New York trilogie (Les Gens) (Peuple Invisible) (New York: Invisible People)
Troisième partie de la Trilogie New York. Egalement publié auparavant en tant que tome 5 de la série Big City. Trois histoires courtes et tristes, dans le plus pur style de Will Eisner, dans le quotidien d'habitants de New York.
Kitchen Sink Press New York Will Eisner (1917-2005)
Première histoire: Sanctum Pincus Pleatnik vit sa vie tranquille. Il n'aime pas se faire remarquer et vit dans l'indifférence des autres la plus totale. Un jour, par erreur, un quotidien publie la nouvelle de sa mort dans la rubrique nécrologique... Deuxième histoire: Le pouvoir. Morris a le pouvoir de soigner voire de guérir, depuis sa plus tendre enfance. Mais ce don inné et inestimable suffira-t-il à le rendre heureux? Troisième histoire: Combat mortel. Hilda s'est dévouée corps et âme à son père. Au décès de ce dernier, elle se retrouve seule et vieille fille. Elle jette son dévolu sur Herman, un collègue de travail, qui est lui aux petits soins pour sa mère. Cette dernière n'aura de cesse que de s'opposer à leur union.
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Date de parution | Novembre 1992 |
Statut histoire | Histoires courtes 1 tome paru |
03/08/2013
| Michelmichel
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Les avis
Histoire personnelle - Ce tome contient trois histoires complètes et indépendantes de toute autre. Dans la bibliographie de son auteur, il est paru entre Au cœur de la tempête (1991) et Dropsie Avenu (1995). La première édition date de 1993. Il a entièrement été réalisé par Will Eisner (1917-2005) : scénario et dessins, avec des nuances de gris. Cette histoire comporte 110 pages de bande dessinée. Sanctuaire (32 pages) - Dès son plus jeune âge, Pincus Pleatnik avait appris à se cacher pour éviter d'être vu, d'être trouvé, pour vivre tranquillement. Il avait instinctivement compris qu'être invisible fait partie des compétences primordiales dans l'art de la survie en milieu urbain. En marchant sur le trottoir, il évitait de poser le pied sur les fissures. Il donnait toujours une petite pièce aux mendiants. Il était tellement dépourvu de tout trait remarquable que les filles à la fac n'arrivaient pas à se souvenir de son nom, que les caissiers des magasins ne le remarquent jamais. Il exerce un métier de repasseur blanchisseur dans l'arrière-boutique, n'ayant jamais de contact avec les clientes ou les clients. Mais un matin en lisant son journal, il constate que la rubrique nécrologique fait état de son décès. Will Eisner n'en est pas à son coup d'essai pour raconter la vie d'individus banals. En plus il annonce dès le titre de l'ouvrage qu'il va s'intéresser à des gens en rien remarquable, qui n'existent pas aux yeux des autres. Pincus Pleatnik est un cas d'école : il fait tout pour ne pas être remarqué avec une efficacité telle que personne ne se soucie de lui. Il n'y a que son employeur qui connaisse son nom et qui le reconnaisse. Par la force des choses, le lecteur a sa vision sur sa propre existence, et a une conscience plus ou moins aigüe du nombre d'êtres humains ayant vécu avant lui, dont il n'a jamais entendu parler et dont il ne saura jamais rien, sans parler des milliards d'êtres humains vivant en simultanéité avec lui dont il ne connaîtra jamais qu'une poignée. Il est fort vraisemblable que lui-même ne laissera aucune trace dans l'Histoire ou à l'échelle de l'humanité. Il sourit en découvrant cet individu que personne ne remarque, qui peut aller à sa guise dans le monde urbain sans craindre son agressivité parce qu'il s'y est adapté au point de développer une banalité qui le rend invisible. Il suffit d'une erreur administrative le déclarant mort pour que cette sécurité vole en éclat et que sa vie bascule dans une suite de drames loufoques. Le lecteur peut penser à la folle nuit de Paul Hackett dans After Hours (1985) de Martin Scorcese. Dès la première page, le lecteur est séduit par la personnalité narrative de l'auteur. Il lui conte une histoire qui relève à la fois du drame réaliste, à la fois de la fable. En 2 pages et 9 cases, le lecteur a l'impression d'avoir toujours connu Pincus Pleatnik, de le comprendre, de savoir comment il fonctionne, juste avec quelques remarques du narrateur omniscient et des dessins comme posés sur la page, sans