Des-Agréments d'un Voyage d'Agrément
Cet album se présente comme le carnet de bord de M Plumet, un artisan passementier qui découvre la Suisse lors d’un voyage avec sa femme. Le propos est comique et satirique : satire du tourisme montagnard, de la bourgeoisie commerçante, du désir d’écrire et de peindre, de l’aventure romanesque…
Les Pionniers de la BD
Cet album se présente comme le carnet de bord de M Plumet, un artisan passementier qui découvre la Suisse lors d’un voyage avec sa femme. Le propos est comique et satirique : satire du tourisme montagnard, de la bourgeoisie commerçante, du désir d’écrire et de peindre, de l’aventure romanesque… C’est surtout dans la composition des planches et la distanciation qu’il prend par rapport à son œuvre que Gustave Doré étonne : avec un mélange de naïveté et de roublardise inattendu chez un auteur aussi jeune, il crée la surprise à chaque planche de l’album et fait exploser les codes du récit et de l’histoire en images. Une postface illustrée par Léon Maret (l’auteur de Canne de fer et Lucifer et de Course de Bagnole aux Requins Marteaux) vient compléter la lecture du récit, mettant en lumière sa contemporanéité. En effet, bien loin d’être une bande dessinée poussiéreuse destinée à un public exclusivement bibliophile, la lecture des Des-agréments (1851) reste aujourd’hui fluide, inventive, novatrice, et se situe aux antipodes du carcan imposé par certains codes utilisés largement dans la bande dessinée d’aujourd’hui.
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Date de parution | 1851 |
Statut histoire | One shot 1 tome paru |
Les avis
Ah Gustave Doré ... Ses planches de contes qui ont bercées mon enfances ... Ces dessins merveilleux que j'adorais relire .... Et en fac, une amie m'offre cette BD ! Autant vous dire que j'ai été très joie à ce moment là. C'est le genre de BD qui me fait dire que finalement, la société ne change pas tant que ça. Parce que c'est drôle, surtout que c'est totalement d'actualité. Gustave Doré fait un portrait très méchant de cette classe semi-bourgeoise, qui part en vacances découvrir les Alpes et devient ce touriste typique dont on se moque allègrement aujourd'hui encore. Entre admiration de tout et connaissance de rien, peur de chaque chose et petites réflexions inutiles, c'est le portrait d'un touriste se croyant découvrir la vie. Et qui n'est au final, qu'un touriste de plus (et agaçant, qui plus est). Gustave Doré n'y va pas de main morte (d'ailleurs il n'hésite pas à se caricaturer dedans également), et montre tout l'esprit de ces touristes qui sont béatement en admiration devant tout ce qu'ils voient de si "exotique". Le dessin est, quant à lui, une merveille d'ingéniosité : exagérations assumées (on nous précise quand l'histoire est volontairement grossie par le protagoniste), dessin caricaturale des personnages, mise en page innovante sur plusieurs aspects (notamment le coup de la lunette d'observation), mise en abyme du récit ... C'est l'OuBaPo avant l'heure, cette BD ! Et le renforcement entre texte et dessin fait hurler de rire, tant c'est en décalage permanent. Un petit chef-d'oeuvre d'ancienne BD qui fait plaisir à lire, autant pour son caractère ancien que son propos toujours d'actualité. C'est moderne sur tout les points, et je le relis avec plaisir (ce que je ne pensais pas dire d'une BD si vieille). Pour rigoler un bon coup de ces touristes, n'hésitez pas à découvrir ce voyage ... d'agrément
Après Histoire pittoresque, dramatique et caricaturale de la Sainte Russie, c'est le deuxième ouvrage de Gustave Doré que je lis et je dois dire que j'ai davantage accroché à celui-ci. Il faut dire qu'il se rapproche beaucoup plus d'une vraie bande dessinée au sens moderne du terme, que sa narration est plus fluide et que son texte est moins fastidieux à lire. Gustave Doré fait partie des pionniers de la bande dessinée du milieu du XIXe siècle, quelques années après Töpffer. Avant d'être un raconteur d'histoire, c'est surtout un grand illustrateur et dessinateur. Même s'il était tout jeune au moment de la parution de cette BD (il avait 19 ans), c'est la beauté de son trait qui ressort de ses planches. Il se rapproche des gravures caricaturales de Daumier qui lui était contemporain. C'est vraiment très beau. L'ouvrage en lui-même est une parodie de carnet de voyage. Il se présente comme celui d'un personnage imaginaire, M. Plumet, petit bourgeois parisien qui, pris d'une lubie soudaine, décide de partir avec sa femme en vacances dans les Alpes et peut-être d'escalader le Mont Blanc. Dans ce carnet, M. Plumet raconte ce qu'il a fait et vécu, se mettant en scène le plus souvent en véritable narration séquentielle de bande dessinée et quelques fois aussi par des illustrations et croquis. Gustave Doré joue sur le média de la bande dessinée. Pour commencer, il y a une mise en abîme puisqu'il apparaît lui-même en