Revenants
Bande dessinée documentaire de haut vol, Revenants raconte l’histoire de quelques vétérans d’Irak, atteints du trouble de stress post-traumatique, et celle d’Olivier Morel qui leur consacra un film.
BD Reportage et journalisme d'investigation Documentaires Séquelles de guerre
Olivier Morel a réalisé un documentaire, L’Âme en sang, qui donne la parole à six vétérans — des fantômes hantés par des fantômes —, qui portent l’insupportable de ce qu’ils ont vécu : vu et fait en Irak. Ce film poignant, utile, diffusé sur Arte en 2011, et dans de nombreux festivals aux États-Unis et en Europe, rappelle que le nombre de suicides de vétérans est aujourd’hui supérieur à celui des soldats tués sur le sol irakien. Ils sont 70 000 vétérans aux USA, dont 22 mettent fin à leur vie chaque jour. Mai 2010, le tournage est fini et Morel est frustré car il n’a pas pu tout mettre : le passé, l’inconscient, l’imagination, le rêve, les projections psychotiques…, ne peuvent pas faire partie de la dramaturgie documentaire. Un ami commun le met en relation avec Maël. Après avec vu son film et ses carnets de repérages, Maël, tout à la fois enthousiaste et plein d’incertitudes et d’interrogations quant à la responsabilité qu’il endosse, décide de faire une bande dessinée. Cet album n’est pas le livre du film. Il raconte l’histoire du film. C’est-à-dire pourquoi Olivier Morel a décidé de le faire et comment il a travaillé. Il montre ce lien particulier, délicat et intime, qui unit le réalisateur aux vétérans qu’il filme. La méthode narrative choisie par Maël, tout en délicatesse allusive, refusant toute intrusion voyeuriste, est à la mesure de son engagement. Son dessin très représentatif du réel, ne laisse de place ni à l’improvisation, ni aux « accidents » du trait, il est un outil pour faire passer le vécu. Texte : Editeur.
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Date de parution | 12 Septembre 2013 |
Statut histoire | One shot 1 tome paru |
Les avis
L’album est intéressant. Nous suivons un Français, résident aux États-Unis (dont il est en train d’acquérir la nationalité), et qui réalise un documentaire sur les anciens combattants américains en Irak, leurs traumatismes, les malaises et autres névroses qui les assaillent, les cauchemars qui les empêchent de « revenir à la vie normale ». Le titre est pour le coup bien trouvé. En effet, en sus de sa lecture littérale, il s’agit aussi de montrer la vie de zombies, de fantômes, de ces hommes et femmes brisés par leur expérience d’une guerre dégueulasse, loin des repères qu’ils pensaient s’être fixés. Pointe aussi, au travers de quelques réactions de ces revenants, une critique d’une guerre menée frauduleusement, par des pauvres, au profit de multinationales qui s’engraissent sur le dos des Irakiens comme des troufions américains. Le dessin est agréable, et le sujet intéressant. Mais j’ai eu du mal à ressentir toute l’empathie que je souhaitais ressentir. La faute à un je ne sais quoi de monocorde. Une lecture recommandable néanmoins.
Un documentaire un peu décousu mais où la beauté angoissée des images maintient en haleine. C'est l'histoire d'un cinéaste français qui cherche à acquérir la nationalité américaine et prépare un documentaire sur les militaires revenus de la guerre en Irak. Les bonnes idées: -Le titre : l’ambiguïté sur le sujet du livre... les revenants sont-ils devenus des zombies? eh bien à la fin, on ne le sait pas plus qu'au début... -L'ouverture du livre fait le parallèle entre les revenus d'Irak et les revenus de la première guerre mondiale. Cette continuité est vraiment bienvenue, cela nous remet quelques idées en place. -Les fantasmes et les souvenirs sont représentés en ocre rouge, alors que la réalité est représentée en sépia. Et parfois les images se superposent... -La diversité des témoignages, hommes, femmes, soldats, famille des soldats, fils d'immigrés, américains de souches... Un bémol: je n'ai pas perçu la construction du parcours, les premières et les dernières images se répondent mais sans qu'on puisse vraiment les raccrocher au reste. Un dessin expressif et souvent torturé qui baigne dans un lavis luisant. Ce documentaire est vraiment déprimant... mais utile.
