Beowulf (Casterman)
Adaptation en bd d’un mythe fondateur du monde anglo-saxon, devenu une référence de la fantasy.
Auteurs espagnols
La légende de Beowulf est l’un des plus anciens poèmes épiques de la culture occidentale (antérieure à l’an mil, cette épopée considérée comme un classique du monde anglo-saxon serait d’origine germanique ou scandinave). Cette interprétation du mythe en bande dessinée revisite avec brio le destin fabuleux du guerrier Beowulf, arrivé avec quatorze compagnons sur les côtes du Danemark pour y débarrasser le roi Hrothgar et son peuple du fléau d’un monstre mangeur d’hommes, Grendel. Texte de l'Editeur
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Date de parution | 14 Mai 2014 |
Statut histoire | One shot 1 tome paru |
Les avis
Un héros épique - Ce tome contient une histoire complète et indépendante de toute autre, une adaptation d'un poème épique de la littérature anglo-saxonne. Il a été réalisé par Santiago García (scénariste) et David Rubín (dessins et couleurs), paru initialement en 2013, en Espagne. Dans la deuxième moitié du premier millénaire, il y a un monstre aux yeux rouges tapi au fond d'une grotte. À l'extérieur, un vent froid agite les herbes, et la neige tombe sur les branches dénudées. Un chat observe la scène. Un corbeau fond sur un cadavre qu'il picore, son bec se maculant de rouge sang. Une nuée immense de corbeaux s'attaque au charnier. Dans la maison longue à proximité, le palais Heorot, le roi Hrothgar, fils de Halfdan, célèbre la force de son peuple. Il est averti du massacre qui vient d'avoir lieu, alors que Æschere se tient à ses côtés. Les guerriers qui viennent l'avertir indiquent que c'est l'acte d'un démon et qu'il a tué trente des leurs. Douze ans plus tard, un détachement de goths arrive par la mer, avec leur tête le guerrier Beowulf. Aux guerriers qui les accueillent, il déclare qu'il vient aider le roi Hrothgar. En passant par le village, ils sont regardés avec méfiance. Arrivés devant Heorot, ils se font barrer le chemin par le garde. Beowulf lui confie son épée et entre d'autorité. Dans la salle du trône, Beowulf s'agenouille devant le roi Hrothgar, décline son ascendance, et lui indique qu'il est venu avec 14 guerriers qu'il met à son service. le roi se souvient de Beowulf quand il n'était qu'un enfant. Il l'informe que cela fait une dizaine d'années que le monstre Grendel sème la panique et égorge les citoyens. Il accepte l'aide de Beowulf et ordonne qu'une fête soit donnée en son honneur. Pendant le banquet, Beowulf se renseigne sur les armes de Grendel, son mode opératoire. Il se fait traiter de vantard irresponsable par Unferth, ne devant sa renommée que par une course à la nage où il s'était mis en danger avec Brecca. le soir même, Beowulf revêt sa cotte de mailles. Il sort sur le perron de Heorot où il trouve Ragnar en train de pleurer à l'idée de mourir loin de chez lui, digéré dans le ventre d'un démon de l'enfer. En fait, il pleure de joie à l'idée de la renommée qu'il acquerra ainsi. Dans la forêt, Grendel s'est réveillé et il détruit tout sur passage en progressant vers Heorot. Le titre est clair : il s'agit de l'adaptation de ce poème épique composé et écrit entre le septième et le dixième siècle après Jésus Christ. Les deux auteurs ont choisi de ne pas reprendre la forme en vers du poème, et d'insuffler le rythme par d'autres moyens. Ils n'ont pas non plus repris les références historiques, et pas du tout les éléments relevant de la christianisation. Ils ont conservé à l'identique le récit en trois parties : la première racontant le combat de Beowulf contre Grendel, la seconde racontant le combat de Beowulf contre la mère de Grendel, et la troisième partie racontant le combat de Beowulf contre un dragon. le lecteur plonge donc dans une bande dessinée épaisse d'environ 180 pages, qui reprend l'intrigue du poème épique Beowulf, avec fidélité. Il peut ainsi découvrir cette référence incontournable du développement de la littérature anglaise, l'un des plus vieux témoignages écrits de la littérature anglo-saxonne, mais aussi un ouvrage littéraire dont J.R.R. Tolkien promut les qualités d'écriture, sa beauté et sa richesse. de ce point de vue, cette bande dessinée remplit sa fonction de passeur de culture, sous une forme de vulgarisation de cet écrit. le lecteur referme le tome en sachant ce que raconte ledit poème, mais sans le contexte historique et social. Dans la postface de deux pages, Javier Olivares explique que c'était un projet qui tenait à cœur de son scénariste qui a dû attendre de trouver le dessinateur approprié pour mener ce projet à bien. le lecteur constate effectivement que les auteurs ont choisi un mode narratif qui fait la part belle aux grands dessins, et à la narration visuelle, voire sans mot. C'est ainsi que la première partie comporte une séquence muette de 27 pages pour l'affrontement contre