tant que personnage dans ce carnet fictif discutant avec M. Plumet et lui précisant même qu'un si joli carnet mériterait d'être publié chez Aubert, son véritable éditeur. Ensuite, il joue sur l'objet lui-même. Une grosse empreinte de pas traverse une planche où M. Plumet raconte que quelqu'un a marché sur son carnet. Une grosse langue de vache en traverse une autre quand M. Plumet raconte qu'une vache vient de lécher son précieux ouvrage et de manger les fleurs qu'il y a collées. Seul regret, la mise en page des cases (sans bordure soit dit en passant) n'est pas toujours claire, on hésite parfois sur l'ordre dans lequel les lire (gauche à droite ou bien haut en bas ?). Certaines cases du début de l'album donnent l'impression d'être dans le désordre. Et je crois bien que les pages 2 et 3 ont été inversées dans l'édition 2024, même si ce n'est pas évident. Bref, le début d'album est légèrement laborieux à lire. Mais par la suite, l'auteur (ou le lecteur ?) semble trouver ses marques et la lecture devient plus fluide. L'humour peut alors ressortir, et s'il n'est pas toujours hilarant, il est sympathique surtout quand on sait de quand date l'ouvrage (quoique Monsieur Jabot et autres histoires, pourtant paru presque 20 ans auparavant, m'avait paru plus drôle encore). Il y a un passage, celui où Mme Plumet suit l’ascension de son mari à la longue vue, que j'ai trouvé excellent, tant dans la narration que dans l'humour. L'escalade où ils doivent s'aider de la tête tant ils sont tombés m'a franchement fait rire. Bref, c'est un ouvrage de grande valeur sur le plan de l'Histoire de la BD, car c'en est une au sens moderne du terme et qu'elle date de 1851. Son graphisme très classique est de toute beauté et son humour parfois très bon. Sa réédition aux éditions 2024 est en outre de superbe qualité. Seule une narration un peu laborieuse et un style qui a parfois un peu mal vieilli m'empêchent de la conseiller vivement.
Gustave Doré était un génie, qui à mon âge, fut en plus un précurseur du médium de la Bande Dessinée. Ces "Des-agréments" sentent bon le XIXème siècle. En effet, on pourra suivre, dans cet album, le récit d'un voyage (dans les Alpes) rempli de péripéties loufoques, d'un personnage assez caricatural, parodiant une certaine classe de la société (dont les attributs qui faisaient la spécificité de cette classe ont aujourd'hui disparu, ce qui amoindrit un peu l'impact de cette caricature). Ça ne vous dit rien cette formule ? Et oui, Rodolphe Töpffer avec ces messieurs (Jabot, Pencil, Vieux Bois, Crepin, Pictogramme, Festus), tout comme L'Idée fixe du savant Cosinus de Christophe utilisait déjà cette formule. Sauf que le dessin de Doré est beaucoup plus sophistiqué (mais paradoxalement, pas fait, à mon sens, pour la bande dessinée). En effet, son style graphique fait beaucoup plus moderne, à mi-chemin entre Calvo et des auteurs animaliers encore plus récents tels que Michel Plessix par exemple. Le dessin, avec une maîtrise de l'ombrage absolument fabuleuse (qui préfigure en somme son travail de contraste d'obscurité/luminosité en gravure mais pas tellement sa technique même de la gravure), entièrement au fusain/ crayon de bois est très joli à regarder. Cependant, il parait régulièrement figé, et si les personnages de Doré sont très rigolos, ses dessins m'ont paru trop petits pour être "enfermés" ainsi dans des cases (et c'est en ce sens que je trouve que le dessin de Gustave Doré est plus adapté à l'illustration et la peinture qu'à la narration par suites d'images). Néanmoins, pour l'époque, son travail de narration est particulièrement innovant. En effet, si le scénario est savamment comique, il sert aussi de fondation à un nombre de jeux narratifs assez impressionnant pour l'époque, les plus frappants étant l'organisation des planches en fonction de l'effet désiré (cases aux dimensions différentes ou gaufrier rappelant furieusement les images d'Epinal), l'usage d'"effets" sur les planches, mêlant récit du narrateur et vécu du narrateur (la trace de pied, l'apparition du museau de la vache, etc...). Les trois planches vues au travers du télescope sont aussi résolument modernes (fort ingénieuses et beaucoup moins figuratives qu'une BD classique) tout comme la mise en abyme de l'artiste qui apparaît lui-même dans ses planches (en train de peindre un tableau). Le seul reproche à faire à ces jeux de narration est le cafouillage de narrateur en début d'album (d'abord, apparemment, c'est Gustave Doré ou du moins l'éditeur du carnet, puis M. Plumet, mais sans changement de représentation visible...c'est bien compliqué pour pas grand chose tout ça). La BD du XIXème siècle la plus innovante que j'ai pu lire, une œuvre de jeunesse d'un artiste de génie (qui arrêtera la BD par la suite) et un bon moment de lecture dont il ne faudrait pas se priver !
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