Auteurs et autrices / Interview de Luc Brunschwig
Luc Brunschwig, c’est une histoire d’amour avec bdtheque, une histoire qui a déjà plus de quinze ans. Il nous fait donc le plaisir de répondre pour la quatrième fois à nos questions, au sujet de l’évolution de son métier d’auteur de BD et de sa carrière.
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Luminary
Commençons par Luminary. C’est ta déclaration d’amour à Photonik, ce super-héros « à la française » qui t’a fasciné à ton adolescence. Tu expliques d’ailleurs tout le processus dans le premier tome. Un exercice -l’explication du pourquoi du comment- dont tu n’étais pas trop coutumier jusque-là. Je me trompe ? Non, en effet, mais le faire pour Luminary m’a donné des idées. Durant la longue période du Covid, j’ai produit un certain nombre de textes (postés sur ma page Facebook) qui revenaient précisément sur les coulisses de la plupart de mes séries. Faire une bande dessinée (en tous cas dans mon cas) c’est souvent un processus long, voire carrément trèèès long (par exemple, il m’a fallu 35 ans pour aboutir Urban). C’est une idée qui apparaît un jour, qui s’accroche dans ma tête, qui y mature pendant de longues années, qui se cristallise un jour, mais il reste encore à trouver les bons collaborateurs (dessinateurs et coloristes) et le bon éditeur. Ensuite, il y a la sortie et dans le meilleur des cas, cette sortie ne laisse pas les lecteurs indifférents et il y a toute une foule de choses inattendues qui se passent alors. Au final, c’est une vraie aventure, avec des rebondissements, beaucoup de choses crispantes, des moments de doute, de dépression, des choses très humaines, la joie de voir des mondes imaginaires prendre vie, et le plaisir sans fin de collaborer avec des gens phénoménaux. Ciro Tota t’a autorisé à te baser sur sa création originale Photonik, à condition que tu en fasses une histoire réellement originale. Cela-t’a-t-il surpris ? En fait, c’est la seule solution que nous avons trouvée quand les Editions Black and White, qui publiaient l’intégrale de Photonik, ont décidé de relancer le personnage avec de nouveaux auteurs, mais dans la continuité de ce qu’avait fait Ciro. Il n’était plus possible pour nous d’utiliser le nom de Photonik, d’autant que notre proposition ne s’inscrivait pas du tout dans leur projet. Ce que j’envisageais, c’était un reboot, une version modernisée et personnelle de Photonik, très éloignée de l’original. Une sorte d’Ultimate Photonik (donc hors continuité). Ciro, qui suivait le projet de près, me demandait souvent : « mais pourquoi tiens-tu à utiliser mes personnages ? Ton histoire est quasiment une histoire originale ! » Donc, quand Black and White nous a demandé de ne plus utiliser le nom de Photonik, Ciro m’a dit : « Vas-y ! prends ton histoire, change les noms des persos et dis que c’est un hommage à mon univers. Je ne m’y opposerai pas et Black and White non plus. » Sur le moment, ça a été violent, parce que ce récit ne semblait avoir de sens que comme « héritage de Photonik ». Mais on a fini par comprendre que ça nous libérait aussi des dernières contraintes qu’on s’était données. En faisant de Billy Swann (l’équivalent dans Luminary de Tom Pouce), un jeune noir, l’histoire a immédiatement trouvé sa dynamique et son sens, plus politique et social finalement que ce qui était prévu au début. Qu’est-ce qui t’a fait songer à Stéphane Perger pour mettre en images ce vrai-faux reboot ? On avait participé tous les deux aux hommages à Photonik réalisés pour la double intégrale publiée il y a une dizaine d’année par Black and White. Stéphane avait fait une illustration où il modernisait le costume du héros. Sa proposition m’avait tapé dans l’oeil. C’était puissant et ça donnait vraiment envie d’en faire quelque chose. Quelques semaines plus tard, on s’est croisé sur un festival près de Toulouse et on a parlé longuement de notre amour pour ce personnage. Je lui ai proposé d’écrire, pour lui, ce fameux reboot, un peu comme une blague ou un défi. Et il a tout de suite adhéré à l’idée. Ça s’est emballé, j’en ai parlé à Ciro qui nous a donné le feu vert, puis à Olivier Jalabert qui lançait alors une collection de comics chez Glénat. Je trouve incroyable cette séquence du tome 2 où Darby vient sauver Paolita de son souteneur sous sa forme mutante… Un procédé que tu utilises souvent ? Ben ! Jamais haha ! Il a fallu attendre de pouvoir enfin tâter du super-héros pour réaliser ce genre de séquence très iconique, où le super homme vole au secours de sa belle (même si la belle a été franchement cabossée par la vie et que le super héros ne porte tellement pas de costume qu’il en est tout nu). La fin du triptyque nous laisse un peu sur notre faim… Peut-on espérer un jour la suite des aventures de Darby, Mila et Billy ? C’est notre envie. Pour tout te dire, il n’a jamais été prévu que l’histoire s’achève au tome 3. On avait besoin au minimum de 3 cycles pour aller au bout de l’évolution de Darby et de ses amis... Mais Glénat n’a pas souhaité poursuivre l’aventure faute de ventes. Il faut dire qu’essayer de vendre du comics fait par des Français, dans un format comics à un public franco-belge est une gageure. On prend le risque de n’intéresser personne… et ça a été en partie le cas ici.XIII mystery
