Auteurs et autrices / Interview de Christian Godard
Christian Godard est un routard de la BD franco-belge. Il a côtoyé beaucoup de grands noms et vu évoluer son art, pas toujours en bien. Rencontre avec une sommité du 9ème art.

1. Les débuts
2. Norbert et Kari
3. Martin Milan
2ème partie
4. Avec Ribera
5. Avec Clavé
6. Autres séries
3ème partie
7. Les femmes dans l’œuvre de Godard
8. Les autres séries récentes
9. Questions diverses
7. Les femmes dans l’œuvre de Godard

On m'accuse souvent de misogynie. Il y a même eu une journaliste féministe pour perdre son temps à le dénoncer dans un article extrêmement agressif à mon égard. Je trouve cette accusation grotesque. Pourquoi diable ne pourrait-on pas caricaturer les femmes ? Je suis à peu près persuadé que si on établissait des statistiques fiables pour comparer les abrutis dans les deux sexes, on en trouverait autant d'un côté que de l'autre. Mais ça, il ne faut pas le dire. Défendu. Impardonnable. Je viens de faire la démonstration que je suis misogyne. Enfin, pour les abruti(e)s dont je parlais plus haut, bien sûr.
Par contre, si on établissait le même genre de statistique pour comparer les tueurs en série dans les deux sexes, on en trouverait beaucoup plus chez les hommes.
Et les cuisinières lamentables beaucoup plus chez les femmes.
C'est un sujet globalement très délicat.

Juste.
Je pense qu'on se comprend beaucoup mieux quand on ne parle pas la même langue.

Dans la vie non plus. Vous voyez bien…

Ce n'est pas un fantasme. Encore moins une crainte. C'est la mise en équation de ce qui résulte des progrès de la science. On sait aujourd'hui se passer des hommes pour faire des enfants. En introduisant dans l'œuf à féconder une cellule judicieusement choisie. Ça, au moins, c'est un vrai progrès.
Je connais bien le genre masculin. Je ne le trouve pas très reluisant. Les femmes auraient tout intérêt à se passer des hommes, ce qui les conduiraient probablement à vivre entre femmes - et à faire des progrès en matière culinaire, d'ailleurs.
8. Les autres séries récentes

Il a aussi oeuvré sur le Vagabond. C'est le seul type que je connaisse qui soit capable de dessiner la Tour Eiffel boulon par boulon. On a beaucoup travaillé ensemble, il a des possibilités considérables, et nous venons de produire en effet Dédales ensemble. Apparemment, l'accueil est excellent puisque le premier tirage semble annoncé comme étant épuisé deux mois à peine après sa sortie. Nous sommes en train de travailler sur le tome 2. Il a excellé sur le tome 1.

Une petite précision. Il ne s'agit pas d'Arsène Lupin dont nous n'avons absolument pas les droits, mais d'un personnage qui est censé être, dans l'album, celui qui a inspiré Maurice Leblanc pour créer son personnage romanesque.
Maurice Leblanc s'est effectivement inspiré d'un personnage authentique, d'après ce qu'il a déclaré, mais j'ai préféré ne pas savoir lequel.

Trois. Peut-être plus.

Voir sur le sujet ma réponse plus haut.

Idem.

Idem.

Pas actuellement, à ma connaissance.

Oui. Je trouve la bande dessinée très peu impliquée dans les affaires du monde d'aujourd'hui. Bien sûr, il y a des exceptions ("L'affaire corse", de Pétillon, par exemple, ou Marjane Satrapi, et quelques autres) Mais les auteurs ne semblent pas tellement s'intéresser à ce genre de sujets. On peut le comprendre. C'est un métier que l'on choisit davantage pour échapper à la réalité que pour s'y complaire en permanence.

Ce sont des thèmes inépuisables. La série s'est arrêtée sur la décision de l'éditeur, et pas faute de sujet. C'est dommage car Eric Juszezak faisait un remarquable boulot, et le personnage de Oki était de plus en plus séduisant et vrai.

Mes récits ont toujours eu un style « cinématographique », me semble-il.
Ce qui est contestable, car à quoi bon avoir ce genre de « style » ailleurs qu'au cinéma ? Cette constatation me met en face de mon propre positionnement : « Qu'est-ce que je fous là ? ». Je veux dire dans la B.D. Est-ce que, par hasard, je ne me serais pas trompé de porte, par hasard, je dis ?
Et pourquoi continuer, perdurer dans l'erreur avec ce foutu « style cinématographique » ?
Qui aurait l'idée d'avoir le style « majordome Grand Siècle » alors qu'il est serveur au Quick ?
Ou genre maîtresse de Louis XIV quand elle est pétasse sur les grands boulevards ?
Bon. A part ce petit détail, je trouve que le format 46 pages est très court pour raconter une histoire et qu'il vous condamne à être superficiel, et terriblement allusif.
Il est autrement plus jouissif de s'exprimer sur une suite d'albums, bien sûr. Mais les contingences, que voulez-vous...

Non. L'aspect glauque ne correspond qu'à mes propres tréfonds dans lesquels je ne descends que rarement, quand je reçois des amis, notamment.

Sur la proposition de Van Hamme quand il était directeur général chez Dupuis, avec l'accord de Philippe Vandooren.

