Auteurs et autrices / Interview de Lou Lubie

Blue Boy (pour Benzine) et gruizzli (pour BDtheque) rencontrent Lou Lubie, de passage à Angoulême, pour discuter de sa dernière BD en date : « Comme un oiseau dans un bocal ».

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Photo de Lou LubieBlue boy : Bonjour Lou, qu’est-ce qui t’a amené à traiter du sujet des HPI (Haut Potentiel Intellectuel) dans cette BD Comme un oiseau dans un bocal ? C’est une discussion, enfin des discussions. J’ai un ami, depuis un petit bout de temps, qui est très discret, très chouette. Et un jour, on a eu une discussion. Il m’a dit qu’il était surdoué, chose que je n’avais pas du tout vu venir. En plus je ne connaissais pas le sujet. Et on a eu des très bonnes discussions suite à ça, où il m’a partagé sa façon de vivre, de voir le monde que je trouvais très belle et très éloignée des clichés. Il n'est pas du tout dans ces stéréotypes, dans des revendications d’intelligence, ou quoi que ce soit. Mais j’étais juste très surprise par la finesse de ce qu’il vivait, de ce qu’il ressentait. Et j’ai fait un dessin après une de nos discussions. C’était un petit oiseau sur une colline, avec un très gros pull parce que je trouvais qu’il y avait quelque chose de très fragile en lui. Et en même temps il a des couches qui le font paraître beaucoup plus épais et assez passe-partout. C’est quelqu’un de discret, tout le monde l’apprécie mais ce n’est pas quelqu’un de brillant. Accéder à la série BD Comme un oiseau dans un bocal — Portraits de surdouésBlue boy : Et pourtant il a un ciel qui scintille. J’ai adoré le passage où tu dis que dans sa tête il y a tout un ciel qui scintille en permanence. Tout à fait, mais ça ne se voit pas et il ne le montre pas. Et il faut vraiment assister à un espèce de petit miracle. Des fois il y a des choses qui transparaissent, on se dit « OK, il y a un truc ». Mais sinon globalement personne ne s’en doute parmi ses amis. Sa famille je suppose que oui, mais c’est quelqu’un qui veut être passe-partout, en tout cas là-dessus. Et donc on a eu de très belles discussions et j’ai fait ce dessin et petit à petit, c’est comme ça que le projet est né. J’ai eu envie de partager avec tout le monde qui il était. C’est le personnage de Birdo (dans la BD), directement inspiré de lui, après j’ai tissé autour le reste et j’ai rajouté la partie vulgarisation parce que ça m’intéressait aussi d’aller creuser objectivement de quoi il s’agissait et pas juste de livrer ses ressentis. Mais c’est très fidèle, très très fidèle à lui. Blue boy : Et comment il a reçu la BD ? Il ne l’a pas que reçu puisqu’il l’a accompagnée. Je l’ai beaucoup enregistré, même. Littéralement je lui posais des questions : « Dans cette situation qu’est-ce que tu sens, qu’est-ce que tu fais ». Donc il a vraiment été là, il l’a relue beaucoup. C’est quelqu’un qui lit beaucoup de bandes dessinées, donc il a un avis très intéressant, très fin. Une planche de la série Comme un oiseau dans un bocalBlue boy : Il s’est reconnu dans le portrait ? Ah oui, complètement ! Ah mais c’est lui, c’est vraiment lui. Il y a une part de fiction : son métier, ses amis, la rencontre avec Raya. Donc il y a beaucoup de fiction, mais l’essence, l’âme du personnage, c’est vraiment lui. Du coup il est, je pense, très touché d’être représenté, d’être mis en avant dans une bande dessinée, parce que ce n’est pas anodin. Et en même temps il a eu une grosse angoisse, qui rejoint les préoccupations du personnage, que les gens ne l’aiment pas. Qu’ils trouvent Birdo arrogant, ou ne l’apprécient pas. Avant la sortie il était un peu inquiet en se disant que, si ça se trouve, les gens ne vont pas l’aimer. Comme dans la vraie vie en fait ! Ce besoin d’être