Continuons sur cet exercice un peu inattendu, l’investissement d’un univers que tu n’as pas créé : XIII mystery. Comment en es-tu venu à écrire un spin-off de XIII ? Ça, c’est une drôle d’histoire. A cette époque (il y a maintenant une vingtaine d’années), je travaillais chez Dupuis sur la série Makabi que je réalisais avec Olivier Neuray. Quand on a bouclé le premier cycle, notre éditeur Daniel Bultreys, a eu l’idée touchante d’envoyer les 3 premiers albums, qui formaient une histoire complète, à Jean Van Hamme, en lui demandant ce qu’il en pensait ? (et en espérant secrètement que ça allait lui plaire, au moins un peu). Ce qu’il n’avait pas prévu, c’est que Van Hamme nous a renvoyé un mail dithyrambique où il disait en gros que c’était un des meilleurs trucs qu’il avait lu dans les dix années écoulées. Du coup, je me suis retrouvé à échanger avec Jean et de fil en aiguille, je lui ai demandé si il y avait encore de la place pour faire un XIII mystery (je suis un lecteur de XIII, les premiers ont été un vrai choc au moment où je les ai découverts). Il m’a dit que oui et comme j’avais dans la tête cette idée de développer la relation entre Jonathan Fly (journaliste gauchiste très engagé et donc père présent physiquement mais absent intellectuellement et émotionnellement auprès de son fils Jason), je lui ai fait la proposition qu’il a aussitôt acceptée. Curieusement cet album, qui raconte l’enfance d’un personnage-clé de la série d’origine, n’est que le onzième opus de cette série de spin-off. Pourquoi cette publication tardive ? Parce que ce n’est qu’indirectement le récit de l’enfance de XIII. Le personnage principal, c’est Jonathan Fly, les raisons (enfin révélées) de sa présence à Greenfalls et la façon dont son fils participe d’une certaine façon à sa mort précipitée… En prélude à cet album, tu évoques la position particulière du parent scénariste : présent à la maison mais absent de l’éducation de ses enfants. Sept ans après, penses-tu qu’ils t’ont pardonné ? Ça n’a jamais posé de problème à mon fils ; Il est très indépendant et comme moi, il a tendance à se réfugier dans ses mondes imaginaires quand il s’ennuie (il est codeur dans l’informatique). Par contre, ma fille est très demandeuse d’attentions et de moments partagés. Elle est beaucoup plus concrète dans sa relation aux autres… Et il faut croire que je ne lui en ai pas assez donné parce qu’elle me le fait payer depuis une bonne dizaine d’années et que tout ça n’est pas encore totalement réglé entre nous. Un jour j’espère. Aimerais-tu investir d’autres séries dont tu n’es pas l’auteur ? si oui, lesquelles et pourquoi ? C’est une question difficile. Non pas parce qu’il est difficile d’investir une série qui n’est pas de moi, du moment que j’ai le sentiment d’avoir à y dire quelque chose, mais parce que réussir à le faire est compliqué et parfois destructeur. Il y a eu Bob Morane (très compliqué) et puis il y a quelques années, dans la foulée du Batman de Enrico Marini, j’ai proposé à Dargaud, puis à Urban Comics qui a pris la chose en main) de réaliser un récit intitulé : Arkham – une histoire de Bruce Wayne. J’ai écrit l’histoire complète à la demande de DC, Roberto Ricci a réalisé un dossier graphique avec la meilleure première page jamais réalisée sur cette Terre (je ne déconne pas, c’était ébouriffant). Ils ont dit oui avec enthousiasme. Puis DC a été racheté par les télécoms américaines, qui ont fait un audit, viré les gens avec qui on travaillait. Il a fallu 3 ans pour retrouver des interlocuteurs valables et quand on leur a renvoyé le dossier, ils l’ont cette fois refusé parce qu’un de leurs scénaristes avait curieusement eu une idée qui ressemblait fort à la nôtre (mais faite après qu’on leur ait envoyé notre dossier). Voilà, je ne sais pas si ils ont utilisé notre idée. Je m’en fiche. Mais ça m’a coupé net l’envie de travailler avec eux, surtout dans ces conditions d’interlocuteurs qui peuvent changer à tout moment (bon, ok ! On était dégoûté et on n’y reviendra plus). Après, je ne suis pas contre l’idée de travailler pour la moderniser sur une vieille licence franco-belge. Mais depuis que ça s’est mal passé sur Bob Morane, je passe pour un bêcheur auprès des éditeurs, donc pas sûr qu’on me le repropose un jour.Conan le Cimmérien