bordure de case. Dans la première page, il (re)trouve la façon dont Eisner sait lier des dessins en les apposant sur un fond noir, comme des images apparaissant en blanc au travers du noir de la scène. Le lecteur se rend compte qu'il dévore chaque page, sans se soucier de la manière dont elles sont dessinées, et qu'il ressent une proximité extraordinaire avec chacun des personnages. Il lui suffit de regarder Pincus se raser, arroser sa plante, enfiler son pardessus, pour voir son absence de toute prétention, le plaisir qu'il prend dans son quotidien, sa banalité. Il faut prendre du recul pour comprendre comment Will Eisner insuffle une telle vie dans ses personnages. Le lecteur peut voir les vêtements tous confortables et un peu informes de Pincus Pleatnik, leurs plis qui montrent à la fois qu'ils sont un peu lâches, à la fois déjà portés de nombreuses fois. De la même manière, il peut regarder les petits gestes : les expressions de son visage, sa manière de tenir le journal sous son bras pendant qu'il suspend son manteau humide, la manière d'enfiler son pull, ses postures un peu résignées tout en conservant une énergie sous-jacente. Will Eisner ne représente pas n'importe qui : ses dessins donnent l'impression de regarder un individu qui existe vraiment. Il en va de même pour les autres personnages : la confiance en ses compétences professionnelles de la rédactrice des avis de décès, la capacité à prendre des décisions du propriétaire de son appartement pour qui ses locataires ne sont que des noms dans un exercice comptable, la contenance inquiète et séductrice à la fois du propriétaire du pressing, etc. Aucun d'entre eux n'est un stéréotype, chacun est un individu pleinement développé, unique. S'il essaye de regarder les techniques d'enchaînement de cases, le lecteur a du mal à croire à ce qu'il observe. À la lecture, il éprouve la sensation d'être aux côtés de chaque personnage, à chaque fois dans la même pièce qu'eux. En relisant, il s'aperçoit que Will Eisner gère les arrière-plans avec une dextérité quasi surnaturelle, ne les représentant qu'en cas de besoin. Or le lecteur serait près à jurer qu'il y en a dans plus de 80% des cases, ce qui est loin du compte. Pourtant chaque endroit présente une ambiance unique, plausible au point d'en être plus réaliste qu'une photographie. En parcourant à nouveau les pages, le lecteur remarque également une forme discrète d'humour sans pitié : la silhouette de Pincus dans la vapeur du pressing le rendant effectivement invisible, le fait qu'il renverse sa tasse de café en découvrant l'annonce de sa mort dans la rubrique nécrologique, la façon dont Pincus embrasse un poteau, les mimiques du propriétaire du pressing en train de se lamenter sur son sort, etc. Effectivement en arrière-plan, se dessine également le portrait d'une partie de la société : les petits boulots, les personnes à la rue, l'administration inflexible, la cupidité des uns et des autres, les sans-abris, les manœuvres d'intimidation musclées. Sous des dehors de récit léger et rapide, Will Eisner réalise un drame à l'humour noir, brossant le portrait d'une partie de la société, avec un épilogue aussi joyeux qu'horriblement noir. - Le pouvoir (40 pages) - De manière inexpliquée, Morris dispose d'un don. Il se manifestait occasionnellement quand il était enfant. Il suffisait qu'il serre sont chat contre lui pour que celui-ci guérisse, ou qu'il se tienne proche de son père alité, pour que celui-ci guérisse aussi. Mais ces occurrences étaient peu nombreuses, et Morris finit par oublier son don. Après la mort de ses parents, devenu adulte, il se mit à la recherche d'un boulot qui le satisfasse. Il est embauché comme aide-soignant, mais il gêne les médecins. Il occupe ensuite un emploi d'aide à la ferme, mais finit par être attiré par un cirque et vouloir devenir un magicien. Comprenant que tout n'est que truc et artifice, il devient l'assistant de Lil, la diseuse de bonne aventure. Au départ, le lecteur est décontenancé par le don de Morris, se disant que ce n'et pas compatible avec une forme d'invisibilité dans la société. Mais en fait ce don est montré de manière prosaïque sans effet surnaturel, sans explication religieuse ou scientifique. Ce don ne transforme pas Morris en un messie ou un individu extraordinaire. Le lecteur retrouve des