apprécié. Et je suis très contente parce que les gens aiment Birdo. Je lui ai dit : « Tu vois, quand les gens voient l’intérieur de toi, sans les couches de surface, ben en fait ils t’aiment. » C’est chouette, non ? Blue boy : Les deux personnages sont attachants. Oui, mais Raya est fictionnelle. Il n’y a personne derrière, c’est vraiment une construction, j’ai fait mon taf d’autrice. Une planche de la série Comme un oiseau dans un bocalBlue boy : On peut dire que c’est réussi alors. J’aurais une autre question : il y a eu un processus chez Birdo qui lui a permis de savoir qu’il était Haut Potentiel Intellectuel. Est-ce que c’est quelque chose qui l’a aidé à gérer sa relation aux autres ? Le fait de savoir, d’identifier, de mettre un mot sur ce trouble, est-ce que ça lui a permis d’avancer ? Alors c’est pas un trouble, ça je tiens bien à le souligner, c’est absolument pas un trouble. Ce n’est pas un problème, c’est juste un état. Blue boy : Alors je ne sais pas trop quel est le mot pour … C’est une neuroatypie. Je pense que c’est bien, c’est juste un état. C’est sa vie quoi ! Blue boy : Oui, c’est qu’on a besoin de mettre des mots sur les choses. Oui, par contre il ne faut surtout pas mettre de mots pathologisants. Parce que ce n’est pas une pathologie, c’est pas un problème en soi, ça exprime une différence. Une planche de la série Comme un oiseau dans un bocalgruizzli : Comme il le dit dans la BD, c’est pas qu’il est différent des autres, c’est que les autres sont différents de lui. Oui, ça c’est plus vers la perception. Mais en tout cas, même si techniquement il y a une différence entre lui et les autres, c'est une différence quantitative et pas qualitative. Il est plus rapide, plus connecté, plus intelligent -si on appelle ça de l’intelligence. Un trouble c’est quelque chose qui poserait problème, qui entraverait le fonctionnement. Là il n’y a rien qui entrave le fonctionnement, il fonctionne plus vite. Donc le décalage peut être compliqué avec le reste du monde. Blue boy : Le problème vient plus des autres. Disons, si tout le monde avait un QI de cette hauteur-là, ce serait la norme il n’y aurait pas de problème. Il n’y a pas de mal à être surdoué, à part que le monde peut donner un sentiment de décalage. Et donc pour répondre à ta question que j’ai complètement oubliée : est-ce que ça l’a aidé à se construire ? Oui, parce que je pense que c’est une clé importante à avoir. Je pense que quand on ne comprend pas, quand il y a un décalage quel qu’il soit et qu’on ne comprend pas, c’est compliqué. J’aime bien prendre la métaphore de la taille, parce qu’être surdoué c’est comme être très grand : tout le monde est plus ou moins grand, mais il y a des gens qui sont très grands. Donc on peut dire : ok, lui il est vraiment très grand. Même si c’est pas un souci en soi, même si c’est pas un souci de santé d’être grand, tout va très bien, il peut y avoir des adaptations. Faire la vaisselle sur un évier de taille normale, ou rentrer dans un métro quand on fait la taille de la porte, c’est gênant. Parce que le monde est fait pour des gens d’une taille moyenne, pas pour ceux au-dessus de la moyenne. Une planche de la série Comme un oiseau dans un bocalBlue boy : Ça marche très bien comme métaphore. Oui, complètement. Et du coup il y a des adaptations à faire, soit de mettre les choses à sa taille soit d’être avec des gens qui font la même taille aussi, ça peut être un soulagement. Mais c’est vrai qu’il faut s’adapter à un monde qui est fait pour des gens de taille moyenne, sans qu’il n’y ait aucun jugement de valeur sur le QI ou la taille. C’est un fait. Et comprendre qu’on est plus grand, que les choses ne sont pas à la bonne taille pour nous, qu’on a besoin de