Elektra (Delcourt) (Elektra: Assassin)
La belle et dangereuse tueuse à gages Elektra se retrouve, une fois de plus, traquée par la terre entière pour avoir honoré un contrat sur la tête d'un président sud-américain...
Daredevil Elektra Frank Miller Guerrières Les ninjas Marvel Photo et dessin Super-héros Univers des super-héros Marvel
Fille d'un diplomate grec, Elektra Natchios a reçu dès l'âge de 12 ans un entraînement aux arts martiaux auprès des plus grands maîtres. Récupérée par la Main, une société secrète à la solde d'une créature démoniaque, la Bête, Elektra est formée à l'art du meurtre et bourrée de drogues qui renforcent son corps et soumettent son esprit à la Main. Mais notre belle tueuse à gages parvient à échapper à l'emprise de ses maîtres... Au début de cette nouvelle aventure, Elektra vient d'assassiner le président de San Concepción et se retrouve poursuivie par la police du pays ainsi que les services secrets des États-Unis. Capturée par le S.H.I.E.L.D. qui cherche à découvrir l'origine de ses pouvoirs surhumains, Elektra parvient à s'échapper grâce à la complicité de l'agent qui a permis son arrestation et qui, malgré les sévices qu'elle lui a fait subir, est tombé sous le charme vénéneux de cette femme ninja aussi sexy que redoutable. Pendant ce temps, dans l'ombre, la Bête fomente le plan qui lui permettra d'asservir le monde. Mais Elektra a senti l'odeur immonde de la Bête, et va tenter de l'arrêter...
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Date de parution | Mars 1989 |
Statut histoire | Série terminée (disponible uniquement en intégrale) 4 tomes parus |
Les avis
A la fin des années 80, 2 auteurs ont révolutionné le monde du comics: Alan Moore avec Watchmen et Frank Miller avec The Dark Night Returns et Electra Assassin. Je comprends que certains puissent être désarçonnés par cette histoire tant elle est novatrice. Novatrice par le scénario: énormément de « Off », avec l’utilisation d’un vocabulaire très cru dans une histoire foisonnante où se croisent une Ninja conditionnée à abattre une créature monstrueuse qui aurait pris les traits d’un futur président des États Unis. Une sorte de JFK en puissance au sourire « ultra brite », des agents secrets Américains reconstruits de toute pièce par une société qui en fait des sur hommes. Un président Americain en fonction représenté sous les traits d’un Nixon obsédé par la bombe atomique qu’il dit pouvoir activer a tout moment. Le tout sur fond de régîmes Sud Américain déstabilisés par les services secrets des États Unis, qui dans les années 80 avaient encore la phobie d’inavoué des régimes communistes à leurs portes. Si Elektra agit et combat, elle ne parle jamais tel l’agent tueur qu’elle est devenue. Seule référence au monde des comics classique, son idylle brève avec Daredevil sur lequel Frank Miller s’est longuement attardé par ailleurs chez Marvel. Cette mini série est également novatrice par le dessin de Bill Sienkiewicz: des dessins qui semblent être réalisés en couleurs directes, des collages également puisque la tête du futur président Ken Wind est systématiquement représentée par une photo ou on le voit avec un sourire figé. Je me souviens qu à la fin des années 80 ce graphisme a vraiment été un choc visuel pour beaucoup, et c’est toujours le cas aujourd’hui. Un classique que les amateurs de Comics doivent avoir lu au moins une fois dans leur vie.