Avec ton vieux complice Etienne Le Roux (La Mémoire dans les poches, Après la guerre), te voilà à faire un album de la série Conan le Cimmérien. Pourquoi avoir fait appel à lui ? Il y a une quinzaine d’année, on s’était demandé avec Etienne, sur quels personnages Marvel on aimerait travailler. Moi, j’avais plusieurs persos qui me tentaient, mais pour Etienne, ça se limitait à Conan (que j’adorais aussi). Du coup, là encore, un peu par défi, on a commencé à discuter d’un King Conan, de ce moment où Conan, le jouisseur, l’individualiste, devient roi, se retrouve en charge d’âme. Conan pour Robert E. Howard est un vrai roi arthurien, un roi du peuple, qui fait des choses en permanence pour améliorer les conditions de vie dans son royaume, surtout pour les petites gens. On voulait comprendre cette bascule et la raconter. Mais bien sûr, impossible de bosser là-dessus alors que la licence appartient à de grands groupes internationaux bardés d’avocats. Il a fallu attendre que les nouvelles de Howard entrent dans le domaine public. Jean David Morvan a alors proposé à Glénat de réaliser une série d’adaptation de ces nouvelles, avec des duos d’auteurs différents. Ayant très vite appris la nouvelle, j’ai levé le doigt et proposé de travailler sur la nouvelle qui se rapprochait le plus de ce qu’on aurait aimé faire, notre King Conan : La Citadelle Ecarlate. Et bien sûr, Etienne était le choix logique. Malheureusement, il a fallu rester très sages et très proches du texte initial. Les avocats auraient sanctionné n’importe quel apport inédit s’éloignant trop de la nouvelle d’origine et pouvant avoir été exploité dans les centaines de récits modernes de Conan. C’était au final très frustrant, même si le travail d’Etienne était incroyable (il a d’ailleurs été récompensé par l’association américaine des fans de Robert E. Howard pour sa contribution remarquable au développement des univers de leur idole) Toi-même, es-tu un lecteur de fantasy ? J’en ai lu beaucoup dans mon adolescence (des dizaines de livres de la collection Masque Fantasy, une collection éphémère dont j’avais trouvé des dizaines d’exemplaires en solderie. Il y avait du Howard, du Sprague de Camp, du Hodgson… c’était génial. Plus récemment j’ai adoré Robin Hobb et NK Jemisin. On a du mal à te voir dans ce genre, malgré Vauriens et Angus Powderhill. Tu t’étais plutôt spécialisé dans le polar ou l’aventure, avec un fond social, historique ou politique. Au final, que retires-tu de cette brève incursion ? L’impression de ne pas avoir réalisé encore le récit qui marquera les lecteurs. Un jour, j’espère.Les Frères Rubinstein
Passons aux Frères Rubinstein, dont le tome 6 sort en fin d'année. Pourquoi le dessin est-il assuré par deux artistes, ton vieux complice Etienne Le Roux et Loïc Chevallier ? Etienne avait monté un atelier virtuel avec Loïc pour réaliser dans les délais la série 14-18 qui se composait de 10 tomes et qui devait paraitre sur 4 années du centenaire de la grande guerre (de 2014 à 2018). Au fil des albums et de leur avancée victorieuse, ils se sont rendu compte que leur collaboration était non seulement heureuse, mais profitable à la qualité de leurs albums Ça faisait une dizaine d’années que je parlais à Etienne des Frères Rubinstein, que je lui présentais comme mon projet en mille pages. Plusieurs fois il m’avait dit non, effrayé par le défi, et puis, quand il a eu fini 14-18, il a souhaité poursuivre la collaboration avec Loïc sur des projets un peu fou et fortement paginé pour que leur collaboration ait du sens. Il m’a demandé si les Frères Rubinstein étaient toujours dans mon envie. Ce à quoi je lui ai immédiatement répondu que oui. Comment se répartissent-ils le travail ? Etienne commence par réaliser un storyboard très précis, comprenant les perspectives, l’esquisses des personnages en situation et des ébauches de décors. Il crayonne ensuite les personnages alors que Loïc conceptualise et réalise de son côté les décors après avoir réalisé de minutieuses recherches sur le net ou en bibliothèques (qui lui serviront à lui mais qui serviront aussi à Etienne (par exemple) pour habiller ses personnages). Ensuite, Loïc intègre les personnages d’Etienne dans ses décors puis renvoie le tout à Etienne qui encre l’ensemble avant de passer les planches à Elvire notre formidable coloriste. Quelle est la part d’emprunt à ton histoire familiale dans cette saga ? Le seul emprunt réel, c’est l’envie de parler de deux frères juifs et de camp d’extermination. Mon père a perdu son frère aîné, déporté à 17 ans et tué dans les chambres à gaz d’Auschwitz. Pour le reste, les deux frères Rubinstein ont été construits avec les personnalités de mon frère Yves et de moi-même (je suis plus Salomon, il est plus Moïse, dans le caractère, plus que dans les faits). Et c’est à peu près tout. N’as-tu pas eu peur de perdre ton lectorat avec une intrigue éclatée sur trois époques dès le premier tome ? Jamais peur. Je mise (à tort ou à raison) sur l’intelligence du lecteur. Et puis, je ne cherche pas à perdre le lecteur mais à lui raconter une même histoire qui a des implications sur trois temporalités, ce qui est différent. L’histoire n’est pas vraiment éclatée mais fractionnée en morceaux temporels qui se raccrochent les uns aux autres pour former un puzzle. Donc les propos se complètent plus qu’ils ne se percutent. Je tiens à dire que mon travail est avant tout de rendre les choses aussi fluides et compréhensibles que possible, quelle que soit la complexité du propos. Le tome 3 commence par une scène hallucinante, avec les déportés « accueillis » par une annonce dans les haut-parleurs de Sobibor ressemblant à un message du Club Med… C’est avéré ? Oui. Il faut bien comprendre que les gens qui descendent des trains sont tellement plus nombreux que leurs gardiens qu’il est impératif pour eux de les rassurer et d’assurer le calme. Donc, ce qui sort des hauts parleurs, ce