Auteurs et autrices / Interview de Mirion Malle
Féministe assumée et débordant d'idées, Mirion Malle nous propose une analyse du genre dans la pop culture.
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Je suis autrice de bandes dessinées, je tiens depuis 2011 un blog, qui est centré depuis deux ans et demi sur les films et séries et leurs clichés sexistes, donc avec une vision féministe.
Parlons un peu de Commando Culotte, qui est la parution en BD d’une partie de ton blog. Comment t’est venue l’idée de parler de ce thème sur ton blog ?
Ça fait longtemps que je m’identifie comme féministe, longtemps que je m’intéresse aux films et aux séries. Je trouvais intéressant d’y réfléchir, j’ai eu pas mal de discussions avec mes amis à ce sujet. Un jour on a passé des vacances dans la maison des grands-parents d’un ami, et on regardait plein de trucs. On était plusieurs auteurs de BD, et on dessinait pas mal. Je me suis dit que j’allais faire plein de notes de blog sur ces films et séries, que je posterais en rentrant. J’y ai pris goût, commencé à développer un peu plus.
Tu as une formation de dessinatrice ?
Oui ! J’ai fini en juin dernier l’Institut Saint-Luc à Bruxelles. Parallèlement j’ai fait des études de lettres et de théâtre, et en ce moment je fais un master de sociologie et d’études de genre. Je ne suis donc pas autrice à temps plein, mais j’ai hâte d’y être. Grâce à mon blog j’ai pu faire des conférences sur ce sujet, et j’aimerais me professionnaliser là-dedans. Beaucoup des amis viennent du milieu militant, j’aimerais aller vers la vulgarisation sur ce sujet.
Comment as-tu vécu la popularité grandissante de ton blog ?
Eh bien c’est très chouette. Il y a eu une période où il y avait des trolls. Depuis un an environ ce sont des gens plutôt intéressés par le sujet, même s’ils sont parfois très critiques. La majorité des commentaires sont constructifs, ça me plaît d’échanger avec des gens. Par exemple lorsqu’une doctorante en Histoire intervient et me donne des infos, ça enrichit mon argumentaire.
Comment l’adaptation en BD s’est-elle faite ?
J’ai fait une note de blog sur Game of Thrones avec ma copine Tarmasz, et deux jours plus tard je reçois un mail de Run, directeur du label 619. Je connaissais ce label, mais je trouvais ça étonnant qu’il s’intéresse à ce que je faisais. Mais c’était le cas, il m’a dit qu’il souhaitait me publier ; il m’a invitée chez Ankama, j’y suis allée, et ça s’est très bien passé. On m’a laissé carte blanche. Je tenais à ce que l’étiquette féministe me soit associée, ça n’a pas posé de problèmes, on a même eu des discussions de fond sur le sujet dans la BD, ce fut très intéressant. Un peu plus tard j’ai signé mon contrat, ça s’est fait en une grosse année.
Du coup, ce tome couvre quelle période ?
Ça couvre la période de fin 2013 à été 2015, mais les notes les plus anciennes sont donc de fin 2013/ début 2014 et donc pour celles là le dessin me hérisse un peu, mais pas tout haha ! La plus récente date de juillet dernier.
Et si on te propose de faire la suite ?
Je dirais oui. Je suis très contente de cette expérience, je suis assez fière de ce livre, malgré mes craintes de mal faire. Il y a encore plein de sujets que j’aimerais aborder, dans le domaine du genre.
J’ai lu ton album récemment, et j’ai appris pas mal de choses, au regard de ton analyse. Comment tu sélectionnes les films et séries que tu décortiques ?
Ça marche dans deux sens. Soit je regarde une œuvre et je me dis « ah il faut que je fasse une note dessus, car il y a tellement de choses à dire », soit je pars d’un sujet dont j’ai envie de parler, comme la friendzone, et j’intègre un film ou une série en rapport avec ce sujet.
J’ai particulièrement apprécié ta note sur Six Feet Under, une série qui pour moi est un sommet, car elle émargeait entre autres complètement en-dehors des canons genrés alors en vogue à la télévision.
C’est ma série préférée. Plein de gens me disent que la représentation c’est moins important que l’intrigue, mais cette série est un excellent exemple. Si la représentation est nulle, les personnages vont être nuls, et ton intrigue ne va pas être bonne.
Pour en revenir à l’album dans sa globalité, ton dessin n’est pas banal, je dirais même qu’il ne laisse pas indifférent.
Alors parfois j’ai pu lire qu’il était « moche ». Ça ne me vexe pas, mais je suis très critique par rapport à ça, surtout envers les dessins les plus vieux. Mais je suis plutôt satisfaite de ce que je fais actuellement sur mon blog, car c’est proche de ce que j’aimerais faire, au final. Les gens disent de mon dessin qu’il n’est pas « réaliste », pas « joli », mais bon, ces dessins sont déjà un peu anciens. J’aime bien les choses toutes cassées, les dessins tout pétés… Je ne fais pas de brouillon, pas de crayonné, je dessine directement. Mais du moment que c’est fluide, qu’on comprend ce qu’on lit, c’est ce qui compte pour moi. Quand je fais de la fiction, ce n’est pas du tout le même style de dessin, je n’utilise pas le même outil.
Quelles sont tes influences graphiques ?
Mon amie Tarmasz, j’aime beaucoup ce qu’elle fait. Debbie Drechsler m’influence beaucoup, ses albums sont très bien mais très durs. J’aime beaucoup Sophie Bédard, avec qui j’ai aussi fait une note, autrice québécoise, Vincent Giard, du même pays. Pierre la Police, dans son humour particulier et dans le dessin, m’influence aussi. Il y a aussi les autrices de BD Liv Strömquist et Oriane Lassus.
Maintenant que l’album est sorti, quels sont les retours que tu as pu avoir ?
Il y a souvent des remarques sur le dessin, mais il y a beaucoup de retours positifs de la part des lecteurs et des lectrices. Je suis très contente que ça plaise. Le lectorat féminin représente 65% de mon public et j'en suis contente, après bien sûr comme je fais de la vulgarisation sur le sexisme et du féminisme, ça me plairait que plus de garçons me lisent mais je ne cherche pas un public absolument mixte.
Quels sont tes projets ?
J’aimerais bien passer mon master cette année, continuer à jongler avec la BD. Mais sinon j’ai beaucoup de projets BD que j’aimerais bien développer. Un livre pour casser les clichés autour de la drague, un peu dans le même style que Commando Culotte, finalement. J’ai reçu des mails d’adolescents à propos du sexisme, par exemple les filles doivent être belles et passives, les garçons qui pensent que non ça ne veut pas dire non, etc. Ça me plairait de faire ça avec une amie autrice et étudiante en sexologie. J’ai des projets de fiction auxquels j’aimerais bien me mettre sérieusement. Mais je voudrais finir mes études avant. Ce que je fais actuellement me demande moins de travail car c’est un peu dans le même sujet.
Par rapport à ce qu’il s’est passé en préambule à la désignation du grand prix, quelque chose à dire ?
Je suis signataire du collectif des créatrices de BD contre le sexisme, donc je suis d’accord avec tous leurs communiqués.
Mirion, merci.
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