Auteurs et autrices / Interview de Boris Mirroir
Entretien avec Boris Mirroir, auteur du très remarqué "Notre seul ami commun".
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J'ai tué la tête x dans Pathetik #2 (page 1, 6 pieds sous terre, 2012). Je l'avais créé pour le blog Ottoprod où on faisait (avec James) rien qu'à dire du mal du monde de la bayday (enfin surtout lui). Au final on demandait toujours à James si c'était vraiment un duo ou pas. Il y a même eu des papiers très sérieux sur nos bouquins où je disparaissais du casting. Meurs mauvaise copie de Ranxerox !
BenGrrr, c'était surtout un pseudo de forum (les années 2000 tout ça) et c'est toujours le nom de mon site (www.bengrrr.com). Je l'utilise encore aujourd'hui quand je colorise des pages pour des copains (James, Fabcaro, Terreur graphique, etc.). Je ne suis pas vraiment coloriste, je le fais pour des potes ou pour des projets qui m'amusent, comme je peux aussi designer et maquetter des couvertures ou des bouquins quand on me le propose et que le livre me parle.
Ca a créé pas mal de confusion au final dans ma bibliographie, alors je signe tout ce que je dessine ou écris Boris Mirroir (et ce n'est pas un pseudo malgré les apparences) dorénavant.
Bon et maintenant qu’est ce qui t’a amené dans le 9ème art ? Peut-on parler de tes origines tel un « super-héros » ? :) et tes influences ?
En 2002 je suis tombé sur un forum d'illustration (café salé) alors que je bossais dans une boîte de jeux vidéo. J'ai commencé à poster des dessins, comme ça, pour le plaisir. Puis la boîte a fermé. Entre-temps James m'avait contacté par le forum et m'incitait à dessiner des choses qu'il écrivait. Comme ça me plaisait pas mal et que je pouvais profiter d'un chômage confortable, j'ai pris un peu de temps pour voir où ça pouvait aller. Je ne dessinais plus depuis mes premières années aux Beaux-Arts (où la bayday était mal vue, bien entendu), j'ai donc dû réapprendre et relire de la bande dessinée. J'avais vraiment lâché tout ça pendant des années.
Plus jeune, j'avais été marqué par Gotlib, Mandryka et F'murrr. Jusqu'aux Beaux-Arts (où j'ai essentiellement fait de la vidéo et de la « musique ») je caressais le rêve d'essayer d'en faire un métier.
D’ailleurs avec James, vous semblez très actifs sur le blog Ottoprod depuis de nombreuses années et pourtant le grand public vous connait très peu, pourquoi tant de discrétion pour un si grand talent à 4 mains (ou pattes) ?
On ne peut pas dire qu'on soit vraiment encore actifs sur Ottoprod (le blog), déjà parce qu'on est pris par nos bouquins respectifs (quand on n’en fait pas ensemble) et qu'on passe pas mal de temps aussi sur Mauvais Esprit, la revue en ligne drôle qu'on a lancée en octobre 2012.
Il me semble que James est assez connu du grand public, il a deux séries chez des éditeurs majeurs (Dargaud et Fluide Glacial) et publie régulièrement partout où il peut.
En ce qui me concerne, je suis discret de nature, je ne me déplace pratiquement jamais en dédicace et je fais surtout des bouquins confidentiels (hu hu) chez des éditeurs indépendants, en terme de plan de carrière ce n'est pas le combo parfait si on veut avoir un large lectorat.
Quel support d’édition préfères-tu ? La diffusion par le numérique, parutions dans le kiosque ou livres en bonne et due forme chez le libraire ?
Définitivement le livre. Je suis un nerd du livre. J'achète des livres parfois juste pour la fabrication de l'objet, je ne regarde jamais les prix. J'adore l'étape de création du bouquin, sa conception, du choix de maquette à celui du papier en passant par les petites options saiksys (dos rond, toilé, coins arrondis, etc.). Avec la phase d'écriture, c'est certainement ce que je préfère quand je fais un livre. J'aime bien penser un livre dans son ensemble, pas seulement son récit, mais sa forme (du cheap au luxueux). L'ensemble doit avoir un sens. C'est aussi pour ça que je fais un peu de design de couvertures pour d'autres.
En février sort chez Vide Cocagne une collection de comics à la française (Epicerie Fine), je me suis amusé à jouer au directeur artistique. Penser la collection, créer des contraintes, fixer la cohérence, tout ça parle au control freak en moi.
