Les reportages BD / Académie Brassart Delcourt
Quelques semaines après notre premier entretien l’Académie Brassart Delcourt ouvre ses portes, et Eric Dérian, responsable pédagogique, nous propose de venir pour faire un reportage in situ. Le temps de trouver la date adéquate, et nous voilà dans un immeuble rénové près de la Gare du Nord, à Paris.
Eric Dérian parle de la rentrée : « L’examen d’entrée consistait en un entretien et deux exercices simples de bande dessinée avec une petite contrainte. Ça se passe assez bien pour une première rentrée. Tout n’a pas été facile à plusieurs niveaux, mais l’année devrait être profitable. Après, la question ça va être : comment reproduire cette qualité chaque année ? On a la visite d’un professionnel quasiment chaque semaine, en tant que responsable pédagogique, je ne vais pas pouvoir mobiliser les mêmes personnes chaque année. On met en place un processus, qui s’il est pertinent au niveau des résultats des étudiants, sera probablement reconduit. Il y a beaucoup de défiance par rapport à l’Académie dans le milieu, tout le monde n’est pas forcément partant pour nous suivre, car nous n’avons pas encore de résultat à produire. Quand tu mets ça en adéquation avec les difficultés du secteur, la défiance est bien compréhensible. L’idée est de donner aux étudiants la possibilité de s’en sortir correctement. On avait prévu une rentrée à 25 étudiants maximum, on en a 14 qui ont finalement signé un contrat avec l’Académie. C’est mieux pour les étudiants, puisque du coup on peut mieux les suivre. Mais du point de vue comptable, c’est forcément plus serré. L’Ecole n’a pas encore de renommée, à part celle du groupe Delcourt, et éventuellement celle des intervenants et des formateurs. Ce n’est qu’au bout de 3 ans qu’on pourra faire le bilan, ça validera le diplôme aux yeux de tous. »
Alexandre : « J’étais étudiant à l’Institut St-Luc de Tournai, en section arts graphiques, pour être assistant pub, l’année dernière, et ça ne me plaisait pas trop. J’ai découvert l’ABD par un mail d’Eric Dérian, et je me suis dit « Pourquoi pas ? ». Pour l’instant les cours sont très techniques, plutôt académiques. On a des cours sur la narration, le dessin d’observation. Les projets personnels ne pourront arriver qu’en deuxième et troisième année. »
Blanche : « J’ai toujours voulu faire de la BD, une passion que je partage avec mon père, qui a été scénariste. On a plusieurs centaines d’albums à la maison, et je dessine depuis toute petite. Mon but, bien plus que de faire de beaux dessins, c’est de raconter une histoire. Et le meilleur moyen de raconter une histoire tout en faisant des dessins, c’est de faire de la bande dessinée. Je me suis donc orientée vers l’ABD tout de suite. J’en ai entendu parler au Festival d’Angoulême, par l’intermédiaire d’un scénariste qui travaillait chez Soleil et le Lombard. J’étais alors en prépa et m’apprêtais à passer des concours pour différentes écoles d’art. Les cours ici permettent de rencontrer de nombreux intervenants qui sont des professionnels de la BD, ça nous ouvre les portes de différents forums, de festivals… On rencontre un large panel d’auteurs que je n’aurais peut-être pas connus autrement. Nous rencontrons par exemple en ce moment une libraire, qui nous donne des albums qu’elle a choisis pour qu’on les lise et qu’on en parle. »
Eric précise le choix de faire intervenir Marie Rameau, libraire spécialisée à Levallois : « L’idée est de leur faire comprendre le mécanisme du marché. On va également avoir des interventions éditoriales, les éditeurs étant un autre gros relais dans la vie d’un auteur. Ce ne sont que des premières approches. L’année prochaine et la suivante on ira plus dans le technique. On leur parlera des contrats, comment négocier, comment facturer, comment déclarer… On espère pouvoir recevoir des représentants de l’AGESSA (2), de la SOFIA (3) … Pour la partie lecture de contrat et les premiers conseils de négociation, on devrait pouvoir faire intervenir le SNAC-BD (4). J’ai une liberté totale pour choisir les intervenants. Tout le réseau est conscient que l’enseignement doit se faire au bénéfice des étudiants. »
