Editeurs et éditrices / Interview de Marie Moinard - Des Ronds dans L’O
Marie Moinard est une fringante et pétillante amatrice de bande dessinée, qui s’est lancée voici deux ans dans la périlleuse aventure de l’édition. Les Editions des Ronds dans L’O sont nées. Rencontre avec une passionnée qui n’a pas froid aux yeux
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Née avec l’ex nouveau franc, juste à temps pour voir Mai 68, bercée par les cordes de Jimmy Hendrix, Janis Joplin, et autres Rollings Stones, habillée pat d’éph vert, sabots et sac musette us, j’aime avoir des amis, échanger mes passions, me balader avec ma fille, rêver (trop ! ), manger, rire, vivre quoi !
Pourquoi t’es-tu lancée dans l’édition ?
Principalement par passion. J’ai vécu entourée de livres depuis mon enfance et, en vrai amoureuse de l’objet lui même je ne me souviens pas avoir passé un jour sans ouvrir un livre. Je rêve d’avoir une maison avec une pièce immense très haute de plafond avec une bibliothèque sur deux niveaux (comme celle de l’université de Coïmbra dans « Barbe Rouge » « L’Ombre du démon » par exemple ^^)
L’édition me permet d’aller un peu plus loin dans cette passion.
Quand on est enfant et qu’on revêt l’habit de la fée ou de la maîtresse (sic ! ) on y croit, mais c’est pour jouer. Aujourd’hui, je touche du doigt une étonnante réalité.
Au delà de cet intérêt, j’ai envie de rendre la bande dessinée accessible à tous et de faire comprendre cet art à ceux qui pensent que la bande dessinée est de la sous littérature, ce que l’on entend encore trop malgré la réelle évolution des mentalités.
Et puis finalement, les choses se sont faites toutes seules de façon assez naturelle. Parfois on change de vie et voilà.
Pour se lancer dans l’édition, il faut connaître des auteurs. Comment es-tu entrée en contact avec René Follet, par exemple ?
René Follet ? Je lui ai téléphoné. ^^
Curd Ridel m’avait dit son souhait, tout en n’y croyant pas une seconde, de voir son roman illustré en couverture par René Follet qu’il admire. Je lui ai téléphoné et il a joué le jeu tout simplement.
Je suis dans le milieu de la bd depuis de nombreuses années, et comme tous les curieux il m’est arrivé d’entrer en contact avec certains. Ensuite, les choses se font naturellement selon les atomes crochus. Avant de faire de l’édition, j’ai participé à des festivals, j’ai fait partie de clubs de bd, été pigiste pour des mags spécialisés dans la bd, ces activités permettent les rencontres.
Comment as-tu choisi le logo de la maison d’édition ?
J’ai demandé de l’aide sur un forum de bande dessinée. A cette demande, quelques internautes très sympas m’ont répondu et l’un d’entre eux : Patrice Woolley, s’est mis à travailler sur cette idée.
Nous avons affiné le choix en fonction des formes et des couleurs et c’est ainsi qu’est né le logo, au bout de plusieurs mois. Il est vrai qu’il a fallut éviter quelques clichés tels que le public masculin m’a souvent montré en termes d’associations d’idées avec notamment « Histoire d’O » etc.. alors que je n’y vois que la poésie des ricochets faits par les galets plats lancés à la surface de l’eau.
Je pense qu’on a trouvé un bon compromis et le résultat me plaît même si j’ai prévu une petite évolution
Quel est le programme de parution ?
La première année, il y a eu 4 titres au catalogue. Probablement autant voire 2 de plus sont prévus pour 2006 et j’espère un développement pour les années suivantes si le public suit et soutient les parutions en achetant les albums.
Les titres sont répartis à 50% entre les créations et les rééditions. J’ai très envie de donner la parole aux débutants et de redorer leur blason à certains titres que j’ai aimé mais qui n’ont pas eu le destin qu’ils méritaient.
Y’a-t-il une ligne éditoriale ?
Comme tous les éditeurs, Des Ronds dans l’O ont une ligne éditoriale qui, bien évidemment est amenée à évoluer en fonction de l’expérience. Pour l’instant , elle se base principalement sur trois pôles : La jeunesse, le patrimonial et la bande dessinée d’auteur.
La bande dessinée d’auteur, axée sur la création, devrait donner aux auteurs un moyen de s’exprimer plus librement, sans formatage obligatoire tout en respectant une qualité de fabrication du livre. J’aime l’idée de donner envie d’écrire, de créer et de lire.