Mine de rien cet album assène deux trois trucs d'importance. Axé sur la vie des anciens, les vétérans de la guerre en Irak, l'auteur suit ces hommes ou ces gamins, dans leur retour en Amérique. Mal de vivre, stress post traumatique, quelques flashbacks nous éclairent sur la vie d'avant de ces gars qui pour la plupart n'avaient rien demandé et dont une grande majorité n'aspiraient qu'à quitter un quotidien banal et sans espoir. Alors certes nous ne sommes pas dans la gaudriole, loin s'en faut, mais voilà un album qui permet de réfléchir sans prise de tête et réaffirme encore une fois que la guerre est une saloperie qui non seulement bousille les gens sur le terrain mais aussi après. Le dessin de Mael, déjà auteur de Notre Mère la Guerre arrive à rendre, grâce à ses pastels, toute l'intensité, la dramaturgie, le mal être des évènements auxquels sont confrontés ces jeunes hommes. Pas une BD grandiose, mais qui a le mérite de poser les choses et peut être de faire réfléchir.
Les histoires de témoignages sur les horreurs de la guerre vécues par les vétérans sont intéressantes même si on retrouve souvent les mêmes thèmes. Cet album est pas mal quoique j'ai déjà lu des bandes dessinées qui étaient mieux. Le travail de l'auteur est bon et j'aime bien son dessin donc je ne dirais pas que c'est mauvais. Le problème c'est que je ne suis jamais parvenu à ressentir les émotions des vétérans. En gros, je comprenais leurs problèmes, mais cela ne me rendait pas triste. Je n'avais pas envie de pleurer alors que je suis quelqu'un de très émotif. Cela m'a donné l'impression que, pour une raison que j'ignore, je ne suis jamais parvenu à rentrer totalement dans l'album et à le trouver passionnant à lire.
Par un jeu des couleurs subtil porté par le dessin de Maël (déjà dessinateur de la bande dessinée Notre Mère la Guerre, avec Kris au scénario), la bande dessinée rend parfaitement compte du décalage entre "ici" et "là-bas'' des militaires qui souffrent de ce symptôme post-traumatique qu'évoquent les médias sans jamais en expliquer la réalité. Les militaires sont à la fois "ici" (les Etats-Unis, leur "chez-eux", en noir et blanc) sans jamais être partis de "là-bas'' (l'Irak, leur guerre, en dégradés de rouge). Ne cherchez pas une bande dessinée sur la guerre en Irak, une BD de reportage en quête du sensationnel médiatique, ce n'est pas le propos. Que veut dire revenir de cette guerre ? Comment se réadapter à l'ordinarité du quotidien après un tel vécu ? Le côté "brouillon" de la BD, passant d'un personnage à l'autre, rend à la fois compte du reportage mené par Olivier Morel, mais surtout du "brouillon" qui règne dans la tête de ces "revenants", presque des morts-vivants tant ils semblent perdus après leur retour, incapables d'oublier les images des atrocités qu'ils ont vues et vécues, images qui les accompagnent au quotidien même dans des scènes de vie ordinaires, images qui ne quittent plus leur esprit, embrouillé entre cet "ici" et leur "ailleurs". A titre personnel, j'ai aimé que les auteurs ne fassent pas tout un tas d'apartés sur la guerre en Irak, ne cherchent pas à l'expliquer. Ce n'est pas le sujet de cette BD. Au final, leurs traumatismes auraient pu être ceux d'une autre guerre. C'est ce "brouillon" dans l'esprit des militaires revenus de la guerre qui est le sujet. Rendu par l'alternance entre le noir et blanc, et les dégradés de rouge. Où est l' "ici", où est l' "ailleurs" ? On s'y perd, ou plus précisément le lecteur, en se perdant, appréhende le chaos qui règne dans l'esprit des blessés psychologiques, qui ne savent plus où ils sont, revoient des images de la guerre en observant une maison, une affiche, une assiette, et repartent, dans leur esprit, Là-bas. Au final, comprendre cette guerre n'est pas ce qui fait le traumatisme, c'est bien se réadapter à cette vie trop ordinaire pour être acceptable après un tel vécu. Je n'ai pas vu le documentaire d'Olivier Morel (la BD fait suite à "L'âme des vivants", sans en être une adaptation : elle montre davantage le making-of du documentaire, et finalement est une BD de reportage où le scénariste est mis en scène dans son enquête), mais cela ne m'a pas manqué pour lire la BD. Peut-être est-ce finalement plus facile d'entrer dans cette BD sans la rattacher nécessairement au documentaire. Un BD coup de coeur, loin des clichés sur la guerre en Irak, qui porte sur le vécu et le regard de ceux qui ne sont pas des "gueules cassées", mais reviennent pourtant comme blessés de guerre, cassés psychologiquement.
