Auteurs et autrices / Interview de Claude Pelet
Commencée il y a près de 15 ans, la série Sasmira a généré beaucoup d’attente auprès des lecteurs. Changement d’éditeur, réédition et… nouveau dessinateur, avec Claude Pelet, qui a accepté de répondre à nos questions.
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Bonjour à tous,
À 16 ans j’intègre l’école des Beaux-Arts de Nîmes pour en ressortir deux ans plus tard.
Ensuite j’ai tout appris sur le tas en autodidacte.
Les premières traces que l’on trouve de toi remontent à plus de vingt ans, c’est l’ouvrage Vieux motards que jamais, en 1990. C’est réalisé dans un style humoristique. Avais-tu des contraintes, des demandes particulières de la part de l’éditeur ?
Les seules contraintes que j’avais étaient de respecter scrupuleusement les moindres détails techniques et mécaniques des machines. Je choisissais moi-même les modèles. Il est à noter que je n’étais pas motard et que je ne le suis toujours pas à mon grand regret.
Tu as rencontré Serge Le Tendre à peu près à cette époque. Que t’a-t-il apporté ?
Tout d’abord, son amitié. Puis il m’a donné un livret sur l’écriture et l’élaboration d’un scénario. Il m’a donné de son temps quand je lui amenais mes premières planches de Kathüm. Il démontait mon travail avec justesse et gentillesse. Il m’a appris à faire avancer un récit sans perdre de temps en futilités. Merci Serge !
On te perd un peu de vue dans le secteur pendant une dizaine d’années… Qu’as-tu fait dans l’intervalle ?
De la com, de la pub, du web et de l’animation. J’ai travaillé un petit temps sur la série TV Sonic.
Les pages d’European Super Heroes, enfin certaines, sont vraiment pas mal… Dommage que Claude Balaguer ne soit pas allé plus loin…
C’est de ma faute, Claude Balaguer a écrit 32 épisodes. Je réalisais à l’époque 22 planches plus la couverture en un mois. J’ai réalisé deux épisodes, mais faute de débouchés nous avons dû nous arrêter là. Cette série n’a jamais vu le jour et le pilote n'est même pas sorti :(
Quand on regarde les archives sur ton site, on voit que tu t’es essayé à plusieurs styles… Quelles sont tes influences revendiquées ?
Elles sont nombreuses et éclectiques. De Bilal, Adamoff, Loisel en passant par les comics Marvel avec un petit détour par Dubout et j’en passe...
Tu as rencontré plusieurs auteurs au festival de Fabrègues ; ceux-ci ont pu t’aider à améliorer ton dessin, ton découpage, j’imagine…
Pas vraiment et à vrai dire je ne leur ai rien demandé :)
Tu reviens donc en 2002 avec un petit livre illustré, le petit prince Quentin, réalisé au profit de la lutte contre la leucémie. Une cause qui te tient à cœur ?
C’est pour une amie touchée de près par ce drame que j’ai participé à l’élaboration de ce petit livre illustré. Bien peu de choses en vérité lorsque l’on connaît les besoins de la recherche pour la médecine.
Tu fais ensuite tes premiers pas en tant qu’auteur BD avec deux albums racontant les faits historiques dans ta région le Languedoc-Roussillon. Quelles sont les différences fondamentales entre un éditeur BD « national » et un éditeur régional ?
Le prix à la planche, pas de droits d’auteur et un réseau de diffusion inexistant faute de moyens.
Tu avais signé un contrat avec Soleil pour réaliser les Neuf princes d’Ambre, le cycle de Zelazny adapté par Ange. Mais suite à un désaccord cela ne se fera pas… C’est dommage, les planches étaient très belles…
Merci.
Finalement c’est Jarry et Dellac qui réalisent cette série…
Entre-temps, Paul Salomone a tenté l’aventure et comme moi a jeté l’éponge faute de scénario.
Comment as-tu rencontré Laurent Vicomte ?
