Auteurs et autrices / Interview de Pat Perna
Pat Perna est surtout connu pour ses BD d'humour sur les sports mécaniques ; mais il a bien d'autres facettes, même si le rire n'est jamais loin. Plein gaz !
Voir toutes les séries de : Pat Perna
… C’est comme ça que m’appelle Bar2 parfois… ce petit surnom a un côté désuet qui n’est pas pour me déplaire. Je préfère ça à Potache en tous cas…
Alors on va parler de ta carrière d’auteur de bandes dessinées… Pourquoi avoir quitté le milieu de la presse pour te consacrer (peu ou prou) au 9ème Art ?
Comment ça peu ou prou ? C’est une coquetterie de langage ou tu le penses vraiment ? Je me consacre intégralement à la BD depuis que j’ai quitté le journalisme et crois-moi, ça demande pas mal d’énergie contrairement à ce que l’on imagine lorsqu’on est juste lecteur. J’ai quitté mon métier de journaliste par opportunisme… parce qu’on me proposait de me payer à faire des petits Mickey. Il aurait fallu être fou pour refuser pareille proposition !
Tu fais une première incursion avec "Skud", en 1992, avec ton compère Stéphane, alias Fane, rencontré en agence de pub. Parle-nous de cette première expérience…
L’agence de pub en question s’appelait Twin Cam. J’y ai connu Fane, Bar2 mais également (pour l’anecdote) Maurice G. Dantec (la Sirène rouge…) qui était notre Directeur Artistique. Avec Stef nous avions beaucoup de choses en commun et surtout un goût immodéré pour la BD franco belge et les spaghettis à la bolognaise. C’était les années 90, la guerre du Golfe… J’étais dingue de Mad Max, je ne me remettais pas de la lecture de Dune… Bref, je voulais faire une grande épopée néo-futuriste qui mélange tout ça…
Tu as dû être échaudé, puisque tu ne reviens qu’en 2000, avec Calagan, cette fois, chez Vents d’Ouest. Les sports mécaniques, c’est ta grande passion ?
Pas échaudé, juste un peu occupé, puisqu’après le succès interplanétaire de Skud (on a bien dû en vendre 7000 exemplaires), j’ai bifurqué vers le journalisme et qu’on m’a immédiatement envoyé faire le zouave en Afrique. J’y ai découvert le Rallye Raid et connu Jean-Pierre Fontenay, un pilote automobile (qui gagnera le Dakar en 1998). Calagan, c’est son surnom, en référence à l’inspecteur Harry (en réalité c’est l’inspecteur Callahan, mais le nom a été déformé phonétiquement). Notre rencontre a donné cette BD qui restera mon plus beau souvenir d’auteur… Un pur moment de bonheur créatif avec Fane et Fontenay. Et au final un bouquin que j’aime encore énormément aujourd’hui… C’est suffisamment rare pour être précisé.
Es-tu un grand lecteur des classiques du genre, Alain Chevallier, Michel Vaillant, Mauro Caldi ?
Pas du tout ! J’ai toujours détesté Michel Vaillant… Déjà enfant je ne supportais pas ce style de dessin figé et maniéré. J’ai toujours pensé que Julie Wood c’était Vaillant avec une perruque et je ne comprenais pas pourquoi les voitures faisaient VRoooar dans ses planches alors qu’une Formule 1 n’a jamais fait ce bruit-là !!! Quant aux autres je ne connais pas assez pour avoir un avis… Je suis surtout un grand lecteur de Franquin, de Gotlib, j’ai biberonné à Astérix, Lucky Luke … enfin, rien de vraiment original. Je suis comme tous les gars de ma génération…
Pourquoi aborder ce thème uniquement sous l’angle de l’humour ?
Parce que c’est bon de rire parfois… Heu... Ca te va comme réponse ? Je n’en sais rien, c’est naturel pour moi, je n’envisageais pas la BD autrement à l’époque. Mais peut-être que je me trompe… Tu penses que j’aurais dû faire du mélo ?
Calagan, c’est fini ?
Bel et bien. De Calagan il ne reste pour moi que le Tome I… Le seul qui soit vraiment abouti. Les autres sont des malentendus hélas…
Comment en es-tu venu à travailler sur Joe Bar Team ?
