Auteurs et autrices / Interview de Mathieu Lauffray

Bande dessinée, illustration, cinéma… Mathieu Lauffray est un artiste touche-à-tout, dont l’œuvre laisse des traces rémanentes dans l’inconscient collectif des fans. Rencontre avec un auteur aux multiples facettes.

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Mathieu Lauffray Bonjour, Mathieu, vous êtes un artiste protéiforme, comment vous-même vous définiriez-vous ?
Bonjour, j’admets m’intéresser à plein de choses. Le dessin est la clef de voûte de ma démarche, mais il n’est pas une fin en soi. Autant par nécessité d’ailleurs que par goût car il est aujourd’hui difficile de faire du dessin et de la peinture une réelle profession à moins de verser dans l’artistique pur. Dès lors ma curiosité naturelle m’a conduit vers d’autres médias. Or, le spectre des belles choses étant fort étendu, un simple tour d’horizon du possible révèle de bien belles surprises.

Quels sont les auteurs qui vous ont amené vers la BD et/ou l’illustration ?
Et bien dans l’ordre, je dirai, Hergé, Windsor Mc Kay, John Buscema, John Singer Sargent, Drew Struzan, Moebius, Loisel et JC Leyendecker. J’en oublie des tonnes.

Peinture Alone in the dark Vous êtes un illustrateur de grand talent, et vous avez aussi œuvré dans le jeu video. Votre participation à la franchise Alone in the dark sonne même comme une évidence, puisque votre univers visuel est assez sombre, oppressant, et fascinant à la fois. Quels sont les jeux qui vous ont longtemps tenus en haleine ?
Haha je ne devrais pas répondre à cette question, mais voyons, le premier à m’avoir fait perdre un temps invraisemblable fut Dungeon Master sur Amiga, puis Doom (une splendeur envoûtante et fertile !), Puis évidemment les fabuleux Quake de IDSoftware. Ensuite vinrent une phase Silent Hill et Wolfenstein. Depuis j’ai tout arrêté, mais restent de grands souvenirs…

Dans le même domaine, Orpheus et USS Antartica n’ont semble-t-il pas vu le jour… Que retirez-vous de cette expérience du jeu video ?
Et bien mon opinion s’est faite en plusieurs temps. Tout d’abord j’ai projeté le plaisir que je passais dans les univers en tant que joueur, dans mon envie d’en faire autant. Puis sont arrivées les limites techniques puis enfin un élément qui m’est apparu comme plus ou moins lapidaire. En effet je me suis aperçu que le jeu video est avant tout un Jeu. Or comme c’est un jeu qui est tributaire d’une technologie en constante évolution et donc peu pérenne, il n’a qu’une durée de vie très limitée. Cela signifie que quels que soient les efforts que l’on peut mettre à développer et designer le jeu, il sera caduc bien rapidement.

Pour faire court, créer la créature d’Alien pour le cinéma le fait participer à une œuvre immortelle, la même pour le jeu video disparaitra après avoir été soldé dans les bacs… Tout y est éphémère. Voilà pourquoi j’ai largement ralenti ma collaboration au jeu video.

Peinture Le Pacte des Loups Vous avez aussi participé aux décors et designs de plusieurs films, comme Le Pacte des Loups. Comment êtes-vous venu au 7ème Art ?
Une succession de coups de chance m’a mis en contact avec Christophe Gans. Ce réalisateur aussi baroque qu’ambitieux m’a communiqué une réelle passion et fait développer parmi les plus belles choses que j’ai faites. C’est un homme habité et cultivé qui aime créer des synergies. Travailler à plusieurs, élaborer ensemble un rêve aussi fantastique que 20 000 lieues sous les mers est un grand souvenir. Les projets français de ce calibre et de cette énergie sont rares. Il m’a montré une façon de travailler qui m’a donné envie de poursuivre ensuite avec son ami Pascal Laugier (Saint Ange) et plus récemment avec Roland Emmerich sur 10000BC.

Le cinéma est aujourd’hui le média roi. Il possède une puissance évocatrice et émotionnelle hors du commun et permet de le communiquer au plus grand nombre. Il est difficile de s’intéresser à l’image et à la dramaturgie sans ressentir le désir de s’en rapprocher.


L’univers graphique de Star Wars semble avoir grandement influencé votre travail. Illustrer les couvertures des albums publiés par Dark Horse et réalisés par Olivier Vatine a dû être un moment fort de votre carrière, non ?
Oui c’était même parfaitement inespéré. Nous étions avant la nouvelle saga et à l’époque ce que je rejetais de la saga (Return of the Jedi) était minoritaire en regard des deux premiers films que j’idolâtrais ! Olivier m’a fait un beau cadeau en me propulsant directement chez Dark Horse Comics et Lucasfilm. J’avais le bon âge et c’était le bon moment.
Merveilleux souvenir…
Peinture Couverture Proto
Que représente Proto pour vous ? Pensez-vous que cet art-book a été bien présenté par Soleil ?
Proto a été une chance formidable. Peu d’illustrateurs ont pu bénéficier d’une telle opportunité.