Lait, batteur à œuf et mayonnaise - Ce tome regroupe les 8 épisodes de la minisérie initialement parue en 1986/1987. Quelque part dans un asile de San Conception, un pays d'Amérique du Sud, une jeune femme subit l'incarcération primitive réservée aux malades mentaux tout en examinant ses bulles de souvenirs. Elle se souvient quand elle était le ventre de sa mère, de la mort de sa mère, de sa tentative de suicide, de ses années de formation d'arts martiaux avec un sensei, puis avec des ninjas mythiques (Star, Shaft, Flame, Claw, Wing, Stone et Stick), etc. Petit à petit elle se rappelle l'enchaînement des événements qui l'a conduite à cette situation. Elle doit maintenant s'évader et empêcher la Bête de déclencher une apocalypse nucléaire. Elle doit également échapper aux équipes du SHIELD (une organisation étatsunienne de contre-espionnage aux gadgets haute technologie). Pour ça elle va manipuler sans vergogne John Garrett, un agent très spécial, même parmi ceux du SHIELD. L'introduction apprend au lecteur que ce projet était un souhait de Frank Miller qui a eu la latitude d'être publié par Epic Comics (la branche adulte de Marvel à l'époque) et que dès le départ il avait souhaité que l'histoire soit illustrée par Bill Sienkiewicz. Pour les puristes, le récit se situe avant qu'Elektra ne réapparaisse aux cotés de Matt Murdock dans la série Daredevil. En cours de lecture, il apparaît que le rôle à venir d'Elektra dans l'univers partagé Marvel n'a aucune espèce d'importance et "Elektra : assassin" peut lu, doit être lu indépendamment de la continuité. Frank Miller n'y va pas avec le dos de la cuillère (c'est d'ailleurs un peu son habitude) : Elektra est une ninja qui maîtrise plusieurs techniques surnaturelles dérivées de sa formation avec les 7 maîtres ninjas. Elle est capable de télépathie rudimentaire, de manipulation mentale complexe, de prouesses physiques dépassant les possibilités naturelles du corps humain. Cet aspect superhéros peut devenir un trop exagéré dans certaines scènes (2 combats d'affilé sous l'eau, sans respirer). Miller s'en sert également à plusieurs reprises comme d'un deus ex machina permettant de trouver une porte de sortie artificielle d'une situation désespérée. le récit n'est donc pas à prendre au premier degré, et s'il possède sa logique interne, Miller tourne en dérision plusieurs péripéties. Comme à son habitude, il charge également la barque sur la représentation des politiques : tous pourris, menteurs, névrosés, hypocrites, à moitié fou (le président en exercice remportant la palme haut la main). Malgré tout, au premier degré, l'aventure tient la route et entretient un suspense soutenu, dans un pastiche mêlant ninja, complot et contre-espionnage, avec une franche violence. Ce ton narratif décalé et ironique doit beaucoup aux illustrations de Bill Sienkiewicz, avec qui Miller avait déjà collaboré pour une Graphic Novel de Daredevil Guerre et amour en 1986. Sienkiewicz prend grand plaisir à interpréter à sa sauce chaque scène, chaque case, avec le style graphique qu'il juge le plus approprié au propos. La première page commence avec une illustration pleine page à la peinture d'une plage paradisiaque avec la mer, le ciel et des cocotiers dont le feuillage est d'un vert saturé. Page suivante, Elektra évoque ses souvenirs et le rendu devient un dessin d'enfant aux crayons de couleur. 3 pages plus loin 3 illustrations mélangent peinture et collage. 1 page plus loin, Sienkiewicz a recours à des formes simples au contour presque abstrait avec des couleurs plates et uniformes. La page d'après il semble avoir découpé des forme dans une feuille de papier blanc, qu'il a collé sur une feuille orange dans une variation de tangram. Quelques pages plus loin, une pleine page à l'aquarelle représente les femmes internées dans des conditions concentrationnaires. Contrairement à ce que le lecteur pourrait craindre, le résultat ne ressemble pas à un patchwork indigeste, ou à un collage psychédélique pénible. le saut d'une technique à l'autre est plus intense dans le premier épisode que dans les suivants parce que l'histoire est racontée du point de vue d'Elektra dont le fonctionnement intellectuel est perturbé par la rémanence d'un puissant psychotrope dans son sang. Il faut dire également que Frank Miller accompagne parfaitement chaque changement de style en établissant un fil conducteur d'une solidité à toute épreuve. Avec cette histoire, il a parfait ses techniques de narration. Il écrit les flux de pensées des personnages en courtes phrases parfois interrompues quand une idée en supplante une autre, parfois avec des associations de mots sans former de phrase. Ces pensées sont écrites dans de petites cellules dont la couleur du fond change avec le personnage. John