Auteurs et autrices / Interview de Michel Rabagliati

Rencontre avec Michel Rabagliati, sympathique auteur et dessinateur montréalais, créateur des aventures de Paul.

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Michel Rabagliati - photo par Denis Beaumont Michel Rabagliati, bonjour. Pouvez-vous vous présenter en quelques mots ?
Je suis un auteur BD, qui est un ancien illustrateur de presse, qui est ancien graphiste, qui est un ancien typographe, qui est un ancien enfant.

Qu’est-ce qui vous a amené à faire de la BD ? Une lecture, une rencontre, un auteur ?
Mes lectures du journal Spirou, de Tintin, Pilote et de Comment on devient créateur de bandes dessinées de Franquin et Jijé.

Quelles sont vos influences ? Avez-vous des auteurs préférés (québécois ou autres) ?
Au Canada: Albert Chartier, Réal Godbout et Pierre Fournier, Chester Brown, Julie Doucet. Aux USA: Chris Ware, Charles Burns, Daniel Clowes. Du côté européen: Franquin, Hergé et j'aime beaucoup le travail de Blutch, Blain, David B et tous les nouveaux alchimistes du médium.

Quelle est la part d’autobiographie dans vos récits de Paul ?
Environ 80%. Comme dit si bien Michel Tremblay, un de nos plus grands écrivains québécois : « La vie est trop plate pour la raconter telle quelle »

Accéder à la BD Paul a un travail d'été Comment vous y retrouvez-vous dans l’univers de Paul ? Avez-vous une sorte de biographie fictive de vos personnages afin de vous y retrouver dans cette grande famille ?
Non, en fait ce sont des événements réels la plupart du temps. Il est donc possible que les histoires de Paul s'épuisent un de ces jours. J'irai probablement visiter d'autres gens ordinaires de mon entourage qui auront des choses à me raconter. Il y a des tonnes d'histoires à raconter si on sait les écouter et les mettre en scène.

Le choix du noir et blanc est-il un choix économique ou un choix artistique ? Pourrait-on découvrir un Paul en couleurs à l’avenir ?
Les deux. J'aime mieux le noir et blanc personnellement et il me permet, dans le même laps de temps qu'il m'en faudrait pour faire un album couleur, de proposer des BD beaucoup plus longues. Je suis moi-même un acheteur de BD longues complètes du genre de Blankets, Pyongyang ou Tamara Drewe. J'aime avoir le sentiment de lire un roman.

Pourquoi avoir opté pour des fictions très réalistes de la vie quotidienne ? Que voulez-vous apporter à vos lecteurs à travers vos livres ?
Je trouve que la vie quotidienne est assez intéressante et poétique à raconter, pour autant qu'on la pimente un peu et que l'on prenne soin de penser au plaisir de son lecteur. Mes histoires ne sont pas du tout nombrilistes, mais orientées vers un lecteur X qui achètera mon livre. J'aime aussi aborder les situations politiques, géographiques et linguistiques de ce pays, c'est un tic chez moi! J'ai envie de montrer le Québec d'aujourd'hui tel qu'il fût et tel qu'il est, sans le romancer, quitte à briser des rêves de la «Cabane au Canada» chez certains lecteurs.

Voir la photo de l'atelier de Michel Rabagliati Pouvez-vous nous faire entrer dans votre atelier ? Quel papier y est le plus présent, quel crayon y est le plus mâchonné ? Et quel objet qui n’a rien à faire là s’y retrouve systématiquement ?
C'est un drôle d'atelier. Je travaille dans une ancienne classe d'école primaire, dans un édifice où l'on loue de petits locaux à des artisans de tous les horizons. Mon atelier est une classe subdivisée et n'a que 2 mètres sur 8. J'appelle affectueusement mon atelier «Le couloir». Mais la lumière y est épatante. Compte tenu de sa petitesse, il est très bien rangé et j'ai tout ce qu'il me faut et ne me faut pas, comme un coucou et un présentoir de briquets Zippo illuminé et tournant qui ne sert strictement à rien.

Adaptez-vous vos dialogues en fonction de l’exportation ? Ou bien s’agit-il là du langage courant au Québec ? A titre personnel, je craignais de rencontrer plus d’expressions incompréhensibles pour un européen, or tout est extrêmement compréhensible malgré le côté exotique de certaines expressions.
Non je ne fais aucun effort pour les lecteurs européens (pardonnez-moi!), mes textes sont publiés tels quels. Mais je crois que pour un français, les québécismes sont beaucoup plus faciles à saisir en imprimé que dans nos films, où là, vous n'avez pas du tout le temps de comprendre !

Accéder à la BD Paul à Québec Paul à Québec a reçu le prix FNAC en 2010 à Angoulême. Que vous apporte ce type de reconnaissance ? La série touche-t-elle aujourd’hui un plus large public qu’avant la remise de ce prix ?
Oui, il est évident aujourd'hui que ce prix a aidé ma série à se faire un peu remarquer en France. Ici, je suis très connu, mais le marché québécois est encore presque vierge et j'ai profité de cet espace libre, tandis qu'en Europe les nouveautés arrivent au camion toutes les semaines.

Avec Paul au parc, votre dernier album, vous retrouvez une certaine insouciance après le sujet plus grave abordé dans Paul à Québec. Un choix délibéré ou inconscient ?
J'avais envie d'aller balayer dans les coins de l'enfance de mon personnage que je n'avais qu'effleuré dans Paul à la campagne qui ne faisait que 24 pages.

Pourquoi n’y a-t-il pas d’ordre chronologique dans les aventures de Paul ?
Je n'aime pas les séries à numéros, je ne veux donc pas en imposer une à mes lecteurs. Toutes mes histoires sont complètes et non à suivre. Je suis libre de raconter n'importe quelle époque de mon personnage si ça me chante.

Cliquez pour voir une planche de Paul au parc Avez-vous déjà un nouvel épisode de la vie de Paul en projet ? Ou d’autres projets d’illustration ?
Oui, je travaille en ce moment sur une nouvelle histoire qui se déroule au milieu des années 70 à Montréal et dans les Laurentides où mes parents avaient une maison de campagne. Paul est dans sa crise d'adolescence et il n'est pas commode !

J’ai lu dans une de vos interviews qu’il y avait déjà eu des projets d’adaptation de Paul à la télévision ou au cinéma. Qu’en est-il ? Est-ce que ces projets sont toujours à l’ordre du jour ?
Le film Paul à Québec est en cours d'approbation en ce moment par les instances gouvernementales qui subventionnent les films d'ici (Sodec-Téléfilm etc.). J'ai co-scénarisé l'histoire avec le réalisateur. Le film sera en «live action» et si tout va bien il devrait se tourner à l'automne prochain dans la région de Québec.

De vous, nous ne connaissons que la série des « Paul ». Avez-vous publié d’autres albums que ceux-ci ?
Non. Avant Paul j'étais illustrateur pour des magazines et des éditeurs scolaires.

Après votre visite à Angoulême, avez-vous l’intention de revenir rencontrer vos lecteurs européens prochainement (en France ou pourquoi pas en Belgique) ?
Oui, je crois que si la tendance se maintient, j'irai à Lyon à la fin juin 2012. Pour moi, l'avion est un supplice, alors, je ne voyage pas très souvent !

Michel, merci pour le temps que vous nous avez consacré et bonne continuation !
Tiguidou ! (Tout le plaisir fût pour moi).
Interview réalisée le 21/03/2012, par Little Miss Giggles et Mac Arthur, avec la collaboration de Gaston et Spooky.