Le Tirailleur
C’est l’émouvant portrait d’un ancien tirailleur marocain, arraché à son pays à l’âge de 17 ans, et à qui la France n’a jamais rendu justice, comme à tous ses frères d’armes. Ils sont les oubliés de la nation… C’est à l’occasion d’un reportage photographique, qu’Alain Bujak a rencontré Abdesslem dans un foyer social à Dreux, où il résidait neuf mois de l’année, loin de sa famille, pour pouvoir percevoir une maigre allocation vieillesse. De leurs discussions, il en a tiré un témoignage intime auquel Piero Macola apporte son trait délicat et ses couleurs subtiles, qui magnifient l’émotion de ce récit.
1939 - 1945 : La Seconde Guerre Mondiale 1946 - 1960 : L'Après-Guerre et le début de la Guerre Froide Auteurs italiens Immigrants Maghreb Nouveau Futuropolis Témoignages [Seconde Guerre mondiale] Europe de l'Ouest
1939, Maroc. Abdesslem s’engage pour quatre ans dans le 4ème Régiment des Tirailleurs Marocains (RTM). Il a plus ou moins 17 ans. Il ne connait pas son âge exact. En octobre 39, le 4ème RTM est mobilisé. C’est une drôle de guerre : « On ne faisait que marcher, creuser des trous, poser du fil barbelé, transporter du matériel, marcher des journées entières. Il n’y avait pas de combats. On attendait ; ça nous rendait nerveux. Le froid, la faim, la fatigue… ». En mai 40, les Allemands pilonnent le RTM. Les jeux sont faits. Ils se replient dans l’idée de rejoindre Marseille en suivant la direction du soleil le jour, les voies ferrées la nuit, afin d’embarquer pour le Maroc. Mais ils sont faits prisonniers par les Allemands et sont parqués dans des conditions déplorables, dans un « frontstalag » en France, un camp réservé aux prisonniers de couleur, tous issus de colonies françaises… Quand en 42, il est enfin de retour au Maroc, il réintègre le 4ème RTM pour crapahuter dans le Moyen-Atlas. Il n’obtient sa première permission que trois ans après être parti de chez lui ! D’enrôlements contraints en réengagements volontaires — pour pouvoir percevoir une retraite militaire —, la guerre devient son métier. Ce n’est qu’en 54, qu’il quitte définitivement l’armée, après avoir encore combattu deux ans en Indochine. Revenu dans son village natal, il retrouve les siens et leur quotidien simple et modeste, rythmé par le travail de la terre et leur vie de berger. Il est à sa place, là, « sur ces montagnes où l’air sent si bon qu’on a envie d’en manger ». Et pourtant, les temps changent, c’est la fin du protectorat de la France sur le Maroc, la réévaluation des retraites militaires est gelée, et partout, l’heure est à la modernité. Peu à peu, Abdesslem est rattrapé par le besoin d’argent : « Comment acheter tout ce que tu peux pas cultiver quand tu n’en as pas les moyens ? ». C’est ainsi qu’en 2004, il s’installe à Dreux pour pouvoir toucher une petite allocation vieillesse, qui aide ses proches à subvenir à leurs besoins. C’est à cette époque qu’Alain Bujak fait sa connaissance. En 2010, Abdesslem renonce à cette pension pour vivre ses vieux jours auprès des siens. Il a 86 ans. Texte : Editeur.
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Date de parution | 05 Mai 2014 |
Statut histoire | One shot 1 tome paru |
Les avis
Il n’y a peut-être pas dans ce récit toute la passion qui aurait pu donner un souffle épique à cette vie étalée sous nos yeux. Mais c’est un parti pris que je comprends, et préfère, finalement. Et la partie conclusive, sous forme de reportage accompagné de photos, lorsque Bujak est allé rencontrer une dernière fois Abdesslem dans son village paumé au Maroc, confirme bien l’aspect intimiste mis en avant. Il ne s’agit pas de montrer l’histoire au travers d’un homme – même si elle est bien présente, dans ses aspects douloureux – mais plutôt de donner voix et corps à un homme à qui on a sans doute volé une partie de sa vie, et qui a été rejeté dans l’oubli dès lors qu’on n’a plus eu besoin de lui. Le récit est touchant. Jamais Abdesslem ne se plaint réellement, lui qui aurait matière à le faire ! il a miraculeusement survécu aux nombreux combats (Seconde guerre mondiale – dont l’attaque du Monte Cassino, guerre d’Indochine) dans lesquels l’armée française l’avait enrôlé (contre son gré, en exploitant sa candeur et sa naïveté, sa bonté). Et puis, lorsqu’il quitte l’armée française, il subit le sort des anciens combattants des « colonies », privés de reconnaissances. On admire au passage la mesquinerie, le cynisme des autorités françaises qui, ayant finalement accepté de verser une pension à ces combattants, leur impose de vivre dans la misère dans un foyer en France (loin de leur famille) au moins 9 mois par an. Cela n’a changé que depuis quelques années – au moment où la plupart de ces anciens combattants étaient morts… Sans pathos, avec dignité, Abdesslem raconte donc sa destinée. Et le dessin de Macola, qui joue lui aussi sur la simplicité, est tout à fait raccord avec le ton adopté par ce récit touchant.
