Auteurs et autrices / Interview de Sébastien Vassant
Après la seconde guerre mondiale, Philippe Pétain est jugé pour son action pendant le conflit et l’occupation allemande. Une bande dessinée réalisée par l’efficace Sébastien Vassant en rend compte.
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Eh bien je suis Sébastien Vassant, auteur de bande dessinée. J’ai 35 ans et je suis Nantais depuis peu.
Tu commences ta carrière d’auteur en 2006, avec deux albums destinés à la jeunesse, dans la jolie collection des Petits chats carrés. Des débuts en douceur...
J’ai eu l’occasion effectivement au tout début de réaliser ces livres jeunesse. J’en étais très fier car c’étaient mes premiers livres publiés... mes premiers contrats. Et surtout, j’ai vraiment aimé l’exercice. J’étais très libre, c’était court et surtout c’étaient des histoires muettes, une technique narrative que j’adore.
Dès 2008 tu prends un virage décisif avec L'Accablante apathie des dimanches à rosbif, album remarqué chez Futuropolis. Tu récidives en 2009 avec Gilles Larher et La Voix des hommes qui se mirent. Te sens-tu plus à l’aise dans le récit « adulte » ?
Depuis mes études aux beaux arts, mes univers étaient principalement fantaisistes avec des monstres et des bonhommes, ou touchant les histoires de genre, le western. Je voulais depuis longtemps travailler davantage sur des histoires plus intimistes, plus ancrées dans une réalité du quotidien... Mais je n’avais pas encore la maturité pour le faire tout seul. Et j'ai rencontré Gilles Lahrer, dont le talent m’a rapidement captivé. Je suis son premier fan. Il a un sens du dialogue incroyable.
Par la suite tu participes à plusieurs ouvrages collectifs, tels Immigrants ou Les Autres Gens. Te sens-tu plus à l’aise dans le récit court ou les histoires plus longues ?
Finalement, je cois que je suis à l’aise dans les deux exercices. Ils sont rassurants pour des raisons différentes. J’aime les récits longs qui me permettent d’étirer et de prendre mon temps pour raconter les événements. De jouer avec la pagination et prendre de la place. Les récits courts sont enthousiasmants parce que je me sens plus à l’aise pour expérimenter, dans la technique, la mise en page...
Dès le lancement de la Revue dessinée, tu proposes de nombreuses collaborations remarquables. Quelles leçons tires-tu de cette expérience ?
Mon travail à la Revue Dessinée a clairement été une chance et une étape importante. Il m’a fallu me réinventer et apprendre énormément sur la narration, sur la manière d’utiliser le dessin et de mettre en page un récit en bande dessinée. Sur mon premier reportage pour le numéro 1 de La Revue Dessinée, il a fallu trouver un nouveau langage qu’imposait le genre. J’avais commencé à faire une version complètement foireuse, beaucoup trop dans la fiction et je prenais trop de liberté avec les personnes que l’on représentait. J’ai énormément appris à synthétiser, à organiser mes idées et être simple, efficace et créatif.
Et te voilà, en 2015, avec une BD relatant le procès de Philippe Pétain. Comment cela a-t-il commencé ?
Philippe Saada, avec qui j’ai travaillé sur le livre, est un réalisateur de documentaire. Il était en train de réaliser quatre épisodes pour la télévision autour du procès de Pétain. Avec son producteur, il est allé voir Glénat pour leur soumettre l’idée d’en faire une version en bande dessinée en parallèle. Le projet a intéressé Frank Marguin, de la collection 1000 feuilles, avec qui j’avais échangé quelques mails. Il a fait la connexion également avec mon travail dans la Revue Dessinée qu’il pensait correspondre au sujet et m’a proposé le projet. Au départ, j’étais moyennement emballé par l’austérité du sujet. J’ai lu le script de Philippe et j’ai rapidement été passionné par ce que j’y apprenais. Son approche, plus que de mettre en scène le procès, est de ré-contextualiser cette période. Ajouté au défi que cela apportait de rendre le récit vivant et moins rébarbatif que cela pourrait supposer, j’ai finalement rapidement accepté.
Pourquoi chez Glénat, collection 1000 feuilles ? On se serait plutôt attendu à voir ce récit chez Futuropolis...