Lors du festival BD de Fabrègues 2006. Laurent était présent et cherchait toujours un assistant pour l’aider à terminer cet album. Ayant su que Régis Loisel regardait de près mon travail, Laurent m’a demandé à le voir aussi. Convaincu, il m’a invité à venir chez lui pour faire un essai.
T’a-t-il dit pourquoi il ne souhaitait pas dessiner la suite de Sasmira ?
Oui mais je n’en dirai rien, c’est à lui de vous le dire. La réponse est dans le DVD qui sera présenté en avant-première au festival d’Angoulême 2012.
Au final, combien de temps t’aura pris ce tome 2 ?
4 ans.
Et pendant ce temps, tu as réalisé l’épilogue et le prologue de l’ultime tome de Balade au bout du monde… Comment se passe le travail avec Pierre Makyo ?
Pierre Makyo est quelqu’un d’attachant et charmant. Il est très professionnel et intelligent. Avec lui, pas de perte de temps. L’efficacité est son maître mot. Il est ouvert à la discussion et m’a laissé la place de m’exprimer. Je l’en remercie.
L’album devait sortir fin 2010, et toujours rien… Sais-tu pourquoi ?
Priorité à Sasmira.
Revenons-en à Sasmira… A sa sortie l’album avait suscité beaucoup d’enthousiasme, et du coup, beaucoup d’attente, une attente qui a duré presque 15 ans… Comment travaille-t-on avec une telle pression ?
Avec abnégation, humilité, opiniâtreté… Douleur, craintes, doutes…
Laurent Vicomte a dû suivre ton travail de très près… As-tu quand même pu insérer un peu de liberté dans le découpage ou la mise en scène ?
Complètement et par la force des choses. Au début nous travaillions deux jours par semaine chez lui mais ne voyant pas le travail avancer de son côté j’ai cessé de lui rendre visite pour continuer et terminer tout seul. J’ai réalisé 23 planches en solo sans le regard de Laurent.
Vicomte a visiblement réalisé une partie des planches… A partir d’où ton travail est-il plus visible ?
Laurent a dessiné les 19 premières planches et nous avons storyboardé de concert une quinzaine de planches.
Tu as dit sur le forum que ta collaboration avec Vicomte avait été chaotique… Peux-tu nous en dire plus ?
No comment ! Ceux qui connaissent Laurent savent de quoi je ne parlerai pas ;)
D'un point de vue technique, où réside la plus grosse difficulté dans ce genre de reprise ? Il y a par exemple trois époques différentes à « gérer »…
La plus grosse difficulté réside dans l’appropriation de l’univers de Laurent, sa sensibilité exacerbée, son besoin de perfection. Il m’a fallu entrer dans sa tête pour le comprendre et être capable de digérer son histoire personnelle, mais aussi pour pouvoir comprendre les tourments de ses personnages pour mieux servir cette histoire qui est, ne l’oublions pas, autobiographique à plus d’un titre.
Il m’a fallu aussi m’oublier pour me fondre dans son trait. Je ne voulais pas que l’on sente une trop grande césure entre les planches de Laurent et les miennes. Il m’a fallu trouver des raccourcis, Laurent a trente ans de BD derrière lui et il a été de l’atelier Bergame avec Loisel, Le Tendre, Rodolphe et tout une clique de dessinateurs et scénaristes BD maintenant tous reconnus, l’émulation et la compétition amicale les ont formés. Pour ma part c’est mon premier véritable album et j’ai toujours travaillé seul.
A la lecture je ne t’ai pas senti forcément à l’aise avec tous les personnages… Si Bertille est toujours aussi magnifique, Stan ne me semble pas encore tout à fait maîtrisé…
C’est vrai. Il faut savoir que je n’ai pas eu le temps de faire des essais ni des recherches sur les personnages, j’ai dû attaquer les planches directement et je me suis fait sur le taf.
As-tu vécu le changement d’éditeur de la série, en 2008 ? Et si oui, peux-tu nous en parler ?
Non, je n’étais pas encore présent à cette époque.
