé de Spider-Man Noir, on a discuté de Marvel, puis de mes projets. Et il me dit « si tu as un truc pour moi, tu sais où me trouver, j’ai envie de revenir dans le métier ». Je lui ai envoyé deux-trois projets, et il a flashé sur Black Box. C’était en mars-avril 2010, donc bien avant qu’Atlantic Bd existe. Je garde ça dans un coin, et quand l’été arrive et qu’on recommence à parler BD avec Moïse, Tom me revient en tête, je le rappelle, et comme il était disponible pour faire Black Box, on est partis.
Par contre cet album n’a pas été un long fleuve tranquille. On essaie d’imprimer une nouvelle manière de voir la BD. Il fallait que Tom désapprenne, d’une certaine manière, tout ce qu’il avait appris il y a 25 ans, quand il a commencé à faire de la BD. Il fallait qu’il aille vers plus d’Europe, et moi il fallait que j’écrive de manière à ce que ce soit plus international. Il a fallu affronter plusieurs défis : des différences culturelles, parfois l’incompréhension, etc. Je pense qu’au final, l’album qu’on livre est le fruit d’une véritable coopération ; ce n’est pas un album écrit par un scénariste français et qui dirige complètement, pareil pour le dessinateur qui décide de ce qu’il fait, c’est vraiment le fruit du travail collectif entre Tom et moi, qui avons beaucoup discuté. Via Skype, presque tous les jours, ce qui me permettait de voir les planches, comment il avançait, etc. Sur certaines planches, son avis l’a emporté, sur d’autres c’était le mien… C’est un vrai travail collectif, et je pense que c’est la première fois que j’ai une telle collaboration avec un artiste. Ce n’est pas fusionnel, car il y a par exemple des planches que je n’aurais pas vues telles qu’elles sont, mais c’est la beauté de ce métier, de la BD. Tu vas écrire un scénario, que le dessinateur va interpréter d’une autre manière, pas forcément comme tu le sens. Mais comme le dit Warren Ellis, « dans 99% des cas c’est mieux ». Je n’irais pas jusqu’à 99%, mais dans la plupart des cas, c’est mieux. Parfois non, mais parfois oui. Ce premier album nous permet de progresser ensemble vers quelque chose, on espère faire encore mieux dans le suivant.
Au passage, félicitations pour le titre Black Box est vraiment bien trouvé, avec ce double sens relatif aux boîtes enregistreuses des avions…
C’est un peu la même chose. Maintenant il va falloir que je travaille à ce qu’il n’y ait pas « box » dans tout ce que je crée (rires) : « Comic Box, Black Box, tu es le gars qui fais des box », on va me dire… Et d’ailleurs j’en voudrais aux gens de me ranger dans des boîtes…
Tu m’as dit en début d’entretien que tu étais gêné par la double fonction journaliste/auteur. Comment, du coup, concilies-tu la double casquette d’auteur et d’éditeur ?
Elle est même triple, mais c’est ma vieille marotte, puisque j’ai toujours réalisé la direction artistique de ce que je faisais. La mise en page, la création graphique, les logos, le print, tout ce qui est communication visuelle c’est moi qui m’en charge. Je ne suis pas unidimensionnel, c’est plus fort que moi, je suis obligé de faire plusieurs trucs. Il se trouve que ça arrange beaucoup de gens (rires) que je sache faire plein de choses. Ça me donne une grande liberté d’action, une grande autonomie. Je suis conscient que ce n’est pas le cas de tout le monde, mais puisque je peux, je le fais. Ceux qui en ont ras le bol de voir ma tête sont libres de changer de chaîne, comme on dit. Ceci dit, je n’ai pas l’impression d’être omniprésent sur le marché de la Bd française ou internationale. Je suis assez discret, on ne me voit pas fanfaronner sur tous les sites internet, m’exposer ou me montrer dans les soirées. Je ne vais que rarement, voire jamais, dans les vernissages. Sur les salons, je ne suis pas très visible, j’essaie d’éviter Angoulême parce que je ne suis pas un grand fan. Par contre, si on vient me chercher, si on m’écrit, je réponds.
Récemment j’ai participé à une video-conférence avec Stan Lee, vous avez l’intention de faire un truc dans ce genre ?
Oui, on essaye de monter ça, mais c’est compliqué ; il y a des fuseaux horaires différents, des auteurs sur la côte est, d’autres sur la côte ouest, on en a un en Angleterre, c’est plus facile, mais lui il n’est pas fiable, du genre à te poser des lapins (rires). Et puis on ne va pas faire des coups d’éclat, de la promo pour de la promo, se dépêcher de faire un truc avant le 15 sous prétexte qu’on a une sortie le 26… Ce n’est pas le genre de la maison. On va aussi laisser nos bouquins parler pour nous, espérer que nos choix éditoriaux et créatifs seront validés, et on va gentiment construire notre petit igloo, sous l’eau.
