Editeurs et éditrices / Interview de Franck Bourgeron
La revue dessinée est arrivée en septembre dans les kiosques. Retour avec son rédacteur en chef, Franck Bourgeron, sur la genèse de cette revue pas comme les autres…
Il y a deux ans de cela, il y a eu une initiative d’auteurs, avec Sylvain Ricard, Kris, Virginie Ollagnier, Olivier Jouvray et moi-même, auxquels s’est rajouté, très vite, David Servenay, journaliste. C’est né d’un constat d’usure dans nos métiers respectifs d’auteurs de BD et de la difficulté de percevoir le paysage éditorial. Le mieux était donc de se prendre en main, et donc on est parti sur l’idée de faire la revue qu’on avait envie de lire. Une revue qui parle du réel. Parce qu’on est des auteurs de bande dessinée, mais aussi des gens concernés par le monde.
La revue XXI propose aussi des reportages dessinés, mais avec des textes. Pas de peur de faire de la concurrence ?
Nous ne nous positionnons pas par rapport à XXI, qui n’a pas inventé le reportage en bandes dessinées, mais l’a « institutionnalisé » dans une revue de reportages. Notre projet était autre, il s’agissait de faire toute une revue en bandes dessinées. Je pense qu’ils voient notre arrivée d’un assez bon œil, puisqu’elle participe de cette mutation que la presse doit avoir. En tant que lecteur, je suis archi-usé de lire toujours les mêmes journaux. Une position éditoriale nouvelle est toujours intéressante dès lors qu’elle sort des sentiers battus.
Comment s’est fait le recrutement des contributeurs ?
D’abord par affinités, mais pas que. On est tout à fait inséré dans le milieu des auteurs. Dès lors qu’on a dit qu’on se lançait dans ce projet, un certain nombre de gens sont venus, des proches, mais il ne faut pas que cela s’arrête à ça. Il faut que tous ceux qui ont envie de participer se fassent connaître, du moment qu’ils ont un sujet digne d’intérêt, avec un regard graphique, un point de vue particulier. Au début la rencontre avec les journalistes s’est faite de manière empirique, mais David Servenay avait son réseau de journalistes, tout comme on avait notre réseau d’auteurs de BD, et il a fallu marier tout ça, et on s’y emploie au quotidien.
David Servenay vient donc du sérail de la presse écrite, j’imagine qu’il vous a permis d’acquérir un peu plus d’aisance dans la conception de la revue ?
Je crois qu’on a fait, journalistes et auteurs de BD, des pas les uns vers les autres. La Revue dessinée n’est pas un news magazine traditionnel entièrement issu du monde de la presse, donc les réflexes d’un corps de métier ne prévalent pas sur ceux de l’autre. On apprend les uns des autres. C’est un objet éditorial non identifié.
Pourquoi avoir lancé ça sur le mode du financement participatif ?
La souscription Ulule n’a pas concouru au montage financier de la Revue dessinée qui était déjà bouclé à ce moment là. Cette opération crowdfunding à l’origine avait comme but de financer le travail des auteurs du numéro 1 et très vite nous l’avons transformé en campagne d’abonnement, le nerf de la guerre de toute revue. On a vendu 500 abonnements dans le cadre de cette souscription, ce qui n’est pas si mal pour une revue qui n’existait pas à l’époque…
Combien d’abonnés compte actuellement la revue ?
Nous sommes à 1000 abonnés environ.
Comment sont rémunérés les auteurs ?
Comme des auteurs. On reçoit encore des courriers nous demandant si on paye, je veux donc être rassurant. Ils sont rémunérés 150 euros la planche, un petit format. En revanche nous ne prenons pas les droits.
Il a donc fallu deux ans pour que le projet se monte, et que le premier numéro sorte. Quelles ont été les principales difficultés ?