individus tout aussi ordinaires que dans la première histoire, tout aussi remarquables par leur unicité, leur humanité, en tout point différents de ceux de la première histoire, et tout aussi banals, plausibles et palpables. Il remarque que cette histoire comprend 6 pages muettes d'une incroyable expressivité. Il reste ébloui par la manière dont Eisner compose ses pages : des cases sans bordure qui s'entremêlent naturellement alors qu'elles montrent des choses très disparates, la façon dont la pluie trempe les vêtements et les individus jusqu'à l'os, la descente d'un escalier par 2 personnages qui acquiert une dimension métaphorique, etc. Plus encore que dans le premier récit, le lecteur voit comment le créateur parvient à combiner des techniques de mise en scène cinématographiques avec des techniques théâtrales pour un amalgame uniquement réalisable en bande dessinée. Les personnages de papier se révèlent être d'incroyables comédiens au jeu de scène un peu appuyé, mais totalement réaliste. Le lecteur s'attache tout autant à Morris qu'à Pincus et comprend ses choix, partage ses valeurs, ressent ses déceptions, se résout à son anonymat avec lui. - Combat Mortel (31 pages) - Toute sa vie d'adulte, Hilda s'est occupée de son père alité et cacochyme, sans relation amoureuse, aux dépens de sa vie professionnelle. Elle a maintenant 40 ans, et son père rend l'âme dans un dernier râle. Il est temps pour elle de se construire une vie. À la bibliothèque municipale où elle travaille, elle remarque Herman, un célibataire d'une cinquantaine d'années. Elle se renseigne : il vit seul avec sa mère dont il s'occupe. Avec cette troisième histoire, Will Eisner commence par un drame, mais ajoute bien vite une pincée de gentille moquerie qui inscrit le récit dans le registre de la comédie dramatique. À nouveau le lecteur prend partie pour Hilda dès la première page, sensible à ses valeurs morales qui l'ont menée à se sacrifier pour prendre soin de son père. Il sourit à sa réaction quand son père exhale son dernier soupir, et à sa détermination pour mettre la main sur un mari, un individu quelconque sans rien de remarquable, mais avec une histoire personnelle particulière et unique. Il sourit franchement quand le combat (mortel) s'engage entre Hilda et la mère d'Herman pour capter ses attentions matérielles et affectives. Bien sûr, le lecteur peut trouver qu'Hilda est un peu manipulatrice, que la mère d'Herman est très possessive, et qu'Harry aurait bien besoin d'une colonne vertébrale. Dans le même temps, il comprend aussi que ces personnages aient adopté cette façon de vivre, et il ressent de l'empathie pour cette femme qui ne souhaite pas gâcher les années qui lui reste, pour cet homme qui a accepté sa condition, et pour sa mère qui continue de veiller sur son poussin. Comme dans les 2 histoires précédentes, le lecteur voit que Will Eisner continue d'utiliser les mêmes outils pour construire ses pages (case sans bordure, dessin sur fond noir, mise en scène de théâtre) et qu'il aboutit à des pages qui n'ont rien de semblables à celles des 2 autres récits. À nouveau, il suffit de voir évoluer Hilda, Herman et sa mère pour avoir une idée claire de leur personnalité respective, et que celle-ci n'est pas la même que celle des personnages précédents. À nouveau, l'artiste gère les arrière-plans avec une élégance sophistiquée, faisant de la clarté de sa narration la priorité, ce qui n'empêche pas le lecteur de pouvoir se projeter dans chaque lieu. À nouveau, il savoure des cases uniques : l'expression du chagrin d'Hilda à la mort de son père, la délicatesse avec laquelle Herman lave les pieds de sa mère, les simagrées de la mère d'Herman face à Hilda, la bougie qui se renverse, etc. Cette fois-ci encore, Will Eisner fait preuve d'un humour cruel et malicieux, maltraitant ses personnages avec autant de sadisme que d'affection. - Ce recueil de trois histoires qui s'apparentent à autant de copieuses nouvelles est à savourer comme autant de perles de comédie humaine, d'une rare justesse et d'une rare finesse, permettant des côtoyer des personnages banals qui révèlent toute leur saveur, dans des drames très humains, faisant ressortir leurs qualités et leurs défauts, toute la richesse de la condition humaine, sans une once de méchanceté ou de mépris, avec un humanisme sans limite.
