Auteurs et autrices / Interview de Benoît Ers
Le festival d’Angoulême fut l’occasion pour nous de rencontrer Benoit Ers, dessinateur, entre autres, des Démons d’Alexia et de Hell School. Une belle opportunité pour évoquer cette nouvelle série, longtemps présente dans notre top nouveautés, et pour en apprendre un peu plus sur « Tueurs de Mamans », son nouveau projet scénarisé par Zidrou !
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Bonjour Mac. Ça va très bien. On ne peut pas dire que ce soit de tout repos mais le public répond présent et l’ambiance est excellente.
Ce n’est pas ta première expérience sur le festival ?
Non. Cela fait longtemps que je viens ici… mais par intermittence. La dernière fois doit remonter à 3 ans pour les Démons d’Alexia, et ma première expérience remonte à bien plus longtemps encore, lorsque j’ai gagné le concours scolaire en 1988. J’avais alors 17 ans.
Tu reviens cette fois avec Hell School… qui, à nouveau, met en vedette un personnage féminin. Mais pourquoi toujours des personnages vedettes féminins ?
Il s’agit surtout de concours de circonstance. Pour Les Démons d'Alexia, par exemple, le personnage d’Alexia était à la base prévu comme un second rôle d’une autre histoire. J'ai réutilisé ce casting lors de recherches sur notre future série, et de fil en aiguille, il en est devenu le personnage principal. Pour Hell School, par contre, si la couverture met en avant Hina, il y a en fait quatre personnages vedettes, deux garçons et deux filles. Le choix de mettre Hina en couverture est un choix purement esthétique, elle est plus agréable à regarder que Boris ou Bastien.
Maintenant, pour répondre à ta question, les éditeurs semblent apprécier mes personnages féminins. Ils les trouvent jolies mais sans caractère sexuel affirmé. C’est l’idéal pour ce genre de série tout public. D’ailleurs, je vais continuer dans cette voie puisque parallèlement à Hell School, je vais réaliser « Tueurs de Mamans » aux éditions Dupuis en compagnie de Zidrou, une série qui mettra à nouveau des adolescentes à l’avant-plan.
Tueurs de mamans title=Tueurs de mamans> Tu peux un peu nous parler de ce nouveau projet ?
Il s’agira d’un thriller pur et dur. Peut-être moins « grand public » que Hell School. L’idée est d’associer mon dessin plutôt rond et mignon à une histoire assez sordide, voire violente.
La manière dont je suis arrivé sur ce projet est assez amusante. Il y a quelques temps, j’avais demandé à Benoit (ndt : Benoit Drousie, alias Zidrou) s’il n’avait pas dans ses cartons un scénario pour moi… un petit truc qu’on aurait pu tirer à 250.000 exemplaires… oui, rien que ça ;-). Je n’avais plus reçu aucunes nouvelles lorsque Benoit Fripiat, éditeur chez Dupuis, me téléphone… en me disant qu’il était très heureux que j’ai accepté d’assumer le dessin sur « Tueurs de Mamans » ! Ah ?! Bon ! J’étais moi-même très heureux… de l’apprendre. En soi, c’était une super bonne nouvelle mais c’était amusant d’apprendre de la bouche de l’éditeur que j’avais accepté un projet… dont j’ignorais encore tout.
Pour en revenir à Hell School, avais-tu conscience des analogies qui existent entre la couverture du premier tome des Démons d’Alexia et celle du premier tome d’Hell School ?
Hormis le rouge en couleur de fond, non. Mais maintenant que tu le dis, c’est vrai que ce sont deux jeunes filles qui sont mises à l’avant-plan, qu’elles ont un peu le même genre de coiffure (du moins une raie au milieu et le front dégagé) et qu’elles ont un regard en coin dirigé vers une menace située derrière elles. Mais, bon, ce qui s’est surtout passé lors de la réalisation de la couverture de « Rituels » (premier tome de Hell School), c’est que tout le monde voulait avoir son mot à dire. Il fallait absolument que l’on voit la façade de l’école pour certains, que l’on voit qu’on était sur une île pour d’autres, que les quatre personnages principaux apparaissent pour d’autres encore, et ainsi de suite. Impossible dans ces conditions de concevoir une couverture un tant soit peu efficace.
Alors, à un moment, j’ai mis le holà ! En tenant compte de ce qui avait été dit, j’ai conçu la couverture que tu peux voir. L’héroïne la plus jolie est mise en avant, elle se tient au bord d’une falaise (synonyme de danger mais aussi de paysage côtier), quatre personnages en ombre chinoise se tiennent derrière elle (eux apparaissent noirs, en opposition au polo blanc de Hina). Les deux jupes que l’on peut distinguer sur la couverture sont identiques, ce qui laisse à supposer qu’il s’agit d’uniformes. Enfin, Hina tient un cartable dans sa main droite. L’école, le paysage côtier, le climat tendu, l’opposition entre deux groupes… tout est ainsi présent sans surcharger cette couverture.
Tiens, justement, puisque tu évoques ces uniformes. S’agissait-il là d’une contrainte supplémentaire pour le dessin ? Tu ne pouvais pas jouer sur les tenues pour différencier les personnages.
