Journal d'un album
"Nous sommes dessinateurs, nous faisons des bandes dessinées" disent-ils, déguisés en extra-terrestres. Entrez avec Dupuy et Berbérian dans les affres de la création.
Autobiographie Ciboulette Ecole nationale supérieure des Arts décoratifs L'Association Les petits éditeurs indépendants One-shots, le best-of Profession : bédéiste
Dupuy et Berbérian, les auteurs d'Henriette et de Monsieur Jean nous racontent, sur un mode auto-biographique, la création du troisième tome de Monsieur Jean. Au jour le jour, ils nous font partager leurs joies et leurs doutes, leurs angoisses et leur petit train-train quotidien. On y apprends un peu plus sur leur manière de travailler, sur leurs complexes et leurs inhibitions. Tout cela dans un style très imagé et plein de fantaisie.
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Date de parution | Décembre 1994 |
Statut histoire | One shot (parallèle à "Monsieur jean") 1 tome paru |
Les avis
Je m'attendais à des critiques, mais pas de cet ordre - Il s'agit du premier tome hors-série accompagnant la sortie de l'album Monsieur Jean, tome 3 : Les femmes et les enfants d'abord (1994), des mêmes auteurs. Ce tome peut se lire sans avoir lu un seul album de la série Monsieur Jean. Il exhale plus de saveurs si le lecteur connaît la série. Sa première publication date de 1994. Il a également été réalisé par Philippe Dupuy et Charles Berberian, toutefois dans cet ouvrage chacun réalise seul ses propres pages, et non à quatre mains comme les albums de la série. Il s'agit d'un ouvrage en noir & blanc, édité par L'Association alors que les albums Monsieur Jean ont été publiés par Les Humanoïdes Associés. Il comprend cent-vingt-huit pages de bande dessinée. Mercredi 11 août 1993, Charles Berberian se trouve dans un taxi et le chauffeur lui raconte une anecdote : un type qui monte dans son taxi et qui lui demande de le ramener chez lui, puis qui s'endort sans avoir donné l‘adresse, rond comme une queue de pelle. Impossible de le réveiller, et le chauffeur ne sait pas où il habite, forcément. du coup, il a roulé pendant trois heures, le temps qu'il émerge, et le compteur tournait pendant ce temps-là, forcément. Il a même pris un autre client pendant que l'autre poivrot ronflait, client qui faisait une drôle de tête, mais en même temps, il était trop content de trouver un tacot à trois heures du mat'. Charles imagine le chauffeur sur la scène de l'Olympia en train de raconter sa blague à un public hilare. Il se lance à son tour, avec une histoire : il monte dans un taxi et le chauffeur n'arrête pas de se racler la gorge. Au bout de cinq minutes, ça lui remonte dans le nez, du coup les clients ont droit à une vidange complète du nez à coups de raclements et de reniflements sonores. le chauffeur reste sans réaction, sans même sourire. Quelques jours plus tard, Berberian est en train de dessiner cette scène pour le journal de l'album. Son épouse Anne vient le regarder, en tenant leur fille Nina par la main, elle-même tenant un biberon. Charles s'interrompt, et ils passent dans leur chambre, Anne demandant s'il parle déjà d'elle, des vacances, du fait qu'ils soient en vacances chez sa mère à elle dans le Quercy. Ils sortent voir les animaux dehors, avec leur fille dans les bras de son père. Ils sont donc en vacances dans le Quercy, chez Viviane la mère d'Anne, et c'est là qu'il a commencé son journal. Ils observent les poules et les cochons. Certes tout ce qu'il raconte là n'a rien à voir avec Monsieur Jean, mais c'est-à-dire qu'avec le chauffeur de taxi, ils en sont venu à parler bandes dessinées, et il a dit des trucs pas idiots à ce sujet, en gros que Charles faisait des bêtises. Ça lui évoque Astérix et Obélix. Il se souvient qu'il se marrait bien en lisant ça, il se demande où ils vont chercher toutes ces bêtises, pas vrai ? Charles éprouve la sensation que le chauffeur le punit en le fouettant. Il explique que pour trouver ces bêtises, il regarde autour de lui, il observe les gens et il en fait des histoires. Au bout de quelques pages, le lecteur comprend que le titre est à prendre littéralement : Dupuy & Berberian ont documenté leur