Les chroniques jeux vidéo / Paradise
Fort des succès critiques et commerciaux de L’Amerzone et Syberia, Benoît Sokal crée en 2003 son propre studio de développement, White Birds Productions, et publie en 2006 « Paradise », une grande aventure racontée simultanément en BD et en jeu vidéo.
Un cross-over BD / jeu vidéo
Je commencerai cette chronique par un aurevoir ému. Benoît Sokal nous a quitté le 28 mai 2021, et je dois avouer que cette disparition aussi soudaine qu’inattendue m’a beaucoup affecté. Je ne connaissais pourtant pas Mr Sokal personnellement (je lui ai parlé 2 fois en festival), mais j’ai toujours ressenti une connexion avec son travail, toujours eu l’impression qu’il créait des jeux que j’aurais aimé créer moi, si j’avais bossé dans cette industrie. Benoît Sokal a toujours aimé raconter des histoires, quel que soit le medium (voir notre chronique sur L'Amerzone : Le Testament de l'explorateur). Paradise, premier projet publié par son studio « White Birds Productions », est le cross-over ultime : une histoire écrite et racontée simultanément en BD et en jeu vidéo.Un point and click traditionnel
L’intrigue, identique sur les deux supports, nous est contée au travers des dialogues mais aussi via des cinématiques du plus bel effet : « En Mauranie, un lointain pays de jungles, détrempé par les pluies, le roi Rodon attend l'arrivée de sa fille, qu'il n'a pas vue depuis dix ans, alors qu'elle était encore enfant. Mais l'avion qui la convoie depuis l'Europe est abattu par les rebelles, en guerre ouverte contre le pouvoir de Rodon. Miraculeusement rescapée de l'accident, mais devenue amnésique, la fille de Rodon est recueillie dans le palais du prince de la ville de Mandargane. Son passeport indique qu'elle se nomme Ann Smith, et qu'elle réside à Genève. » Ann Smith s’embarque donc dans un long périple pour rejoindre son père, périple prenant la forme d’un « point and click » traditionnel à la troisième personne : il faudra ramasser toutes sortes d’objets pour s’en resservir plus tard, et parler avec les personnages rencontrés pour « débloquer » la suite de l’histoire. Comparer les expériences BD et jeu vidéo est intéressant : par exemple au début de la BD Ann Smith récupère une vieille voiture chez le garagiste de la ville, qui lui demande de « repasser plus tard quand elle sera prête ». Or dans le jeu, ce dernier nous charge de la remettre en état en retrouvant diverses pièces disséminées dans le village. Ces ajouts interactifs sont bien amenés et s’intègrent parfaitement à l’histoire. Je note aussi un autre détail amusant : les seins nus du harem de la BD sont complètement absents dans le jeu vidéo… une requête de l’éditeur, sans doute, qui nous rappelle que cette industrie est beaucoup plus contrôlée à ce niveau.Mon avis
Les puzzles sont intéressants et presque toujours logiques, et la possibilité de combiner des objets entre eux ajoute une profondeur appréciable. On retrouve cependant les frustrations inhérentes au genre : objets cachés dans le décor pas toujours visibles et donc facilement ratables, et surtout des évènements déclencheurs pas toujours très clairs : on se demande parfois pourquoi une certaine scène ne se déclenche pas, et il s’avère qu’il fallait reparler à un personnage dont on avait déjà épuisé tous les dialogues, parce qu’un nouveau choix de dialogue a depuis fait son apparition. Le jeu étant sorti truffé de bugs (il faut installer un patch sinon c’est injouable – voir « comment y jouer aujourd’hui » ci-dessous), je me suis parfois demandé si j’étais en présence d’un bug, avant de découvrir une solution pas vraiment évidente. Cela dit, j’ai fini le jeu en une 10aine d’heures sans trop de soucis (j’ai juste bien bloqué sur l’énigme des noix dans le village molgrave). Notez aussi des passages 3D où le joueur contrôle le léopard : ils sont injouables, et surtout sans incidence sur l’histoire, et donc sans intérêt. Un conseil : zappez les direct (touche « escape »). Il est surprenant que ces passages aient été inclus dans la version finale (ils ont d’ailleurs été supprimés dans la version Nintendo DS). La réalisation est réussie. Les graphismes sont magnifiques - les décors présentant une Afrique fantasmée sont sublimes et dépaysants au possible, avec une mention spéciale pour la faune et la flore. Comme nous l’expliquait l’auteur dans notre interview de 2006 : « C’est quelque chose que j’apprécie énormément : créer comme cela des espèces animales ou végétales imaginaires. » L’animation des protagonistes est un peu rigide, mais rien de grave. Le doublage français est correct pour un jeu de 2006 (malgré quelques raccords bizarres), et la bande son est excellente. Dommage que la belle fin de la BD soit absente du jeu, qui est objectivement moins marquant que « Syberia », le gros succès de Sokal. J’ai néanmoins passé un excellent moment - le dépaysement est garanti, et les énigmes ont su retenir mon attention. Les amateurs de « point and click » à l’ancienne devraient y trouver leur compte. Verdict :Comment y jouer aujourd'hui ?
Comme d’habitude avec ce genre de jeu, je recommande la version PC. L’affichage sur grand écran fait honneur aux superbes graphismes, et la jouabilité à la souris est excellente (même si le curseur est parfois capricieux). Notez cependant qu’à l’heure où j’écris ces lignes le jeu n’est pas disponible sur les plateformes habituelles (Steam et GOG). Il faut donc procéder « à l’ancienne » : trouver la version boîte (dans un vide-greniers ou sur eBay – elle ne coûte pas cher), installer les 3 CD-ROM sur votre disque-dur, installer le patch 1.1.1 (essentiel pour éviter les gros bugs) et enfin installer la bonne version de DirectX. L’opération s’est déroulée sans encombre sur mon modeste PC bureautique Windows 10, et le jeu était parfaitement fluide et jouable.
« Paradise » est aussi sorti sur Nintendo DS en 2009 sous le nom « Last King of Africa », dans une version « réduite » pour le format cartouche : on retrouve l’intro animée, mais les autres scènes cinématiques sont remplacées par des suites d’images fixes. Il y a moins de lieux à visiter, et les voix sont remplacées par des textes à l’écran. Mais c’est surtout le gameplay qui se retrouve affecté, avec des énigmes moins nombreuses et souvent simplifiées, et parsemées de gizmos utilisant l’écran tactile de la DS (il faut par exemple physiquement tourner une clé dans la serrure pour ouvrir une porte). Les passages en 3D où le joueur contrôle le léopard sont aussi absents (ouf). Ajoutez à cela des graphismes fidèles mais qui impressionnent forcément moins sur petit écran, et une jouabilité au stylet moins intuitive, et vous obtenez une adaptation sérieuse mais moins marquante que la version PC.
Le jeu est également sorti sur iOS, mais ne semble plus être disponible dans l’App Store. A lire les tests sur le web, vous ne ratez pas grand-chose !
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Les liens utiles
- Le test du jeu PC sur jeuxvideo.com
- Le test du jeu Nintendo DS sur jeuxvideo.com
- La solution sur jeuxvideo.com
Les tests de magazines
- Le test du jeu PC dans le magazine Joystick - (Numéro 182 - Juin 2006. Source : abandonware-magazines.org)
- Le test du jeu PC dans le magazine PC Jeux - suite et fin (Numéro 99 - Juin 2006. Source : abandonware-magazines.org)
Les images de la version PC
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