Grendel, 21 pages pour le combat contre la mère de Grendel (avec une exception au milieu de cette séquence) dans la deuxième partie, et 14 pages pour le dernier combat. Il y a également des dessins en double page assez régulièrement, mais sans systématisme. Il s'agit donc d'une narration qui donne de la place aux hauts faits du héros, qui le montre dans sa lutte physique contre un monstre après l'autre, qui exalte ses prouesses au combat. Il s'agit d'une histoire d'hommes, dans laquelle Beowulf est placé au centre de la majorité des scènes. Il part au combat, il affronte les monstres au péril de sa vie, il triomphe par la force et la ténacité. Les auteurs reprennent à leur compte ce point de vue romanesque avec un personnage principal sur lequel se focalise le récit, un héros au centre de tout. D'un côté, le lecteur peut se projeter dans cet homme extraordinaire, reconnaitre sa propre volonté d'aller de l'avant dans la sienne, adhérer à son élan pour affronter l'adversité. D'un autre côté, il peut aussi éprouver des difficultés à s'imaginer en guerrier courageux jusqu'à la témérité, prêt à mettre sa vie en jeu pour faire cesser les massacres, déterminé à combattre jusqu'au bout au péril de sa vie, voire en ayant conscience qu'il ne survivra pas au dernier affrontement. Les auteurs ont donc choisi de transmettre le souffle épique du poème par la narration visuelle. Il y a bien sûr le format de bande dessinée franco-belge, plutôt que le format comics. Il y a également le choix de réaliser des planches muettes qui deviennent un spectacle visuel, avec un appel à la participation du lecteur pour qu'il se raconte l'histoire dans sa tête, qu'il effectue l'opération de passer en mots dans son esprit, là où ses yeux ne voient que des images. Il y a bien sûr les dessins en double page au nombre d'une dizaine. Il y a bien sûr la pagination importante qui permet aux auteurs de consacrer une page entière à un effet de couleur rouge sur un dessin en pleine page totalement abstrait. Ils peuvent aussi consacrer une double page à 4 cases noires de la hauteur de la page pour marquer le passage au vide absolu, à la disparition de la lumière. Ces particularités transmettent au lecteur le fait que ce récit a besoin de place pour exister, qu'il est important de par le nombre de pages qu'on y consacre, que les personnages ont besoin d'espace pour accomplir leurs actions. le lecteur constate que ce récit lui laisse la maîtrise de son rythme de lecture, qu'il est puissant sans être frénétique, qu'il progresse rapidement mais en prenant de la place, ce sont des hauts fais qui méritent qu'on leur consacre de l'espace. Dès la première page, le lecteur voit les caractéristiques de représentation de David Rubín : des formes simplifiées, à la fois descriptives et naïves. Les corbeaux sont exacts d'un point de vue anatomique, mais le degré de détails en fait une espèce globale plutôt qu'une somme d'individus chacun avec des caractéristiques différenciées. Alors que le lecteur découvre les cadavres déchiquetés, il peut observer la réaction des villageois. Ils ne sont pas tous vêtus pour le temps de neige. Ce n'est donc pas une description pour un reportage, mais plus un récit construit pour un auditoire. Il regarde les visages des personnages, et il voit des traits simplifiés, ainsi que des expressions parfois exagérées (les grands yeux de la femme découvrant les mutilations). de même s'il regarde les corps de plus près, il voit des os brisés, de la tripaille sanguinolente, mais sans pouvoir rassembler les différents morceaux pour reconstituer un corps anatomiquement exact. David Rubín reste attaché aux détails : les différentes tenues vestimentaires présentent des variations et des accessoires différenciées. Les personnages n'ont pas tous la même morphologie, à commencer par la haute stature de Beowulf. le lecteur constate également que l'artiste a investi du temps pour la conception graphique des monstres. Il ne s'agit pas d'un dragon générique, ou d'un monstre en caoutchouc prêt à l'emploi pour Grendel. Ils ont bien une morphologie monstrueuse et contre nature. David Rubín impressionne également par sa mise en couleurs. Dans un premier temps, elle semble naturaliste, avec des nuances discrètes dans les teintes pour ajouter un discret relief sur les surfaces détourées. Rapidement, le lecteur se rend compte que l'artiste les utilise également pour installer une ambiance particulière, et pour souligner un éclairage ou une texture par l'emploi de couleurs sans rapport avec le naturel, dans une démarche impressionniste. L'artiste utilise également une grande variété de mises en pages, pour des effets divers. Cela commence avec les vues accolées de la première page, correspondant à un regard jeté sur des éléments différents, comme si le lecteur ne retenait qu'un kaléidoscope de moments fugaces. Ça continue avec la découverte des