Comment s’est passée la collaboration avec Patricia Faucon, la coloriste ?
Très, très bien. Patricia est une coloriste exceptionnelle qui a mis toute sa sensibilité féminine au profit de cette aventure. Nous n’avons malheureusement pas eu beaucoup de temps, aussi paradoxalement que cela puisse paraître, pour faire cet album dans des conditions optimales. Pour info, je lui ai demandé de faire les couleurs de mon premier album en collaboration avec Jean-Blaise Djian « Le destin des Algo-Bérang » et elle a accepté. J’en suis très heureux et notre collaboration passe par le dialogue, l’échange et l’écoute.
Peux-tu nous parler de Kathum ?
C’est un projet personnel que j’ai entrepris il y a 18 ans. Je travaille dessus en dilettante pour me ressourcer et me détendre. Je suis en train de le séquencer pour une adaptation 3D avec Dwarfs-Labs et de le storyboarder pour le présenter aux éditeurs.
Où en est Le Destin des Algo-Bérang, ton projet avec Jean-Blaise Djian ? Peux-tu nous en dire quelques mots ?
À l’heure à laquelle je tape ses lignes, il me reste 10 planches à encrer. Je termine début février pour une parution fin août/début septembre 2012. Patricia Faucon a déjà bien avancé sur les couleurs. Ce projet, commencé en même temps que mon arrivée sur Sasmira, il y a 4 ans donc, s’étale sur 5 tomes.
En 2010, tu reviens à l’un de tes premiers boulots, l’animation, en intégrant un studio 3D, Dwarfs-Labs. Comment passe-t-on de l’un à l’autre ?
Encore une fois sur le festival BD de Fabrègues édition 2010. Dwarfs-Labs qui venait de s’implanter dans le coin recherchait des auteurs/dessinateurs pour assurer des cours de storyboard et mise en scène. J’étais venu rendre visite aux copains quand, intéressé par ce média, je me suis présenté à Olivier Pinol et tout le staff du studio. Je leur ai montré les originaux des « Algo-Bérang » et après discussion amicale, nous avons convenu d’un entretien pour mettre en place notre future collaboration. Quelques mois plus tard, j’attaquais mes premiers cours de storyboard. L’ambiance et la passion aidant de nouveaux projets communs ont commencé à prendre forme.
Que nous réserve la suite de Sasmira ?
:) Beaucoup de surprises et de rebondissements. Mais chut ! ;)
La série sera-t-elle clôturée en 4 tomes, d’après tes propres dires sur notre forum ? J’imagine que la suite va venir un peu plus rapidement ? Tu as commencé à bosser sur la suite ou l’éditeur attend-il de voir comment l’album sera perçu par le public ?
Laurent a prévu la série en 4 tomes mais rien n’est tout à fait défini. C’est à Laurent de répondre à ce sujet. Pour l’instant, je n’ai pas signé pour réaliser la suite et me suis engagé dans d’autres projets plus personnels qui me tiennent à cœur. Je ne pense pas continuer l’aventure sur Sasmira.
D’une manière générale, quelle est ta technique, sur Sasmira et sur tes autres séries ?
Servir le texte avec sincérité. Faire appel à ses émotions. S’immerger complètement dans l’histoire et se laisser emporter par les personnages. Le dessinateur n’est qu’un outil au service d’un texte et/ou d’un autre auteur (scénariste).
Ne penses-tu pas que Glénat est allé un peu vite en besogne en rééditant le tome 1 il y a 3 ans ?
Peut-être mais comme moi ils ont cru que nous aurions terminé plus tôt :D
Penses-tu qu’ern plus du noyau de fans de la première heure, de nouveaux lecteurs vont découvrir la série à l’occasion de la sortie de ce tome 2 ?
Assurément, il n’y a qu’à voir les ventes du tome 1 à ce jour.
As-tu d’autres projets ?
Plein mes cartons et d’autres en collaboration avec des scénaristes.
Claude, merci.
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