Habibi
Au fil de ce grand récit tour à tour onirique, érudit et sensuel, dans une capiteuse atmosphère orientale digne des Mille et Une Nuits, Craig Thompson livre un travail graphique d’une impressionnante sophistication, traversé par de multiples réminiscences issues des traditions sacrées chrétiennes et musulmanes.
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Vendue à un scribe alors qu’elle vient tout juste de quitter l’enfance, puis éduquée par celui-ci, une très jeune femme voit son mari assassiné sous ses yeux par des voleurs. Elle parvient pourtant à leur échapper et trouve refuge sur une improbable épave de bateau échoué en plein désert, en compagnie d’un enfant nommé Habibi. Ensemble, dans des décors souvent nimbés de magie, ils vont grandir et vivre leur vie au sein de cet étrange endroit, en s’efforçant autant que possible de se protéger de la violence et de la dureté du monde, au rythme des contes, histoires, mythes et légendes racontés par la jeune femme…
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Date de parution | 26 Octobre 2011 |
Statut histoire | One shot 1 tome paru |
Les avis
L’histoire suit Dodola et Zam, deux personnages que j’ai trouvés profondément attachants, et dont le parcours est rempli de violence. La relation entre eux est le cœur de l’œuvre, et c’est vraiment ce qui m’a touché. Thompson réussit à les rendre très humains malgré tout ce qu’ils traversent. Visuellement, c’est un vrai travail d’orfèvre. Les dessins sont incroyablement détaillés, avec des motifs rappelant l’art islamique, et chaque page est un régal pour les yeux. Mais parfois, j’ai trouvé que c’était un peu trop chargé, que ça alourdissait l’ensemble. Les références religieuses et symboliques apportent beaucoup, mais elles ont aussi tendance à ralentir le rythme, à compliquer une histoire qui aurait peut-être gagné à être plus fluide. Il y a des moments où j’ai décroché, où l’intrigue semblait presque étouffée par toute cette richesse visuelle et thématique. C’est une œuvre qui demande de la concentration, et même si j’ai apprécié la profondeur des thèmes, je dois avouer que ce n’est pas le genre de lecture qu’on finit d’une traite. C’est une belle lecture, mais parfois un peu trop dense pour que tout coule vraiment naturellement.
Une saga tourbillonnante qui navigue entre douleur, humanité, ésotérisme et grandiloquence. On est ballotté dans les aventures tragiques de Dodola, dans un monde et un temps indéterminé où les femmes en prennent plein la gueule et peuvent passer des douces tentures du Harem, dans un esclavage soft, aux vents arides du désert, dans une liberté solitaire et démunie. Aucune morale à chercher dans tout cela, c'est une tempête rondement menée, avec des retours en arrière, des rebondissement qui passent du plus profond de l'échec jusqu'à la lumière de la réussite, et inversement. Le voyage est long, Dodola est le centre de l'action et son parcours est notre bouée dans cet océan, parfois forte, parfois emportée dans les contraintes du scénario. On traverse tous les imaginaires (les mille et une nuit, la psychanalyse, l'ancien testament, les peintres de la renaissance, les soufis, Gilgamesh, et surement des tas d'autre que je n'ai pas vu...) accrochés aux jupes de cette héroïne orientale. Les thèmes de la maternité, la richesse, la culture, la religion y sont malaxés dans une trait noir et agréable à l’œil. les décors arabisant, les frises géométriques sur fond noir accompagnent les chapitres. Et leurs titres assemblées dans une logique présentée comme ésotérique bercent plutôt qu'ils n'expliquent. Les pages sont denses, les dialogues et les voix off passent du théâtral au touchant, voire au vulgaire, sans transition. On sort de cette longue lecture (660 pages, quand même) comme d'un rêve alambiqué, avec le vague sentiment que la sensualité est un piège sophistiqué pour asservir les femmes. Est-ce cela le message ?