Ce type de livre est difficile car ils ne racontent pas d’histoires, ne sont pas liés à un univers spécifiques et sont donc plus ou moins seuls en librairie. Le premier effet est que ni les distributeurs ni les libraires ne savent vraiment quoi faire avec ! Les ventes sont donc à l’avenant, faibles, ce qui diminue la motivation de chacun. Ce fut dont un sacré combat dont nous sommes tous sortis un peu KO mais je le répète, je mesure toute la chance qui m’a été donnée et je me félicite du standing du livre au final.

La série Prophet est fort appréciée par de nombreux lecteurs. Le tome 4 est prévu pour quand ? Achèvera-t-il la série ?
Merci pour cet encouragement ! Prophet est ma série favorite, c’est celle qui me ressemble le plus ! L’histoire de Stanton me passionne car elle dit quelque chose qui me tient à cœur. J’ai hâte de vous livrer ce dernier tome afin de pouvoir enfin vous la communiquer.

Accéder à la fiche de Prophet Prophet est aussi une série difficile car elle navigue totalement hors des sentiers, elle crée son propre théâtre et porte son message. Je sais avoir déconcerté certains lecteurs par son rythme étrange, sa démesure, son côté parfois décalé, et je remercie sincèrement ceux qui suivent ce projet.

Pour vous répondre, j’avais commencé la production de ce dernier tome il y a quelques mois déjà mais des difficultés éditoriales m’ont hélas conduit à stopper la production. J’attends le signal de l’éditeur afin de pouvoir enfin reprendre la production. Tout est écrit, il ne reste qu’à le dessiner.

Etes-vous l’initiateur de cette série ou est-ce Xavier Dorison qui l’a lancée, scénaristiquement parlant ?
Lorsque j’ai stoppé ma collaboration sur ma première série Le Serment de l'Ambre, ce fut pour des raisons d’incompatibilité de ton avec mon scénariste. J’avais alors décidé de me lancer dans un projet personnel sans avoir personne à embêter. C’était Prophet, l’histoire encore floue, d’un homme arrogant qui allait payer le prix fort de ses erreurs de la main même de ce qu’il avait provoqué. Mais j’étais alors un tout jeune auteur. La rencontre avec Alex Alice et Xavier Dorison qui cherchaient des solution auprès de moi et Denis Bajram pour leur fameux Troisième Testament, nous a conduits vers des débats endiablés ! Progressivement, Xavier fut tellement investi dans ses coups de mains qu’il m’apparut naturel d’officialiser la collaboration. Je suis donc à l’origine de Prophet mais rien n’aurait existé sans lui.

Pourquoi attachez-vous autant d'importance au Hurleur (dans Prophet 3 et sur votre site) ? Est-il un personnage-clé, en particulier pour la suite ?
Je suis hanté par certaines choses. La vision de cette créature gigantesque et anorexique, progressant en apesanteur dans l’immense cité fantôme me fascine. Elle est autre, elle montre que la terre n’est plus le monde des hommes. Il m’est difficile de répondre à cette question car la fin est proche et réserve des surprises que je ne veux pas altérer.

Accéder à la fiche de Long John Silver Comment est né le projet Long John Silver ? Avez-vous été associé dès le début à ce scénario de Xavier Dorison ?
LJS est le projet de Xavier. Il l’a imaginé et en a écrit la trame principale. Je dois dire que cette collaboration est tout à fait exaltante. Il nous semble que nous profitons enfin en toute liberté des années passées à nous découvrir sur Prophet. Nous nous comprenons parfaitement. Xavier sait à quel point je suis intrusif sur les scénarios, je passe sur tout, je râle tout le temps, je réécris énormément, je suis borné et néanmoins, nous prenons beaucoup de plaisir. Essentiellement car nous allons dans la même direction et que nous nous connaissons fort bien.

C’est un aspect du travail auquel je tiens particulièrement. Sur l’album il n’est pas précisé qui fait quoi, il y a juste deux auteurs qui amènent leurs pierre à l’édifice. Dans ce cas-là cette préciosité prend particulièrement son sens.

Long John Silver est prévu en 4 tomes. Ne craignez-vous pas de manquer de place pour raconter une histoire d’une telle ampleur ?
Vous serez juge de la frustration dans laquelle vous laissera la lecture du 4ème et dernier opus, mais je ne la redoute pas trop ! J’ai eu la chance de pouvoir lire l’intégralité de l’aventure avant de « signer », et honnêtement je crois l’ensemble fort stimulant ! Il s’agit d’une grande aventure, les personnages y sont exaltés et romantiques. Ils auront la possibilité de révéler bien des facettes cachées et tout l’espace nécessaire pour vivre pleinement les épreuves qui les attendent !

Quels sont vos projets, en bande dessinée ou dans d’autres domaines ?
Et bien il y a bien sur le T4 de Prophet et le T2 de Long John Silver en priorité… Le reste viendra en son temps. Une collaboration cinéma n’est jamais bien loin !



A voir aussi :
La couverture de Prophet T4
Une planche en avant-premiere de Long John Silver T2
Le site de Mathieu Lauffray
Interview réalisée le 31/05/2007, par Spooky (avec la participation de Manuel, romanus et Zazafoin).