Diagnostics
Variations sur les problèmes de perceptions...
Auteurs argentins Les petits éditeurs indépendants Maladies et épidémies
Que se passe-t-il quand la virtuosité du dessin de Lucas Varela se mêle à l’imagination prolifique de Diego Agrimbau ? Fruit de la rencontre de ces deux Argentins dans le cadre d’une résidence à la Maison des Auteurs d’Angoulême, Diagnostics rassemble six histoires courtes qui revisitent la tradition du récit de genre en suivant un fil conducteur singulier : la représentation de troubles mentaux à travers l'exploration des codes du neuvième art. Les protagonistes féminines de ces histoires souffrent de dérèglements sensoriels qui se reflètent ainsi dans le détournement des mécanismes traditionnels de la bande dessinée. Ainsi, les pouvoirs synesthésiques d’une enquêtrice lui permettent de déchiffrer les onomatopées qui flottent dans l’espace de la case, les planches de bande dessinée se révèlent de véritables prisons enfermant une jeune femme souffrant de claustrophobie tandis qu’une étudiante en lettres, frappée d’aphasie, ne comprend le discours d’autrui que lorsqu’elle le voit écrit sur un support. (texte : Tanibis)
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Date de parution | 15 Novembre 2013 |
Statut histoire | Histoires courtes 1 tome paru |
Les avis
J'ai horreur de me retrouver dans la minorité lorsque je note une bd. Je ne le fais jamais par gaieté de coeur. En l'occurrence, 2 étoiles car mon plaisir de lecture a frôlé le zéro. Et pourtant, c'était un thème très intéressant de diagnostiquer les pires troubles que l'être humain peut rencontrer. je ne savais pas ce qu'étaient l'agnosie, la synesthésie, l'aphasie, l'akinétopsie ou encore la prosopagnosie. Seul point de connaissance: la claustrophobie. Au final, six récits assez courts où l'on décrit les effets visuels de ces pathologies. On va alors partir dans des délires graphiques les plus insensés. Outre un effet de mise, je n'ai pas accroché.
Voilà un album qui prouve de belle façon que l’Europe, les USA et le Japon ne sont pas les seuls foyers du 9ème art dans le monde. En effet, l’Argentine est une pépinière de dessinateurs depuis très longtemps, et on le sent bien à la lecture de ces petites histoires extrêmement modernes et créatives, dignes d’un délire oubapien. Des histoires qui se rapprochent beaucoup du travail de Marc-Antoine Mathieu, explorateur multidimensionnel ludique et génial. A l’aide de sa plume ronde et rassurante orientée ligne claire et d’une bichromie sobre, Lucas Valera, assisté de Diego Agrimbau, imagine des univers paradoxalement inquiétants, oniriques ou fantastiques. Tout ce qui peut sembler familier au départ devient rapidement anxiogène et vire au cauchemar hallucinatoire. On pense notamment aux ambiances proprettes des vieilles séries SF comme la Cinquième dimension . A cet égard, le dessinateur semble affectionner les sphères de la folie, comme on avait pu le voir avec L’Héritage du Colonel , récit névrotique et glaçant sur le fils d’un tortionnaire de la dictature argentine. Ces historiettes sont globalement toutes d’un très bon niveau. Je mets une mention spéciale à Aphasie, épatant d’inventivité, avec le monologue intérieur du personnage principal incrusté sur les objets figurant dans le cadre. Mes faveurs vont également à Agnosie, délire surréaliste magrittien ; Claustrophobie, d’où l’on ne serait pas étonné de voir surgir Corentin Acquefacques ; Synesthésie, en mode polar à la fin inattendue, et enfin la dernière clôturant l’album, Prosopagnosie, digne, quitte à me répéter, du meilleur de Twilight Zone. Ce qui au final fait tout de même cinq histoires sur six…
(Mal ?) Heureux celui qui connaîtra les affections du vagabondage en vésanie. Psychonaute ébahi, fuguant au contrepoint désenchanté du sans issue, bringuebalé selon les six mouvements fulgurants d’une sonate graphique polymorphe. Les sens dessus dessous. [Agnosie…] Assailli d’images aberrantes, hagard sous l’entrelacs mouvant du pandémonium rétinien d’Éva. [Claustrophobie…] Reclus de passage, empruntant l’oppression et le désespoir tandis que Soledad lui fera la visite chaotique et vertigineuse de sa prison séquentielle, infrangible. [Synesthésie…] Les yeux ivres du bruit, des onomatopées rémanentes ; hystérèse de sons matérialisés qui impriment la vue, envahissent l’esprit