sont des propos qui ont pour but d’apaiser et de convaincre les déportés qu’ils sont là dans un but positif, qu’ils ont un avenir, la preuve, c’est qu’on leur demande d’écrire des cartes postales pour rassurer leurs familles. Ce qui se passe au début du tome 3, c’est le plus haut degré d’hypocrisie des assassins nazis, la version la plus « bisounours » qu’ils aient trouvée et qu’ils s’amusaient à laisser croire à leurs futures victimes. Est-il vrai qu’à une époque l’ambassadeur du IIIème Reich a demandé des remontages, voire des reshoots de films d’Hollywood, comme tu le montres dans le tome 5 ? C’est documenté, oui… Tous les films que je cite ont vraiment été retravaillés pour satisfaire aux demandes des nazis, parce que le public allemand continuait de voir des films américains et que le nombre d’entrées pour ces films en Allemagne était considérable. Donc les Américains étaient prêts à pas mal de compromission pour continuer de faire de l’argent. Ce qui explique par ailleurs qu’Hollywood n’a que très tardivement parlé frontalement de ce qui se passait en Allemagne (la guerre avait déjà commencé en Europe). Une véritable folie, sachant que la plupart des producteurs hollywoodiens étaient juifs comme les victimes des crimes qu’ils se refusaient de dénoncer. Le tome 5 laisse un sacré suspense quant à ce qu’il va se passer dans le camp de concentration, en particulier. Que nous réserve la suite ? On passe de deux frères juifs plus ou moins impliqué dans la guerre, à deux hommes qui y trouvent leur place et commencent à y être actifs (pour le meilleur et pour le pire) et qui commencent à comprendre qu’un Etat juif est la seule solution pour que les horreurs de cette guerre ne se reproduisent plus dans l’avenir (ce qui ne sera pas sans provoquer d’autres difficultés qu’on vit encore aujourd’hui à Gaza et en Israël). La série est-elle toujours prévue en 9 tomes ? Non. On est passé à 10 tomes… Les trois derniers 70 pages sont devenus quatre 54 pages, afin de permettre un meilleur chapitrage des moments qui vont précéder la création de l’état d’Israël.Léviathan et Bob Morane Renaissance
Concernant Léviathan (Casterman), qui était très intéressant, il n’y aura pas de tome 3… Quel est ton sentiment ? C’est usant. Chaque série est un combat. Leviathan comme les autres. Et voir que l’éditeur n’a pas su ou n’a pas eu envie de le vendre est désespérant. Poursuivre une série qui n’a pas de lecteurs, c’est enterrer la carrière du dessinateur qui est à plein temps dessus et qui n’est reconnu que pour ce travail (sauf que là, personne ne le voyait). On a donc, avec Aurélien Ducoudray, (mon co-scénariste) délibérément décidé d’arrêter la série, pour que le talentueux Florent Bossard puisse vite rebondir vers autre chose. Mais c’est un crêve-cœur. L’idée de monstres des abysses venant détruire Marseille était riche de possibilités, tant pour les scènes spectaculaires que pour le contexte social, politique et même géo-politique (que faire d’une ville détruite dans laquelle trône le corps d’un monstre gigantesque qu’aucune bombe ne peut détruire). Et puis j’aimais beaucoup les personnages qu’on avait créés. Idem pour Bob Morane Renaissance, qui n’a pas eu l’heur de plaire à Henri Vernes… Là encore, ça a été un moment très compliqué. On avait clairement posé les bases de l’évolution des personnages sur 8 tomes. Oui, 8. Le tout validé avec enthousiasme par l’éditeur, qui nous a juré que rien ne viendrait contrarier notre vision qui dessinait un Bob Morane égal à lui-même mais recontextualisé et plus psychologique. Le premier tome est sorti et Henri Verne a dit ce qu’il pensait de notre version, relayé par ses fans qui ont fait un maximum de tapage. A notre grande surprise, l’éditeur a cédé à leurs revendications et nous a demandé de proposer une version qui tirait notre Bob Morane un peu plus vers celui que connaissaient les lecteurs de la première heure. On a refusé. Et on a été viré. Ce qui n’avait aucun sens, puisqu’on avait fait passer les ventes de 1.500 ex à 24.000 et que le Lombard n’a pas trouvé d’autres auteurs pour poursuivre sur les bases qu’on avait posé, ni même relancer une version plus vintage de Bob. C’est finalement Soleil qui a repris le perso, avec Bec, Corbeyran et Paolo Grella, dans une version beaucoup plus fidèle que la nôtre… sans surprise mais susceptible de rassurer la fan base. Aimerais-tu retravailler avec Aurélien Ducoudray ? Oui. Enormément. Mais c’est compliqué. La rémunération des scénaristes est de plus en plus congrue et se partager pas grand-chose pour souvent beaucoup de pages (l’ère du roman graphique) est réellement problématique et interdit pratiquement le bonheur de ces collaborations.Le Pouvoir des Innocents