"Un album témoignage comme je les aime". J'espère qu'Alix ne m'en voudra pas de reprendre son accroche mais c'est exactement mon ressenti après la lecture de ce récit émouvant. J'ai été vraiment séduit par la confiance et le respect qui s'est établi entre Alain Bujak et Abdesslem. Bujak réussit très bien à traduire un récit plein de nostalgie, de peines, d'humilité dans un cadre de fatalité qui a permis à Abdesslem de traverser de si nombreuses épreuves sans être rongé par la colère. Abdesslem a beaucoup donné au drapeau français qu'il a longtemps porté sur son épaule. Comme nombre de ses copains, il aurait pu/du mourir dix fois sur les pentes italiennes ou les rizières vietnamiennes. La France lui a peu rendu, chichement et avec beaucoup de retard. Cet album apporte donc sa juste contribution au devoir de reconnaissance et de justice pour ces hommes et leur famille. Le beau reportage photo en fin d'ouvrage montre en creux toutes ces familles aux enfants riants qui ont été sacrifiées d'une façon plus ou moins légitime. Deux passages m'ont particulièrement plu dans le récit du vieil homme. Tout d'abord, la participation importante des forces africaines dans la terrible bataille du Monte Cassino. Bataille clé qui, avec celle de Normandie, a cassé les lignes de défense du front occidental. J'ai aussi apprécié le rappel du racisme et des mauvais traitements infligés par beaucoup de gardiens allemands. On a voulu un peu facilement faire porter toute la cruauté sur les SS Ainsi le récit travaille avec brio sur l'espace des situations où se trouve Abdesslem. Il y a ainsi alternance des horizons infinis et porteurs de vie (au Maroc) et de situations de confinements où la vie du soldat ne tient qu'à un fil (prison, rivière, chambre). Le graphisme de Piero Macola est très sobre pour porter ce récit. Il apporte dans son crayonné une sorte de tristesse devant une vie ballotée par une tempête historique. Macola donne à son personnage une gestuelle de soumission noble qui permet à Abdesslem de traverser les évènements qu'il ne comprend pas la tête haute. Une très belle et émouvante lecture.
Le hasard est parfois capricieux, car dans le style souvenir de guerre d'ancien combattant, je viens il y a peu de lire La Guerre d'Alan. A mon sens il n'y a pas photo. Ici je ressens de l'empathie pour le héros et son histoire, ce qui manquait cruellement au récit d'Alan. On ne peut qu'être ébranlé par la dignité de cet homme qui bien qu'abandonné par le pays pour lequel il s'est battu, pour lequel il a donné des années de sa vie, n'éprouve aucune haine, aucune colère. Cette BD est à mon sens une grande leçon d'humilité, tout est en retenue, sans esbroufe, à mille lieues d'un certain clinquant. Lecture vivement conseillée.
Un beau témoignage d'un tirailleur marocain durant la deuxième guerre mondiale. Son témoignage est vraiment intéressant quoiqu'il y a certains passages que j'ai moins aimés que d'autres. En fait, pour une raison curieuse, j'étais plus touché lorsqu'il est vieux que lorsqu'il est soldat durant la guerre. Cela doit être parce que lorsqu'il est vieux, on dirait qu'il parle aux lecteurs vu qu'il parle à un personnage qu'on ne voit pas. Le dessin est pas mal et j'aime bien les couleurs. Un bon album dans la catégorie 'vieux qui raconte leurs vies', mais pas le meilleur.
Le tirailleur serait la bande dessinée idéale pour ceux qui sont un peu racistes au point de penser que les aides sociales partent à leur dépend pour certaines catégories de population stigmatisées. Ils ont oublié que certaines personnes ont été enrôlées de force pour sauver la mère patrie. Lorsqu’on voit ce qu’ils ont eu en retour, j’éprouve de la honte pour mon pays. Par ailleurs, c’est une histoire vraie et il y a lieu de penser qu’elle concerne des milliers d’individus provenant des anciennes colonies et qui ont connu le même sort. Bref, cette bd apporte un éclairage différent par rapport à un problème bien plus complexe qu’il n’y paraît. Par rapport à la bd, le ton sonne juste. Il y a de la retenue. Bref, l’humanisme transparaît. Il n’y a pas de fausses notes. Cela donne une certaine crédibilité au récit. Le difficile exercice est réussi.