"Les Gens" clôt le cycle de "New York". Will Eisner est le porte-parole des petites gens, les "Invisibles". Ces gens sont l'âme de la grande ville mais paradoxalement personne n'y fait attention. Il faut l'oeil du maître Eisner pour nous introduire dans la profondeur émotionnelle de ces vies qui en valent bien d'autres. Ici l'auteur nous propose trois récits courts très sombres. Will Eisner aime à situer ses personnages dans les années trente. Comme l'époque, ces vies sont sur le fil du rasoir. Il ne faudrait pas grand-chose pour que cela bascule du côté bonheur et c'est tout le talent de Eisner de nous faire miroiter un possible "temps meilleurs" que ces trois destins ne savent pas saisir. Les trois scénarii sont bien ficelés dans une ambiance à la Dickens. (Même si c'est un peu répétitif) Le graphisme de Will Eisner est toujours au sommet. Souple, précis, expressif dans le visage mais aussi dans les corps, on n’a pas fait beaucoup mieux ailleurs. L'auteur est un maître du N&B travaillant sur les éclairages, les lumières, les découpages et les constructions de ses planches. Une très bonne conclusion pour ce cycle. Bonne lecture.
Eisner continue à détailler sa monographie d’une ville, mais par la bande, en suivant ici la destinée de trois personnages lambda, des « invisibles » dans l’immense cité (New-York sert clairement de modèle). Son dessin est toujours fluide, ne s’embarrasse pas trop de décors ou d’un gaufrier classique : c’est dynamique et globalement très lisible. Je suis plus circonspect concernant l’intérêt des histoires elles-mêmes. En fait, je n’ai réellement accroché qu’à la première – malgré quelques longueurs et baisses de rythme. En effet, l’histoire de ce type ordinaire, déclaré mort par erreur par un journal, et qui va progressivement être englouti par cette fausse évidence, luttant inutilement contre la somme des hasards pour se faire reconnaitre comme vivant, est assez amusante. Une sorte de fatalité quasi antique, mâtinée d’un peu d’humour noir rendent plaisante cette intrigue. J’ai trouvé les deux autres plus quelconques, du roman graphique sans âme, en tout cas le genre de truc qui ne m’accroche pas vraiment. Au point que la lecture de la troisième m’a paru bien ennuyeuse, et que j’ai fini l’album un peu à reculons (même si cela se lit très vite). A emprunter à l’occasion, mais seul un tiers de l’album m’a réellement intéressé. A voir pour les vrais fans de l’auteur – dont je ne suis pas. Note réelle 2,5/5.
Dernier tome de cette trilogie et je trouve le moins bon même si je l'ai lu d'une traite également. Le problème à des histoires un peu plombantes. L'album aurait gagné à avoir une histoire plus joyeuse ou se terminant bien. Je mets quand même une petite mention spéciale à la première histoire d'un cynisme incroyable.
Ce dernier tome de la trilogie New York reste intéressant: il s'agit d'histoire plus abouties, bien que courtes, et dans un certain sens plus réalistes. Par contre, on retrouve le côté volontiers austère des histoires de Will Eisner, et les histoires relatées ne sont pas bien gaies... Cet album se laisse lire sans problème, comme le deuxième, mais le dessin, s'il reste de bonne qualité est nettement moins bon que dans le tome 2 et surtout que dans le tome 1. A découvrir si vous avez aimé New York trilogie ou le reste de l'oeuvre d'Eisner. (245)
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