longtemps après leur genèse : un don ou peut-être une damnation pour Lola. [Aphasie…] Et puisque parler ne signifiera rien, lire. Lire avec Miranda. Lire encore. De toute part, dans tous les coins. Abreuvé à l’abondance des mots, de ses maux ; inondé d’écrits asphyxiant une histoire sans paroles et sans fin. [Akinétopsie…] Dans une sensation paradoxale de course figée, poursuivre. Le regard floué, comme pris au piège d’un kinétoscope capricieux corrompant la cinétique, hoquetant les trajectoires jusqu’à ne percevoir qu’un brouillard de sillages pointillés. [Prosopagnosie…] Pour se noyer, bouffé dans un anonymat universel. À l’instar d’Olivia, ne plus reconnaître personne au milieu de cette humanité kidnappée, banalisée par l’unie forme des voix, par ces visages qui délèguent les émotions à de chiches smileys basiques, ridicules. Maintenant, untel n’est qu’un jumeau perpétuel, et terrifiant… Glossaire exotique. Barbarie eurythmique de connexions au réel pathologiquement biaisées, habilement offerte au cœur de ces quotidiens opprimés et peu réjouissants. Des landerneaux profilés, incarnés par l’acte de scénographie, déconstruits selon la dynamique interne d’un tissu narratif transfigurant les fils de son langage. Lorsque le ramdam explose en bulles, que les sages cases muent en cages agitées, quand l’idiome bâillonne le récit en usurpant tout l’espace ou que les objets violent les frontières iconiques, la sémantique du Neuvième campe son meilleur rôle. Affranchi de ses carcans, le signifiant entre en résonnance avec le signifié. Les motifs expérimentaux rapportent, donnent corps aux symptômes, restituent visuellement chaque trouble mental, extériorisent un énoncé limpide de l’invisible qui éclaire instantanément la perception. Interprétations bien sûr ! Processus attaché à son irrésistible subjectivité, épargné d’une investigation rigoureuse, trop médicale. Au liseré de la psychanalyse, une bourlingue noologique et un exposé nosologique, évidents, (dé)figurés dans des tableaux provisoires, à vivre intensément. Cette esquisse de la démence ausculte, apostrophe, et hypnotise à travers son chromatisme changeant, d’un froid psychiatrique. Corsetant ses rares tonalités dans un gris étouffant. Des roses, bleus, jaunes aseptisés : vision dépolie. Le voile interposé, comme une ultime intention pudique, lorsque les victimes seront « foutues à poil » - littéralement si l’on s’en tient à l’introduction de chaque chronique (je vous laisse la surprise) - L’audacieux poussera loin, tenté aux hasards du décryptage métaphorique. Trop loin ? On s’accordera le droit d’esquiver cet exercice, quoique gratifiant, souventefois gonadoclaste. Il y a tant. « Diagnostics » sillonne son univers propre, conjugue les thèmes (fantastique, science-fiction, polar, intimisme…) et les styles, sous une signature artistique labile, aux cousinages de l’Indé métissé Nouveau Continent. En éprouvant les codes, la grammaire du médium, son laboratoire de papier aiguise le plaisir par l’introspection de la mécanique bande dessinée. Au-delà d’éventuels alibis pour triturer la lexicologie des planches, dans l’exploration de ces déséquilibres, il caresse la folie, tout simplement : relatant six héroïnes et leurs difficultés à exister, dévalant des routes à sens unique, irrémédiables. Une dramaturgie retenue et intelligente, belle à faire tressaillir la moelle épinière… Et à la clôture de ces évocations percutantes et désemparées, s’étonner à sourire. Singulier. Brillant.
Il est rare que je sois enthousiaste pour les oeuvres expérimentales, mais là j'ai été très agréablement surpris. Car en partant de l'idée d'illustrer des syndromes qui altèrent la perception, les deux auteurs espagnols nous donnent une lecture vraiment surprenante, chavirante, même par moments. Leurs héroïnes semblent basculer tout près de la folie, mais elles restent profondément humaines, fragiles, touchantes, et par conséquent, belles. Inspiré par "Twilight Zone et la série "Eerie", Diego Agrimbau nous agrippe dans ces univers intérieurs si particuliers, et ne nous lâche qu'à la fin des six récits, tous finement ciselés. Le dessin de Lucas Varela est dans une ligne claire assez moderne, mais pas figée, au service du propos, donc visuellement diversifié. Surprenant. A voir autant qu'à lire.
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