Au pays des vrais hommes (En Italie, il n'y a que de vrais hommes)
Cette bande dessinée originale raconte la politique de confinement des homosexuels mise en place par Mussolini dans l’Italie d’avant-guerre. Un récit émouvant et passionnant qui fait revivre un pan peu connu de l’histoire de la péninsule.
1930 - 1938 : De la Grande Dépression aux prémisces de la Seconde Guerre Mondiale Auteurs italiens Gays et lesbiennes Italie La BD au féminin Les petits éditeurs indépendants
Une phrase de Mussolini donne le titre – et le ton – à ce très bel album : « En Italie il n’y a que des vrais hommes ». Ainsi, en 1938, aucune loi nationale ne fut promulguée à l’encontre des homosexuels, puisqu’ils étaient censés ne pas exister. Une solution : les déporter sur de petites îles du sud de l’Italie... Dans cet album, deux journalistes rencontrent Ninella, l’un des seuls survivants de cette époque. La relation qui se noue entre ces trois personnages et le témoignage de Ninella, en flash-back, forment un album dur, émouvant, et étonnamment non dénué d'humour. Cette histoire se déroule en Italie. Un jeune homme est arrêté par la police de Mussolini et soumis à un interrogatoire. On ne lui reproche pourtant pas d’avoir tué ni d’avoir volé. Aux yeux des autorités, il s’est rendu coupable d’un seul crime : la « pédérastie passive ». Un comportement susceptible de causer un « grave préjudice à la morale publique et à l’intégrité de la race ». Verdict : le jeune homme sera condamné au confinement dans l’île de San Domino, située dans l’archipel de Tremiti, au sud du pays. Nous sommes en 1938, à la veille de la Seconde Guerre mondiale. A cette époque, le contexte politique n’est pas favorable aux homosexuels Italiens. Au fur et à mesure que les mois passeront et que l’alliance entre Hitler et Mussolini prendra de l’ampleur, les mesures discriminatoires à leur égard iront en s’accroissant. C’est ce pan de l’histoire de l’Italie contemporaine que raconte ce roman graphique d’une grande originalité, teinté d’un humour qui vient atténuer le caractère dramatique du thème abordé. L’action procède par flash-backs entre l’avant-guerre et l’époque contemporaine où deux journalistes viennent à Salerne, une petite ville italienne, afin de recueillir le témoignage d’une ancienne victime de cette politique sectaire et vexatoire. L’homme a vieilli, bien sûr. Il s’appelle Antonio, mais tout le monde le surnomme Ninella dans son village. Malgré quelques réticences et divers accès d’humeur, il accepte de raconter son histoire, qui fut aussi celle de centaines de ses camarades en ces temps troublés où il ne faisait pas bon être homosexuel sous le régime du « Duce ». La grande réussite de cet album tient à l’équilibre qu’il préserve entre la « petite histoire », celle vécue par Ninella et ses compagnons, et la « grande Histoire » qui sert de toile de fond et emporte les protagonistes dans sa course folle vers l’abîme. Au-delà du destin personnel de Ninella, En Italie, il n’y a que des vrais hommes lève le voile sur toute une partie longtemps méconnue de l’histoire de la péninsule. Il fallut en effet attendre, comme le rappelle l’un des textes passionnants qui accompagnent le récit, les années 1980 avant de voir les premiers historiens s’intéresser de près à ce sujet. C’est tout l’intérêt de ce livre que de se resituer dans ce contexte historique et de revenir en détail sur la politique menée par Mussolini. Lequel avait l’habitude de dire, quand on lui demandait s’il avait l’intention de mettre en œuvre des lois d’exception destinées aux homosexuels, « en Italie, il n’y a que des vrais hommes ». Professant une vision fantasmée du mâle italien, Mussolini se refusera toujours à suivre le modèle du régime hitlérien et à promulguer des lois sur le modèle de celles édictées par Hitler. Luca de Santis et Sara Colaone font œuvre d’historiens à travers ce véritable travail de mémoire et de réhabilitation. Mais ils n’en perdent pas de vue pour autant la vocation de leur condition d’auteur : En Italie, il n’y a que des vrais hommes reste avant tout une histoire racontée en bande dessinée, servie par un dessin d’une grande lisibilité et portée par les figures de ces hommes condamnés à vivre à l’écart de leurs concitoyens en raison de leur préférence sexuelle. Un livre important et qui fait preuve d’une véritable singularité dans le paysage de la bande dessinée contemporaine.