C’est Bar2 qui me l’a proposé tout simplement. Je crois qu’il était ivre cette fois-là… Je lui ai fait signer immédiatement un contrat et depuis je suis en fuite…
En 2005, tu lances avec Henri Jenfèvre, marathon-man de l’humour, Tuning maniacs. Tu n’as pas peur que le public-cible soit un peu trop restreint ?
Le public cible ? De quoi parles-tu ? Tu imagines vraiment que je suis capable d’envisager la BD sous cet angle ? Tu veux vraiment me fâcher ?! J’ai eu l’idée de cette série parce qu’à l’époque mes voisins de bureau étaient les journalistes d’un magazine de tuning (Maxi Tuning). Ces gars me faisaient marrer et je voulais juste me foutre gentiment de leur poire… faut pas chercher plus loin. Et puis j’ai deux fils passionnés de bagnoles comme beaucoup de petits garçons. Je voulais les faire rigoler avec des histoires de voitures grotesques et ça a plutôt bien marché… Aujourd’hui tous leurs potes viennent à la maison pour me parler de Tuning Maniacs ou de Paddock. C’est pour les mômes ces séries, c’est eux mon public… Je n’ai pas d’autre ambition lorsque j’écris des gags de Régis que de faire poiler mes mômes et leurs potes…
Vas-tu toi-même dans des rassemblements de bikers, de tuning ?
Evidemment j’y suis fourré tous les week-ends avec mon pote Henri Jenfèvre ! Non, franchement, qu’est-ce que j’irais faire dans des rassemblements ??! (à part peut-être me documenter) Je suis agoraphobe, misanthrope et scénariste de BD, pas mécano…
En 2008 tu lances Camping car globe trotter, avec l’inarrêtable Philippe Bercovici. C’est bizarre, j’aurais plutôt vu cette série chez Bamboo (où travaille ton ami Jenfèvre) que chez 12bis…
Bah ce n’est pas ça qui va me vexer. Je ne vois pas en quoi Bamboo serait moins légitime que d’autres maisons d’éditions… Il faut arrêter ce snobisme. Bamboo est un éditeur qui fait bosser des tas d’auteurs et leur permet de vivre de la BD. Ils ne forcent personne à acheter leurs bouquins que je sache ? Ils ont un public très nombreux tout aussi respectable que les autres. Tu imagines que les autres éditeurs sont plus passionnés par le neuvième art toi ? Quel romantisme…
Le succès n’a –semble-t-il- pas trop été au rendez-vous… Qu’est-ce qu’il manque à la série d’après toi ?
Un scénariste de talent ?… ou alors juste un vrai titre grand public. Camping Car c’est trop segmentant…
Monique et Robert me semble marcher sur les plates-bandes des Bidochon, installés depuis très longtemps maintenant. Qui en a eu l’idée au départ ? Berco ou toi ? Les personnages étaient déjà présents dans votre série précédente…
C’est mon idée je crois, mais elle est le fruit de notre rencontre, comme c’est toujours le cas dans une collaboration harmonieuse entre un scénariste et un dessinateur. Au final on ne sait plus qui fait quoi exactement. Mais je n’ai pas cherché à pomper les Bidochon. Si on y regarde de plus près, ils sont assez différents d’ailleurs ; même si la filiation est suffisamment évidente pour avoir éveillé ta suspicion. Puis je vais te faire une confidence : je n’invente jamais rien. Je suis presque totalement dépourvu d’imagination. Je me contente de caricaturer les gens qui m’entourent. Monique et Robert existent vraiment (comme tous mes personnages), je peux même te les présenter…
Certains ont remarqué qu’une partie des gags provenait de la « série-mère »… Il va y avoir plus d’inédits dans le tome 2 ?
Cela faisait partie du « deal » avec l’éditeur. Je voulais absolument que Monique et Robert existent, mais 12bis n’avait pas très envie de prendre le risque… J’ai proposé, pour que ça ne coûte pas cher, de reprendre les gags des trois tomes de Camping Car et de rajouter une dizaine de gags. Je voulais que le public, qui n’avait même pas ouvert Camping Car, rebuté par le titre, découvre ces personnages autrement. Hélas, ça n’a pas vraiment fonctionné… Ca m’attriste beaucoup parce que j’avais plein de trucs à raconter avec ces personnages. Je voulais faire une série plus sociétale où j’aurais pu aborder des sujets de société, de la politique… Mais vu les résultats je ne crois pas qu’il y ait de tome II.
