Histoire pittoresque, dramatique et caricaturale de la Sainte Russie
Précurseur de la bande dessinée, Gustave Doré use de son art pour se moquer de la Russie en se servant du prétexte de la Guerre de Crimée (1854-1855), pour tourner l’empire slave en dérision et dénoncer sa prétendue barbarie.
La Guerre de Crimée Les Pionniers de la BD Russie Séries avec un unique avis
« Histoire dramatique, pittoresque et caricaturale de la sainte Russie d’après les chroniqueurs et historiens Nestor, Nikan, Sylvestre, Karamsin, Segur etc… etc… etc… ». Son titre complet résume à lui seul une bonne part de ce récit fleuve et débridé (près de 500 gravures) dessiné pendant la guerre de Crimée qui opposa la Russie à l’empire ottoman et ses alliés, dont la France de Napoléon III. C’est donc animé d’un élan patriote que le jeune Doré, alors âgé de 22 ans, se lance dans cette histoire iconoclaste, volontiers outrancière et farouchement parodique. Mais de trouvailles narratives en audaces graphiques, il transcende pleinement sa charge pamphlétaire et pose là un jalon essentiel dans l’histoire de la bande-dessinée. 40 ans avant La Famille Fenouillard de Christophe, 70 ans avant Krazy Kat d’Herriman, Doré donne ici toute la mesure de sa géniale exubérance. Dépassant largement la simple curiosité patrimoniale, cette oeuvre témoigne surtout d’une inventivité et d’une liberté qui n’a rien à envier aux travaux les plus expérimentaux de la bande-dessinée contemporaine. Depuis sa publication voilà 160 ans, aucune réédition n’a pu s’appuyer sur une édition originale complète ; il s’agit donc ici de la première réédition intégrale et fidèle de ce chef d’oeuvre inconnu. Texte Editions 2024
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Date de parution | 1854 |
Statut histoire | One shot 1 tome paru |
Les avis
C'est probablement par le biais de la situation actuelle en Ukraine que j'ai entendu parler de cet ouvrage de l'un des tous premiers pionniers de la bande dessinée. Je le connaissais essentiellement pour ses gravures mais j'ai découvert que Gustave Doré avait véritablement créé des bandes dessinées presque modernes dès le milieu du 19e siècle soit une vingtaine d'années après Töpffer mais bien longtemps avant l'essor réel de la bande dessinée telle qu'on la connait aujourd'hui. Les éditions 2024 publient en ce début d'année 2014 une réédition intégrale de cette oeuvre initialement parue en 1854. Dans le cadre de la Guerre de Crimée qui sévissait à l'époque, il s'agissait alors pour le graveur et caricaturiste Gustave Doré de réaliser un pamphlet satyrique et parodique se moquant ouvertement de l'Histoire de la Russie et des Tsars. Ils les y dépeint comme un peuple fondamentalement guerrier, cherchant le moindre prétexte pour se lancer en guerres fratricides et en conflits de pouvoirs. Le tout est raconté sur le ton de la dérision complète, avec un style rappelant la truculence de Rabelais et l'ironie des caricaturistes d'antan. C'est bourré de jeux de mots, de clins d’œil et d'humour satirique. On y retrouve également quelques gags récurrents comme celui des tsars qui ont tous au fil des âges demandé sans succès la reddition de Constantinople. Cela commence comme une véritable bande dessinée, avec des cases (sur lesquelles l'auteur joue parfois en les laissant vides quand il dit qu'il n'y a rien à raconter, ou noires quand il veut illustrer un monde ténébreux ou de sombres cachots). C'est de la bande dessinée à l'ancienne, avec le texte en dessous des dessins, texte qui n'est heureusement jamais redondant avec l'image elle-même. Parfois cette narration est assez bavarde, ce qui est fatigant pour un lecteur moderne dont le rythme de lecture est brisé, mais elle offre aussi d'autres fois une narration très rapide qui montre bien que nous ne sommes pas dans le simple texte illustré mais bien dans la narration séquentielle. D'ailleurs dessins et textes jouent souvent l'un avec l'autre, un texte ironique étant souvent accompagné d'une image le contredisant complètement de manière humoristique. Arrivé aux environs de la moitié de l'ouvrage, l'aspect bande dessinée se perd un peu. On alterne davantage entre des suites d'illustrations satiriques et quelques passages qui sont de vraies pages de texte avec une ou deux illustrations au plus. Mais le ton caustique reste le même. Puis sur les dernières pages, on revient de nouveau à une forme plus proche de la bande dessinée avec une longue chanson parodique mettant en scène le tsar Nicolas dont chaque courte strophe est illustrée par une image formant une narration un peu hachée mais bien séquentielle. Je me souviens avoir très agréablement surpris par l'humour des bandes dessinées de Rodolphe Töpffer qui avait très bien vieilli. Ici encore j'ai trouvé que cet ouvrage ne manquait vraiment pas de drôlerie et qu'il était encore tout à fait possible de rire de ses gags et de ses textes de nos jours. Par contre, le texte devient parfois un peu trop présent, trop lourd et faisant référence à des personnages et situations qui échappent à un lecteur du 21e siècle. Difficile de ne pas s'y perdre dans la succession de tsars des tous débuts de la Russie dont je n'ai même pas su déterminer s'ils étaient réels ou fictifs. Et difficile aussi de ne pas se lasser un peu et de préférer piocher par-ci par-là quelques bons mots et passages de bande dessinées pleins d'humour. Et évidemment, l'ouvrage est intéressant sur le plan historique pour découvrir le ton des récits populaires du milieu du 19e siècle et découvrir l'une des toutes premières bandes dessinées, à l'époque où le terme était encore loin d'exister. Mais ça reste une lecture à réserver aux amateurs avertis et qui n'ont pas peur de se perdre dans un texte parfois trop abondant.
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