Cette bande dessinée est un bon témoignage en bande dessinée. Il raconte la vie d'un marocain, engagé plus ou moins volontaire dans l'armée Française de 1939 aux années 50. Les conditions de cet engagement, comment il a vécu la seconde guerre mondiale d'abord comme un prisonnier puis comme soldat libérant l'Italie et la Provence, la suite de son engagement durant la guerre d'Indochine, et enfin son retour au pays et à la pauvreté. C'est un témoignage intéressant, même s'il recoupe de nombreuses manières le scénario du film "Indigènes". Il est soutenu par un agréable dessin et une narration assez efficace. J'ai juste été un peu gêné par les changements dans le texte narratif qui est parfois à la première personne du singulier parfois à la troisième personne. Tout aussi intéressante et instructive qu'elle soit, le récit ne m'a en outre pas passionné car l'émotion n'y est que moyennement passé à mon goût. Par contre, j'ai été nettement plus touché par le récit en texte et en photos de la visite de l'auteur dans le village marocain du personnage principal. Les photos du vieil homme, de son entourage et de ses proches sont belles, et le passage où celui-ci raconte presque pour la première fois à sa famille sa vie de soldat est assez fort.
« Parce qu’Abdesslem est un étranger, il devait rester 9 mois au moins en France pour toucher sa maigre allocation de vieillesse » : voilà en résumé la vie d’un gus de 86 balais, né au Maroc dans un douar, qui s’engagea dans l’armée française à 17 ans (et encore, il ne sait même pas quand il est né exactement), combattit en 39-45 et en Indochine au nom de notre pays et au prix de sa vie et des autres se retrouvera au sortir de l’armée dans un petit appartement d’un foyer parisien loin des siens pour pouvoir nourrir sa famille restée au Maroc ! C’est un étranger… et alors ? Il a quand même combattu en France et pour les Français quoi ! Ce n’est pas rien tout de même ! De quel droit devons-nous imposer cette loi stupide à ces gens-là ? Ah, mais il fallait qu’il fasse venir sa famille en France ? Mais bien sûr, c’est la meilleure chose à faire quand on voit comment sont stigmatisés les étrangers à notre époque où pour diverses raisons (plus ou moins justifiées) on ne veut plus recevoir ces gens hein ? Ah, mais il n’aurait pas fallu qu’il signe pour incorporer l’armée ! M’ouais, sauf qu’il a été engagé pratiquement de force par des soldats français… mais bon, faut pas le dire hein c’est pas bien et puis il n’y a pas de preuves officielles… Bin, il fallait qu’il laisse tomber cette allocation pour vivre près des siens alors : oui sauf que ça a été sa seule ressource pour nourrir sa famille pendant des années et puis, quoi, il n’a pas combattu pour des prunes non ? Vous, ça vous plairait qu'un gouvernement ou un organisme vous enlève la pension de retraite (après avoir bossé pendant plus de 40 ans) si vous voyez votre femme plus de 3 mois par an ? Non ? Alors, je vous laisse deviner si en plus vous avez risqué votre vie dans une contrée étrangère pour des raisons d’état… Ce livre est –à mon avis- un formidable témoignage sur la destinée de ces gens. Je doute fort que la majorité d’entre eux aient suivi le même chemin qu’Abdesslem mais ça me laisse une forte impression de gâchis : on n’a qu’une vie et je suis convaincu qu’on est tous nés pour y trouver le bonheur, alors pourquoi compliquer à ce point la vie des gens ? Je suis sûr que nombre d’entre vous trouveront ma réaction trop utopique, trop simpliste, trop pathétique, trop « bisounours », etc… mais avouez quand même que c’est bien le but de chacun d’entre nous de vivre en paix sur notre bonne vieille planète non ? Bon, j’arrête là : lisez ce putain de bon livre et vous comprendrez certainement pourquoi j’ai eu ce genre de réaction après l’avoir feuilleté. Ce genre d’histoire fait réfléchir, ça, c’est sûr ! Ah, j’oubliais : le graphisme de Piero Macola ? Parfaitement en adéquation avec ce récit d’autant plus que la narration est très bonne elle-aussi. Et merci encore une fois à Futuropolis d’avoir publié ce genre de récit !
Un album témoignage comme je les aime. La vie d’Abdesslem est mouvementée et poignante. Ses « aventures » débutent lors de son engagement plus ou moins forcé dans le 4ème Régiment des Tirailleurs Marocains, alors qu’il n’a que 17 ans. S’en suit une vie au service de la France guerrière : seconde guerre mondiale mais aussi Indochine. Sa récompense ? L’obligation de finir ses jours en France, loin des siens, de son village natal, pour pouvoir toucher une petite allocation vieillesse, qui aide ses proches à subvenir à leurs besoins. Quelle misère. Le dessin de Piero Macola est magnifique, dépaysant au possible, et nous fait voyager avec Abdesslem. Un album prenant et touchant, qui s’intéresse non pas à l’Histoire, mais à l’histoire d’un homme qui vit sa vie comme il peut. Un témoignage humain, tout simplement.
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