Près de 10 ans après Le Pouvoir des innocents, tu décides d’en faire une, pardon, deux suites. Pourquoi avoir changé d’éditeur ? Ça n’a pas vraiment été un choix. Notre interlocuteur privilégié chez Delcourt quand on a fait le cycle 1 était Sébastien Gnaedig. Quand il a quitté Delcourt pour les Humanoïdes Associés, en 1997, c’est vite devenu compliqué de continuer sans lui. Et on s’est toujours dit que si on faisait une suite au Pouvoir, on le ferait avec lui. Quand Sébastien a relancé Futuropolis, en 2004, on a été (Laurent Hirn et moi-même) parmi les premiers auteurs à signer avec lui (Le Sourire du clown) et quand on a fini le Sourire, la logique a été de relancer Le Pouvoir des innocents chez l’éditeur où Sébastien se trouvait (donc Futuro). Maintenant, pourquoi deux cycles ? Quand on était en train de finir le cycle 1, on a voulu se projeter dans l’avenir, voir si ce complot du bonheur organisé par Steven Providence débouchait sur un vrai « mieux » dans la société américaine. Ça nous a donné des pistes pour une suite, qu’on rêvait d’intituler Les Enfants de Jessica et qui se situerait 10 ans plus tard (sachant que le cycle 1 avait lieu en 1997 et que donc notre suite se tiendrait en 2007). Sauf que dans l’intervalle, il y a eu le 11 septembre et qu’il était impossible de raconter une Amérique de 2007 sans voir comment le 11 septembre avait pu percuter et bousculer notre récit de fiction. Ça a donné lieu à ce troisième cycle (intermédiaire) intitulé Car l'enfer est ici. Laurent Hirn n’est plus seul côté graphique. Pourquoi avoir choisi David Nouhaud ? Il fallait trouver un excellent dessinateur réaliste, capable de donner vie aux personnages créés par Laurent mais aussi capable de créer de nouveaux personnages qui prendraient de l’importance dans ce second cycle et qui continueraient d’évoluer dans notre cycle 3. J’avais fait la connaissance, quelques mois avant, sur un forum d’échanges entre auteurs de BD, de David Nouhaud, un jeune dessinateur qui tentait de monter un projet alors qu’il était autodidacte et qu’il travaillait comme opticien. Il m’avait montré quelques planches et j’étais vraiment épaté par son professionnalisme et l’humanité qui se dégageait de ses personnages. J’ai très vite pensé à lui quand on s’est mis à penser à quelqu’un pour réaliser ce second cycle (qui devait être produit en même temps que Laurent Hirn réalisait (de son côté) le 3e cycle. Laurent réalisait les storyboards et David le dessin et la couleur. C’est David qui a créé les merveilleux personnages de Lucy et Domenico, qui sont d’une importance capitale dans les deux derniers cycles. Tu ne cesses de jouer sur l’ambiguïté des personnages dans ce second cycle. Je pense à Domenico Coracci, ou au gardien de prison Torrence. Ces évolutions étaient-elles prévues dès le départ, ou cela t’est-il venu au fil de l’écriture ? C’est venu très rapidement. Mon principal plaisir dans l’écriture, c’est de faire évoluer des personnages, de préférence vers des sphères totalement imprévues. Et de ce point de vue-là, on peut dire qu’il n’y a pas de plus profond changement que celui de Domenico, qui passe du statut de porte-flingue pour la mafia, un peu bêta, profondément réactionnaire et situé très à droite sur l’échiquier politique, à celui d’homme engagé dans la manifestation pour sauver Jessica Ruppert, politicienne qui représentait tout ce qu’il détestait ou croyait détester au moment de son apparition dans le Pouvoir. Pour lui, le Pouvoir des Innocents est un parcours initiatique. Une renaissance. L’élection de Wyatt Whitaker en rappelle une autre… Non ? Haha oui. Clairement, Wyatt est un « George Bush Jr » écrasé par l’ombre de son papa, qui l’a imposé à la tête du parti républicain. Des gens qui ont une vision et un projet pour l’Amérique, et qui n’en démordront pas, quoi qu’il arrive. Le dessin animé mettant en scène Whitaker a été dessiné par Thomas Priou. Comment l’as-tu choisi ? LB : Très simple. Thomas Priou vivait à cette époque à Tours. Moi aussi. On se connaissait et j’adorais ses bouquins pour enfants. Quand j’ai pensé à ce dessin animé (qui faisait référence à une série réelle de la TV américaine qui caricaturait et parodiait les Bush et qui a disparu de l’antenne avec le 11 septembre ), j’ai pensé à un style graphique assez proche des Simpsons. Thomas était la bonne personne pour réaliser ces deux pages très décalées et étonnantes. C’est Laurent Hirn qui dessine seul le tome 5. Était-ce prévu dès le départ ? Pas prévu du tout, non. David a définitivement quitté la profession à la fin du tome 4. La pression qu’il se mettait, le fait qu’il était nerveusement incapable d’aller à la rencontre des lecteurs, le fait qu’il n’ait pas créé la série, tout ça a fait qu’il avait le sentiment de ne pas trouver sa place dans l’équipe (c’est Laurent qui assurait la promotion du cycle 2). Il nous a demandé de pouvoir partir et je crois qu’il n’a plus rien fait depuis en BD, depuis. C’est une perte énorme pour la BD, car il avait vraiment un talent hors norme. La marche de soutien à Jessica Ruppert vers Washington m’a rappelé un évènement semblable, initié par Trump, en janvier 2021. Est-ce que cette coïncidence t’a sauté aux yeux ? Haha ! Difficile de ne pas y penser. Nos héros ont quitté New York pour Washington dans le tome 2 (écrit en 2012) pour sauver Jessica Ruppert sur le point d’être suspendue de ses fonctions par un Sénat réactionnaire… Et voilà qu’en 2020, les adorateurs de Trump nous font la même après une élection dont ils refusent les résultats. Le Pouvoir des Innocents n’en était pas à sa première prophétie