s’adapter, qu’on a peut-être besoin chez soi d’une cuisine surélevée, qu’on a besoin de se faire des chaussures sur mesure parce qu’on chausse du 50, c’est important de le savoir. Parce que sinon on souffre : pourquoi je ne rentre pas dans les chaussures ? Et je pense qu’il est important en effet de se comprendre pour être bien au milieu du monde et pour être bien avec soi, pas se considérer comme différent des autres, mais reconnaître qu’il y a une différence et ne pas porter sur soi le stigmate de se dire « Mince, c’est moi, c’est ma faute ». Accéder à la série BD Goupil ou facegruizzli : Je me posais une question, parce que j’ai l’impression que ça rejoignait Goupil ou face sur la question de l’identification de quelque chose, d’une différence. Avec l’idée de mettre le mot dessus, de comprendre. Et est-ce que tu as fait des parallèles en le construisant ? Parce j’ai eu l’impression qu’il y avait un peu la même construction, avec la vie personnelle puis apporter des informations précises. Ben c’est sûr, sur la structure il y a un parallèle. C’est pour ça d’ailleurs qu’on l’a mis dans la même collection, avec le même dos et ils font la même taille, c’est la même police… On a vraiment eu une démarche de continuité entre les deux, on savait que ça parlerait au public. Alors ce n’est pas la même thématique du tout, mais ça parle au même public. Ça parle de psy, alors psychiatrie dans le premier et là c’est plus de la psychologie, mais effectivement il y a des liens. Au point qu’il y a un ensemble de trois cases qui sont les mêmes. Alors je les ai redessinés pour mettre des têtes d’animaux à la place des têtes d’humains, mais quand je parle d’hypersensibilité, c’est les mêmes trois cases dans les deux. Parce que justement je voulais mettre en valeur le fait que, l’hypersensibilité ne veut rien dire en soi. Que dans la cyclothymie, il y a potentiellement de l’hypersensibilité, dans le HPI il y a potentiellement de l’hypersensibilité. Mais être hypersensible ne donne d’indice sur rien et ça existe dans plein d’autres situations. Il y a plein de gens qui ont cette sensibilité exacerbée et qui ne sont ni l’un ni l’autre. Une planche de la série Goupil ou facegruizzli : Vu que maintenant tu as exploré deux facettes du neuroatypisme, même si ce n’est pas vraiment le bon terme, as-tu pensé à en explorer d’autres ? Je sais qu’il y a beaucoup d’autres choses, le TDAH, l’autisme aussi qui revient beaucoup à la mode aussi, avec pas mal de questionnement sur la représentation de l’autisme récemment. C’est des sujets qui t’intéressent aussi ? C’est des sujets qui m’intéressent énormément, mais j’ai eu une très mauvaise expérience avec Goupil ou face où je me suis trouvé réceptacle de la souffrance de trop de gens. Moi je l’ai vécu comme du harcèlement. J’ai eu trop de messages, trop de retours, trop d’attentes, trop de poids. Jusqu’à ce moment très difficile où il y a une personne suicidaire qui m’a confronté à son suicide imminent en disant « Il n’y a que vous qui pouvez me sauver », en gros. Et c’était trop. Ce qui fait que aujourd’hui j’ai fait le choix, d’une, de ne plus parler de Goupil ou face, et de deux, je ne m’exprimerais plus jamais sur un sujet qui comporte de la souffrance. Parce que le sujet, bien qu’il m’intéresse, je ne suis pas capable d’être là pour le livre ensuite. Je ne peux pas prendre ce rôle-là à nouveau. HPI ce n’est pas un problème, c’est une particularité. Mais il n’y a pas de souffrances inhérentes aux personnes HPI même si les personnes HPI peuvent souffrir. Donc ça ne me posait pas de problème de le livrer. Après, quelque chose comme la schizophrénie, je ne le traiterai pas, parce que je ne serais pas en mesure de recevoir ce que le public me donnerait. Qui