Auto, moto, formule 1, camping-car, rallye-raid… Il te manque quoi ? Le jet-ski ? Les bateaux à moteur ? Le karting !
Ha ouais pas bête… Je vais proposer ça immédiatement à Olivier Sulpice, histoire de mettre enfin un pied chez Bamboo.
La Question de Dieu prend à revers la plupart des détracteurs qui te trouvaient cantonné à un seul genre (l’humour) et à une seule ambiance (les sports mécaniques). Là tu t’en prends à Dieu, de façon assez iconoclaste, même si je trouve que tu aurais pu aller plus loin. Comment s’est passée la réalisation de cet album ?
Oui, j’ai lu la critique que tu en as faite sur ton site… haem… On ne s’est pas bien compris en réalité : je n’ai pas fait cette BD pour délivrer un message. Je voulais juste me marrer un peu avec la religion et placer quelques scènes qui me faisaient poiler. Dédramatiser le sujet en somme. Et puis le sujet ce n’est pas Dieu… C’est moi. Vous n’avez rien compris les gars… ou alors peut-être que je me suis mal exprimé…
Le dessin de Laetitia Coryn est assez sympa sur cet album, vas-tu retravailler avec elle ?
Bien plus que ça… J’ai demandé sa main au père de Laetitia. Hélas, elle est déjà fiancée avec un acteur de cinéma je crois… Pour ce qui est de travailler avec elle, à vrai dire, j’adorerais ça. C’est une auteure pleine de talent promise à un brillant avenir (et là je suis très sérieux) et si je pouvais en profiter un peu pour redorer mon image ça m’arrangerait… Tiens, je ferais bien un roman graphique avec elle.
Ah, tu avais aussi travaillé sur une série de gags, dans la série « Journal insomniaque d’une femme de ronfleur ». C’était un boulot de commande, non ?
Mais… mais… mais…Comme tu es très perspicace mon cher Spook… tu permets que je t’appelle Spook n’est-ce pas ? C’est une idée de Laurent Muller (12Bis), à laquelle j’ai participé parce que je trouvais le défi intéressant. Essaye donc de me trouver 46 gags autour du thème du ronfleur… Bon, et bien moi je l’ai fait (pas toujours avec bonheur et réussite je te l’accorde). J’ai créé des personnages que je trouve assez attachants (dont le psy qui est un de mes amis, et la copine de l’héroïne avec qui j’ai un lien tout particulier), j’ai planté le décor et je ne regrette pas... Je sais bien que ce n’est pas avec ça que je serai invité à Angoulême ou qu’on parlera de moi dans DBD… Pourtant, crois moi, j’y ai mis du cœur.
Tu m’as confié un jour que c’était un peu difficile de passer aux millions d’albums vendus du Joe bar Team au quasi-anonymat de certains autres de tes projets… Comment gères-tu cela ?
Je le gère difficilement parce que je ne le comprends pas. Berco m’a dit un jour avec justesse que dans la BD il n’y avait, selon lui, pas de passerelles entre les séries. Il n’a pas tort. Regarde les résultats de Zep avec Titeuf ou les Chronos Kids par exemple… D’un autre côté le JBT ce sont plusieurs millions de lecteurs mais un quasi anonymat médiatique. En dehors du JBT, je n’existe pas, au point que lorsque je demande à Vents d’Ouest de dédicacer à St Malo (parce que j’adore ce festival où je suis allé une fois pour Skud) on me répond avec un air embarrassé que… mmm… non, vraiment… désolé… ça ne va pas être possible coco… tu n’es pas dans le bon créneau mon gars. Il a presque fallu que je mendie mon invitation à Angoulême, l’année même où le JBT termine meilleure vente de BD en France !!
Tu places certaines de tes histoires dans ton coin, à Choisy le Roi ou aux alentours du Val de Marne (VdM) ; pas envie d’écrire un thriller mécanique urbain futuriste ?
Bouge pas, j’envoie un autre mail à Bamboo et je te réponds juste après…
Quels sont tes autres projets ?
Un thriller mécanique urbain futuriste à Choisy le Roi, chez Bamboo.
Pat, merci.
De rien Spook, et reviens quand tu veux…
Site réalisé avec CodeIgniter, jQuery, Bootstrap, fancyBox, Open Iconic, typeahead.js, Google Charts, Google Maps, echo
Copyright © 2001 - 2024 BDTheque | Contact | Les cookies sur le site | Les stats du site