Diagnostics

Note: 3.5/5
(3.5/5 pour 4 avis)

Variations sur les problèmes de perceptions...


Auteurs argentins Les petits éditeurs indépendants Maladies et épidémies

Que se passe-t-il quand la virtuosité du dessin de Lucas Varela se mêle à l’imagination prolifique de Diego Agrimbau ? Fruit de la rencontre de ces deux Argentins dans le cadre d’une résidence à la Maison des Auteurs d’Angoulême, Diagnostics rassemble six histoires courtes qui revisitent la tradition du récit de genre en suivant un fil conducteur singulier : la représentation de troubles mentaux à travers l'exploration des codes du neuvième art. Les protagonistes féminines de ces histoires souffrent de dérèglements sensoriels qui se reflètent ainsi dans le détournement des mécanismes traditionnels de la bande dessinée. Ainsi, les pouvoirs synesthésiques d’une enquêtrice lui permettent de déchiffrer les onomatopées qui flottent dans l’espace de la case, les planches de bande dessinée se révèlent de véritables prisons enfermant une jeune femme souffrant de claustrophobie tandis qu’une étudiante en lettres, frappée d’aphasie, ne comprend le discours d’autrui que lorsqu’elle le voit écrit sur un support. (texte : Tanibis)

Scénario
Dessin
Couleurs
Traduction
Editeur
Genre / Public / Type
Date de parution 15 Novembre 2013
Statut histoire Histoires courtes 1 tome paru

Couverture de la série Diagnostics © Tanibis 2013
Les notes
Note: 3.5/5
(3.5/5 pour 4 avis)
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21/11/2013 | Spooky
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Par Sejy
Note: 4/5 Coups de coeur expiré
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(Mal ?) Heureux celui qui connaîtra les affections du vagabondage en vésanie. Psychonaute ébahi, fuguant au contrepoint désenchanté du sans issue, bringuebalé selon les six mouvements fulgurants d’une sonate graphique polymorphe. Les sens dessus dessous. [Agnosie…] Assailli d’images aberrantes, hagard sous l’entrelacs mouvant du pandémonium rétinien d’Éva. [Claustrophobie…] Reclus de passage, empruntant l’oppression et le désespoir tandis que Soledad lui fera la visite chaotique et vertigineuse de sa prison séquentielle, infrangible. [Synesthésie…] Les yeux ivres du bruit, des onomatopées rémanentes ; hystérèse de sons matérialisés qui impriment la vue, envahissent l’esprit longtemps après leur genèse : un don ou peut-être une damnation pour Lola. [Aphasie…] Et puisque parler ne signifiera rien, lire. Lire avec Miranda. Lire encore. De toute part, dans tous les coins. Abreuvé à l’abondance des mots, de ses maux ; inondé d’écrits asphyxiant une histoire sans paroles et sans fin. [Akinétopsie…] Dans une sensation paradoxale de course figée, poursuivre. Le regard floué, comme pris au piège d’un kinétoscope capricieux corrompant la cinétique, hoquetant les trajectoires jusqu’à ne percevoir qu’un brouillard de sillages pointillés. [Prosopagnosie…] Pour se noyer, bouffé dans un anonymat universel. À l’instar d’Olivia, ne plus reconnaître personne au milieu de cette humanité kidnappée, banalisée par l’unie forme des voix, par ces visages qui délèguent les émotions à de chiches smileys basiques, ridicules. Maintenant, untel n’est qu’un jumeau perpétuel, et terrifiant… Glossaire exotique. Barbarie eurythmique de connexions au réel pathologiquement biaisées, habilement offerte au cœur de ces quotidiens opprimés et peu réjouissants. Des landerneaux profilés, incarnés par l’acte de scénographie, déconstruits selon la dynamique interne d’un tissu narratif transfigurant les fils de son langage. Lorsque le ramdam explose en bulles, que les sages cases muent en cages agitées, quand l’idiome bâillonne le récit en usurpant tout l’espace ou que les objets violent les frontières iconiques, la sémantique du Neuvième campe son meilleur rôle. Affranchi de ses carcans, le signifiant entre en résonnance avec le signifié. Les motifs expérimentaux rapportent, donnent corps aux symptômes, restituent visuellement chaque trouble mental, extériorisent un énoncé limpide de l’invisible qui éclaire instantanément la perception. Interprétations bien sûr ! Processus attaché à son irrésistible subjectivité, épargné d’une investigation rigoureuse, trop médicale. Au liseré de la psychanalyse, une bourlingue noologique et un exposé nosologique, évidents, (dé)figurés dans des tableaux provisoires, à vivre intensément. Cette esquisse de la démence ausculte, apostrophe, et hypnotise à travers son chromatisme changeant, d’un froid psychiatrique. Corsetant ses rares tonalités dans un gris étouffant. Des roses, bleus, jaunes aseptisés : vision dépolie. Le voile interposé, comme une ultime intention pudique, lorsque les victimes seront « foutues à poil » - littéralement si l’on s’en tient à l’introduction de chaque chronique (je vous laisse la surprise) - L’audacieux poussera loin, tenté aux hasards du décryptage métaphorique. Trop loin ? On s’accordera le droit d’esquiver cet exercice, quoique gratifiant, souventefois gonadoclaste. Il y a tant. « Diagnostics » sillonne son univers propre, conjugue les thèmes (fantastique, science-fiction, polar, intimisme…) et les styles, sous une signature artistique labile, aux cousinages de l’Indé métissé Nouveau Continent. En éprouvant les codes, la grammaire du médium, son laboratoire de papier aiguise le plaisir par l’introspection de la mécanique bande dessinée. Au-delà d’éventuels alibis pour triturer la lexicologie des planches, dans l’exploration de ces déséquilibres, il caresse la folie, tout simplement : relatant six héroïnes et leurs difficultés à exister, dévalant des routes à sens unique, irrémédiables. Une dramaturgie retenue et intelligente, belle à faire tressaillir la moelle épinière… Et à la clôture de ces évocations percutantes et désemparées, s’étonner à sourire. Singulier. Brillant.

22/03/2014 (modifier)