est très lourd, très très lourd. Blue boy : Ah oui, je peux comprendre, ça représente une charge… Énorme, c’est énorme. En permanence depuis. gruizzli : Je ne sais pas si c’est une première édition, mais dans mon exemplaire il y a bien des planches précisant que ce n’est pas un ouvrage de médecine, allez voir des spécialistes si vous avez des doutes, que ce n’est pas moi qui vous réponds… Elles ont été rajoutées en 2019, je crois. Une planche de la série Comme un oiseau dans un bocalgruizzli : Autre question, parce que ça me fascine : comment composes-tu tes images ? La question est particulière, mais je trouve géniale la façon dont tu organises la lecture pour qu’on lise une histoire sans se rendre compte qu’il y ait des graphismes, des courbes et des données statistiques. Ouah, grosse question ! J’aurais du mal à l’expliquer, parce que je pense que c’est ça mon style, bien plus que le dessin. J’essaye de m’adapter à l’histoire et mon dessin peut fluctuer. Je pense que mon ADN c’est la narration. Moi je suis issu d’un diplôme en game design, en jeu vidéo, qui sont les mécanismes de jeu. L’accessibilité notamment fait partie de ce que j’ai étudié pour mon diplôme. Et je me soucie énormément de délivrer une expérience utilisateur qui soit fluide, qui soit accessible, qui soit agréable. Donc je compose mes pages en plaçant les objets, en plaçant les textes puis je les bouge un peu pour que le rythme colle. Je sais : « Là je vais mettre mon schéma, je vais mettre cette case-là, et cætera… ». C’est vraiment un processus de fluidité et d’accessibilité. Blue boy : Un processus de vulgarisation en somme. Oui, mais j’ai écrit La Fille dans l'écran qui est de la romance et qui n’est absolument pas de la vulgarisation, et on y retrouve le même processus d’accessibilité, de lisibilité, de clarté. D’ailleurs j’ai une amie dyslexique qui me disait « Ce qui est génial avec tes bandes dessinées, c’est qu’elles sont accessibles. » Parce qu’il n’y a rien qui bloque. La police est facile à lire, le sens de lecture est très clair, les pages sont suffisamment courtes, suffisamment impactantes. Donc pour moi c’est le mieux qu'on puisse me dire ... Accéder à la série BD Et à la fin, ils meurentgruizzli : Et ça se ressent complètement à la lecture, parce que je pensais aussi à Et à la fin, ils meurent, qui a pour moi la même lisibilité alors qu’il y a toutes les données sur les contes voire des contes en eux-mêmes et qu’on ne se perd jamais dedans. C’est le but ! gruizzli : À propos de ce livre, est-ce toi qui a choisi la maquette ? Oui ! gruizzli : Parce que c’est une super idée - la pagination, la dorure, le fait qu’on ait l’impression d’avoir un petit livre de conte entre les mains c’est une excellente idée. Mais j’aime concevoir tous mes livres. Pour moi je crée des objets culturels, je crée des expériences. Je ne suis pas juste une artiste qui raconte des histoires par plaisir de l’art, pas du tout ! Moi j’ai vraiment une démarche… je viens du jeu vidéo, encore une fois. Le jeu vidéo c’est pas un art intellectuel éthéré. C’est vendre un produit, toucher des joueurs, faire attention à eux et j’ai cette démarche-là dans les livres. Quand je conçois un livre, je le conçois vraiment. En totalité. Après Delcourt me suit et ça c’est une chance. Ils auraient pu me dire « Non, là le budget il explose, la dorure c’est mort ». Ils me suivent et c’est super, je pense que c’est ce qui fait aussi la cohérence de mes ouvrages, que c’est une démarche l’ouvrage en entier. gruizzli : Delcourt te suit depuis Goupil ou face, c’est ça ? Ils ont racheté Goupil ou face, donc c’est depuis 2021, 2020… Accéder à l'atelier de Lougruizzli : Et c’est toi qui leur proposes à chaque fois les nouveaux sujets