Je dois te confesser que j’ai été très touché par la trilogie publiée en 2013 Notre seul ami commun que je considère encore à ce jour comme ma plus belle découverte de l’année passée… On ressent une grande part de vécu dans tout cela, c’était une confession pour toi ? Une nécessité ? Pourquoi avoir mis autant de temps à faire cette BD ?
Merci mais je n'ai aucun mérite, j'ai eu un scénariste assez facétieux (blague).
Tout ce que j'ai mis dans Notre seul ami commun est vrai, en tous cas pour moi, c'est une image réaliste de comment j'ai vu ça et surtout de comment je m'en souviens. Je ne crois pas que c'était une nécessité, en tous cas pas dans le sens où les gens m'en parlent. J'ai beaucoup entendu à la sortie du bouquin que ça avait dû me faire du bien, que j'avais bricolé ma petite psychothérapie avec ce livre, l'effet cathartique, tout ça. Je pense, et honnêtement je peux me gourer, que si je l'avais fait dans cet esprit ça aurait été un mauvais récit, gavé de pathos et de chouinerie. C'est peut-être le cas ceci dit.
Par contre j'avais besoin de le faire car à chaque fois que je me lançais dans un projet de livre (en solo) ce récit venait se foutre dans mes pattes. Maintenant, je vais pouvoir faire des baydays avec des dragons et des ninjas, peinard.
C'est mon premier livre seul aux commandes, j'ai pris mon temps tout simplement parce que je me sentais pas outillé pour faire un bouquin entier seul, j'avais beaucoup de trucs à apprendre (encore plus aujourd'hui blablabla) au niveau du dessin et surtout de la narration. C'est amusant aussi de bosser à deux, donc je repoussais souvent.
Alors pourquoi ce format papier ? Plus d’un a été surpris par le rythme soutenu de parution, était-ce un pari de peur de perdre le fil et l’intérêt des lecteurs ?
Alors je vais être honnête, c'est une proposition de l'éditrice que de découper ça en 3 tomes. C'est, malgré les apparences, un bouquin couleur (si, si) et ça coûte cher à imprimer. Si on avait sorti un pavé de 330 pages il aurait fallu proposer des solutions de crédits en accompagnement. Même si je ne regarde pas les prix des bouquins que j'achète, je suis toujours très concerné par le prix des miens, j'aime que ça reste abordable. Ca permettait aussi de tenter une présence plus longue dans les rayons de nos chers libraires (vous êtes formidables).
Alors quand elle m'a proposé ça, j'ai tout de suite été partant parce que mon histoire était déjà en trois parties, ça se tenait. Le seul défaut de ce découpage en trois tomes tient à l'exposition, à ma façon de mettre en place l'univers et le tissu du récit. J'ai une narration assez lente, dilatée même, qui est amplifiée par un gaufrier strict. Je suis conscient que le tome 1, ou en tous cas sa grosse première partie, a pu rebuter certains lecteurs. Mais j'avais besoin de cette mise en place particulière. Les deuxième et troisième tomes sont bien plus denses, plus « abordables », y a de l'humour, des cascades, du sexe et des rebondissements amusants.
Tu as l’air d’être également un gamer ? D’ailleurs tu joues à quoi et que me recommanderais-tu actuellement ?
Haha, j'ai épuisé la ludothèque PS3/Xbox360. Alors je suis revenu vers Nintendo ces derniers temps (qui m'avait déçu avec sa politique dernièrement). L'appel du Mario, je ne peux résister.
Et même s'il y a eu des jeux excellents sur cette génération de consoles (Portal, Mirror's Edge, Bayonetta, Nier, les remakes de la team Ico, Infamous, Alan Wake, les Demon/Dark Souls, Skyrim, la série EA Skate, les Nouveaux Batman, etc.), je reste un énorme fan de la ludothèque Super Nintendo et j'y joue encore beaucoup (note du webmaster : "YES !").
Bon histoire de rebondir sur un truc plus léger : pourquoi ton héros ne porte-t-il pas de slip ? C’est le syndrome Gai-Luron ? :)
C'est vrai que les champignons et cette foutue princesse qui passe sa vie à se faire enlever par un reptile priapique c'est assez lourd niveau dramaturgie.
Effectivement peut-être que Tonton Marcel m'a influencé, je n'y avais pas pensé.