processus de réalisation du troisième album de la série Monsieur Jean, sous la forme d'un album de bande dessinée. le présent ouvrage se compose de quatre parties. La première réalisée par Charles Berberian, de quarante-et-une pages, composée de trois chapitres. La deuxième réalisée par Philippe Dupuy, comprenant quarante-huit pages, et se composant de quatre chapitres. Enfin une autre partie réalisée par Berberian comptant quatorze pages, et une dernière réalisée par Dupuy, de douze pages. Chaque auteur raconte donc sa tranche de vie correspondant à la gestation de l'album, depuis les premières idées jetées par Berberian, jusqu'à la parution du tome trois de la série Monsieur Jean et à la dernière question : quel éditeur pour le Journal d'un album ? Comme dans toute autobiographie, même si celle-ci est croisée, le lecteur sait que les auteurs ont retenu des moments choisis, et les présentent comme ils l'entendent. L'un comme l'autre l'évoque de front ou de manière incidente : que raconter ? Un trajet en taxi, des anecdotes familiales, les discussions avec les fondateurs de la maison d'édition l'Association (Jean-Christophe Menu, Lewis Trondheim, David B., Matt Konture, Patrice Killoffer, Stanislas), et bien sûr quelques-unes de leurs interrogations, de leurs doutes, des difficultés créatrices, mais aussi des difficultés matérielles, l'éditeur Les Humanos traversant une période difficile sur le plan financier et sur le plan juridique. Il suffit donc au lecteur de savoir que l'appellation Dupuy & Berberian recouvre un duo de bédéistes, que leur personnage principal se nomme Monsieur Jean, et que sa série se focalise sur des moments de sa vie parisienne. Charles apparaît comme un monsieur sympathique, pas trop angoissé, ne sachant pas trop comment commencer son journal, ce qui nourrit les premières scènes. Il représente ses personnages de manière semi-réaliste, avec un trait de contour un peu fin, et une apparence qui s'apparente de près à celles des personnages de la série Monsieur Jean, gros nez compris. Les dessins comprennent un degré de caricature, avec des contours pas toujours très droits, comme mal assurés ou réalisés rapidement, un air de bande dessinée indépendante, ou un dessinateur peu porté sur l'application du travail d'encrage, ou encore une bande dessinée conservant sa spontanéité. le lecteur suit bien volontiers cet auteur dans la banalité de son métier et de sa vie de famille, mais aussi dans l'exotisme de la profession de bédéiste. Outre le fait que le personnage principal change, le lecteur remarque bien le passage d'un auteur à l'autre car le trait de Dupuy est plus appuyé, plus gras, plus agréable à la vue. Dans le même temps, il identifie également tout de suite la parenté avec les dessins de la série Monsieur Jean, même si ce dessinateur-là n'affuble pas ses personnages de gros nez. Il se révèle être également un excellent conteur, par exemple cette page où il évoque la vie de son père en seulement six cases. En comparant ces planches-ci avec celles de la première partie, il peut se faire une vague idée de ce qu'apportent un dessinateur et l'autre. Il constate que pour l'un, comme pour l'autre, les personnages représentés arborent tous un air sympathique, sans être nunuches, mais sans agressivité. L'un et l'autre savent poser un décor en quelques traits, tout en intégrant des éléments spécifiques qui rendent unique la ferme de Viviane dans le Quercy, ou permettent de reconnaître au premier coup d'œil, la gare Montparnasse. Ils utilisent avec la même aisance le glissement vers l'exagération visuelle, que ce soit avec Charles enfant, ou la mégalomanie débridée de Charles représenté par Phillipe lors qu'il abat une quantité de pages de Monsieur Jean, tout seul. Cette lecture exhale un peu plus de saveurs pour celui qui a lu le tome trois de la série : il peut alors faire le lien avec une ou deux anecdotes de la vie personnelle de l'un ou de l'autre, et une aventure de Jean, ou bien encore identifier la métaphore du château assiégé par des femmes qui lancent des bébés aux soldats qui montent la garde sur les remparts. Au cours des séquences, Charles comme Philippe