Le Silence de Lounès
La révolte d’un fils face au silence de son père qui a fui l’Algérie avant l’Indépendance. Une poignante histoire de filiation, pleine de non-dits, de fureurs rentrées, de violence et d’espoirs déçus.
Baru La Guerre d'Algérie Luttes des classes & conflits sociaux Pays de la Loire
Saint-Nazaire, début des années 60. Nouredine, encore bambin, débarque d’Algérie avec ses parents. Son père est alors embauché par les chantiers navals. Dans la famille qui l’héberge, il va faire connaissance de Gianni, avec qui il va nouer très vite une profonde amitié. Ils grandiront et feront les mêmes bêtises ensemble, puis travailleront tous deux sur les Docks. Confronté au racisme, le jeune Nouredine va développer une haine vivace, renforcée par le silence de son père sur son rôle durant la Guerre d’Algérie.
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Date de parution | 27 Novembre 2013 |
Statut histoire | One shot 1 tome paru |
Les avis
J’ai eu un peu de mal à me faire aux aller-retours entre les différentes périodes et entre l’Algérie et Saint-Nazaire. Mais pour le reste, l’histoire se laisse lire agréablement. On y retrouve l’amour de Baru pour les quartiers populaires, ouvriers, et l’immigration. Mais ici cela se passe à Saint-Nazaire et non dans le nord de la France, et si l’un des personnages est bien un rital, c’est autour de la famille de son copain, un beur, que l’intrigue tourne. N parallèle de la lutte des ouvriers pour sauver leurs emplois et contre la fermeture des chantiers navals, nous suivons donc en flash-back des évènements douloureux de la guerre d’Algérie, puis de l’après, au moment de l’épuration, de la prise du pouvoir par le FLN, et de la mise au rancard de certains combattants, kabyles en particulier. Malgré l’hymne à la résistance (politique et sociale) et l’amitié forte qui unit les deux principaux protagonistes (que nous avons suivis depuis leur enfance), c’est quand même une histoire assez noire – avec une fin qui l’est tout autant, sinon plus. La lecture est assez rapide, mais intéressante et agréable.
Baru n'est jamais aussi bon que lorsqu'il dépeint la société, et surtout les inégalités qu'elle génère, notamment en raison de la couleur de peau. Et même lorsqu'il ne dessine pas, ce qui est rare, il arrive à entraîner dans son sillage des auteurs valeureux et motivés. C'est visiblement le cas avec Pierre Place, dont le style graphique est assez proche de celui de son scénariste, et qui, même si son style est un peu raide par moments, parvient à gommer ses petits défauts par une belle mise en scène. Le fond de l'histoire, quant à lui, est la mise en miroir de deux hommes père et fils, qui ont failli se perdre dans des conflits plus ou moins armés, et qui réagissent de façon opposée à leurs histoires respectives. Une belle histoire, plutôt bien "écrite dans l'ensemble, bien que manquant un peu d'émotion, je trouve. Seul petit bémol, le va-et-vient un peu trop fort entre les deux époques. Par contre je n'ai pas vu venir la toute fin, nettement moins heureuse qu'on n'aurait aimé qu'elle soit. Une belle lecture, sur un album qui est peut-être passé un peu inaperçu...
Baru nous propose une nouvelle chronique sociale assez marquée dont les thèmes sont le dernier combat des ouvriers de chantiers navals ainsi que l’intégration des immigrés ayant quitté précipitamment l’Algérie après la guerre. On suit notamment le destin de Gianni et Nouredine depuis leur enfance. Cela manquera parfois de cohérence avec de nombreux flash-back qui nous feront perdre le fil du récit. J’ai eu du mal à identifier certains personnages. Du coup, j’avoue avoir eu un problème de compréhension de cette histoire aux multiples ramifications familiales autour d’un silence et d’un secret bien gardé. Le final sera assez marquant sur fond de colère. La sensibilité sociale de l’auteur ne plaira pas à tout le monde. Cependant, ces thèmes appellent à la réflexion pour construire un monde meilleur.
Une fois n’est pas coutume, Baru s’est centré sur le scénario, confiant ses pinceaux à un quasi-inconnu, Pierre Place, qui se montre largement à la hauteur de la tâche. Dans un style pas si éloigné, ce dernier dévoile un trait nerveux et affirmatif, avec un vrai talent pour exposer avec subtilité les sentiments des personnages, le tout adouci par une aquarelle sobre. Avec Baru au scénario, il fallait bien s’attendre à une œuvre coup de poing. Et comme à son habitude, celui-ci n’en oublie pas la dimension sociale, en situant l’action de départ dans le milieu des dockers de Saint-Nazaire. On le sait, le Lorrain a choisi son camp. Normal pour un type qui vient d’une ancienne région minière touchée de plein fouet par la crise, me direz-vous. Le récit lui donne ainsi l’occasion de montrer des scènes d’affrontements entre ceux qui ont tout et ceux qui n’ont (presque plus) rien, traduction de la guerre du patronat contre les ouvriers (par le biais du plan social sur le chantier naval), des puissants contre les faibles, ces « invisibles » oubliés par les médias. C’est dans un tel contexte que le jeune Nouredine va trouver matière à alimenter sa colère, résultant du silence de son père Lounès, à qui il reproche d’avoir déserté lâchement son Algérie natale juste avant l’indépendance. La narration bien construite bénéficie d’un bon rythme et les personnages sont très bien campés, à tel point qu’on ne doute pas un instant qu’ils existent ou aient réellement existé. Certains passages sont réellement touchants, en particulier vers la fin. Si âpre soit-elle, c’est une belle leçon de vie qui nous est ici offerte. D’abord, cette histoire d’amitié entre Gianni le blond italien et Nouredine le kabyle aux yeux bleus, qui ont vécu comme des frères face au racisme anti-arabe très virulent à l’époque. Ensuite, ce constat selon lequel certains silences peuvent être parfois terriblement destructeurs quand ils sont motivés par la honte ou l’orgueil. Comme un contre-exemple à ne jamais suivre, comme un encouragement à le briser quand il fait si mal.
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