Les auteurs de bande dessinée ont souvent d’autres envies que celles de réaliser un album de 48 pages et les petits éditeurs, comme moi qui travaillent presque en flux tendu peuvent essayer de répondre à ses aspirations.
J’ai envie de provoquer des créations, de faire découvrir des auteurs inconnus ou méconnus et j’ai envie d’éditer ce que j’aimerai trouver sur le marché.
La bande dessinée d’auteur peut être réalisée dans une forme totalement inédite autant que dans un format classique selon les idées des créateurs.
Le secteur patrimonial est étendu. Il s’agit de rééditer des œuvres qui m’ont marquée et qui sont passées sans bruit dans le milieu et donc totalement méconnues ou, ayant été reconnues à l’époque de leur sortie puis, oubliées et inconnues par les nouvelles générations.
Il s’agit de les confronter aux titres d’aujourd’hui et tacher d’interpeller de nouveaux regards. Il convient de les éditer en format assez classique, de qualité et accessible en matière de prix de vente. Bien entendu pour réussir ce pari, il faut prévoir avec une diffusion et une distribution efficace, ce qui n’est pas encore une généralité.
Pour le pôle jeunesse, tout est à faire. Tout demande à vivre. De nombreux auteurs ont un talent extraordinaire et les dessins d’illustration – pour ce qui concerne les livres illustrés – sont tous aussi beaux les uns que les autres. L’envie est donc forte mais ce sera le pôle le plus difficile à gérer.
Le secteur « Roman » est extrêmement long à développer. Les libraires, qui sont les acteurs principaux ne prennent pas systématiquement les productions nouvelles même avec un support médiatique. La lecture baisse de régime et la bande dessinée jeunesse est en chute libre. D’où, il faut avoir de l’énergie et des idées nouvelles pour défendre les nouveaux titres.
Quels sont les moyens des Editions dans l’O ?
Les moyens sont ceux de toute entreprise qui démarre : une trésorerie, et souvent des aides sous formes de prêts obtenus auprès de partenaires financiers plus ou moins coopératifs, de l’optimisme, de l’humour et parfois l’accueil chaleureux du public qui reste vital tant que la diffusion et la distribution ne sont pas assurées par un professionnel reconnu.
Le Centre National du Livre peut participer et ses actions sont essentielles. Les départements et les chambres du commerce peuvent également entreprendre avec vous. J’ai profité des atouts de ces organismes et de leur accompagnement dans la mesure de leur possibilité avec plus ou moins de bonne volonté pour chacun.
Je suis d’ailleurs assez étonnée du manque de coopération, voire pire, de mon partenaire financier qui, sans le citer mais dont tout le monde en connaît l’écureuil, a été choisi pour son association au monde de la bande dessinée, notamment à Angoulême.Les partenaires financiers ne vous aident pas toujours à dormir ! (Un conseil d’ailleurs : ne donnez jamais votre portable à votre banquier si vous n’avez pas envie de voir votre messagerie harcelée à votre place (ouf ! ) pour des découverts (petits ! ) avant même d’avoir atteint la fin de votre premier exercice ! Véridique …)
Ce qui commence à être présent et qui sont une grande aide, sont les supports médiatiques. J’ai également pu compter sur la participation des auteurs qui ont joué le jeu du travail d’équipe. Sans cette aide au départ, et sans l’aide du public, - bien entendu on compte sur vous !- le défi est impossible à lancer.
Ce qui était là avant, qui reste pendant et qui, j’espère, restera après sont l’optimisme, la connaissance de la bande dessinée et le plaisir qui en ressort, et l’humour, sans aucun doute.
Quels sont tes objectifs ?
Faire des livres qui plaisent autant aux lecteurs qu’à leurs auteurs.
Donner les moyens de rêver en lisant une histoire. Abonder dans l’imaginaire autant que possible mais également donner les moyens de s’exprimer d’une autre façon.
Faire comprendre aux plus réticents la grandeur d’art de la bande dessinée et son mode de lecture. Les sensibiliser aux formes, aux couleurs et à la spontanéité de cette forme narrative.
Populariser les oeuvres dites « élitistes », donner les moyens d’expression aux auteurs. Valoriser la bande dessinée jeunesse en parallèle aux mangas. Ils n’ont pas à être en opposition donc il devrait être possible de trouver un moyen de réunir les deux genres chez le même public.
J’ai également envie de développer l’interactivité entre la bande dessinée et le site Internet de la maison d'édition avec l’espoir que les lecteurs et les auteurs communiquent entre eux et échangent leurs points de vue.
J’ai beaucoup d’autres projets mais il est trop tôt pour en parler.
Wait and see !
Marie, merci.
Mais je t’en prie, ce fut un plaisir.
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