Martha Washington - Temps de guerre (Goes to War)
Deuxième aventure de Martha Washington après "Liberty, une rêve américain". Toujours officier de la Pax, Martha participe à la Seconde Guerre de Sécession.
Auteurs britanniques Dark Horse Comics Frank Miller Guerrières
2014. La Seconde Guerre de Sécession fait rage sur le territoire nord-américain. Sur les champs de bataille, des soldats de toutes les factions affirment avoir été victimes de créatures invisibles venues neutraliser leurs véhicules et armements... La rumeur dit qu'il s'agirait de fantômes revenus sur Terre pour se venger du mal causé par cette guerre civile... La jeune Martha Washington, toujours officier de la Pax (l'armée des États-Unis, ou plutôt de ce qu'il en reste), va elle aussi se retrouver aux prises avec ces "fantômes". Elle va même revoir sa vieille copine Mapoupée et Wasserstein, l'homme de sa vie, alors qu'elle est certaine qu'ils sont morts tous les deux. L'obstinée Martha va alors tenter de découvrir la vérité au sujet des "fantômes"...
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Date de parution | Mai 1995 |
Statut histoire | One shot 1 tome paru |
Les avis
Hommage à Ayn Rand - Ce tome fait suite à Give Me Liberty. L'ensemble des aventures de cette héroïne a bénéficié d'une intégrale. L'action se déroule en 2014, Martha Washigton a 19 ans. Elle combat toujours pour les forces du Pax qui tentent de libérer le sud de ce qui fut les États-Unis de la domination de forces de Fat Boy (une multinationale spécialisée dans les hamburgers). Cette guerre est rendue plus complexe par des factions indépendantes agissant dans ce qu'il reste des États-Unis pour obtenir l'indépendance d'un état ou d'une ville. Chicago a été rayée de la carte par une explosion nucléaire. Martha finit par être grièvement blessée lors d'un lâcher de bombes sur le Texas. Les institutions de Pax la récupère, et la confie aux bons soins du Surgeon General (le responsable du gouvernement provisoire qui a pour devise que la maladie est un crime). Toutefois, l'administration de Pax et ses forces armées sont confrontées à deux problèmes majeurs : (1) leur technologie est de plus en plus victime de dysfonctionnements inexplicables et (2) des sortes de fantômes invisibles font sentir leur présence inopinément. À contrecœur, le Surgeon General va relâcher Martha pour la laisser enquêter pour le compte de Pax. Frank Miller et Dave Gibbons poursuivent leur collaboration avec cette deuxième minisérie de 5 épisodes parus en 1994. Miller indique dans sa postface qu'il s'est franchement inspiré de Atlas Shrugged (La grève) d'Ayn Rand pour construire son récit. Celui-ci repose sur des séquences d'action rapides et à grand spectacle et sur l'éveil de Martha aux réalités politiques qui modèlent son monde. Coté grand spectacle, le lecteur passe d'un champ bataille à un autre et Dave Gibbons s'en donne à cœur joie pour inventer des technologies futuristes avec une énergie qui rappelle ses meilleures planches pour 2000AD. Le lecteur peut ainsi admirer et se repaître de deux chevauchées mémorables à moto, d'une poursuite moto/hélicoptère, d'un décollage de navette spatiale, d'une base atmosphérique portée par l'électromagnétisme, de soucoupes volantes, d'avions de chasse, etc. Gibbons utilise toujours son style simple, très prosaïque qui confère à chaque élément dessiné une haute probabilité, une évidence qui ne permet pas de douter de son existence. À la lecture, ces instruments futuristes vont de soi et le lecteur ne les remet pas en cause, or il faut en fait un vrai savoir faire pour faire croire à cette forme d'anticipation peu réaliste. Miller développe également l'environnement de Martha. Elle évolue dans un pays qui a vu l'un de ses pires cauchemars devenir réalité : l'union n'est plus, les états se sont scindés en plusieurs parties différentes. Martha prend également peu à peu conscience qu'elle ne souhaite plus tuer comme une guerrière efficace, que le sens de ces affrontements finit par lui échapper et que les motivations des généraux et des donneurs d'ordre restent incompréhensibles, voire opposées à l'image qu'ils en donnent. Il profite de la destruction de Chicago pour développer une satire simple et efficace des télévangélistes. Dans un moment de préscience décontenançant, ce prédicateur parle de la chute des tours (de Chicago) en des termes qui évoquent ceux utilisés pour la chute des tours du World Trade Center (7 ans après la parution de ces épisodes). Plus intéressant, Miller insère dans sa narration la notion que dans notre monde de haute technologie il faut des gens compétents pour assurer le fonctionnement de nos appareils, que notre société est à quelques millimètres du dysfonctionnement, que tout ne tient qu'à des agents de maintenance qualifiés, que l'incompétence professionnelle sera la perte de notre mode de vie. Ce thème se révèle plus subtil que ce à quoi nous avait habitué Miller, et tellement plus pertinent et probable. Enfin Miller et Gibbons continuent de faire de Martha Washington un individu crédible, complexe et très sympathique. Martha est un soldat très compétent doué d'un sens de l'initiative très développé. Malgré tout, elle n'est pas fermée à ses sentiments et elle retrouve les deux personnes qui lui étaient les plus proches : Raggyann et Wasserstein. Le récit ne verse pas pour autant dans la sitcom ou dans la comédie dramatique. Les auteurs gardent le postulat de base qui est que Martha est une professionnelle de terrain avant tout et qu'elle ne s'occupe de sa vie privée qu'à l'occasion du repos qui lui est accordé entre 2 missions. Il est impossible de ne pas s'attacher à cette jeune femme tête brûlée, butée, courageuse jusqu'à en être téméraire, mais aussi indépendante, solidaire de son prochain, toujours prête à défendre le plus faible. Le style de Gibbons est devenu un peu moins raide pour les visages et les séquences d'action ; il indique avoir été influencé par les fondateurs d'Image Comics (je vous rassure tout est relatif et il est facile de reconnaître le style du dessinateur de Watchmen). La plus grande évolution réside dans la participation d'Angus McKie qui se charge de la mise en couleurs et d'étoffer les décors. À cette époque, l'industrie des comics intègre petit à petit l'outil informatique pour la mise en couleurs. McKie en fait un usage intelligent et efficace au vu de la technologie dont il dispose. Il ne cherche pas à mettre le plus de couleurs possibles, mais à créer des nuances jusqu'alors impossible à créer et à intégrer en douceur quelques références photographiques pour une poignée de décors. Le résultat enrichit les dessins de Gibbons et ne prête pas trop à sourire aujourd'hui encore (sauf peut être une ou deux textures). Avec cette histoire, Miller et Gibbons continuent leur récit sur le mode aventure dans un monde d'anticipation, tout en passant au stade logique suivant sur le plan politique. Est-il possible de proposer une alternative gouvernementale réaliste à des politiciens tous plus pourris les uns que les autres (vision caricaturale chère à Frank Miller) ? Oui, Miller et Gibbons indiquent une piste concrète à peu de choses près possible (directement empruntée à Ayn Rand, philosophe rationaliste, créatrice de l'objectivisme). Dans le tome suivant, fini de rire, le sort de l'humanité est entre les mains de Martha dans Martha Washington Saves the World .
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