Plutôt qu’une contrainte, j’y ai surtout vu un avantage ! Cela m’évitait de devoir créer une garde-robe pour chaque personnage, en devant tenir compte de la mode et de l’harmonie. Ce sont là des aspects qui sont fort pris en compte par les jeunes lectrices. Je peux te dire qu’un personnage mal habillé ou démodé est tout de suite repéré, avec petites remarques à la clé. Ici, je n’ai pas eu de soucis de cet ordre. En plus, cela cadrait parfaitement avec cette école privée ! Et pour personnaliser les personnages, je pouvais toujours jouer sur les coupes de cheveux, les carrures, la forme des visages, même les modèles de chaussures… Il restait bien assez de moyens de les différencier, donc les costumes ont surtout été une facilité pour moi.
Du point de vue du dessin, quelle a été la technique employée pour réaliser Hell School ?
J’ai beaucoup travaillé via l’ordinateur. Par contre, le crayonné, lui, est resté « à l’ancienne ». Je n’imagine pas tout faire via l’ordinateur. C’est un formidable outil, mais ça doit rester un outil parmi d’autres. J’ai besoin de conserver ce côté physique, organique du dessin, sentir les objets, le grain du papier. L’ordinateur permet de travailler plus vite mais ne peut pas tout remplacer. Du moins, ce n’est pas comme ça que je le conçois. Par contre, pour « Tueurs de Mamans », je travaille totalement à l’ancienne.
Et puis, j’ai également un assistant à mes côté, Ludo Borecki. J’ai un peu honte de parler d’assistant parce qu’il est plus que ça. Ludo est un collaborateur formidable qui me permet d’assurer la productivité qui est la mienne et qui se fond totalement dans mon style de dessin. Parfois, j’ai même du mal à distinguer son travail du mien.
Dans Hell School, comme dans Les Démons d'Alexia, le découpage se compose de 8 à 10 cases par planche. C’est l’idéal pour toi ?
Non ! C’est trop ! Bon, en soi, c’est agréable à lire mais le problème est que Dugomier me livre des découpages de cet ordre. Donc 8 à 10 cases dès le script. Mais, lorsque je réalise la planche, j’ai souvent besoin de décomposer l’une ou l’autre case. Du coup, ça devient trop serré. Pareil lorsque j’ai besoin d’un visuel plus grand, d’un paysage par exemple. A choisir, je préfèrerais des scripts qui ne dépasseraient pas les 8 cases par planche. C’est alors plus facile pour moi de rajouter l’une ou l’autre case en fonction des besoins.
Hell School aborde des problèmes liés à l’adolescence (notamment le rapport à l’autorité) sous le biais du bizutage. C’est votre propre expérience, à toi et à Dugomier, qui vous a incités à aborder ce sujet spécifique ?
Pas vraiment, non. Mais le bizutage était un bon prétexte pour dégager un petit groupe d’opposants. Cette pratique a toujours ouvertement cours en Belgique et, même si elle est officiellement interdite, elle est aussi encore pratiquée en France. L’idée nous est venue suite à la mésaventure d’une de mes connaissances, qui s’était retrouvée complètement mise en marge pour ne pas avoir fait son bizutage, et on l’a réutilisée pour isoler Hina, Bastien et Boris du reste de l’école.
Dernière question à propos de Hell School : mais que font tous ces masques africains dans le bureau du directeur ? Simple souvenir de ton séjour en Côte d’Ivoire ou indice sur l’évolution de l’histoire ?
(Rires) Ni l’un ni l’autre. D’ailleurs, contrairement aux démons d’Alexia, Hell School ne versera pas dans le fantastique. En fait, si le bureau du directeur est rempli de masques, c’est uniquement pour lui donner un air inquiétant, angoissant. Je connais plus d’une personne qui a peur des masques. Certaines de mes amies sont mal à l’aise face à un clown. C’est ainsi que j’ai eu l’idée d’utiliser les masques africains. En temps normal, ceux-ci n’ont rien d’effrayant, mais là, dans un bureau sombre, dans ce contexte, ils remplissent parfaitement le rôle que je voulais leur donner.
Lorsque j’ai dû illustrer ce bureau, j’ai cherché une manière de susciter pareil climat. Je me suis alors rappelé comment Peyo parvenait à rendre l’antre de la sorcière Rachel angoissante avec un seul détail : un couteau planté dans une table. L’idée était là : un objet qui, en temps normal, est totalement anodin peut faire naitre une ambiance angoissante lorsqu’il est mis en avant dans un contexte particulier.
Comment a été accueilli le premier tome ?
Très bien… et c’est un énorme soulagement ! Se lancer dans une nouvelle série est toujours source de stress mais là, ça semble bien parti. En plus, et c’est devenu suffisamment rare pour le souligner, nous avons directement signé pour trois albums. Le Lombard nous faisait totalement confiance dès le début du projet. On était donc déjà assuré de pouvoir le mener à son terme, mais voir le public répondre présent, c’est encore mieux !
Benoit, un grand merci pour le temps que tu viens de nous consacrer. Au plaisir de te revoir !
Merci à toi !
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