Anne Frank au pays du manga
Véritable phénomène éditorial au Japon, le Journal d'Anne Frank dénote-t-il une véritable connaissance de l'Holocauste au pays du Soleil levant ?
Documentaires Les petits éditeurs indépendants [Seconde Guerre mondiale] La Guerre du Pacifique et le conflit sino-japonais
Les trois auteurs lancés sur les traces d’Anne Frank mêlent dessins, photos, sons et vidéos pour tenter de jeter un pont entre la version des vainqueurs et celle des vaincus. De villes en sanctuaires, de témoins en négationnistes, ils racontent, non sans humour, leur quête d’Occidentaux souvent incrédules. (texte : Editions les Arènes)
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Date de parution | 08 Novembre 2013 |
Statut histoire | One shot 1 tome paru |
Les avis
3.5 Un album intéressant si on veut connaitre davantage la réaction du Japon face à la deuxième Guerre mondiale. Je connaissais certains trucs, mais j'ai aussi découvert des choses dont le fait qu'Anne Frank est populaire au Japon. Du coup j'ai presque envie de lire des mangas sur elle quoique j'aie un peu peur de voir ce que cela peut donner vu que plusieurs Japonais ne voient qu'une fille mignonne sans trop connaitre l'holocauste. Il y a tout de même deux trucs qui m'ont un peu agacé (quoique pas au point que cela gâche mon plaisir durant ma lecture). La première c'est que je m'attendais à un livre sur la popularité d'Anne Frank au Japon et finalement ce n'est qu'un élément secondaire du documentaire. J'aurais aimé que ce sujet soit un peu mieux approfondi. La deuxième est que je trouve le journaliste français un peu trop agressif. Je comprends sa frustration face au révisionnisme japonais, mais je trouve qu'il n'exprime pas bien sa colère et qu'il est insensible à la mentalité japonaise qui est certes critiquable, mais c'est carrément comme s'il disait "Et toi ton pays il est nul. Maintenant parle moi de ton pays pendant que je te juge." Personnellement, je n'ai aucun problème à parler de la face sombre du Québec, mais je n'aurais pas envie de discuter avec lui s'il me parlait sur ce ton. Mais bon, à la fin, il a l'air d'avoir compris sa leçon. J'aurais aimé un journaliste qui connaisse mieux le Japon et qui sait comment parler avec des Japonais.
Je m'attendais à autre chose en lisant cette BD et j'ai plutôt été surpris par le résultat de cette enquête menée par des journalistes indépendants. Je me rappelle m'être une fois fait allumer sur ce forum pour avoir dit que la bombe atomique larguée sur Hiroshima fut un mal nécessaire afin d'arrêter la Seconde Guerre Mondiale en économisant 3 millions de vie. J'avais provoqué la fureur et la colère de certains internautes qui se rangeaient aux côtés du Japon impérialiste ayant provoqué et perdu cette guerre. Les américains nous ont délivré par deux fois du joug du Kaiser puis de celui d'Hitler. Je ne cache pas avoir de l'admiration pour ce peuple malgré toutes les critiques et les erreurs également commises au nom de la liberté démocratique. Cette BD pose une bonne question : pourquoi le Japon essaye de comparer Hiroshima avec l'Holocauste tout en occultant les massacres de Nankin ? Pour rappel, pendant les six semaines que dure le massacre de Nankin, des centaines de milliers de civils et de soldats désarmés sont assassinés et entre 20 000 et 80 000 femmes et enfants sont violés par les soldats de l'armée impériale japonaise. A la fin de la guerre, il y a un déni total de ce qui s'est passé. Les livres d'histoire n'en parlent pas. Ce reportage se concentre sur la vision qu'ont les japonais de leur propre histoire. Bref, je commence un peu à comprendre la position chinoise quant à la controverse sur le sanctuaire Yasukuni. Par ailleurs, cette BD m'a également ouvert les yeux sur l'activité de l'extrême-droite nippone ainsi que sur une jeunesse complètement infantilisée qui ignore ce qu'est la Shoah. Bref, Anne Frank a permis aux japonais de découvrir l'histoire mais c'est également un moyen détourné de reconnaître leur part de responsabilité. J'avais jusqu'ici une toute autre vision du pays du soleil levant, celui d'un peuple pacifiste ayant tourné le dos à ses démons. Or, ce n'est pas tout à fait le cas... Au final, un documentaire riche et véritablement instructif sur un sujet qui divise.