Revenants n’est pas le titre d’une série sur les morts-vivants mais celle de la difficulté de réinsertion des soldats vétérans de la guerre en Irak. Oui, ce sont bien des morts-vivants mais à leur manière. Absence de joie de vivre, alcoolisme et dépression, souvent ancrés dans des souvenirs de leurs exactions dans l’enfer du désert irakien où la confusion semait le trouble dans leur esprit. Comme le dit le chercheur en philosophie du CNRS dans la préface, toute guerre est abominable et fait des dégâts collatéraux. On ne peut plus parler de guerre juste. Tout cela est bien beau. Je me sens pacifiste dans l’âme. Cependant, comment réagir si un Hitler envahit le pays qu’il estime germanophone au même titre qu’un Poutine envahit la Crimée russophone ? Ne plus faire la guerre reviendrait à laisser libre court à tous les dictateurs de la planète en mal de puissance. Il n’y a certainement pas de justice dans la guerre mais une nécessité dans certains cas. Dernièrement, j’ai lu la bd USA (Uriel Samuel Andrew) qui traitait exactement du même sujet et sur le même mode de distribution de la parole aux vétérans. Les mêmes thèmes sont abordés : marginalisation des anciens soldats qui deviennent des SDF et surtout le suicide qui sévit massivement et qui fait plus de victimes que pendant les combats sur place, 22 morts chaque jour par rapport à un total de 70000 vétérans sur le sol américain). C’est malheureux et on ne peut que compatir par rapport à ce sort peu enviable. L’administration Obama ne sera pas épargnée par l’auteur qui la juge complice de ces malheurs. Pour en revenir à la bd, elle est souvent brouillonne pour passer d’un protagoniste à l’autre sans véritable fil rouge. On se laissera finalement prendre au jeu car certains témoignages sont émouvants. Cependant, pour moi, il me manque une certaine clarté dans la mise en scène. J’ai trouvé également curieux que l’auteur qui était français nous parle de sa naturalisation américaine avec son examen de passage minutieusement décrit tout en critiquant cette société pas assez attentive à ce qui se passe (voir la scène d’énervement devant des étudiants). On ne pourra pas dire que c’est un véritable patriote. Je me pose quand même des questions sur les critères de sélection de la nationalité américaine. Si on dénonce un système, c’est antinomique de vouloir l’intégrer… Cette bd fait suite à un documentaire filmé intitulé « l’âme en sang » sur les marines atteint de syndrome post-traumatique diffusé sur Arte en 2011. La bd est le prolongement de cette démarche. A voir pour se faire une idée tout en prenant ses distances.
Cet album est utile et permet au lecteur de se poser de bonnes questions (du moins, c’est ce qu’il me semble). En clair : je ne peux que conseiller à chacun de le lire. Ceci dit, cette lecture n’est pas un divertissement. Nous sommes ici devant une œuvre dérangeante. Parler du malaise de vétérans de guerre, un malaise qui pousse plus d’un d’entre eux au suicide (deux cas par jour, à en croire les chiffre), ce n’est pas le sujet le plus joyeux à aborder. Si j’ai un reproche à faire à ce récit, c’est qu’il n’aura, en définitive, pas réussi à totalement me faire comprendre les causes de ce terrible mal-être. Par pudeur, par respect, l’auteur reste finalement très évasif dans ses descriptions de l’horreur de la guerre. Inondé par des images de journaux télévisés plus barbares les unes que les autres, rien de ce qui m’a été montré ici n’a été de nature à me choquer… et c’est là le problème. Bien sûr, je peux comprendre que vivre ces atrocités est différent que de les voir mais cet album ne me permet pas d’entrer dans la peau de ces victimes de la guerre. Je reste observateur. Alors, voilà, pour moi, c’est une œuvre à lire, ne fusse que pour son caractère instructif et pour nous rappeler que les victimes de la guerre ne se limitent pas à celles tombées au champ d’honneur, mais elle n’est pas assez poignante pour que je lui accorde un 4/5.