quant à l’avenir des USA et pourtant, ça nous a vraiment stupéfait quand c’est arrivé. Et dans le dernier tome de ce troisième cycle, cette scène « grave » au Capitole… Oui, dans le même ordre d’idée, les lieux symboliques de Washington sont malmenés par des gens qui veulent créer d’autres symboles, ceux de la désacralisation d’institutions dans lesquelles ils ne se reconnaissent plus. Il y a aussi pas mal de manipulation derrière tout ça, créer le sentiment de peur dans la population, qu’il y aurait un ennemi intérieur dans le pays qui veut en saper les fondations. Mais cette fin, Luc !? Trop de questions restent en suspens, là ! Pas de quatrième cycle ? Ha la fin ! Ça a été un gros questionnement. J’ai eu l’idée de la fin en 2010. Mais le contexte était différent. L’Amérique était très stable, propulsée par un système politique qui semblait s’autoéquilibrer entre les Démocrates et les Républicains qui partageaient au final pas mal de valeurs communes. C’est sur la constatation de cette stabilité qu’on a pris le chemin d’un récit fictif où l’Amérique se fracture, déstabilisée par l’apparition d’une femme (Jessica Ruppert) qui propose une nouvelle voie politique au pays. L’idée était de plonger le pays dans le chaos pour finir sur un retour à la stabilité. Mais George Bush Jr était passé par là. Ses manigances et ses mensonges ont rendu la parole des USA moins crédible sur un plan international. Les années Bush ont conduit aux années Obama, un noir, qui a paniqué l’Amérique blanche qui s’est vengée en installant Donald Trump pour 4 années délirantes, d’absolue remise en cause du rôle des USA dans le monde et qui ont installé l’idée folle des vérités alternatives. L’Amérique s’est fracturée en deux visions du monde, ne parlant plus du tout le même langage et irréconciliable. Notre fin rebondit là-dessus. Elle est pessimiste dans ce sens où nos personnages font ce qu’ils peuvent pour sauver leur pays du chaos, mais au final, c’est le pays lui-même qui doit maintenant choisir vers quoi il veut aller. Nos personnages ne pourront rien pour eux s’ils ne veulent pas se sauver eux-mêmes de l’autodestruction. Donc, pas de cycle 4. La parole et les actes sont désormais aux Américains.Le bilan
Après plus de 30 ans de carrière et près de 70 albums, un nouveau bilan sur ce chemin parcouru ? Je t’avoue que je suis dans une grande confusion. Beaucoup de choses ont changé ces 10 dernières années et pas forcément des choses qui font mon bonheur. Par exemple, les lecteurs sont de plus en plus impatients et ils n’ont plus envie d’attendre pendant des mois, voire des années, la fin de la série qu’ils suivent. Ils veulent tout, tout de suite, et les paginations ont explosé (pour des enveloppes qui n’ont aucun sens au regard du travail demandé). C’est le règne du roman graphique (entre 100 et 200 pages) … et qui dit « roman », dit aussi glissement des thématiques réclamées par les lecteurs. On nous réclame des récits autobiographiques ou plus personnels, des biopics… Des choses qui font plus sérieuses et adultes (enfin, en apparence). Les éditeurs créent des ponts entre la littérature et la BD en produisant de plus en plus d’adaptation de romans. Le parent pauvre du moment c’est la fiction. Le genre. Mon terrain de jeu en quelque sorte. Je vois bien que j’ennuie quand j’arrive en proposant une série en trois ou quatre tomes. Je vois bien que j’ennuie quand je propose un thème de société mais traité dans une fiction, alors que l’éditeur voudrait plutôt un témoignage de personnes ayant vécu ça en vrai. Sauf que j’aime la fiction et surtout le sériel. C’est une façon d’écrire très spécifique, qui permet de développer les personnages sur la durée, qui permet d’utiliser dans l’histoire le temps entre deux volumes, qui permet surtout de changer de rythme et d’approche à chaque nouveau tome. C’est impossible à reproduire sur un volume unique, aussi paginé soit-il, qui tire un fil et une rythmique qu’on doit respecter de la première page à la dernière. Bref, je tente des choses avec les nouvelles attentes des éditeurs, mais je n’arrive plus trop à signer des projets qui me semblent importants, dans les formats qui me font réellement plaisir. Tu as réussi à boucler La Mémoire dans les poches. Maintenant que quelques années sont passées, quel bilan en tires-tu ? Un grand bonheur. Il fallait oublier la dépression dont j’avais été victime au moment d’attaquer le tome 3 et aller au bout de cette histoire. Elle est très personnelle puisqu’elle parle indirectement de mon père, de sa mort, de sa famille, de l’occupation allemande en Alsace et en France… heureusement, La Mémoire a beaucoup marqué les gens qui l’ont lu. Certains m’ont dit qu’ils avaient pleuré. Pleurer sur une bande dessinée de fiction reste une expérience rare. Donc c’est précieux. De même pour Urban. Si l’occasion se représentait, retravaillerais-tu avec Roberto Ricci ? Urban, c’est 35 ans de combat, avec des hauts et des bas, pour trouver le bon dessinateur et mener ce projet de fou à terme. Avoir Roberto à ses côtés pour un tel voyage est la meilleure des choses qui pouvait m’arriver. Je crois qu’on partage tous les deux la