En attendant que le vent tourne
Sous ses faux airs enfantins, En attendant que le vent tourne propose une réflexion étonnante sur le comportement des hommes, sans cesse tiraillés entre les plus nobles et les plus destructeurs des sentiments.
Enfance(s)
Cet été-là, un petit groupe d'enfants en vacances prend possession du village et de ses environs. Libres comme l'air, et prêts à toutes les aventures, Pierrot, Florentin et Xavier se risquent en forêt, où ils vont se lancer dans une entreprise fabuleuse : la construction d'une splendide cabane perchée dans un arbre. Hélas, un inconnu malveillant détruit leur splendide création. Ivres de colère et persuadés (à tort) que la responsabilité incombe à la petite bande rivale que forment Lucie et les jumeaux, les trois garçons jurent de se venger. Un engrenage fatal s'est mis en place, irrémédiablement. Exception faite du narrateur de cette histoire, personne ne le sait encore, mais ce qui n'était jusqu'alors qu'un jeu d'enfants va tourner à la tragédie ...
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Date de parution | 12 Janvier 2011 |
Statut histoire | One shot 1 tome paru |
Les avis
Cet album vaut la peine d’être lu. Les propos et le dessin sont en parfaite osmose. Si l’histoire nous parle d’enfants, elle ne le fait pas sur un ton enfantin. Si le dessin est rond et dépouillé, il ne néglige pas la profondeur du champ et bénéficie d’une colorisation douce et nuancée. Et donc, si cet album peut paraître quelconque au premier coup d’œil, il l’est bien moins lorsque l’on se donne la peine de le lire (chose que j’ai failli ne pas faire… un grand merci aux précédents aviseurs ;) ). Ce qui est vraiment remarquable à mes yeux, c’est la manière toute naturelle (en apparence) avec laquelle les auteurs parviennent à nous faire pénétrer le monde grave des jeux d’enfant. Cette simplicité, c’est du grand art. Cette narration est d’une efficacité inattaquable. Je n’ai pas lu une histoire, j’étais DANS l’histoire. Et puis, cette manière de nous faire sentir que le drame est là, tout proche… que tout peut basculer à tout moment, ce suspense bâti sur un mensonge enfantin : grandiose ! Alors, oui, pour chicaner, je pourrais dire que j’ai trouvé quelques longueurs dans la seconde partie du récit… mais je ne peux m’empêcher de trouver ces longueurs justifiées. Ce récit m’a semblé, en fait, en constante progression et si cette seconde partie m’est apparue par moment plus lente, c’est, je le crains, surtout dû à mon empressement de connaître le fin mot de l’histoire. A découvrir !
La production industrielle de bande dessinée nous abreuve d’albums par vague de mode et de sujets. On apprend en marketing, que suzuki et Yamaha avaient démoli le premier constructeur de moto sur le marché en inondant celui-ci de nouveaux modèles à raison de plusieurs par an dans les années 70. Malgré des modèles pas vraiment fiables, le virage de l’innovation fut pris et fit couler le N°1 d’alors trop statique devant la concurrence. Vous allez penser "qu’est-ce que tout ceci a à voir avec la choucroute ?" Nous y voilà : dans la production industrielle actuelle de Bande dessinée, nombre d’entre elles font comme ces modèles de moto qui n’avaient une durée de vie de quelques mois car la profusion d’offre aveugle de lecteur « consommateur ». Dans le lot des oubliés, nul doute que certains albums auraient mérité meilleur sort. La série qui nous occupe présentement pourrait faire partie de cette catégorie bien que je ne le lui souhaite pas. Le scénario simple mais percutant nous emmène dans le quotidien de jeunes pré-adolescents pendant les vacances à la campagne. Rien à voir avec les séries de l’été, les premiers flirts et les occupations futiles, notre groupe de personnages va au contraire se retrouver face à leurs propres sentiments, voyage d’autant plus effrayant que leur âge donne beaucoup de cœur et d’importance à tout ce qui touche leur expérience qui deviendra par la suite mémoire et donc flotteur permettant d’atténuer les creux. Nous rencontrerons trois garçons, puis deux papas, une fille et deux autres garçons et une vieille dame. Les six personnages des enfants forment une pièce en huis clos (enfin un huis clos au grand air d’un village perdu à la campagne) vont nous jouer la palette de l’émotion et des sentiments dans tous leurs contrastes, leurs violence et le décalage temporel source de bien des incompréhensions. Tout débute avec des copains qui veulent construire une cabane, la monoparentalité joue bien des tours, et notre exclu du groupe va vouloir se venger de n’être pas indispensable au groupe. Ce qui était un rêve devient alors un cauchemar pour tout le groupe puisqu’entre les déçus d’un vandalisme fanatique et le coupable n’osant avouer son propre forfait, le groupe vit mal. Un ennemi venant regrouper tout çà vient alors à point nommé, vecteur des frustrations il permettra pour l’un de trouver un bouc émissaire et pour les autres un responsable à leur malheur. Mais l’inattendu se jouera de cette relation simpliste et nos personnages n’ayant jamais le même référentiel temps et le même niveau d’information vont s’entredéchirer sans prendre note des conseils donnés ça et là par des adultes. Les frustrations vont monter jusqu’à cette humiliation ultime du couronnement du roi des slips devant l’être aimé, puis cet orage cathartique qui verra notre coupable initial enfin avouer son forfait. Là encore le facteur information intervient, puisque ce qui s’est soudain aplani entre les quatre protagonistes qui sont au même niveau d’information ne le sera pas pour les deux autres. La nécessaire catharsis cette fois-ci faite de feu viendra achever un récit poignant. Un bijou d’équilibre, de finesse et de justesse, voilà ce que cet opus vous proposera dans un voyage vers nos illusions perdues. Loin d’être réservé à la tranche d’âgé décrite, l’opus nous place au cœur de nos faiblesses pour mettre en avant le mal dont peut découler une incompréhension ou un manque d’information dans le temps (pour ne pas dire un mensonge par omission), même en étant animé par les meilleures intentions du monde. Ici pas de cliché mais de la tendresse, pas de violence sanguinaire mais une violence psychologique inouïe pour des cœurs tendres, pas de bimbo à forte poitrine pour attirer l’hormone mâle, mais un gentil platonisme naïf. Rien pour appâter le chaland et pourtant… Graphiquement le trait fluide donne un contrepoint parfait au scénario, mouvement, décors, colorisation et vues : tout nous transporte au cœur du récit et fait vivre le lecteur. Vous sentez le parfum des arbres, vous avez mal des coups portés, votre cœur se brise comme cet élan muet d’un amoureux trop peu sur de lui. Toutes les planches mettent le lecteur en condition de percevoir le récit dans son plus tragique destin. A la lecture de l’avis vous imaginez un drame racinien, mais un lecteur pourra également trouver une vieille histoire banale de cabane et de baston entre des gamins en vacances. Le curseur large donnera à chacun le devoir d’interpréter la narration. Pour ma part je fus bouleversé par cette lecture malgré l’apparente futilité du sujet. Cet album est de très loin mon coup de cœur de ce début d’année, et s’il ne figure pas déjà au panthéon de mes albums, il faut comprendre qu’une étoile filante reste moins dans le ciel qu’un astre. La simplicité du propos faisant sa force devient également sa limite lorsqu’il s’agit de trouver des chefs d’œuvre. Je ne saurais donc que vous encourager à lire et relire cet album merveilleux, vecteur du sentiment humain tisseur de liens sociaux, faisant de chacun un tortionnaire ou un bienfaiteur pour son prochain.
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