Moi, Jeanne d'Arc (Jeanne d'Arc)
Tout le monde connaît le mythe de la petite bergère de Domrémy devenue capitaine d'armée, à laquelle les troupes du Roi durent de bouter les anglais hors de France, puis exécutée pour hérésie sur le bûcher de Rouen. Jeanne d'Arc, figure légendaire instrumentalisée par le pouvoir religieux et par le pouvoir politique, reste encore aujourd'hui un objet de fascination comme de controverse.
1300 - 1453 : Moyen Âge et Guerre de Cent ans Des Ronds dans L’O Ecole Supérieure des Arts Saint-Luc, Bruxelles Guerrières Jeanne d'Arc La BD au féminin Les petits éditeurs indépendants Sorcières
C'est de ce mythe queValérie Mangin, spécialiste de l'histoire-fiction (Le dernier Troyen, KGB, Luxley...) et Jeanne Puchol s'emparent, offrant une lecture originale de la destinée de cette jeune fille vue à travers le prisme de la sorcellerie et du féminisme. Initiée aux anciens rites, bien antérieurs à l'implantation du catholicisme, Jeanne accepte d'offrir sa vie en sacrifice en échange d'une année de gloire. Initiée par des femmes détentrices d'un savoir récusé par l'Église, elle va faire le choix d'une vie courte et intense, bien éloignée de la destinée d'épouse et de mère à laquelle sa condition la destinait. Une fiction brodée sur la trame de l'histoire par deux auteures qui offrent à la figure déjà complexe de Jeanne d'Arc une étoffe psychologique inattendue, brossant par la même occasion un portrait de femme d'une grande densité.
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Date de parution | 06 Mai 2011 |
Statut histoire | Série terminée (T2 dans intégrale parue chez Ronds dans l'O) 1 tome paru |
Les avis
J’ai beaucoup aimé ce livre, je trouve que les dessins sont vraiment bien réalisés et qu’il raconte en détails l’histoire de cette femme qui est à mes yeux une héroïne chargée de bouter les Anglais hors du royaume de France et qui réussit finalement à le faire mais qui finit par être condamnée à mourir pour hérésie sur le bûcher. Ce livre est pour moi un véritable coup de coeur, j’ai beaucoup aimé l’histoire.
Cette relecture de l'histoire de Jeanne d'Arc telle que nous la connaissons présente une certaine audace, car elle aborde sous un angle atypique le destin de la célèbre Pucelle d'Orléans par le biais de la sorcellerie. Valérie Mangin n'en est pas à ses débuts pour étonner le lecteur en détournant des sujets, comme elle l'a fait dans d'autres Bd, et cette idée pouvait être intéressante à développer, pourquoi pas ? On ne pourra sans doute jamais expliquer pourquoi Dieu a choisi une petite bergère lorraine pour sauver le royaume de France de l'Anglais plutôt qu'un vrai seigneur de guerre sachant se battre... mais ça remettrait en question bien des choses à propos du procès de Jeanne qui fut brûlée sur l'accusation de sorcière, et justement, Mangin joue sur cette idée qui peut évidemment paraître sacrilège et antinomique aux yeux de la chrétienté, mais intéressante à explorer. Le récit s'imbrique bien dans la grande Histoire et les événements réels, on y voit notamment le Bal des Ardents (qui conforta la folie de Charles VI) et la réception de Jeanne à Chinon où elle révèle en secret au Dauphin ce que nul ne pouvait savoir à son sujet ; on a jamais su ce que Jeanne avait pu dire à Charles lors de cet entretien secret car personne n'en fut témoin, et ce qu'elle dit ici me convient, c'est plausible. Par contre le rendu autour des scènes de sorcellerie, le prétendu saphisme de Jeanne (qu'elle oublie lorsqu'elle voit Gilles de Rais), certaines scènes inutiles et certains autres détails ne m'ont pas tellement interpellé ni convaincu, j'ai trouvé cette sorte de deal avec le diable, à savoir connaître une année de gloire et en remerciement offrir sa vie sur un bûcher, assez moyen, j'aurais préféré un éclairage différent. C'est dommage parce que j'aime bien le dessin, il se prête parfaitement à cette époque traitée et reproduit bien les lieux connus, de même que les personnages sont réalistes. Un mythe revisité un peu gâché.