La seconde guerre mondiale a connu deux théâtres principaux d'opérations : l'Europe et le Pacifique. Mais le traitement du conflit est très différent chez les uns et chez les autres. Le Japon, par exemple, semble ne pas connaître l'Holocauste, alors que le Journal d'Anne Frank est un véritable phénomène littéraire au Japon. C'est sur ce constat que partent un petit groupe de reporters français pour enquêter au pays du Soleil Levant. Essayant de toucher à toutes les couches de population, tous les âges, et même auprès de l'extrême-droite locale, ils essaient de donner un panorama de la représentation qu'ont les Japonais de la seconde guerre mondiale. Le constat n'est pas glorieux. L'enseignement officiel en fait uniquement des victimes, et même des ignorants de la période, pour les plus jeunes. Voilà pour les grandes lignes. Sur le plan de la méthode, il est curieux de constater que nos reporters, pourtant cornaqués par un franco-japonais sur place, n'ont pas pris en compte les spécificités culturelles nipponnes ; comme dans nombre de pays d'Asie, on ne s'intéresse pas vraiment au passé, préférant se projeter sur l'avenir. Le Japon a d'ailleurs, après la guerre, été la tête de pont des nouvelles technologies, conséquence directe de ce nouvel état d'esprit. Ensuite la posture est aussi celle d'un rejet de la pensée occidentale (pour ne pas dire propagande américaine), qui préfère tout de même un certain repli sur soi en matière d'Histoire. A ce titre, l'insistance du journaliste au sujet des massacres de Nankin est au mieux agaçante. Les massacres perpétrés en 1937 dans cette région de Chine sont bien sûr totalement occultés dans l'opinion populaire... Ce qui ne veut pas dire qu'il faut se taire et laisser les intellectuels japonais continuer dans le déni, bien sûr, mais un peu plus de subtilité (là encore, choc des cultures entre orient et occident) aurait été mieux perçue. De même, les auteurs sont surpris par l'omniprésence des mangas, lesquels participent à l'éducation populaire en lissant, en biaisant les faits historiques. Les choses sont ainsi faites, et Anne Frank est une héroïne kawaii, entourée de petites fleurs et d'un environnement tout sauf hostile. Mais en face d'Anne Frank, à laquelle un véritable culte est voué, se trouve Sadako Sasaki, inconnue dans le reste du monde. Cette petite fille mourut à 12 ans, dix ans après la bombe d'Hiroshima, d'une leucémie. Pourtant elle entretint un espoir de guérison en fabriquant mille grues en papier, une croyance millénaire au japon. Son nom et celui de son origami sont devenus un mythe. Sur le plan du dessin, Vincent Bourgeau a un drôle de style, qui peut paraître maladroit. Les personnages semblent flotter dans des cases souvent sans décors, alors que justement le travail sur les décors est intéressant. L'ouvrage, malgré les maladresses de ses auteurs et une construction un peu anarchique, est intéressant de par la façon dont les mémoires communiquent (ou justement ne communiquent pas) entre deux cultures très différentes. Le récit est complété par un véritable arsenal multimedia : d'abord de splendides photos argentiques prises pendant le voyage des auteurs au Japon, ensuite par des flash-codes présents dans l'ouvrage qui permettent de lancer des reportages video et d'accéder à des bonus. Pour les curieux, voici l'accès direct sur le site d'Arte.
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