Comme l'a souligné Alix, cet album fait suite, en quelque sorte, à un documentaire qu'a tourné Olivier Morel en 2011, consacré aux vétérans de la guerre en Irak, des soldat(e)s devenus persona non grata à leur retour, des personnes blessées mortellement dans leur tête que le système a tenté d'expulser, d'écraser comme de simples parasites. A ce titre, l'évolution de leur situation sous la houlette de l'administration Bush Jr. est édifiante. Par certains côtés ça m'a rappelé le point de départ du premier Rambo... Mais Olivier Morel n'avait manifestement pas tout dit. Il fallait qu'il raconte les à-côtés, ses impressions à lui (pas forcément présentes sur le documentaire), ses rencontres initiales, et, particulièrement, une scène qui s'est passée juste après le clap de fin... Certaines scènes m'ont tétanisé de par l'horreur qu'elles véhiculent, la douleur qu'expriment les "revenants", les "non-comptabilisés", et leur entourage. Bien sûr, les victimes directes du conflit en Irak ne sont pas oubliées, et ne seront jamais oubliées par ces hommes et ces femmes meurtri(e)s dans leur chair comme dans leur âme. Maël est l'illustrateur parfait pour ce genre d'histoire ; bien sûr, son boulot sur "Notre-Mère la Guerre" est précieux et l'amène à faire un boulot de premier choix sur les scènes de violence. sauf qu'ici il y en a peu, finalement, on est plus dans l'intime. Et c'est la fragilité de sont rait, autant que son expressivité, qui entrent en action et rendent parfaitement les sentiments véhiculés par le texte. Mais l'album donne un goût d'inachevé. On sent bien que l'âme du récit est dans le film ; il aurait été bien vu de faire une vente combinée, les deux se complétant parfaitement, la BD se posant en quelque sorte en "bonus" du docu. C'est tout de même un récit très fort. a lire, forcément.
Olivier Morel a réalisé un film poignant diffusé sur Arte en 2011, « L’Âme en sang », qui donne la parole à six vétérans de la guerre en Irak. Cette BD peut être vue comme un compagnon au film, un « making of » montrant sa réalisation, les rencontres avec les soldats et leurs familles, les doutes du réalisateur sur les risques inhérents à ce genre de témoignages – les soldats étant pour la plupart très fragiles mentalement. Le contenu est bien entendu troublant, dérangeant, voire écœurant. L’auteur de BD Luc Brunschwig a récemment déclaré sur sa page FB que « si mes enfants sont tentés par l'armée, la guerre, ils se mangeront Band of Brothers et The Pacific… après on recausera de tout ça... ». Je pense qu’il aurait pu ajouter « L’Âme en sang » et « Revenants » à sa liste. Graphiquement c’est du beau boulot, il faut dire que Maël n’en est plus à son coup d’essai, surtout lorsqu’il s’agit de représenter les horreurs de la guerre (voir notamment Notre Mère la Guerre). Le seul reproche que je ferai à cet album est qu’il ne fonctionne pas à 100% sans le film. Comme je le dis plus haut, il s’agit plus d’un compagnon au film, et j’imagine que les témoignages auraient en encore plus d’impact après visionnage de ce dernier. Mais cela ne m’a pas gâché mon « plaisir » de lecture (entre guillemets, parce qu’on peut difficilement parler de plaisir avec ce genre de sujet). Un album édifiant sur un sujet encore un peu tabou : les suicides et troubles mentaux chez nos soldats, avec au final une leçon très humaine : un conflit comporte certes un agresseur et une victime, mais les horreurs de la guerre, elles, ne font guère la différence, et meurtrissent et broient sans discernement.
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