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Date de parution | 21 Janvier 2010 |
Statut histoire | One shot 1 tome paru |
Les avis
Chacun sait que dans l’Allemagne nazie, les homosexuels étaient déportés. En Italie, ce n’est pas parce qu’on n'en parle pas – ou si peu - que la question a pour autant été éludée par Mussolini. Si celui-ci s’est opposé à l’introduction d’une législation homophobe, c’est paradoxalement parce que selon lui, « les Italiens étaient trop virils pour être homosexuels » ! Alors ceux qui se laissaient aller à leur penchant honteux, il a préféré les mettre à l’écart, discrètement, loin des tribunaux, sur une île au sud du pays, croyant circonscrire le mal comme on cache la poussière sous le tapis… Ils n’étaient pas spécialement maltraités par leurs gardiens, mais les conditions de vie étaient rudimentaires, ils manquaient de tout et connaissaient souvent la faim… Malgré toute la sincérité de la démarche des auteurs (faire témoigner un des derniers survivants ayant séjourné dans ces centres), je ne peux pas dire que j’ai été réellement touché par l’histoire. Si je reconnais que ces personnages peuvent être attachants et que l’histoire d’amour entre Ninella et Mimi est magnifiée par un romanesque que n’aurait pas renié Jean Genet, je n’ai pas été ému outre-mesure, du moins pas autant que je l’aurais voulu. Est-ce dû à la retenue manifestée par les auteurs dans leur souci de ne pas trahir les propos du vieil homme et vis-à-vis de la responsabilité qui était la leur ? Est-ce dû au dessin un peu froid et aux visages peu expressifs ? Du côté de la narration, rien à redire, cela se lit plutôt bien... Reste l’intérêt historique d’un tel témoignage, grâce auquel on se rend compte que les gays italiens de cette époque avaient déjà une conscience claire de leur identité dans un contexte particulièrement hostile, où tout semblait se liguer contre eux, qu’il s’agisse du machisme ambiant, du catholicisme étouffant ou du fascisme réprimant…
Cette bande dessinée est instructive sur le plan historique mais il lui manque une part d'émotion qui aurait pu en faire un très bon ouvrage. Que les homosexuels avaient été réprimés en Italie sous Mussolini, je le savais depuis que j'avais vu le film "Une journée particulière" d'Ettore Scola. Cependant, je ne savais pas du tout ce qu'il leur arrivait une fois arrêtés par les milices fascistes. Aussi est-ce avec intérêt que j'ai découvert l'existence de leur confinement et d'îles telles que San Domino où ils étaient envoyés en exil. J'ai été étonné d'y apprendre à quoi ressemblait la vie sur place, certes faite de privation et de vexation, mais aussi de nombreuses fêtes et d'amitié, donc rien à voir avec les camps de concentration allemands. Le dessin est agréable mais il est un peu trop simple à mon goût. Les personnages manquent de personnalité graphique, notamment. Heureusement, côté narration, je n'ai aucun reproche à faire à la mise en page. Lecture instructive donc, comme je le dis plus haut. Mais elle ne m'a pas touché. Le ton est un peu étrange. Il y a deux fils narratifs en parallèle. D'un côté, on a les journalistes et l'ancien exilé qui s'engueulent de nos jours sans qu'on ressente clairement les motivations des uns et des autres malgré les explications en prologue et en épilogue. D'un autre côté, on a le récit historique de cet exil forcé et là, malgré l'évidence que la situation était dure et humiliante, l'ambiance ne parvient pas tellement à s'imposer à mon goût. J'ai presque eu du mal à y voir un séjour horrible tant les personnages avaient l'air de bien s'entendre ou de s'engueuler gentiment. Et même les moments théoriquement plus durs de la fin ne ressortent pas particulièrement tristes ou emplis d'émotions à mes yeux. Bref, c'est un album intéressant et qui nous apprend des choses dont on a très peu parlé au niveau historique, mais son atmosphère n'a pas su s'imposer en cours de lecture et les émotions ne sont que peu passées pour moi.
L'histoire est amplement détaillée dans l'historique de la fiche de la BD. C'est à nouveau un récit sortant des sentiers battus : c'est l'histoire du confinement sur une ile des homosexuels en Italie à l'époque où les fascistes et Mussolini étaient au pouvoir. Le titre résume bien la mentalité de l'époque, ces mots étant du leader du parti et l'homme au pourvoir... Le scénario fonctionne sur deux époques, une récentes où deux jeunes journalistes recueillent le témoignage du dernier survivant de cette discrimination. L'autre époque étant bien entendu le témoignage, il nous ramène 50 ans en arrière. Le récit passe régulièrement de l'une à l'autre avec beaucoup de fluidité. La lecture n'est pas trop pesante. Le dessin bichromique façon comics est reposant et très lisible. L'intérêt est réel mais assez limité. J'ai trouvé la BD assez chère par rapport au contenu peu commercial. Une couverture souple aurait certainement permis une meilleure diffusion, car l'intérêt de ce projet est de rappeler ces faits historiques au plus grand nombre. La narration et les personnages attachants apportent un plus à cette histoire profondément humaine. Le récit est romancé et bien structuré. Cette BD ne manque pas d'atouts, elle s'adresse à des lecteurs tolérants car elle n'a pas pour objectif de se cantonner à une population minoritaire.
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