Craig Thomson, toujours pas… J’avais un bon souvenir de mes quelques lectures de Habibi il y plusieurs années, ce qui m’avait entrainé à acheter Blankets dans la foulée. Et là encore, je ne m’y retrouve plus du tout. Le dessin est vraiment magnifique. Les formes, les courbes et les lettrages nous font entrer dans un bel univers graphique et les corps nus dégagent beaucoup de sensualité. Mais l’histoire est lourde de sujets trop multiples. Le rendu final donne un bouquin inutilement compliqué qui voudrait avoir la prétention de passer des messages forts. Je lis jusqu’au bout mais je m’ennuie pas mal. L’univers graphique offre de la poésie mais l’écriture est trop souvent vulgaire, et ça casse l’ambiance. Je trouve même que certaines scènes sont malaisantes, à commencer par toutes ces perversités sexuelles qui n’apportent pas grand chose à part chercher à nous faire larmoyer sur le sort réservé à nos 2 héros. C’est too much, avec ce magnifique dessin j’attends plus de subtilité. Pareil pour le thème de l’écologie, je n’aime pas l’approche. On en parle pour nourrir l’environnement du récit et pour ajouter du dramatique, sinon franchement on s’en fiche complètement ici. Et enfin le thème sur les religions, super lourd. Chose que j’avais apprécié chez Blankets (fait rare), je n’ai pas été convaincu ici. Ça part dans tous les sens. Tout cela m’apparaît accessoire quand je vois l’épilogue, où finalement seule la question de là relation entre Dodola et Zam compte. Plus de 600 pages qui se parcourent facilement grâce au dessin mais le reste me laisse de marbre, faute à un trop plein de thèmes maigrement exploités ou qui n’avaient pas lieu d’être pour moi. Dommage parce que l’aventure de Dodola et Zam n’est pas sans intérêt.
Le dessin de Craig Thompson dans cet album est véritablement superbe. Non seulement dans l'ornementation ciselée de chacune de ces pages, mais aussi plus généralement dans son trait, que je ne pourrai que qualifier d'extrêmement sensuel, quel qu'en soit le sujet. Une fois ce point de vénération établi, que m'a raconté Habibi ? Eh bien cet album ne m'a pas raconté une histoire, mais plutôt une juxtaposition d'histoires. Si les histoires de Dodola et Zam - car même là il y a plusieurs histoires - traversent l'album de part en part, se croisant, divergeant, se recroisant puis se rejoignant, de nombreuses autres histoires faisant souvent référence au Coran ou à la Bible viennent s'y greffer. On y trouvera aussi quelques contes et légendes, et un certain nombre de passage traitant d'ésotérisme, concernant les nombres et carrés magiques, la calligraphie ou plus fondamentalement la mystique religieuse. Ayant plutôt un penchant agnostique (et au vu des noeuds au cerveau que la religion donne ici je m'en félicite), cette partie ésotérique n'a présenté aucun intérêt pour moi, s'avérant même pénible, et de mon point de vue stérile et vaine, et ce malgré une véritable beauté graphique. Au-delà de l'ésotérisme, l'aspect religieux est assez présent. L'aspect culturel aussi, les deux étant parfois difficilement distinguables, liés qu'ils sont au sein de la tradition. Et pourtant on n'apprendra à peu près rien sur l'Islam, ou alors je dormais les yeux ouverts lors de ces passages. Autre histoire encore, celle de l'appropriation des ressources rares et précieuses - en l'occurrence l'eau. Et enfin, dans un registre voisin, la destruction de l'environnement et ses conséquences sur la vie pour l'Homme. La thématique est certes intéressante et d'actualité (!), mais elle est pour moi arrivée un peu comme un cheveu sur la soupe en fin d'album. Au milieu de tout ce méli-mélo, la sexualité est omniprésente. Physique (surtout) ou spirituelle (un peu), elle prend beaucoup de formes. Souvent peu ragoûtantes, d'ailleurs. Relations pédophiles, prostitution consentie ou forcée, viols, absence de consentement à un point tel qu'on ne pense même pas que la femme peut avoir un avis sur le sujet (il faut attendre la page 440 pour que Zam demande à Dodola si elle est d'accord pour qu'il la déshabille alors même qu'elle est très mal en point), la liste est longue. Et le dessin, magnifique et très sensuel y compris sur ces scènes parfois pénibles prend alors bien souvent un goût teinté d'amertume. Au final, je ne suis pas convaincu par le fait que cet album parte dans plein de directions et manque donc vraiment d'unité. Utiliser 660 pages pour raconter quelque chose dont on ne se souviendra pas, était-ce vraiment le meilleur choix ? Je ne suis pas non plus très attiré par de nombreux aspects de la sexualité qui me paraissent carrément malsains, ou présentés maladroitement. Je pense pour ce dernier point au choix des eunuques que croise Zam. Les questions du choix et de ses raisons, de la sexualité physique et spirituelle, et de l'écart entre la réalité de la chose et "l'idéal" sont intéressantes, mais finalement juste survolées. Et bien sûr je me suis juste profondément ennuyé lors des passages ésotériques. Le machin qui se fait des noeuds au cerveau pour ne rien dire. Dans le même registre, From Hell et en particulier son chapitre 4, avait une tout autre portée... Cela étant, graphiquement c'est magnifique, et il s'agit là d'une lecture riche. Note réelle : 2,5 / 5.