cadavres montrée dans les cases du bas, alors que dans les cases du haut Hrothgar est en train de festoyer pour un parallèle sarcastique. Ça continue avec l'arrivée de Beowulf et de ses hommes dans le village, avec des grandes cases les montrant sur leurs montures, et des petites cases comme posées sur les grandes, pour un détail, un coup d'oeil furtif, transcrivant la simultanéité de ces éléments. David Rubín se montre tout aussi inventif pour les plans de prise de vue des combats, à la fois dans les angles de vue, à la fois dans la forme et le montage des cases sur une planche, ou sur 2 planches en vis-à-vis. Tous ces éléments concourent à une forme narrative inhabituelle qui souligne et amplifie les actes du héros, ses combats, ses pérégrinations en terre étrangère, méfiante et parfois hostile. Cette bande dessinée offre l'occasion de découvrir le mythe de Beowulf, de son combat contre Grendel, dans un format très alléchant. La lecture révèle que le scénariste a scrupuleusement respecté le déroulement du poème épique de la deuxième moitié du premier millénaire, tout en en faisant une adaptation. Il a de laisser de côté la dimension religieuse, pour se focaliser sur la progression du héros au fils des trois épreuves successives. Il a travaillé avec David Rubín pour construire une forme de narration visuelle qui transcrive avec fidélité la dimension mythique du récit et des épreuves de Beowulf. Cette lecture constitue à la fois une découverte du mythe de Beowulf, et à la fois une version personnelle insufflant une vigueur extraordinaire à ce héros au premier sens du terme.
Note : 2.5/5 J'ai un avis très mitigé sur cette BD. J'y ai apprécié le fait qu'elle aborde le récit très complet de la légende de Beowulf, et semble même aller au-delà avec son troisième chapitre se déroulant 50 ans plus tard et offrant une sorte d'épilogue à la saga du héros. Il se dégage en outre un vrai sentiment épique de ce récit plein de hargne et de puissance. En cela, je l'ai nettement préféré à l'album Beowulf de Dufranne et Javier que j'avais trouvé bien plus morne et décevant. Et le graphisme de Rubin a une vraie âme et est généralement plutôt beau. On sent qu'il y a apporté un vrai soin pour un résultat personnel assez marquant. Mais malgré la beauté de ce graphisme, l'album n'en reste pas moins difficilement lisible. Le dessin lui-même est régulièrement embrouillé, avec des représentations trop charnelles et des plans trop serrés où il faut essayer de déchiffrer ce que représente les images que l'on observe. Et la mise en page et mise en scène est presque pénible à lire. Je n'ai pas aimé du tout cette méthode narrative plusieurs fois utilisée où deux narrations parallèles se déroulent en même temps par le biais de cases qui s'imbriquent et sont sensées se répondre mais qui racontent en réalité deux choses bien différentes et obligent le lecteur à sauter de l'une à l'autre pour au final n'en capter aucune des deux. D'autres fois, on a encore des petites cases imbriquées dans les grandes, sensées montrer l'atmosphère des lieux et des détails sur ce qu'il s'y déroule, mais là encore ça rend la lecture confuse et désagréable à mon goût. A plusieurs reprises, j'ai vraiment eu du mal à comprendre ce qu'il se passait. Ce n'est par exemple qu'après coup, quand le roi Hrotghar le dit ouvertement, que j'ai compris que dans le chapitre 2 ce n'était pas le même monstre que dans le chapitre 1. Ce choix de mise en scène m'a vraiment gâché la lecture et a réduit l'aspect épique de cet album qui avec le même dessin mieux agencé et une narration plus claire aurait pu être bien plus marquant.
Beowulf, c’est du lourd. C’est aussi un mythe qui aurait, selon certains, inspiré Tolkien pour créer le seigneur des anneaux. De ce que j’ai lu du mythe, cette bd reste très proche de l’original en reprenant les trois combats de Beowulf. C’est donc une manière de découvrir cette légende nordique des plus anciennes. J’ai trouvé le récit trop prévisible avec ce héros quasi-invincible que tout lui réussit. Les enchaînements successifs des trois combats restent linéaires et sans réel suspense. Mais cela résulte certainement du choix des auteurs de respecter la trame originale sous forme de chanson de geste. Cela ne rend pas pour autant le récit désuet car, si le fond est respecté, la forme est fortement actualisée par une narration soignée avec un découpage des plus dynamiques. C’est d’ailleurs le point fort de cette bd. Le soin apporté au découpage et à la colorisation donne une réelle atmosphère épique à un récit vieux de quelques millénaires. C’est visuellement très réussi, dans une veine typiquement « comics ». Ce récit a les défauts dus à son âge mais cela n’enlève rien à l’intérêt qu’on peut lui porter. Une lecture que je ne regrette pas mais un emprunt en biblio peut être suffisant.
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