Garrett dispose de cellules de pensée, à fond bleu, Elektra à fond blanc, Sandy à fond rose, etc. Frank Miller adopte également un style rédactionnel différent pour chaque personnage, le pompon revenant à Sandy avec ses cellules à fonds rose et ses phrases à la guimauve fleurant bon les romans de gare à l'eau de rose. Ainsi Miller assure la continuité narrative et justifie chaque changement de style. Mary Jo Duffy indique dans l'introduction américaine que Miller rectifiait ses textes (et même son scénario) après avoir vu chaque planche pour s'adapter à la démesure graphique de Sienkiewicz. Sienkiewicz ne se contente pas de changer de style pictural régulièrement, il interprète également la réalité. le scénario de Miller ne fait pas dans la dentelle, il incorpore un niveau de violence très élevé avec des éléments surnaturels, Sienkiewicz relève le défi. Dans le deuxième épisode, Elektra se souvient des 6 instructions fondamentales de son sensei. Il est représenté uniquement sous la forme des yeux et des sourcils qui dépassent sous un calot blanc et un foulard qui lui mange le bas du visage. Ses consignes sont directement lettrées sur le calot et sur le foulard. Épisode 3, Garrett est attaché à une machine technologique futuriste dont la forme est fortement inspirée par celle d'une machine à coudre du début du vingtième siècle. Dernière page de l'épisode 5, Elektra et Garrett sont sur un engin volant dérobé au SHIELD qui évoque fortement une locomotive à vapeur. Ce qui achève de rendre cette lecture agréable est l'humour ironique, sarcastique, moqueur, vachard, tant dans les textes que dans les images. Il faut voir Elektra et Garrett assis sur un lit en forme de cœur et fourbir leurs armes amoureusement, Chastity (une agente du SHIELD) déguisée en nonne, Perry (l'ex coéquipier de Garrett), parler le plus naturellement du monde alors qu'il a un couteau fiché en plein du front, le caleçon logotisé SHIELD de Garrett, la forme des aides laborantins clonés, etc. Avec cette histoire, Frank Miller a écrit un gros défouloir sadique à l'humour corrosif dont il a le secret. Sous les pinceaux de Sienkiewicz, ce récit potache est sublimé en un tour de force picturale hors norme. En écrivant les textes après avoir vu les pages dessinées, Miller eut la présence d'esprit et le talent de les revoir pour s'adapter à ce foisonnement d'idées, en renforçant le fil conducteur, et en recourant à des techniques narratives plus élaborées. le tout est un produit de divertissement cynique, drôle et méchant, assez trash.
Fin d'été 1988, festival de BD (supermarché, quoi !) de Hyères. Je viens d'acheter l'album de Daredevil (Miller/Mazzucchelli - j'en connaissais les pages) et, ma maigre paie en poche (service militaire à peine entamé !), je passe pour la troisième fois devant un étal exhibant le Elektra : Assassin de Frank Miller et Bill Sienkiewicz... Décidément, la couverture m'intrigue ! Bien sûr la couleur (rose pétant !), mais aussi le fait que je n'arrive pas à l'interpréter ! Et puis le vendeur m'interpelle, pour me dire que le recueil est réservé pour un client ; mais que ce dernier n'étant toujours pas revenu... C'est un des plus grands chocs graphiques de ma vie -et l'impact perdure aujourd'hui. Je n'ai jamais retrouvé pareille joie purement visuelle à parcourir un Comic, sinon à la lecture du Stray toasters, du seul Bill. J'ignorais alors qu'on pouvait à ce point s'amuser à raconter une histoire ; et surtout que, pour l'illustrer, on pouvait tout se permettre, si on parvenait à ne pas noyer le sens sous la forme donnée au récit par les images. Ce miracle-ci prouve qu'on peut même le magnifier en explosant ses codes et cadres, tout en jouant avec ses pinceaux/crayons/ciseaux/photos/photocopies Etc...!! Il est manifeste que Miller, habituellement prisonnier de ses tics et obsessions plutôt ras des pâquerettes (c'est très subjectif !), a vu sa prose transcendée par l'incessant va-et-vient des idées -et remaniements graphico-scénaristiques !- entre lui et son artiste ! Le placement des phylactères même participe au rythme du récit ; en guidant par exemple nos yeux le long d'une splash-page à l'apparence de peinture mythologique tant elle est mise en scène : "No, Garreth.". "You cannot die.". "Not yet.". "Breathe.". Aujourd'hui adoubé mais, à l'époque, encore en devenir, le Grand Bill s'offre un terrain de jeux et d'expérimentations picturales de presque 300 pages et les idées fusent tous azimuts, jusqu'à la fin (jouissive à tous les niveaux, aussi !). Un festin créatif pour les deux associés, j'en suis persuadé. Et je continue d'en apprécier une bonne tranche bien nourrissante, de temps à autre : l'innovation amusante s'est faite rare, dans le genre.
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