Les Ombres
Etrange errance onirique...
Ecole Emile Cohl Réfugiés et Immigration clandestine
Une salle d’interrogatoire à la lumière crue. Une chaise, un bureau. C’est dans ce décor dépouillé que l’exilé n° 214 voit son destin se sceller. Au terme d’un long périple, tête baissée, dos voûté, il demande l’asile. Poussé à l’aveu, il doit, pour obtenir le précieux sésame, revenir sur son passé et sur les raisons qui l’ont contraint à l’errance. Lui et sa sœur n’avaient d’autre choix que de fuir leur terre natale mise à feu et à sang par des cavaliers sanguinaires. Effrayés et sans repères, ils ont traversé les forêts, les déserts, les villes et les mers : une véritable épopée peuplée d’êtres aussi mystérieux qu’effrayants, de l’ogre capitaliste au serpent-passeur, des sirènes trompeuses à ces ombres frémissantes et omniprésentes, comme des voix venues de l’au-delà. L’odyssée de deux enfants érigés malgré eux en symboles des minorités opprimées luttant pour leur survie et leur liberté. (texte : Editions Phébus)
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Date de parution | 03 Octobre 2013 |
Statut histoire | One shot 1 tome paru |
Les avis
C’est d’abord un coup de cœur visuel ! En effet, le dessin, très simple, sans fioriture, parfois même minimaliste, se révèle extrêmement expressif, avec pourtant une grande économie de moyens. Et il s’en dégage une force, une poésie (souvent noire) que j’ai beaucoup aimées. La colorisation est elle aussi chouette – comme l’est le travail éditorial (très grand format, papier épais, etc.). Bref, on a là un lourd et bel objet. Mais l’écrin vaut le bijou je trouve. Si le début de l’histoire m’a un peu décontenancé, avec ses airs de procès kafkaïen (qu’elle garde quand même un peu jusqu’au bout !), j’ai été ensuite happé par le long voyage, la lente fuite de ces deux jeunes gens, comprenant que leur histoire éclaire d’une lumière noire la destinée de bien des réfugiés : on a là une sorte d’allégorie de ce que vivent des millions de gens, fuyant la guerre et la misère, risquant leur vie pour gagner « l’autre monde » (comme c’est le cas ici), c’est-à-dire un havre de paix plus ou moins réel et fantasmé. Aucun lieu, aucune période n’est clairement identifiable, cela se veut universel, ce qui en fait peut-être la force, ou la faiblesse. En effet, rien de revendicatif dans ce récit triste, rien non plus pour approfondir une analyse du phénomène (causes et conséquences), si ce n’est le constat de son existence, et de l’horreur qu’il révèle et véhicule. L’absence de nuance aussi, le côté tranché des personnages (affreux méchants et faibles victimes) limite sans doute la portée éventuelle d’un message. Il n’en reste pas moins que cet album réussit à traiter d’un sujet douloureux – souvent bâclé ou déformé dans les médias : une réalité sur laquelle on ne peut pas faire l’impasse. Et surtout, indépendamment du sujet, le récit est vraiment très bien mis en image. La narration fluide, des textes assez rares, des personnages dont les visages ressemblent à des masques : si cela empêche une identification et peut rendre impersonnel le message, en tout cas cela donne des airs de théâtre antique (on imagine aisément un chœur psalmodiant des arrêtés divins, des lois « contre l’immigration clandestine »). Album à lire.