même exigence et la même passion pour la bande dessinée de distraction qui ose pourtant dire des choses. L’histoire a été très bien accueillie aussi. Les ventes ont été honorables, rien de délirant mais quand même. Et puis, l’intégrale est sortie à Noël dernier et elle a remporté un succès que ni nous, ni l’éditeur n’attendait. Les 3.000 ex (tirage classique pour une intégrale) ont été placés en une semaine. On remet le couvert à Noël prochain. Graphiquement, la série a tapé dans l’œil de pas mal de monde, et installé Roberto comme un immense dessinateur et narrateur. Malheureusement, après la déconvenue de notre Arkham, Roberto, qui travaille depuis la fin d’Urban pour le jeu vidéo, n’a plus l’énergie de revenir à la bande dessinée. Mais retravailler avec lui serait plus qu’une joie.Réflexions diverses
On parle de l’intelligence artificielle dans le milieu artistique, ces derniers temps. Combien de temps avant de la voir utilisée dans la BD ? Ton sentiment face à cette tendance ? Je crois qu’il est déjà trop tard. Ça a déjà été utilisé dans la BD, comme un outil heureusement (ce qui peut en faire quelque chose d’intéressant quand on maitrisera vraiment bien cet outil). Pour le reste, je ne sais pas trop quoi en penser. La narration graphique est à la fois très exigeante et réclame aussi beaucoup d’instinct, de ces petits moments magiques qui ne peuvent naitre que dans un cerveau humain. Je crois que si l’IA triomphe, ça en dira plus long sur les lecteurs et ce qu’ils ont envie de lire que sur ce qu’est une IA en tant qu’artiste. Tant que les lecteurs auront envie de lire des choses qui les bouleverse au plus profond, je crois (j’espère ?) qu’on n’a trop rien à craindre de la machine. Ma véritable crainte, c’est que l’IA se développe à un tel point de compétences, qu’un consommateur puisse créer sa propre histoire quasi instantanément sans même penser à la commercialiser, ni plus aller chercher des histoires auprès d’auteurs professionnels. Une espèce de fast creating and reading auquel chacun aurait accès pour son propre plaisir immédiat. Le phénomène #metoo commence à arriver dans le domaine de la BD… Un avis ? Les autrices nous ont ouvert les yeux. Sur l’état du monde en général et sur notre milieu en particulier. On pensait un peu naïvement que comme on faisait un métier un peu « enfantin », il n’y avait pas chez nous ce genre de problématiques qui ont l’air très adultes (vues de loin). Mais, non seulement notre métier n’est pas du tout enfantin, mais on y retrouve les mêmes affaires de dominations, de pouvoir patriarcal et de harcèlement, que partout ailleurs. C’est très sain de s’en rendre compte et de regarder ce qui se passe autour de nous en ayant une meilleure compréhension de ce qu’on voit. Si mes renseignements sont bons, tu n’es plus invité depuis deux éditions au FIBD… Sais-tu pourquoi ? Je n’y suis pas retourné depuis janvier 2020… et, si la question est pertinente, je n’ai pas l’ombre d’une réponse à te donner. Je sais que tu regardes beaucoup de séries en streaming. Qu’en retiens-tu ? Des titres à conseiller ? J’en retiens que la Bande Dessinée franco-belge a fait le choix de négliger une écriture (celui de la série) qui fait pourtant les beaux jours des plateformes, mais aussi celui des mangas. Bref, on a cédé à l’audiovisuel et à la BD japonaise ce qui était pourtant notre force il y a encore 20 ans en France et en Belgique… Pour les conseils, je n’en aurais qu’un mais il est riche : si vous ne la connaissez pas, allez voir la plateforme Apple TV +. Ils proposent de plus en plus de choses et parmi ces choses, il y a quelques-unes des séries les mieux écrites de ces 10 dernières années (Ted Lasso, For All Mankind, Slow Horses, Severance, Shrinking, Defending Jacob…). On est clairement plus sur la qualité d’un HBO que sur les dérives adolescentes copiées-collées de Netflix. Lors de notre dernier entretien tu estimais que la BD numérique n’était pas une solution viable pour l’avenir de la profession. Ta position a-t-elle évolué ? Les ventes numériques n’ont jamais explosé. C’est tellement à la marge sur nos relevés de droit qu’imaginer qu’on ne vive que de ça, ça fout un peu les jetons. Donc non, ma position n’a pas changé. Et puis, les lecteurs de BD restent profondément attachés à l’impression du dessin sur papier, au contact de la feuille, à l’odeur de l’encre, aux pages qui se tournent, à la narration construite en pensant à la double page. J’ai remarqué, entre autres nombreuses qualités, le soin particulier que tu apportes aux discours politiques de tes personnages. Est-ce que tu as des inspirations précises pour ces éléments de langage ? J’écoute beaucoup d’émissions de décryptage des problèmes sociétaux et de géopolitiques. C’est vraiment devenu une passion, presque une addiction. Ça me nourrit. Ajoute à ça quelques convictions personnelles et l’envie de sortir des généralités… On remarque une certaine propension, dans ta bibliographie, à situer tes histoires aux Etats-Unis. Est-ce un territoire de tous les possibles ? Il l’a été. Aujourd’hui, il se replie sur lui-même et à plus de problèmes internes à résoudre que de combats à mener dans le reste du monde. Ce qui m’inquiète le plus, c’est ce retour aux USA comme dans beaucoup de pays de la religion dans la politique. Je hais cette façon d’apporter des réponses complètement déconnectées et toutes faites à des problématiques totalement inédites. Ça ne peut créer que des malentendus, des crispations et des réponses à côté de la plaque et menant au désastre.En projet