Après la délicatesse de Blankets, j'ai gardé un goût amer suite à cette lecture. Trop... Voilà. Trop dense, et pourtant trop éparse, trop glauque... Je n'arrive pas à me gargariser avec les pires noirceurs de l'humanité. Les illustrations en noir et blanc sont pour autant magnifiques, et cette focale sur les religions monothéistes intéressante.
Dernière œuvre fleuve de Craig Thompson qui ne laisse pas indiffèrent. Et ce ne sont pas les avis ci dessous qui vont me faire dire le contraire…. Graphiquement, on retrouve le style qui caractérise maintenant l’auteur avec sa maitrise du noir et blanc qui va grandissant au fil de ses albums et des années qui passent. Le travail est tel que certaines planches de ce roman me laissent en extase pendant plusieurs minutes et Dieu sait que ce n’est pas facile vu le poids du bouquin. On est dans du Thompson pur jus et moi je trouve ça beau. Côté scénario, c’est assez déstabilisant. D’abord parce que je n’ai pas su me situer dans le temps : contemporain ou 50 ans en arrière ? Et puis au fil de la lecture, j’ai laissé tomber, car un conte n’a pas de repère temporel. En 600 pages, Graig Thompson aborde un peu tout ce qui lui tient à cœur. Ça fait beaucoup, mais pour moi, le liant à fonctionné. Peut-être pas aussi bien que pour un Blanket, mais j’ai lu Habibi sans rechigner, ni m’embêter. Scénaristiquement peut-être pas le meilleur de Thompson, mais graphiquement il n’a jamais été aussi bon.
2.5 Encore une lecture qui me déçoit et où je ne suis pas sûr de savoir si j'aime ou non. Il y a des choses que j'ai aimées et d'autres que je n'ai pas aimées. Tout d'abord, je précise que je n'ai aucun problème pour lire les longues histoires, mais il faut que ça soit passionnant. Ici, je trouve que l'auteur aurait très bien pu couper certains passages et vers la fin j'en avais un peu marre de cette histoire d'amour mettant en vedettes deux personnages que je ne trouve pas attachants. Le symbolisme présent dans l'album ne m'a pas du tout intéressé et j'ai trouvé certaines informations inutiles au récit. Est-ce que j'avais vraiment besoin de savoir ce que disent certains passages de livres religieux ? Et puis pourquoi vers le 3/4 de l'ouvrage on tombe dans l'époque moderne ? Je pensais que l'action se passait dans le passé. Enfin, il y a quand même des trucs pas mal et la mise en scène est souvent bien faite. Le dessin de Thompson est toujours aussi excellent et dynamique. Cela permet de lire l'album sans trop de problèmes même lorsque je trouvais un passage ennuyeux.