Pffffiou, et bien, je reviens de très, très loin ! Enthousiasmé par la magnifique BD Incroyable ! (que j'en profite pour recommander à nouveau très fort) des mêmes auteurs sortie cette année, énorme coup de cœur des dernières vacances, j'ai voulu continuer avec la lecture de leur oeuvre précédente. Bon, les commentaires laudateurs, vantant cette bande dessinée comme une belle oeuvre sur l'immigration, m'ont laissé assez froid car j'avoue être assez indifférent à ce genre de sujet politique, d'autant plus quand ils se prêtent à un traitement larmoyant au possible. Mais je n'ai pas trop prêté attention à ces commentaires et j'ai voulu tenter le coup. Même si j'ai quelques réserves, bien m'en a pris, car au-delà du pamphlet politique un peu lourd, Les Ombres est une oeuvre d'une rare puissance. Le scénario de Vincent Zabus a du sens mais ne s'évite pas quelques écueils, et le dessin d'Hippolyte possède cette étrangeté qui fascinera les uns et repoussera les autres. Normalement, ce genre de dessin a plutôt tendance à me rebuter, mais il y a ici une telle force de mise en scène que le trait revêt une poésie que bien peu de dessinateurs peuvent se vanter d'égaler. Personnellement, j'ai été embarqué du début à la fin dans ce voyage au bout de l'étrange. C'est le dessin qui magnifie cette fable proche d'un Voltaire (et dans ma bouche, ce n'est pas vraiment un compliment) qui, heureusement, s'échappe du carcan de ce roitelet de l'hypocrisie pour s'orienter plutôt vers un onirisme très saint-exupérien (impossible de ne pas penser au Petit Prince). Heureusement, au lieu de faire une bête bande dessinée (ou une bande dessinée bête, au choix) sur l'immigration des pauvres réfugiés africains sans papiers et sans argent en Europe, Vincent Zabus a l'intelligence de donner à son récit une portée plus universelle, en effaçant un certain nombre de repères spatio-temporels. Bon, ça ne trompe personne, et on sait très bien ce qu'il y a derrière la métaphore, mais ça donne à l'histoire une force qui n'aurait pas existé si Zabus s'était contenté de ressasser l'actualité en BD. Ici, le traitement tout en poésie justifie largement qu'on nous gratifie d'une histoire dont on connaît d'ores et déjà les tenants et les aboutissants. Si le fond n'est pas d'une subtilité ahurissante, donc, la forme, elle, est d'une légèreté aérienne et d'une puissance colossale. Les masques et les ombres sont une excellente trouvaille, et permettent à l'auteur des jeux narratifs et des décalages très intéressants. L'univers développé par l'auteur est assez intéressant, et évoque, comme je le disais, une sorte de Petit Prince actualisé et politisé. Pour revenir sur la dimension politique évidente du récit, l'universalité de ton permet de ne pas trop basculer dans la lutte de partis, qui survient inévitablement lorsqu'on aborde un sujet tel que l'immigration. On n'est pas là pour dire qu'il faut ou non soutenir l'immigration, qu'il faut les accueillir ou les renvoyer chez eux, etc... Non, on est là simplement pour se rappeler que ça existe, qu'il y a des êtres humains qui souffrent de ces atrocités qu'on leur impose et d'autres qui en profitent. Malgré le manichéisme ambiant (les pauvres exilés très gentils contre les affreux capitalistes et les méchantes puissances riches qui refusent d'ouvrir leurs portes), j'aime particulièrement la dénonciation du discours humanitaire hypocrite, rappelant que ceux qui tiennent le discours le plus généreux en apparence sont évidemment ceux qui se bougeront le moins. Bon, ça n'en fait pas un pamphlet politique subtil, mais l'auteur dresse un constat qu'il est tout de même difficile de nier si on est un tant soit peu honnête, bien sûr. Après, c'est toujours facile de dresser un constat sans en tirer de solutions, mais techniquement, ce n'est le rôle ni des auteurs de cette belle BD ni de ses lecteurs. Le constat, en tous cas, est très bien dressé ici, et rappelle un grand nombre de vérités élémentaires qu'il serait de mauvais goût de négliger. Bref, Les Ombres est une bande dessinée vraiment exceptionnelle sur la forme, qui nous offre une odyssée très sombre et très prenante, rendant la lecture de ces 184 pages à la fois facile et ardue. On le lit d'une traite sans jamais s'ennuyer, et on s'extasie sans cesse devant l'inventivité prodigieuse de ce récit très humain et assez poignant. Malgré tout, sur le fond, Les Ombres manque légèrement de cette nuance qui aurait pu en faire un vrai chef-d'oeuvre. Il n'empêche qu'on ne sort pas indemne de cette lecture très onirique, très envoûtante, mais d'une noirceur insondable...