ou tu discutes avec eux en amont ? Parce que dans la première interview tu disais que d’abord tu regardais ce que l’éditeur acceptait de faire et après tu travaillais là-dessus ? Ah bon, j’ai dit ça ? Non, aujourd’hui je suis très très bien chez Delcourt. C’est la première fois que j’ai une belle collaboration avec une maison d’édition. Je suis très heureuse avec eux. Je suis très bien traitée, ils mettent très bien mes livres en avant, c’est merveilleux, j’ai beaucoup de chance. Aujourd’hui j’ai mon équipe, mes éditrices, je connais bien les gens dans tous les services, donc aujourd’hui ma démarche c’est de créer avec eux. Je vais leur proposer des histoires, ils vont me suivre, je pense, sur la plupart. En tout cas ils ont une grande confiance en moi autant que moi en eux, donc on travaille ensemble sur ce que je veux. Là, l’année prochaine j’ai deux titres, l’un qui est à nouveau récit et vulgarisation, c’est de la sociologie, pour le coup c’est pas du tout ce registre-là [montrant le livre « Comme un oiseau dans un bocal »]. L’autre c’est du roman graphique, très intemporel, imaginaire, que je scénarise avec une dessinatrice. Ça n’a rien à voir, et pourtant c’est les mêmes personnes qui travaillent sur les deux projets. Et c’est super chouette de faire ça en tant qu’auteure. Une image du prochain projet de Lou Lubie sur son compte Instagramgruizzli : Est-ce que tu as d’autres projets que la BD ? Tu parlais du jeu vidéo, mais peut-être aussi d’autres projets artistiques. Pas du tout, j’ai la chance de vivre bien de mon métier, ça me permet de me concentrer dessus. Le jeu vidéo j’ai arrêté il y a fort longtemps, plus de dix ans, je ne me vois pas y revenir. Après je commence à avoir des opportunités d’adaptation audiovisuelle de mes ouvrages. Potentiellement je vais les accompagner un peu, sur le scénario, la réalisation, je ne sais pas trop. Mais moi ce que j’aime, c’est vraiment créer des projets, des objets culturels, et j’aime bien avoir une vision de cheffe de projet, de directrice créative. Ce qui n’est pas possible quand on fait du jeu vidéo ou de l’animation. Donc ça m’intéresse beaucoup moins parce que ça nécessite de faire des compromis. J’ai moins envie de travailler comme ça et je veux continuer à avoir une vision d’ensemble et à proposer des choses. La bande-dessinée est vraiment ce que j’ai envie de faire. Blue boy : C’est légitime, on a envie de contrôler son bébé, de le surveiller… C’est pas une question de bébé pour le coup, c’est pas tant une question de contrôle. J’ai une démarche de directrice artistique : je sais ce que je veux, je sais comment je le veux. Là quand je travaille avec une dessinatrice, elle a une grande liberté créative, mais je suis la metteuse en scène et je suis la directrice artistique. Ce qui lui convient très bien, parce qu’elle a des compétences complémentaires aux miennes et c’est super de bosser ensemble. Mais j’ai besoin d’avoir ce rôle. Je sais où le livre va, je sais ce que je veux en faire et je sais que ça va être bien de cette façon. Et j’ai besoin qu’on me suive. C’est pour ça que j’aime travailler en BD, où je peux avoir ce poste-là, alors que dans le jeu vidéo je ne pourrais pas l’avoir. Après si quelqu’un veut adapter mon travail en jeu-vidéo, je leur offre. Je n’ai pas un besoin de contrôle sur les choses que j’ai créées. Accéder à l'atelier de Lougruizzli : Alors j’ai juste une question, mais personnelle : est-ce que tu participes encore au forum dessiné ? Ah oui, oui, oui ! Absolument, j’étais justement en train de draguer une meuf il y a pas une semaine. Si jamais c’est dans l’interview, je résume rapidement le forum dessiné : c’est un site communautaire que j’ai créé en 2008 -donc il y a 15 ans- de