Après le superbe Blankets, je n’imaginais pas que Craig Thompson puisse faire mieux… et pourtant c’est le cas avec cet autre pavé, encore plus épais (665 pages). Si pour moi Blankets représente l’archétype du roman graphique, je dirais qu’avec Habibi, Thompson a inventé la formule idéale du « roman graphique picaresque ». Que dire, c’est tout simplement époustouflant, tant au niveau de l’histoire que du graphisme, encore plus poussé. L’auteur s’est littéralement surpassé, son trait élégant semble avoir fusionné avec l’Art islamique traditionnel, intégrant un luxe incroyable de détails (on reste abasourdi devant ces frises et motifs orientaux qui n’ont clairement pas été trafiqués par ordinateur). La mise en page est toujours surprenante et souligne judicieusement le contexte. C’est du grand art, et une fois encore, le noir et blanc se suffit largement à lui-même. L’histoire est complexe, alternant flashbacks, références bibliques et coraniques, évocation des légendes et poèmes orientaux, digressions sur la calligraphie arabe et ses aspects symboliques, avec des ouvertures vers la science et l’ésotérisme. Mais Thompson réussit pourtant, par une alchimie subtile, à faire tenir tout ça debout. Certes on ne rentre pas dans cette histoire comme dans un moulin, et il m’a fallu moi-même quelques pages pour m’habituer à ce mode de récit, mais une fois passé le cap, quel délice ! Il s’agit d’un conte épique et débridé, où l’auteur ne s’interdit aucun thème ni aucune représentation. Entre Blankets et Habibi, le lieu de l’action (Midwest américain et terre orientale indéfinie) et le genre (autobiographie et conte) diffèrent, mais on y retrouve les mêmes questionnements philosophiques et religieux, sur l’amour, le couple et la sexualité. Et malgré les nombreuses références à la religion, il n’y a aucune trace de bigoterie dans cette démarche : l’humour et les scènes de sexe (parfois tendres et sensuelles, parfois dures et rebutantes) viennent souvent équilibrer le propos. S’ajoutent à cela des préoccupations écologiques qui contemporanisent l’ouvrage. Si ce récit à la fois actuel et intemporel recèle un message humaniste de portée universelle, il est aussi un très bel hommage à la civilisation arabe, où l’auteur nous fait apprécier la beauté et la subtilité de son art, notamment la calligraphie qui tient une place très importante tout au long du livre. Il faudrait plusieurs lectures pour en absorber toute la richesse, mais en ce qui me concerne, ma vision d’occidental lambda en a été indéniablement modifiée, et il a fallu que ce soit grâce à un Américain ! Cette culture, malgré sa proximité géographique avec l’Europe, reste au final assez méconnue et toujours en proie aux préjugés. Et cela ne s’applique pas seulement à l’électorat perméable aux discours racistes. Craig Thompson a vraiment placé la barre très haut avec cet Habibi, qui pour moi tient à la fois du chef d’œuvre et du coup de cœur.
J'avoue que j'attendais beaucoup de cette lecture et que du coup ma déception est à la hauteur de celle-ci, d'où ma note peut-être sévère aux yeux de certains. C'est avec "Habibi" que je découvre le travail de Craig Thompson. Et vu les avis plutôt élogieux que j'avais vu passer, mon goût prononcé pour les romans graphiques, je m'étais dit que cette BD devrait me plaire. Raté... Si le graphisme et le travail de recherche sont considérables pour construire ce pavé de plus de 600 pages, je n'en ai pas moins ressenti un ennui grandissant au fil de ma lecture. J'ai été gêné par la multitude de messages que Thompson voulait faire passer. Sa vision de l'islam mise en perspective avec les deux autres grandes religions monothéistes prédominantes ; sa critique du monde moderne et de notre société de consommation ; l'égoïsme des gens ; sa vision des hommes par rapport aux femmes... Tout ça fait beaucoup de choses entremêlées qui au final se diluent l'une l'autre et perdent un peu le lecteur dans un nombre de pages trop important. J'ai par moment commencé à m'ennuyer ; le rythme ne tient pas la longueur. Thompson a beau vouloir jouer avec les codes du conte et du mystique, j'ai trouvé qu'il en faisait un peu trop. Dommage car son trait est magnifique et sa maîtrise du noir & blanc impressionnante. Reste qu'il faut pour produire une bonne BD savoir emmener TOUS les lecteurs à bon port, et ne pas en perdre en route dans le désert des messages et des symboles trop nombreux.
J'attendais depuis longtemps une autre oeuvre de Craig Thompson. Il faut dire que Blankets - Manteau de neige fut l'une de mes toutes premières lectures dans le roman graphique. J'avais beaucoup apprécié son talent de conteur. Après des années d'attente, voici Habibi qui nous libre une histoire totalement différente même si l'amour reste le thème central. Habibi est presque une révolution ultime: celle des sens, de la calligraphie qui épouse avec merveille le dessin au rythme d'un royaume imaginaire sorti des mille et une nuits. C'est le Moyen-Orient dans toute sa splendeur et sa décadence. On voit à l'horizon les problèmes de pollution qu'engendre une urbanisation à outrance. Il y a également le problème du traitement des eaux et de sa rareté. On pouvait craindre l'enlisement au bout de 600 pages. Ce fut tout le contraire ! C'est un récit qui monte en puissance pour nous délivrer d'un message au-delà des religions. Une œuvre forte et encore une belle réussite qui donne ses lettres de noblesse à la bande dessinée. De belles trouvailles graphiques avec un trait sombre, nerveux et puissant. On atteint presque le chef d'oeuvre annoncé avec un message fort et une conclusion idéale.
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