Apocalypse Nerd
Début 2003, lorsque les dirigeants des USA faisaient tout ce qui était en leur pouvoir pour entrer en guerre contre l'Irak, la Corée du Nord a annoncé qu'elle pouvait envoyer à tout moment une bombe nucléaire sur Seattle. Peter Bagge (l'auteur de cette BD) à tout de suite tilté sur cette information (qui a pourtant passé totalement inaperçu aux yeux du monde) et à imaginé une histoire où la Corée du Nord aurait mis ses menaces à exécution. Voilà comment est né Apocalypse Nerd.
Dark Horse Comics [USA] - Côte Ouest
Perry et Gordo sont potes. Et ils ont décidés de passer un bon moment en montagne, histoire d'oublier la folie du monde. Mais voilà, sur la route du retour (et c'est là que l'histoire commence), ils se rendent compte qu'il y a une ou deux choses qui semblent partir en vrille... A bord de leur voiture, ils croisent bon nombre d'autres voitures qui foncent à toute allure dans le sens opposé, prenant tous les risques pour aller le plus vite possible. Et puis la radio qui ne balance que des demis informations... Mais il se passe quoi au juste ? Et c'est en arrivant à une station essence qu'ils se rendent compte que pendant leurs petites vacances, une bombe atomique a détruit Seattle (leur ville). Alors que faire ? Aller en ville ? Retourner dans la montagne ? Et pourquoi tous les gens autour d'eux sont armés et particulièrement nerveux ?
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Date de parution | Septembre 2010 |
Statut histoire | One shot 1 tome paru |
Les avis
Peter Bagge imagine ce qui arrive si un jour la ville de Seattle est victime d'une attaque nucléaire. On suit deux jeunes adultes un peu cons qui apprennent la nouvelle et le basculement dans un environnement où tout le monde est en monde survie et c'est chacun pour soi. Le ton est satirique et comme c'est souvent le cas avec cet auteur, l'humour m'a fait sourire, mais je n'ai pas vraiment rigolé. Le scénario est sympathique, mais au final on a surtout droit à une accumulation des poncifs du genre et en plus il n'y a pas vraiment de fin, ce qui rend la lecture un peu frustrante. En plus, les personnages sont toujours dans les bois et on voit jamais ce qui est vraiment arrivé à Seattle, on a juste le témoignage de personnages secondaires que les deux héros rencontrent. Le dessin de Bagge va très bien à ce genre de scénario un peu délirant. Au final, ça se laisse lire, mais ce n'est pas transcendant.
Seattle rayé de la carte - Ce tome comprend une histoire complète, découpée en 6 chapitres, et indépendante de toute autre. Elle est parue initialement sus la forme d'une minisérie en 6 épisodes en 2005. Elle est écrite, dessinée, et encrée par Peter Bagge, en noir & blanc, avec des nuances de gris appliquée par Joanne Bagge (la femme de Peter). Perry (un développeur informatique de logiciels) et Gordo (un revendeur de drogues) reviennent d'un week-end à camper dans les montagnes de North Cascades, situées entre Seattle et la frontière canadienne. En rentrant vers Seattle, ils ont la surprise de voir qu'ils croisent beaucoup de voitures en sens inverse, toutes lourdement chargées, avec des conducteurs très pressés. En écoutant la radio, ils comprennent qu'il a dû survenir un événement grave. Ils s'arrêtent à la première station-service sur la route, où la gérante les accueille fusil en main, pour se prémunir des pillards. Elle leur explique qu'une bombe atomique a explosé sur Seattle, et sur d'autres villes des États-Unis. Elle exige malgré tout qu'ils payent pour ce qu'ils emportent. Ils réussissent à faire le plein de carburant à la sauvette, et décident de retourner à la cabane où ils avaient campé. Dans l'introduction, Peter Bagge explique que l'idée de cette histoire lui est venue en entendant les déclarations Kim Jong-il (1941-2011), déclarant que la Corée du Nord disposait de l'arme atomique et que ce pays pouvait s'en servir pour détruire Seattle. Il ne lui en a pas fallu plus pour se lancer dans ce récit d'anticipation. Comme à son habitude, il a choisi de mettre en scène de adultes (environ 30 ans, plus ou moins une poignée d'années), pas très responsables, au sens moral sous-développé, et aux capacités affectives limitées, et ne parlons pas de leur empathie (voir les récits consacrés à Buddy Bradley). Bien sûr, pour que le récit dépasse les 2 semaines en temps narratif, l'un des 2 compères