Le chien qui tient mon rôle est le seul à être à poil, indice de lecture ?
Ton style animalier est très original, ça me fait penser à d’autres auteurs tout en imposant un souffle tout à fait neuf sur la bd franco-belge, pourquoi utiliser des animaux et ce trait rondouillard chatoyant ?
C'est ce qui me vient naturellement, certainement parce que j'ai été élevé au Pif Gadget et autres Picsou. J'aime le décalage que cela crée entre un récit sensiblement dur et une apparence cartoon. C'est assez compliqué pour moi de faire cette analyse mais j'ai pu lire ici et là que ça renforçait mon récit et je pense surtout que ça me préserve de tomber dans ce truc que je crains par-dessus tout, l'apitoiement. Le trait rond offre cette distance dont j'ai besoin, non pas pour faire croire que j'ai du recul face à ces événements mais pour rester décent. Je tenais à tout prix pendant l'écriture du livre à être décent. C'est bien sûr mon histoire mais d'autres gens l'ont vécue en même temps que moi, je tenais avant tout à ne rien saloper. J'ai pu comprendre aussi que ça laissait une place au lecteur pour se projeter.
En tant que fan de longue date du groupe Joy Division, j’ai particulièrement apprécié le clin d’œil à ce groupe. Pourquoi ce choix (même s’il me parait évident) et qu’écoutes-tu actuellement ? La musique semble prendre également beaucoup de place dans ton parcours, serais-tu musicien et aurais-tu de nouvelles facettes à nous présenter ?
Je ne peux pas trop expliquer ça sans spoiler la bande dessinée, mais c'est véridique, mon père m'a vraiment acheté ce disque (à ma demande hein) à ce moment précis de ma vie. Aujourd'hui je trouve ça drôle. Inclure des objets concrets (la Super Nintendo, des disques, etc.) me permet aussi d'ancrer le récit dans une réalité partagée (tu le prouves ici).
Ces derniers temps je suis essentiellement tombé dans Bandcamp. Un site où des musiciens de partout posent leurs maquettes, démos ou productions achevées. On peut écouter, acheter des mp3 ou des vinyles. C'est un peu comme si ton disquaire poussiéreux était devenu mondial.
J'ai fait de la musique, j'ai même fait des concerts et sorti un disque sur un label parisien mais je ne suis pas musicien, je suis incapable de suivre un rythme ou de chanter juste, c'est pathologique. Merci Cubase. Je faisais ce qu'on appelait à l'époque du trip hop (du downtempo donc...) et un peu de drum'n'bass. Je ne pratique plus du tout, c'est extrêmement chronophage et la bande dessinée me prend tout mon temps. J'achète par contre toujours des applis et parfois des machines. Je fais deux boucles et je range tout ça en hurlant vade retro.
2013 étant l’année de la révélation au grand jour de Boris Mirroir, 2014 sera-t-elle l’année de la consécration ? Mon petit doigt me dit qu’il y a nombre de projets en cours ou à publier, peux-tu nous en dire davantage ?
J'ai comme un doute, mais espérons hein.
J'ai SOB qui sort le 12 février, mon premier comics chez Vide Cocagne dans la collection Epicerie Fine (Collection dirigée par Fabien Grolleau et dont j'assure la direction artistique). En même temps sort Dum scénarisé par le feuillu Fabien Grolleau et dessiné par Abdel De Bruxelles puis viendront en juin Texas de Olivier Texier et Muffin de Fabien « encore » Grolleau. C'est une collection de comics à la manière des Eightball de Clowes, Optic nerve de Tomine ou BlackHole de Burns (d'abord publiés périodiquement). La prochaine fournée commencera en octobre avec SOB #2 et Dum #2 et ainsi de suite. Une super collection dans un format original pour la France donc.
En ce qui concerne le quotidien, j'ai toujours ma série Rob scénarisée par James qui est publiée chaque semaine dans le Spirou et des pages dans Fluide régulièrement.
J'ai une autre actualité cette année en termes de livre mais je ne peux pas encore en parler, je ne suis pas seul dessus et l'annonce n'a pas encore été faite mais je suis plutôt excité et flatté d'être de l'aventure.
Et enfin j'ai un projet énorme avec Fabien Grolleau. Un truc étonnant sur lequel on ne me voit pas aller je pense.
Boris, merci.
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