s'interroge sur leur rapport à la création, de manière superficielle, et plus sur leur comportement, leur mode de vie. Ça commence avec Charles qui estime qu'il est un adolescent attardé, ou même un enfant attardé à collectionner des figurines des Simpson, à accumuler des bandes dessinées (jusqu'à garder de vieux albums de Ric Hochet) alors que son appartement est plein à craquer. Ça continue avec Philippe qui trouve qu'il n'arrive pas à se faire à son âge, la trentaine : il continue à acheter des casquettes, à se balader en blouson et tee-shirt, voire même en baskets, comme un adolescent boutonneux, et à dépenser son argent en cinéma et en restaurants, alors qu'à trente-trois ans il devrait consacrer son argent à élever ses enfants (à son âge, son père avait quatre enfants). L'épilogue de Charles le met en scène comme Robin, Philippe jouant le rôle de Batman, en costume l'un et l'autre. Il est question de leur amitié et de leur collaboration professionnelle, des incertitudes sur la parution de l'album de Monsieur Jean, et de leur rémunération. Il cite un passage d'un livre de Serge Rezvani, peintre, écrivain et auteur-compositeur-interprète français d'origine iranienne : À force de me situer à côté, en indiscipline et de la peinture et de l'écriture, prétendant à la transversalité, j'en suis venu à croire, comme le tireur à l'arc aux yeux fermés, que la pensée est à la fois flèche et but, et qu'il est donc inutile et distrayant de se préoccuper de quelle nature sont la flèche et le but, car seul d'arquer son arc sans décocher la flèche suffit. Charles s'interroge sur la beauté du geste, celui de dessiner et sur sa finalité. Puis Philippe évoque les étapes successives pour finir les planches de l'album jusqu'à sa parution : un vrai jeu de l'oie où le passage d'une case à la suivante est tributaire d'événements arbitraires, totalement indépendants des auteurs, à commencer par la santé financière de leur éditeur. Charles Berberian et Philippe Dupuy ont fait le projet de réaliser un album de leur série Monsieur Jean, le troisième tome, et d'en documenter le processus sous la forme d'un journal à la narration libre, et séparée, chacun produisant ses chapitres seul, de son côté. Ils exposent leurs doutes sur la nature nombriliste d'une telle démarche, et réalisent des pages assez proches graphiquement de la série. Ils plongent le lecteur dans leur quotidien, au travers de morceaux choisis, et mis en scène, une autre forme de construction que celle de Monsieur Jean, mais pas une œuvre spontanée et sans réflexion ou formalisation. Le tout invite le lecteur aux côtés du quotidien de deux bédéistes, avec des personnalités différentes, des narrations visuelles assez proches, pour des tranches de vie banales dans ce qu'elles ont de pragmatique, mais aussi uniques car intrinsèquement liées à eux, à leur situation personnelle du moment, à leur l'étape qu'ils effectuent dans leur métier, à la fois une étape pour grandir, à la fois un reflet de la fragilité de l'artisanat.
Dans ce petit bouquin on en apprend un peu plus sur les auteurs, sur leurs méthodes de travail en commun... mais finalement je n'ai pas découvert grand chose sur le métier d'auteur de BD. On suit aussi leur petites misères existentielles, rappelant celles de leur personnage Monsieur Jean (et pas beaucoup plus intéressantes). Un petit bouquin sympathique, sans plus.
Je connais très peu Dupuy et Berberian. Avec cette BD, on apprend à les connaitre. Ce journal est plaisant à lire. Ils nous livrent leurs difficultés rencontrées lors de la création du tome 3 de Monsieur Jean. Ils abordent la partie professionnelle tout en y incorporant des anecdotes personnelles et privées mais influant sur leur travail. Cette BD leur a servi d'exutoire car la gestation de l'album aura été difficile. La retranscription de cette aventure humaine offre une vision de ce qu'il se passe avant que l'album nous arrive dans les mains. L'humour est au rendez vous même pour décrire les périodes les plus difficiles. L'alternance des auteurs au scénario et au dessin ne gène nullement la lecture. Au contraire cette dualité démontre sa complémentarité.