dispose de rudiments de chasseur. Par la suite, ils vont essayer d'opérer un retour vers la civilisation, croiser quelques rescapés en plus ou moins bon état, et plus ou moins bien disposés. Ils vont même réussir à séjourner dans un camp organisé, et à rencontrer des personnes du sexe opposé. Peter Bagge a développé un style narratif, tant au niveau des dialogues que des dessins, qui n'appartient qu'à lui. En feuilletant ce tome, le lecteur découvre (ou retrouve, en fonction de sa familiarité avec cet auteur) des dessins déformés dans un but humoristique. La particularité la plus visible se trouve dans la manière de dessiner les bras et les jambes en arc de cercle, sans pliure pour le coude ou le genou. Cela donne une apparence de bonhomme en caoutchouc aux personnages. Il y a également la façon de dessiner les couches, en forme de C, souvent de profil. Cela donne un air d'ahuris aux personnages, brillants par leur comprenette limitée, et leur incapacité à anticiper grand-chose. Cet artiste applique la même approche graphique aux accessoires et aux décors. Les voitures sont dessinées comme s'il s'agissait de jouet pour enfant. Les bâtiments semblent sortis d'une boîte de Playmobils. Lorsqu'il dessine un clavier d'ordinateur, il s'agit d'un rectangle strié de traits perpendiculaires, sans souci de donner l'impression d'un clavier réel, avec des touches formes différentes, et légèrement décalées d'une ligne à l'autre (ne parlons pas du pavé numérique). Cette représentation simplifiée et exagérée confère une dimension humoristique aux personnages qui semblent évoluer dans un environnement de dessin animé à destination de la jeunesse. Les cases se lisent toutes seules, certaines expressions de visage faisant naître un sourire automatique sur celui du lecteur. Cela ne signifie pas pour autant que Bagge réalise des planches à faible teneur en informations visuelles. Si les dessins sont à l'opposé d'une approche photographique, ils portent une part importante de la narration, qu'il s'agisse des actions des personnages, ou des lieux dans lesquels ils évoluent. le lecteur voit par lui-même l'étendue de la forêt, les animaux sauvages, le campement de mobil-homes, le chalet occupé par la communauté de femmes, les différents type de véhicules, allant de la citadine au camion de transport de troupe militaire. Le lecteur suit donc les tribulations de ces 2 zozos confrontés à l'obligation de survivre par eux-mêmes. Il partage leur inconfort et leur inquiétude, sans aller jusqu'à les plaindre. Sous une apparence humoristique, Peter Bagge dépeint une humanité peu reluisante, dont le vernis cède immédiatement, confronté à l'effondrement de la société. Gordo sait se servir d'une carabine et part chasser le daim, pendant qu'il relègue Perry aux tâches de cueillette, reproduisant le modèle de chasseur & cueilleur. Il réussit à blesser un animal, mais il a besoin de Perry pour l'achever, dans une boucherie peu ragoûtante. L'auteur va donc mettre en scène quelques-unes des conventions inhérentes au genre du récit de survie, à commencer par trouver de la nourriture, trouver de quoi se désaltérer, piller les réserves des magasins, se méfier des communautés organisées, échapper aux troupes armées rackettant les communautés ou les voyageurs isolés, résister à l'hiver. Il met également en scène les bases de la comédie, alors que Perry et Gordo doivent se supporter, résister à l'angoissante grandissante du vide abyssal de leur nouvelle vie, gérer la pénurie. Bagge relance le récit à mi-parcours en écartant Gordo, au profit de Madge, une femme croisée dans la communauté féminine. Avec sa verve acerbe habituelle, Bagge met en avant la veulerie du comportement des êtres humains, capables des bassesses les plus mesquines et les plus égoïstes pour gagner un peu de confort dérisoire. Seule une communauté de scientifique s'avère capable de voir plus loin que le bout de son nez, et capable de penser à l'avenir en termes de mois plutôt que de jours. L'auteur n'épargne pas les détails les plus concrets à ses personnages (et donc à ses lecteurs), en particulier l'effet d'un régime alimentaire déséquilibré, et les gaz qu'il occasionne, ou même les difficultés de transit intestinal. Ça ne vole pas très haut, mais c'est à la fois pertinent au regard de l'intrigue, et en phase avec le niveau des personnages. Ce contexte