Tiens, je ne savais pas que le minet qui jouait dans Heroes avait créé un personnage de comics… Comment s’annonce Rest ?
Il a donc créé cette série qui sera publiée chez nous en deux volumes, à partir d’octobre. Et il est en train d’en créer une nouvelle, là, qui sera publiée en 2012 aux Etats-Unis. On attend de voir comment ça se passe avec la première avant de prendre la seconde. Pour en revenir à Rest, il a créé le concept, et a été voir un scénariste, en l’occurrence Mark Powers, en lui donnant des directives. Powers a écrit, suivant les directives de Milo Ventimiglia, et c’est ce dernier qui a validé le scénario. D’une certaine manière, il était le producteur ; Virgin avait lancé le même principe avec différentes séries publiées en France par Fusion Comics. Ça a été un gros échec, mais à l’époque toutes les personnalités hollywoodiennes voulaient leur comic-book attitré. Ils n’écrivaient pas, mais donnaient des idées, il y avait des meetings créatifs où ils donnaient leurs idées et validaient le scénario. Il y avait eu par exemple Nicolas Cage, John Woo, Hugh Jackman, et là Guillermo del Toro va superviser l’adaptation de son comic book The Strain chez Dark Horse. Il ne va faire que superviser, il n’a pas le temps de l’écrire lui-même. Maintenant il y a de vrais exemples de vrais scénaristes d’Hollywood qui ont fait des comics, comme Kevin Smith, mais aussi Chuck Kim, Joss Whedon bien sûr, qui sont d’authentiques fans de comics. Ils ont simplement mis leur métier au service de leur passion, un peu comme ce que j’avais fait avec Comic Box.
Mystery Society s’annonce comme un hit avec Steve Niles aux commandes et un pitch diablement alléchant… Comment es-tu tombé sur cette perle ?
C’est un pitch complètement barge. Ca va dans tous les sens, et c’est ce que j’appelle un joyau. La série n’est pas passée inaperçue au niveau du public, puisque ça s’est très bien vendu aux Etats-Unis, mais au niveau des medias, il n’y a pas eu beaucoup d’échos. Quand on s’est renseignés sur les droits de cette série, elle était disponible, on l’a donc prise. On était très surpris, mais tant mieux pour nous. C’est une série formidable, qui va révéler une dessinatrice pétillante et pleine de talent, Fiona Staples. On espère vraiment que le public va adhérer parce que c’est une très belle BD.
Quelles vont être les autres BDs à sortir ?
Il va y avoir Time Bomb, Morning Glory Academy, et bien sûr Black Box. Il y aura aussi Superman contre Mohammed Ali, qui va être un album exceptionnel, à tous les niveaux. Il a déjà été édité en France il y a 28 ans, mais c’était en format souple, en kiosque, dans une édition tronquée, qui n’avait pas vraiment fait honneur à l’original. On l’édite dans une édition très luxueuse, en tirage limité, avec un fourreau, avec des bonus créés spécialement pour la France. Dont je peux te dévoiler un peu la teneur : il y aura un poster, un programme du match, un fac-similé de tickets. L’édition comportera des dorures, un vernis sélectif… Vraiment un bouquin unique par son ampleur, par son sujet, par les personnages qui l’animent. Pour nous c’est une belle prise. Beaucoup d’éditeurs étaient sur les rangs, et c’est nous qui l’avons emporté. Je pense que le fait de créer les bonus a fait pencher la balance en notre faveur, les autres éditeurs candidats ne proposaient pas ça. On a dit à DC Comics qu’on voulait faire l’édition définitive de cet album ; et vu comme ça a été dur de le réaliser, on espère que ça va le faire.
Cet album nous donne l’occasion de lancer la première collection d'Atlantic BD. Au départ on ne voulait pas faire de collection ; les albums Atlantic seront des albums Atlantic. Maintenant, Superman contre Mohammed Ali, c’est tellement unique, tellement différent, ça ne ressemble tellement pas à tout le reste de tout ce qu’on propose, qu’on s’est dit qu’il fallait qu’on le mette dans une collection à part, et celle-ci s’appelle Atlantic Prestige, dans laquelle on mettra toutes les œuvres un peu atypiques qu’on aura envie de publier. Le catalogue Atlantic restera cependant le plus homogène possible, de manière à rester le plus lisible possible dans l’esprit et des lecteurs, et des libraires.
Des titres que tu aimerais rééditer, et pourquoi ?
Il y a beaucoup de choses que j’aimerais rééditer, mais je ne vais pas en parler maintenant. Ou alors je vais devoir te tuer après, ou t’enfermer dans une boîte noire pendant 200 ans, ça va faire long, même avec de la lecture (rires).
Fabrice, merci.
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