Auteurs et autrices / Interview de Derib

Rencontre avec un des géants de la bande dessinée franco-belge, le père de Yakari et de Buddy Longway : Derib.

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Derib Derib, bonjour et merci de nous avoir accordé cet entretien. Après une carrière comme la vôtre, le contact avec les lecteurs demeure-t-il toujours aussi important ?
Je dirais même plus : c’est même essentiel pour se situer par rapport au public.

Si vous le permettez, nous aimerions d’abord évoquer quelques souvenirs de jeunesse. Dans quel état d’esprit étiez-vous à votre arrivée à Bruxelles ?
J’avais 19 ans et demi et tous mes espoirs étaient permis, j’étais dans la Mecque de la BD. J’ai intégré le studio de Peyo pour lequel j’ai réalisé les décors et encré la totalité du « Schtroumpfissime ». J’ai également participé à l’écriture de « Jacky et Célestin » avec Gos.

Avez-vous gardé des rapports privilégiés avec les autres collaborateurs de Peyo de cette période ?
J’ai gardé de très bons contacts avec Walthery et avec Gos,… et puis surtout avec Nine, la veuve de Peyo, que j’adore !

Accéder à la BD Attila Attila, une de vos premières séries, a bénéficié récemment d’un nouveau tome dessiné par Didgé. N’aimeriez-vous pas faire vivre à ce drôle d’animal de nouvelles aventures ?
C’était un bon personnage, mais on ne peut pas tout faire !

Et Pythagore et Cie ? Qu’est-il devenu, cet étrange hibou ? La parution de l’intégrale en 2009 sera-t-elle suivie d’heureux effets secondaires (comme un nouveau tome, par exemple) ?
Non, Yakari nous accapare trop, Job et moi.

Au fait, beaucoup de vos séries ont, ces dernières années, bénéficié d’une nouvelle parution sous forme d’intégrales. Avez-vous eu votre mot à dire dans ces décisions ?
Bien sûr, ce genre d’intégrale résulte d’un travail d’équipe et, heureusement, l’auteur a encore son mot à dire. C’est donc en accord avec l’équipe du Lombard que tout s’est décidé. La grande satisfaction pour moi, c’est le fait que ces albums continuent d’exister. Ces intégrales offrent une nouvelle vie à ces personnages, et j’en suis heureux.

Tout au long de votre carrière, vous avez côtoyé quelques grands noms de la bande dessinée. Peyo, Greg, Godard, Rosy… Lequel vous a le plus marqué ?
En dehors de Jijé et Franquin, qui ont été mes maîtres et mes amis, Peyo et Greg. Peyo parce qu’il m’a appris énormément de choses en BD. Et Greg parce que c’était un très grand scénariste ainsi qu’un très bon rédacteur en chef du journal Tintin.

Accéder à la BD Buddy Longway Vous avez consacré une bonne part de votre carrière au western et surtout à la culture amérindienne. D’où vous vient cette passion ?
De mes lectures. A ce titre, les lectures de « Jerry Spring » de Jijé et « Corentin chez les Peaux-Rouges » de Cuvelier furent essentiels. Ce sont elles qui m’ont donné le virus du western.

Le fait que l’aventure Buddy Longway commence l’année où sort sur les écrans « Jeremiah Johnson », est-ce un pur hasard ?
Ce genre de western était dans l’air. Je travaillais depuis plusieurs mois sur « Chinook » lorsque j’ai vu « Jeremiah Johnson ». On ne peut donc pas parler d’inspiration mais d’un courant dans lequel tant Buddy Longway que Jeremiah Johnson s’inscrivent.

Aviez-vous directement décidé de faire vieillir Buddy et sa famille ?
Oui, dès le début cela s’est imposé comme une évidence. Je ne voulais pas d’un personnage figé dans le temps.