Que nous prépares-tu pour la suite ? Tu peux nous parler de Spire, par exemple ? Comme je te le disais, j’essaye de comprendre les attentes des lecteurs et des éditeurs et de m’y inscrire en y trouvant du plaisir. Pour l’instant, je trouve ce plaisir dans l’adaptation de romans de genre. Un thriller de Franck Thilliez chez Phileas qui s’intitule 1991 et qui raconte la toute première enquête de Franck Sharko (son héros récurrent). Michel Montheillet est aux dessins. Je travaille aussi sur une adaptation d’une trilogie de SF de Laurent Genefort qui s’intitule SPIRE. L’histoire raconte la création, le développement et de la mort sur une trentaine d’années d’une nouvelle compagnie de transport intergalactique, qui se veut plus à l’écoute de ses clients que les grandes compagnies multi-mondiales. Mais le réalisme et les manœuvres de certains des dirigeants vont complètement dévoyer la philosophie de départ, amenant les autres à tenter de redresser la barre. C’est à la fois, un space opéra, un thriller, un regard sur l’économie et le monde et une formidable galerie de personnages, qu’on regarde évoluer sur une très longue période (bref, tout ce que j’aime). La série sera déclinée en 6 volumes de 100 pages chacun. Ça sortira chez les Humanoïdes Associés et Adrien Villesange est aux pinceaux. J’ai aussi eu la chance de pouvoir signer le seul roman graphique que j’avais écrit en tant que tel. Ça s’appelle Anna Ben Barka et ça raconte l’histoire d’une jeune flic de la BAC, cabossée par son enfance, qui se retrouve confrontée à son retour dans la maison de famille (qu’elle a hérité de son père) et la réalité très dure des banlieues dans lesquelles elle est amenée à travailler. L’histoire se situe dans la ville de Bellemont, une ville fictive que j’ai inventée pour y installer Le Sourire du clown et La Mémoire dans les poches. Il y aura quelques échos de ce qui s’est passé dans ces deux séries, à commencer par la cité des Hauts-Vents (ceux qui sachent sachent). Stéphane Hirlemann est aux dessins, ça pulse et ça sortira chez Dupuis. Le tome 6 de Holmes, qui doit être le dernier, se fait attendre… Et il faudra patienter encore au moins trois ans. Christophe Coronas (Cécil) a été brisé dans son élan par le Covid. Holmes était trop lourd dans cette période et il s’est lancé dans la réalisation d’un album plus personnel (et qu’il espérait plus léger) dans lequel il se met en scène et parle de sa passion pour la BD, de ce qu’il cherche à exprimer et communiquer à travers ce média. Ce qui était un tout petit projet sur le côté a très vite pris (dans sa vie) une ampleur inattendue, qui lui a demandé beaucoup de temps et d’énergie. On vient juste de se retrouver pour enfin attaquer ce tome 6 (qui sera bien le dernier). Il y a 8 ans tu parlais de ton projet Notre Père, dont tu espérais qu’il trouve un éditeur. Où en est ce projet ? C’est un projet au destin vraiment bizarre. Il a failli connaitre plusieurs vies mais au final il n’en a connu aucune. Il m’a été acheté par un producteur pour en faire un film. Mais l’idée a très vite été abandonnée… J’ai trouvé des dessinateurs qui souhaitaient m’accompagner sur ce projet pour en faire une bande dessinée, mais impossible de trouver un éditeur intéressé. Le plus souvent, ils m’expliquent que l’ambiance est trop lourde, qu’ils n’ont pas envie de passer deux ans à suivre un tel projet plombant, que la fin est trop radicale. Que les temps sont durs et qu’on a besoin de choses plus positives (ça n’empêche pas la Route de Larcenet de triompher en librairie, ceci dit). C’est typiquement le genre de projet pour lequel un crowdfunding aurait du sens. Personne n’en veut, donc, si j’y crois sincèrement, il faudra que je passe par des chemins différents et que je m’adresse directement à mes lecteurs pour le financer. Tu évoquais des récits-fantômes. Lequel d’entre eux aimerais-tu relancer ? Un Nouveau Monde ? Un Nouveau Monde, oui… mais c’est un projet tellement énorme. Imaginer que la France a remporté la guerre de 7 ans, au 18e siècle, et que l’Amérique est française, aujourd’hui encore, les conséquences que ça aurait partout dans le monde, si l’Amérique avait participé à la Révolution française et qu’une partie de la philosophie amérindienne avait infusé partout en Europe, alors que les 3 grandes religions créent une coalition pour mettre fin à cette domination… Ça demanderait un travail de dingue. Tu parlais aussi d’écrire et réaliser un long métrage avec Laurent Hirn… Est-ce toujours d’actualité ? Je crois qu’on est trop vieux pour ces conneries. Luc, merci. On se revoit dans 8 ans et demi ?Site réalisé avec CodeIgniter, jQuery, Bootstrap, fancyBox, Open Iconic, typeahead.js, Google Charts, Google Maps, echo
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