dessin, où chacun incarne un avatar et l’utilise pour échanger. C’est totalement gratuit, c’est pour le plaisir, il n’y a aucun enjeu. Moi c’est comme ça que j’ai appris à dessiner, puisque j’ai posté près de 10,000 dessins dessus depuis sa création. Dans mes grandes années je postais 3 dessins par jour, en moyenne, ce qui est énorme. Et en fait c’est vraiment chouette, j’arrive avec mon personnage dessiné, je me présente : « Voilà je suis nouvelle », puis quelqu’un va se mettre sur mon dessin, le copier-coller et se rajouter dessus et dire « Bienvenue sur le forum », et moi je vais copier-coller son dessin, je vais effacer les bulles et je vais lui répondre. Donc on est dans un échange dans lequel on est présent physiquement dans le dessin l’un de l’autre. Ça fait un peu de la BD improvisée, et ça permet de se toucher via le dessin, de créer des histoires, d’avoir des débats, de faire des expérimentations. C’est excessivement riche ! Ça fait 15 ans que ça existe et que les gens font avancer le truc. Je ne sais plus, on doit être à 2,500-3,000 dessinateurs qui sont passés par là, dont des auteurs comme Karensac, Anaïs Flogny qui sort son premier album Rivages lointains, on a eu Charlotte Gosselin qui a fait « Je prends feu trop souvent » … On a plein de gens qui sont passés par là ! Alors je prends pas du tout le mérite de leur carrière aujourd’hui, mais c’est un endroit de passage où les gens grandissent, où on partage des choses, on s’amuse. Moi je disais que je m’amuse à draguer quelqu’un parce que c’est drôle, en fait. Il n’y a pas de fond, c’est juste on est des personnages et on est là. Et je l’apprécie beaucoup, donc j’ai fait « Écoute, est-ce que tu veux être ma Valentine ? » et je lui ai offert des fleurs, et on est allé manger des sushis et c’est très léger. Accéder à la série BD La Fille dans l'écrangruizzli : Et ça nourrit aussi une façon de dessiner ? Blue boy : Une synergie ? Oui, moi ça m’a appris mon style de dessin, ça m’a entraîné, c’est aussi ce qui m’a donné l’idée de La Fille dans l'écran, puisque ça vient du forum dessiné. Manon (Desveaux), je l’ai rencontrée sur le forum. C’est très très riche ! Moi c’est de là d’où je viens et sincèrement, c’est l’œuvre dont je suis la plus fière. De tout ce que j’ai pu faire, bien plus que les livres, parce que ça c’est tellement unique, c’est tellement spécial, ça a apporté tellement à tellement de gens… Je pense que c’est ce que j’ai fait de plus énorme, et j’ai tout fait toute seule, j’ai tout créé, tout développé, il n’y a pas d’équivalent. Blue boy : C’est un peu basé sur le jeu vidéo, non ? Non, je voulais trouver des gens avec qui dessiner, parce que sinon je dessine pas parce que j’aime pas ça. Donc là ça me donne une raison de le faire. Et ça a été énorme pour moi. Blue boy : Je pensais aux jeux-vidéo en ligne, où on se connecte avec des avatars, on échange… Faut aller voir. C’est très particulier, c’est très facile à comprendre. C’est un peu le bordel, parce que tout le monde est le bienvenu, on a des enfants – des élèves de collègue – et on a des gens… genre moi qui ont plus de la trentaine et qui suis encore là, on échange ensemble et on n’a pas de limite parce qu’on est des avatars. Ce qui compte, c’est ce qu’on partage, ce qu’on émet. Et s’il y a un enfant qui a des choses intéressantes à dire, on va avoir des échanges très chouettes qu’on n’aurait pas dans la vraie vie. Blue boy : Et il y a un certain anonymat, on se sent moins exposé. Aussi ! On est ce qu’on dessine et ça c’est très très beau je trouve. gruizzli : Merci beaucoup, et merci pour tes BD. Ma copine m’a bien précisée de te le dire alors je te le transmets ! Super, merci !
Interview réalisée le 27/01/2024, par gruizzli et Blue boy.