Le point fort de ce one-shot est sans aucun doute son dessin que je trouve excellent. Le dessinateur a un style très intéressant et plusieurs de ses planches sont un régal pour les yeux ! Au niveau du scénario, ce n'est pas mal et j'ai été un peu touché. L'histoire est clairement une allégorie sur les réfugiés. J'aime bien le monde étrange rempli de métaphores dont j'ai souvent compris la signification (je pense notamment au passage avec le géant cow-boy qui exploite des gens dans son usine). Sauf que malgré ses qualités je n'ai pas réussi à lire cet album avec passion et je trouve que le scénario s'étire un peu trop vers la fin. Cela reste à lire juste pour le beau visuel, mais je conseille plus un emprunt à la bibliothèque.
Les Ombres, c'est une fable métaphorique sur les éxilés, quels qu'ils soient, même si la forme de l'intrigue laisse deviner qu'il s'agit en priorité d'évoquer le parcours des sans-papiers africains demandeurs d'asile en Europe. Perte de leur foyer et de leur famille, danger immédiat et permanent, fuite de leur pays, traversée du désert, paiement de passeurs souvent peu scrupuleux, traversée de la mer, maladies, espoir puis déception face au mur bureaucratique à l'arrivée... Tout cela, c'est la traduction terre-à-terre de ce récit, mais ce n'est pas l'essentiel car ce sont surtout les émotions qui font la force de cette bande dessinée. L'émotion créée par son graphisme original et évocateur. L'émotion par sa forme de fable universelle et onirique. L'émotion enfin par la perte progressive de personnages assez attachants et par les tourments du dernier survivant. Je n'ai pas totalement accroché du fait du manichéisme que j'ai ressenti dans le message d'ensemble, les pauvres exilés contre tous les méchants du monde dont les occidentaux égoïstes, mais ce léger ressentiment ne m'a pas empêché de trouver agréable et belle cette lecture pleine de sincérité et d'émotion.
Cette œuvre bénéficie d’une identité graphique forte. Elle en impose aussi par son format hors norme. L’univers créé par Vincent Zabus est à la croisée des chemins : mi-onirique, mi-réaliste. Le récit relate un sujet malheureusement intemporel : l’exil. Déchirures familiales, traversée du désert, compagnons d’infortune accompagneront un jeune homme et sa petite sœur dans la recherche vaine d’un monde meilleur. La touche onirique omniprésente permet de matérialiser les angoisses et peurs de ces indésirables. C’est un récit intense, rude, sans concession qui décrit le vécu de ces exilés. En faisant évoluer les protagonistes dans un monde vierge de tout repère, les auteurs évitent de se rattacher à une époque ou à un événement historique particulier. Cette universalité est accentuée graphiquement au niveau du frère et de la sœur par le port d’un masque. Ils restent ainsi des anonymes, des porte-drapeaux des exclus et apatrides. Très très bel ouvrage !
D'abord, le choc visuel. Hippolyte est un esthète de tout premier choix, il livre ici un album à l'ambiance étrange, oscillant entre onirisme et épopée. Ses personnages, qui ont tous des masques ou des visages grimaçants, impriment instantanément la rétine. Entre Miyazaki, Sfar et de Crécy, le bonhomme a un univers tout à fait particuliers, qui insuffle une dimension étonnante au récit de Vincent Zabus. Lequel, comédien de théâtre, a transposé sur le papier l'une de ses pièces, dans une sorte de sarabande où s'entrechoquent exode dramatique, guerriers sanguinaires, enfance sacrifiée et décors contrastés. Une vision véritablement dantesque pour une histoire à la limite du conte, du rêve et de l'Histoire. Très surprenant, à voir avant tout, même si l'ouvrage est imposant (184 pages).
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