Bé non. Enfin si. En fait, globalement, Albert Blesteau et moi, avec Toupet, j'ai fait les comptes, nous avons vendu plus de 600.000 albums, sans compter les traductions, les post-publications, et le reste.
C'est un score dont nous sommes très fiers. Mais les Editions Dupuis ont décidé d'arrêter la série, et nous ont rendu nos droits. Ce n'est pas une blague. Le dix-huitième sera le dernier chez Dupuis.
9. Questions diverses


Effectivement, nous ne sommes pas arrivés à un moment porteur avec le « Vaisseau d'Argent ». Nous avons accumulé les difficultés avec la crise pétrolière des années 1990-91, le changement de stratégie chez notre distributeur principal, celui des Presses de la Cité, et ma propre vision des choses (prendre au sérieux ce qui précède), car j'étais crevé. Mais nous avons volontairement mis la clef sous la porte. Nous avions 200.000 albums en stock. Il suffisait d'en solder une petite partie pour passer le cap douloureux. Nous n'avons pas voulu. Nous avons eu tort. Surtout moi. Car, aujourd'hui, c'est encore pire.

Mortifère.

Ç’a été un grand plaisir de me confronter à des genres différents. Le seul genre qui ne m'inspire pas trop, c'est celui qui consiste à raconter des histoires de ce type qui se colle au plafond.

Hannipépé-Anna. Je me sens très proche. Tout proche.

Julio raconte des bêtises. Il n'a pas la moindre idée de la façon dont je passe mes nuits, il n'a jamais assisté à aucune d'elles.
Il est vrai que, quand j'ai une idée, et le temps, je la développe pour ne pas la laisser partir en fumée. Et que je conserve mes notes.
Il est vrai que j'en avais un grand nombre (enfin, n'exagérons rien !) dans lequel j'allais éventuellement puiser. Mais c'est de moins en moins le cas, maintenant. Et, la nuit, je dors.


La documentation est une excellente base pour mettre en route l'inspiration. À une certaine époque, on faisait démarrer les voitures à la manivelle. La doc, c'est la manivelle.

Je ne sais pas. Les gens qui me ressemblent, peut-être ? Je n'ai jamais écrit ou dessiné une histoire en pensant à un public donné.
C'est la raison pour laquelle Uderzo vend à plusieurs millions d'exemplaires chaque nouveauté, J.K. Rowling plusieurs centaines de millions d'exemplaires… et moi pas.

Non. Je ne lis pas beaucoup de B.D. Par contre, je les regarde volontiers.

Franquin à mes débuts, comme tout le monde.
Gamin, j'étais un grand admirateur d'Uderzo. Aujourd'hui aussi, d'ailleurs.
Tillieux. Will. Alex Raymond (super). Greg (scénars). Van Hamme est très fort (très malin). Plein d'autres. J'aime beaucoup admirer.


Qui dirait non à une telle perspective ? Bien sûr. On m'a souvent tourné autour, dans ce domaine, et je crois que je saurais faire. Mais, voilà... Très récemment, un producteur m'a commandé l'écriture d’un scénario, à partir d'un point de départ qui lui appartenait. Ce que j'ai fait. Ça devait se passer sur la planète Mars. Et c'était romantique. Mais à l'arrivée, c'était trop cher à monter pour un prod français.

Non. Mais le refus de ressembler à des gens qui me font vomir, oui.

Non. Je ne suis pas équipé pour. Il m'est arrivé de passer trois mois à la grande bibliothèque pour travailler sur un sujet historique. Il est toujours dans mes cartons. Si jamais vous entendez parler de quelque chose...

Delitte, c’est un bon. Desberg, ça tient bien la route. Quant à Corteggiani, c’est sûrement l’un des scénaristes français les plus costauds. Excellente énumération. C'est très intéressant. Je suis pour.

Je pense que nous sommes arrivés à un tournant et que les nouvelles technologies en question risquent de bouleverser le paysage de la bande dessinée et le changer radicalement.
On peut assister à de nouvelles habitudes de lecture, qui prendront probablement pas mal de temps pour s'installer, mais les choses peuvent aller très vite, de nos jours, et prendre tout le monde de court. Je pense à l'I-Pod, par exemple, à la B.D. case par case, au téléchargement, etc.
Les anciennes habitudes vont persister, résister, mais la surproduction va faire le ménage, et les retours également.

Oui. Bon.

Nous avons quelques séances de dédicaces de prévues avec Claude Plumail, pour Dédales, en effet. Je suis de moins en moins client, pour ce genre d'exercice. Dessiner en public a un côté très « exhibitionniste », ce que je ne suis pas du tout. Mais il est vrai que le contact avec les lecteurs et souvent très révélateur. Et je ne vois pas par quoi cela pourrait être remplacé.


"Les Sept péchés" ont été sur le point d'être réalisés, mais une série utilisant le même mécanisme est apparue sur le marché, et finalement on a préféré s'abstenir. "Stan le Tagueur" est resté à l'état d'ébauche. Les producteurs du film d'animation 3D qui comptaient sur moi n'ont toujours pas réussi à réunir les capitaux nécessaires. Certains mettent dix ans ou plus à réaliser leurs projets. Alors...
Cette fois, je crois que vous avez épuisé votre sujet. Merci de votre intérêt.

Interview publiée également sur moleskine-et-moi.com
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