Il n’y en a pas vraiment eu. Le retrait d’un actionnaire au dernier moment nous a un peu perturbés, mais pour le reste, pas de souci. On se fixait des objectifs et les choses arrivaient au moment où elles devaient arriver. Bien sûr la difficulté, le défi, c’était de faire croire au public en ce projet : les auteurs, les investisseurs qui participent au financement, et les lecteurs. La petite histoire qu’on se raconte à 1, puis à 2, à 4, il faut passer à 10, à 50. Dès lors qu’on passe un seuil critique, les gens y croient beaucoup plus facilement. .
Ça a l’air de bien fonctionner, puisque la revue a été vite épuisée en certains endroits…
On a eu un très bon accueil, avec un lancement de 13 000 exemplaires. Au bout de quelques jours on a été heureusement contraints de lancer un second tirage de plus de 6 000 exemplaires. Au 4 octobre les libraires ont été livrés. On est donc rassuré, mais c’est très difficile d’anticiper ce genre de choses, car on aurait très bien pu n’en vendre que 2 500, par exemple.
Comment a été créée cette chouette couverture par Gipi ?
Elle a été le fruit d’une réflexion collective avec Elhadi Yazi, notre Directeur artistique, Gipi et moi. C’est Gipi qui a eu l’idée de ce crayon entre les dents. Ça nous tout de suite emballé. Ça reprend bien sûr l’idée du bolchevique avec le couteau entre les dents. C’était amusant.
Le numéro 2 doit être en phase de bouclage ; que nous réserve-t-il ?
La couverture prochaine sera de Beb -deum, très différente de la première. On ne trouvera pas les illustrateurs de la couverture et du portfolio à l’intérieur de la revue, ce n’est pas le propos. L’idée est de faire à chaque fois une couverture qui accroche le regard et qui brasse les thématiques du numéro.
Sur le numéro 2, on trouvera une enquête de Kokor et David Servenay sur un trafiquant d’armes, Jacques Monsieur, et sur le cynisme effroyable que peut comporter ce boulot de VRP hors norme. On aura aussi une grande enquête de Jean-Marc Manach et Nicoby sur l’affaire Amésys, du nom de cette société française qui a conçu un outil de surveillance de l’internet et l’a vendu à la Lybie de Kadhafi. Une arme technologique, non soumise aux mêmes contrôles que les armes « réelles ». On raconte donc l’enquête du point de vue de Jean-Marc Manach, qui depuis deux ou trois ans travaille sur cette affaire. On a aussi un témoignage d’Emmanuel Lepage, qui après son bouquin sur Tchernobyl chez Futuropolis, est parti à Fukushima pour nous livrer son sentiment sur cette catastrophe, avec le talent qu’on lui connaît. On a la continuité du reportage de Marion Montaigne sur le jardin des Plantes, la continuité du long travail sur le gaz de schiste, qui revient plus sur la partie lobbying en France et aux Etats-Unis des sociétés pétrolières et gazières.
Et à chaque fois les petites pages bonus avec des infos complémentaires à chaque reportage ?
Oui, on appelle ça « en savoir + ». Il y en aura même plus. On s’est trouvés un peu courts sur le premier, donc on va faire 2, 3 pages pour les autres. La pagination sera exactement la même, 228 pages. Sortie prévue le 9 décembre, il faudra réserver, il n’y en aura pas pour tout le monde !
Sur un plan plus personnel, j’imagine que ton temps « professionnel » est quasiment complètement pris par la Revue dessinée. Du coup tu as complètement arrêté ton activité d’auteur de bandes dessinées ?
Je n’ai en effet pas le temps de faire autre chose. Je ressens du plaisir à faire ce que je fais actuellement, ce rôle de chef d’équipe, ou plutôt d’animateur, de coordinateur de ce projet avec tous les camarades. C’est très collectif, je ne veux vraiment pas me mettre en avant là-dessus car c’est un boulot qu’on fait tous en commun. Donc pour le moment, oui, je mets mes activités d’auteur de côté…
En tous les cas, on souhaite une longue vie à la Revue dessinée, c’est très intéressant, c’est bien fait, merci, Franck.
Visitez le site officiel de La Revue Dessinée : http://www.larevuedessinee.fr/
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