Au début, j'avais de la difficulté à rentrer dans l'histoire et je me disais 'Oh non ! Je vais m'emmerder pendant toutes ces pages." Puis, j'ai ri une fois quand Dupuy est dans un genre de festival et j'ai totalement embarqué quand Berberian fait sa première histoire et se rabaisse par rapport à son co-auteur. Ça m'a fait rire aux larmes ! Par la suite, j'ai apprécié les autres récits car les auteurs ont du talent pour ne pas endormir le lecteur et raconter des anecdotes savoureuses. Toutefois, je ne pense pas que tout le monde puisse aimer ce genre d'album. Je pense qu'il faut aimer le style des auteurs.
Cette BD m’a permis de découvrir un peu mieux le couple d’auteurs Dupuy & Berberian. Mine de rien, c’est vrai que je n’avais aucune idée de quelle manière ils travaillaient ensemble et comment ils se partagent le même dessin de leurs albums. Ce « journal d’un album » se présente sous la forme d’un vrai journal de bord un peu mis en forme dans lequel chacun des deux auteurs dit alternativement ce qui lui passe par la tête. Ca peut être des anecdotes familiales comme des états d’âmes ou quelques réflexions sur la BD, leur création et plus précisément sur la parution du troisième tome de Monsieur Jean. Sans être passionnant ni novateur, j’ai trouvé ces récits intéressants et bien racontés. Différents points m’ont plus intéressé que d’autres, notamment de comparer les dessins de Dupuy et de Berbérian qui ici dessinent séparément, et de voir que jusqu’au dernier moment cette BD a failli paraître chez les Humanoïdes Associés plutôt qu’à l’Association, et que finalement cela ne tient qu’à peu de choses. Pour le reste, j’ai simplement été heureux d’en apprendre un peu plus sur ces auteurs. Je m’en sens un peu proches désormais alors qu’ils m’indifféraient un peu jusqu’à présent. A lire pour le plaisir et pour un léger intérêt, mais n’en attendez pas de grandes révélations ni une grande originalité de récit.
Aimant beaucoup Monsieur Jean, je me suis arrêtée sur ce récit... et ça valait le coup ! Les deux auteurs racontent, chacun à leur tour, comment ils ont vécus la réalisation du quatrième album de la série. Enfin, ça c'est la théorie, parce que comme dans tout journal, ils dérivent pour se mettre à parler de leur passé, de leurs démons, ou de petites anecdotes. C'est très intimiste, surtout pour la partie de Berbérian où l'on se sent parfois gêné de rentrer à ce point dans sa vie privée. Mais c'est surtout un récit très agréable à lire, proche finalement de leur série de fiction, puisque ça reste des impressions contemporaines sur la vie de tous les jours. Par rapport à Approximativement (le même exercice réalisé par Trondheim), c'est moins construit, plus intime. Même en se disant qu'ils ont peut-être tout reconstruit pour écrire cet album, on a envie de croire qu'ils ont vraiment joué le jeu et nous ont livrés directement leurs impressions. On peut aussi penser à L'Artiste de la Famille (Larcenet), mais ici, c'est une vraie BD, avec des personnages, beaucoup d'humour, etc.
Un album rare, à ma connaissance, aucun dessinateur de bd n'a décrit de cette manière ses difficultés. Ces deux-là nous font encore rire et réfléchir. Ils frappent toujours aussi juste. On s'aperçoit avec ravissement à quel point chacun d'eux EST Monsieur Jean, même s'ils ne veulent pas se l'avouer. Si vous aimez la série Monsieur Jean, cet album en est un complément indispensable. Si vous ne la connaissez pas, il vaut mieux que vous vous interessiez d'abord à la série, histoire de comprendre de quoi ils parlent.
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