Deborah : « Ça fait 10 ans que je travaille en tant que graphiste indépendante, dans le milieu de la publicité. J’ai voulu me détacher du milieu commercial du graphisme pour aller vers le livre et les lecteurs. La BD, j’en faisais depuis 10 ans aussi dans mon coin, sur les forums, avec un blog, sans vraiment évoluer. Je gérais le site 30joursdeBD, qui malheureusement a fermé, et j’ai participé à plusieurs fanzines. Et puis j’ai entendu parler de l’Académie, qui n’imposait pas de limite d’âge, contrairement à d’autres écoles. Financièrement ce n’est pas évident, mais avec l’aide de l’entourage c’est plus facile. Pour cette année ça va, et j’espère trouver une solution pour faire les deux suivantes. Pas évident non plus de travailler à côté, car les horaires de l’école sont très scolaires. J’ai 34 ans, trois enfants qui vivent actuellement en Isère. Là je repars de zéro, j’acquiers certaines bases qui me manquaient. Le fait d’avoir des exercices à côté, un suivi personnalisé, une évaluation, et pas juste une note, c’est motivant, ça aide à progresser, ce que permet aussi l’échange avec les autres élèves. Dans les exercices, l’imaginaire est laissé aux étudiants, mais les contraintes aident à se structurer. »
Sur cette question de la créativité, Eric réagit « On leur donne les outils techniques pour justement servir leur imaginaire, leur individualité, et les faire progresser. On ne naît pas auteur, on le devient. Donc ils apprennent une foultitude de choses qui seront utiles aux auteurs en devenir. Notre intérêt n’est pas de former une petite armée d’auteurs qui veulent faire du ″Golden City″. Mais si cette année, ou la suivante, ou après, des élèves arrivent avec l’envie de faire du Golden City, on leur apprendra aussi à le faire. A l’heure actuelle, les élèves peinent à comprendre l’utilité de certains cours, comme l’expression corporelle. Un cours qui leur permet d’aller chercher des trucs inédits à l’intérieur de leur corps, de chercher les verrous au niveau des mouvements, etc. Pour gagner en vraisemblance lors de leurs exercices, pour ne pas être piégés par l’œil du lecteur. Ils sont pressés de dessiner, mais je sais qu’ils le font chez eux. On veut leur faire entrer dans la tête, dans le corps, d’autres façons de travailler. »
Le principe éducatif est basé sur l’échange. Tous les lundis matin, Eric Dérian réunit les élèves pour faire un débrief de la semaine passée. Les cours durent 25 à 30 heures par semaine, répartis sur 5 demi-journées, et le volume d’enseignement va être appelé à se développer.
Eric, encore : « Dès l’année prochaine on va grandir, avec une classe prépa pour les grandes écoles, qui devrait accueillir une quarantaine d’élèves. Nous ne sommes ici que temporairement, c’est une agence de com’ amie qui nous prête des locaux. L’été prochain on ira ailleurs, dans des locaux comportant 4 ou 5 salles pour l’enseignement, une salle de repos/réfectoire, etc. Ça s’annonce comme très intéressant, même si la salle actuelle est chaude, polyvalente et qu’elle a du cachet. »
Vous pouvez en savoir plus sur l’intérieur de l’Ecole en vous rendant sur le blog du Monde, tenu par les étudiants depuis un mois.
Notes :
- PLV : publicité sur lieu de vente
- L'Agessa (Association pour la gestion de la sécurité sociale des auteurs) est une associations qui assure la gestion de l'affiliation à la sécurité sociale des artistes auteurs et le recouvrement des cotisations.
- La Sofia, Société Française des Intérêts des Auteurs de l’écrit, est une société civile de perception et de répartition de droits, administrée à parité par les auteurs et les éditeurs dans le domaine exclusif du Livre.
- Division du Syndicat national des auteurs et des compositeurs, centrée sur la BD.
Site réalisé avec CodeIgniter, jQuery, Bootstrap, fancyBox, Open Iconic, typeahead.js, Google Charts, Google Maps, echo
Copyright © 2001 - 2024 BDTheque | Contact | Les cookies sur le site | Les stats du site