Cliquez pour voir une planche de Buddy Longway Buddy Longway est aussi une des premières séries qui voit le dessin « sortir des cases ». Comment vous est venue cette idée de construire des planches de cette manière (assez avant-gardiste pour l'époque), ces grandes fresques qui dépassent les limites des cases et qui nous en mettent plein la vue ?
Pour moi, la nature est très importante, je voulais absolument la mettre en valeur. Mon découpage « éclaté » m’a semblé adapté à ce but.

Aviez-vous conscience que le fait de tuer Jérémie allait traumatiser toute une génération de lecteurs ? Comment en êtes-vous arrivé à prendre cette décision ?
C’est évident que la mort de Jérémie est traumatisante, et pour moi en premier, mais elle se justifie dans la logique de l’histoire. Jérémie a toujours eu de la peine à accepter son métissage.

Celui qui est né deux fois est un splendide plaidoyer pour la culture amérindienne, et Red Road, sa suite, une critique virulente de ce qui s’apparente à un génocide. Suite à la réalisation de ces albums, avez-vous eu des contacts avec les communautés amérindienne encore existantes ?
Oui, plusieurs Indiens vivant à Pine Ridge ont eu l’occasion de lire Red Road et les contacts avec eux ont toujours été très positifs.

Accéder à la BD Yakari Yakari est, à ce jour, la seule de vos séries encore en activité. Pourquoi elle et pas une autre ? Y a-t-il un lien particulier qui vous attache à ce petit indien ?
Yakari est une série nécessaire pour moi, elle me permet une sorte de récréation, entre deux albums plutôt réalistes, qui sont également une nécessité, mais redémarrer une série me parait trop lourd actuellement. Je préfère me consacrer à des « one shot ».

Au fait, la série a été adaptée en dessins animés. Avez-vous été consulté pour la réalisation de ce projet ? Que pensez-vous du résultat final ?
Nous avons suivi de très près tous les scénarios de l’adaptation en dessin animé de Yakari. Nous tenions énormément à ce que l’esprit de la bande dessinée demeure dans les dessins animés. Et le résultat nous convient bien, à Job autant qu’à moi, l’esprit de Yakari est tout à fait respecté.

A côté de vos western, vous avez consacré plusieurs albums aux adolescents avec pour toile de fond la société moderne et ses dangers (prostitution, drogue, sida, délinquance). L’évolution de la société vous fait-elle peur ?
L’évolution de la société ne me fait pas peur, mais elle fait réfléchir. C’est la raison pour laquelle il me semblait intéressant d’aborder des problèmes d’aujourd’hui concernant avant tout les adolescents.

Accéder à la BD Pour toi Sandra Quels sont vos liens avec la Fondation pour la Vie ou le Mouvement du Nid. Comment êtes-vous entré en contact avec ces associations ? Les scénarios des albums Jo, Pour toi Sandra ou No limits sont-ils le fruit d’une collaboration avec ces organismes ?
La Fondation pour la Vie a été créée en Suisse par des amis se sentant concernés par les sujets abordés dans « Jo » et « No limits ». Mais après plus de 20 ans d’activité, nous allons dissoudre cette Fondation, mais seulement en Suisse. En France, c’est un ami, Bernard Lemettre qui continue à faire de la prévention, aussi bien avec « Jo », « No Limits », mais aussi avec « Pour toi Sandra » et « Dérapages », que j’ai réalisé à sa demande pour le « Mouvement du Nid » en France.

Après plus de 40 ans de carrière, gardez-vous des envies, des territoires à explorer ? En clair, avez-vous de nouveaux projets ?
Bien sûr ! Pour preuve, je termine actuellement « Tu seras Reine », une BD consacrée à l’élevage des vaches d’Hérens, en Suisse.

Derib, un grand merci pour le temps que vous venez de nous consacrer… et pour toutes ces aventures que vous nous avez fait vivre par héros interposés ! Puissiez-vous encore longtemps nous faire rêver.
Merci à vous !
Interview réalisée le 02/06/2012, par Mac Arthur, avec l'aide de Superjé, Spooky et Pasukare.