post apocalyptique rend les protagonistes méfiants et névrotiques à tendance paranoïaque. Dans la mesure où ils sont armés pour pouvoir se défendre, il ne faut pas longtemps avant que d'autres survivants succombent sous des tirs préventifs, pas forcément très bien maîtrisés. Les qualités narratives de Bagge lui permettent de marier le côté grosse farce, avec le côté dramatique, sans que l'un n'annihile l'effet de l'autre, ou prenne le pas sur l'autre. Il ne cherche pas à faire réaliste (en particulier les vêtements de Perry et Gordo semblent résister à l'usure et à l'absence de machine à laver) ; par contre la difficulté de leur situation transparaît bien dans chaque séquence. Perry, Gordo, et Madge n'ont aucune confiance dans quelques sociétés que ce soit. Ils se sentent immédiatement exploités, mal adaptés (comme ils l'étaient dans la société normale), improductifs, et incertains quant à la pérennité de leur situation. Ces sentiments leur font commettre des actes baignant dans l'égoïsme le plus basique et le plus répugnant. Bagge les montre comme s'étant adaptés à cette forme de liberté, libérés des contraintes de la société démocratique. Ils ne cherchent en aucun cas à retrouver cet état antérieur. du coup, ils se comportent sauvagement dès qu'ils décèlent un risque réel ou imaginé de retourner à cet état antérieur. Ils ne voient pas dans leur nouvel environnement la tyrannie des besoins matériels pour lesquels il faut dépenser une grande énergie pour les satisfaire, mais plutôt une forme de liberté en se contentant d'y subvenir, sans avoir à réfléchir, à chercher un sens dans une vie plus complexe. Le lecteur suit donc leurs pérégrinations avec un regard mi amusé, mi excédé par ces adolescents égoïstes attardés. Il se rend compte que la fin du récit approche, alors qu'il n'y a pas de résolution en vue. Effectivement, l'intrigue tourne court, sans morale, ni ouverture vers une évolution probable, avec des personnages qui ont encore aggravé leur cas. En particulier, Madge se retrouve dans un état qui nécessite une attention médicale dispensée par des professionnels, sans s'en soucier, toujours aussi oublieuse des contraintes. Cet aspect de sa condition rappelle au lecteur qu'il est dans un conte édulcoré, finalement éloigné d'un récit de survie réaliste, sans prise en compte des questions de santé (ne serait-ce que les lunettes de Perry, ou celle de Madge). Finalement le lecteur en ressort mi-figue, mi-raisin, amusé par le comportement égotiste de ces individus, incapables d'éprouver de l'empathie pour eux, intrigués par les questions pratiques que pose cette survie mais aussi vaguement désintéressé par cette approche superficielle qui ignore les aspects que l'auteur ne souhaite pas traiter. Entre un récit rigolo sans conséquence, et une comédie acide et grinçante.
Bon alors Apocalypse Nerd, j'ai craqué, je l'ai acheté et je l'ai lu dans la foulée !!! Outre les dessins que je n'aime vraiment pas (c'est très rond, très "style comique" et un peu naïf), tout le côté histoire, relations entre les personnages et évolution des péripéties, on été un bonheur total ! Le scénario est vraiment bien pensé. Au début, l'auteur explique donc (dans sa préface) sa propre crainte et vision des choses s'il se trouvait confronté à un monde à l'envers à cause d'une bombe. Du coup, on avance de scène en scène avec une simplicité et une plausibilité totalement crédible. Pendant toute l'histoire, je me demandais "mais qu'est ce que je ferais, dans ce cas-là, moi ?" et on peut comprendre les choix que font les personnages (même si leurs choix les envoies dans des visions différentes, on peut comprendre les deux façons de penser). Laquelle est la meilleure ? Même après avoir lu cette BD, on ne peut pas trop savoir, et c'est ça qui fait la force de cette bande dessinée, c'est qu'il n'y a pas de "gentille petite morale" ou d'explication rébarbative sur les choix et les conséquences. Le lecteur est totalement livré à lui-même, au même titre que les personnages dans ce monde dévasté. Et puis l'histoire est habillée par une multitude de petites détails bienvenus autant sur la survie que sur la violence qui est en train de prendre possession de ce monde !! Franchement, une très très bonne histoire à lire et à relire pour tous les amateurs de fin du monde !!
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