C’est une succession de rencontres comme je l’ai expliqué. Philippe a été voir Glénat qui a accepté. Je pense que ce livre a justement toute sa place chez Glénat par la tradition de cet éditeur aux récits historiques. Mon dessin moins classique a lui sa cohérence dans la collection 1000 feuilles. Je trouve finalement que c’est cohérent.
Philippe Saada indique sur le site de Glénat que la BD permet d’aller plus profondément dans les choses que le documentaire filmé, quels éléments a-t-il par exemple ajouté ?
S’il y a aussi beaucoup d’éléments que j’ai simplifiés ou coupés dans la bd par rapport à son documentaire car cela créait de la confusion dans la lecture, dans nos discussions, Philippe évoquait des anecdotes sur tel ou tel personnalité qu’il lui était impossible d’inclure dans ses films car il est plus difficile narrative d’y faire des digressions. La bd et son rythme permettent de faire des pauses autrement et d’apporter des informations plus secondaires. Philippe regrettait par exemple de ne pas avoir inclus un passage où il aurait pu s’attarder sur la manière où les invasions allemandes pendant les trois guerres successives depuis 1870 ont considérablement influencé la destinée de Pétain. On a pu intégrer cette dimension dans le livre.
Tu es crédité en tant que co-scénariste sur l’album, quel est ton apport ?
J’ai travaillé principalement sur le script de Philippe et sur nos discussions. Si j’ai beaucoup repris sa structure et son texte, j’ai effectué un remontage de son explication. Et j’ai simplement tout raconté différemment, avec ma perception du sujet, en y apportant un regard différent et en y incluant des apartés, une dynamique et sûrement une sensibilité personnelle. Dès le départ, je ne voulais pas être simple exécutant mais j’ai quand même cherché à garder une grosse partie du texte de Philippe pour ne pas trahir sa démarche.
Quelles difficultés as-tu pu rencontrer au cours de la réalisation de l’album ?
La plus grosse difficulté était de prendre le temps de comprendre de quoi on parlait, de saisir les enjeux qui étaient expliqués, de faire le point sur chaque protagoniste, de savoir qui était qui, les rôles et positions de chacun. J’ai pris le temps de parcourir une grosse partie de la retranscription des minutes du procès pour re-situer et compléter certains passages dialogués. Il fallait faire des recherches annexes pour pouvoir relier chacun des événements entre eux...
Ça m’a obligé à me plonger pendant des longues journées dans cette période peu glorieuse. J’étais loin d’être joyeux à l’écriture de ce livre. D’autant plus que le parallèle avec l’actualité est facile à faire et peut déprimer.
Tiens j’ai appris que tu as créé l’éphémère festival PPPIFBDM à Langlade avec Thomas Cadène... Tu peux nous en dire deux mots ?
Le PPPIFBDM (c’est à dire le Plus Petit et le Plus Informel Festival de Bande Dessinée du Monde) est venu d’une envie de proposer un festival de bande dessinée à petit échelle, organisée par des auteurs et comme une fête de village. Nous prenions ça comme une blague et une fête. Nous avions voulu une ambiance champêtre ou les festivaliers pouvaient manger et boire avec nous à table, une grande soirée avec lampions et banquet. Le samedi soir, nous étions dans la bonne humeur d’une fête de village à célébrer la bande dessinée. Ce fut une première et unique expérience. Organiser un tel événement, même à petite échelle, est extrêmement épuisant. Mais j’ai aimé le faire et j’adorerai porter à nouveau le projet d’une nouvelle édition.
Quels sont tes projets ?
J’ai effectué un nouveau reportage autour des expériences scientifiques sur le climat et qui paraîtra dans le numéro 10 de La Revue Dessinée de décembre. Je suis en train de finir un livre avec Kris autour de la mémoire d’ouvrières retraitées et licenciées d’une grosse usine à Brest qui avaient créé une pièce pour raconter leur histoire, leur parcours de femmes, de militante et du monde du travail. Ce livre, « Politique Qualité », devrait sortir en avril chez Futuropolis. Je viens de commencer également un autre livre documentaire historique sur la guerre d’Algérie, pour Le Seuil, avec Benjamin Stora qui sortira à l’automne 2016. Et je vais enchaîner avec un nouveau livre pour Futuropolis en compagnie de Gilles Lahrer. Je ne vais donc pas m’ennuyer ces prochains mois.
Sébastien, merci.
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