Valérie Mangin est avant tout une historienne. Elle le prouve en nous livrant sa version personnelle de Jeanne d'Arc qui ressemble un peu à celle de Luc Besson dans son film. Il est vrai que jusqu'ici, Valérie Mangin avait utilisé le procédé de l'uchronie dans ses précédentes oeuvres. Elle surprend un peu mais on ne retrouve pas ce qui faisait justement le charme de ses récits. En l'occurrence, on est plongé dans une espèce de vision à deux mondes: celle de divinités anciennes de la forêt qui s'opposerait au christianisme. Dans cette version, Jeanne d'Arc serait une sorcière qui savait le sacrifice qu'elle ferait. Oui, cette lecture n'a pas convaincu. Loin de l'instrumentalisation politique, l'auteur a le mérite de nous donner une biographie osée et controversée de la pucelle d'Orléans. Un résultat en tout cas assez loin de la version officielle et en cela, cela mérite lecture. A noter que j'ai lu l'édition intégrale parue en mars 2012 par l'éditeur des Ronds dans l'eau. Le titre est légèrement modifié: Moi, Jeanne d'Arc.
Autant le pitch de cette série paraissait intéressant, autant le résultat m'a déçu. Elle était sensée avoir sa place dans l'éphémère collection Sorcières de l'éditeur puisqu'il s'agit d'imaginer le personnage de Jeanne d'Arc comme étant une véritable initiée aux arcanes de la sorcellerie authentique, celle vénérant la déesse Lune et le Dieu Cornu. L'idée était intéressante. Revisiter l'Histoire avec un nouveau point de vue, présentant non pas la fameuse Pucelle d'Orléans comme un guerrière instrumentée par le pouvoir politique et religieux de l'époque, et encore moins comme une Sainte, mais comme une femme complexe, tourmentée, plus ou moins lesbienne et faisant partie d'une cabale de femmes que l'on doit dénommer sorcières et qui a pour but apparent de remettre le Dauphin sur le trône de France et de chasser l'envahisseur anglais. Malheureusement la transposition de cette idée en récit est loin de m'avoir convaincu. Pour commencer, le graphisme ne m'a pas plu. Le trait réaliste de Jeanne Puchol m'a paru incertain et disgracieux. Cet effet est accentué par la colorisation d'Elvire de Cock. Certes, j'aurais pu me réjouir que celle-ci ne soit pas informatique mais je l'ai trouvée d'une certaine manière confuse et sans charme. Ensuite, l'histoire m'a laissé perplexe. Le personne de Jeanne est présenté sans grand charisme, je n'ai pas eu envie de m'attacher à son histoire. Et très vite toute la trame autour de la sorcellerie m'a été pénible. Cette caste de femmes initiées se rapproche certes de la justesse des religions paiennes, celles de la Déesse-Mère, et des récits anciens de Sabbats aux solstices d'hiver et d'été, mais certains éléments dans la façon dont tout cela est présenté m'ont paru grotesques. Ces auréoles sur les têtes des initiées, le côté figurant du Dieu Cornu cantonné à trôner dans ses flammes, ces femmes qui s'embrassent et s'enlacent nues sans raison, pas même symbolique à mes yeux... Et puis toute la trame de fond évoquant une telle société de femmes qui seraient par définition les antinomiques des hommes, les bernant ou les rejetant tous, étrangers comme proches, sauf dans la passion destructrice ou pour des raisons politiques, a agacé mon esprit féministe qui veut que les femmes soient purement les égales des hommes. Au final, malgré une certaine pointe de curiosité pour voir où les auteures allaient mener leur récit, je n'ai pas pris de plaisir à la lecture de cette bande dessinée. La suite pourra peut-être faire évoluer mon avis mais j'en doute un peu.
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