Petite Voleuse (Shoplifter)

Note: 3/5
(3/5 pour 4 avis)

Les interrogations existentielles d'une jeune fille célibataire qui met un peu de fantaisie dans sa vie monotone en volant de temps en temps un magazine à la boutique du coin.


Bichromie Femmes d'aujourd'hui

Corrina Park a beaucoup de projets. Diplômée de littérature anglaise, elle veut écrire l'histoire d'un romancier à succès. Mais cinq ans plus tard, désenchantée, subissant un emploi qui lui déplaît, une vie amoureuse désastreuse et un échec littéraire, la jeune femme trouve dans le vol le seul réconfort qui justifie son existence. Jusqu'à ce qu'un événement apparemment anodin n'y donne un autre sens...

Scénario
Dessin
Traduction
Editeur / Collection
Genre / Public / Type
Date de parution 24 Septembre 2014
Statut histoire One shot 1 tome paru

Couverture de la série Petite Voleuse © Delcourt 2014
Les notes
Note: 3/5
(3/5 pour 4 avis)
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09/10/2014 | pol
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Par Présence
Note: 5/5 Coups de coeur expiré
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Que fais-je de significatif dans ma vie ? - Il s'agit d'une histoire complète et indépendante de toute autre, en 1 seul tome. Elle est initialement parue en 2014, écrite, dessinée et encrée par Michael Cho, un artiste canadien (né en Corée du Sud). La mise en couleurs repose sur une seule teinte : un rose assez soutenu dans une teinte entre rose bonbon, chaud ou cuisse de nymphe émue. Corrina Park travaille pour une agence de publicité ; elle crée des slogans pour des produits divers et variés. L'histoire commence par une réunion pour trouver des slogans vantant les mérites d'un parfum pour fillettes de 9/10 ans. D'une manière sarcastique, elle en propose un avec un fort sous-entendu incestueux. Ses collègues la regardent bizarrement. Au sortir de la réunion, Candi (la secrétaire) lui propose de sortir vendredi soir pour rencontrer des mecs. Corrina est indécise. Elle rentre chez elle par les transports en commun, pour retrouver son appartement de taille modeste (mais pas minuscule) et son chat. En chemin, elle songe qu'elle n'avait accepté ce travail que pour disposer d'un revenu, et pouvoir consacrer son temps libre à l'écriture d'un roman qu'elle n'a jamais commencé. En ouvrant ce tome, la première chose qui saute aux yeux sont les dessins qui évoquent immédiatement ceux de Darwyn Cooke (par exemple "Parker l'Organisation" ou "La nouvelle frontière"). Le trait de Michael Cho a la même élégance avec de forts contrastes de noir & blanc. Il utilise de la même façon une seule couleur qui joue sur ces contrastes, sans les atténuer, tout en habillant les surfaces pour en augmenter le relief ou pour mieux distinguer les contours. Si la ressemblance est frappante, il ne s'agit pas de plagiat. Cho ne dispose pas du même niveau d'intelligence graphique dans la composition de ses pages. Il est vrai qu'il ne s'agit pas non plus d'un comics d'action, mais d'une chronique de vie. Cho n'épure pas ses dessins au même point que Cooke : il conserve plus de détails dans ses images. Là encore, il s'agit d'un choix justifié par la nature du récit, plus concret, plus inscrit dans l'environnement urbain de cette grande ville (sûrement Toronto). Dès la première séquence, le lecteur observe des gens normaux en train d'évoluer, de réfléchir dans le cadre d'une réunion de travail, avec des morphologies normales et distinctes, et des expressions de visage normales et différentes. Ils présentent une attitude mesurée qui n'exclut par la réprobation devant le faux pas professionnel de Corrina (oser tourner en dérision un produit), ou l'attitude amicale et souriante (l'inviter à prendre un verre en groupe après le repas). Michael Cho donne une importance à l'environnement urbain, en représentant avec soin (mais pas jusqu'au photoréalisme) les façades de immeubles, les usagers de la voie publique, l'intérieur de l'appartement de Corrina. À plusieurs reprises, il consacre un dessin en double page au paysage urbain, établissant ainsi une relation entre la fréquentation et l'éclaire, avec l'état d'esprit de Corrina. Il ne s'agit pas d'une étude sur l'impact psychologique de la vie en milieu urbain. Il s'agit plus de montrer l'environnement dans lequel Corrina Park évolue, en laissant au lecteur le soin de s'y projeter pour ressentir son influence sur son quotidien. En y prêtant attention, le lecteur peut également percevoir la présence des affiches et enseignes publicitaire dans le décor urbain. Michael Cho a choisi de ne pas les rendre omniprésents ; il s'agit d'une présence discrète mais bien réelle. Le fruit du travail de Corrina Park a une incidence subliminale sur la vie des habitants, sans qu'il soit possible de déterminer si elle bénéficie à autre chose que le système du capitalisme, une sorte de bruit de fond. Le thème principal du récit est classique et basique : une jeune femme prend conscience que son quotidien est en décalage avec les aspirations qu'elle pouvait avoir quand elle était étudiante en littérature. Elle a trouvé un boulot qu'elle savait alimentaire, mais pour autant elle n'est pas passée à l'acte en utilisant son temps libre pour écrire le livre qu'elle s'était promis d'écrire. Corrina Park n'est pas amère, ni même déçue par ses propres actions. Il y a juste un sentiment d'insatisfaction qui la gêne aux entournures. Par le biais de sa voix intérieure, Michael Cho dépeint une jeune femme tranquille qui constate plus qu'elle n'analyse. Elle est à un moment de sa vie où la réalité du quotidien finit par s'imposer, où les rêves se délitent petit à petit. Le lecteur éprouve une empathie entière pour cette jeune femme grâce aux moments choisis par Cho, et à la manière dont il laisse le lecteur éprouver ses propres sentiments. Par exemple, Corrina regarde la télévision, d'abord des informations en direct d'un atterrissage d'avion difficile, puis d'un ours blanc sur la banquise. Charge au lecteur de relier les points entre la déception de Corrina vis-à-vis de son travail, l'imposture du reportage dans lequel le journaliste fait tout pour dramatiser l'événement alors que les témoins expliquent qu'il s'agit d'un incident sans gravité pour les passagers, et enfin l'importance de la valeur représentée par le risque de l'extinction d'une espèce en voie de disparition du fait du réchauffement climatique. Michael Cho sait mettre en scène cette remise en question des valeurs de son personnage, sans pathos, sans dramatisation, sans jargon psychanalytique, en toute simplicité et de manière naturelle. Il n'oublie pas quelques moments humoristiques, voire décalés. Ayant remarqué la baisse de motivation de Corrina, son patron lui livre sa façon de voir leur métier, une vraie profession de foi, qui prête à sourire (non pas de ridicule, mais de valeurs sujettes à caution). Michael Cho est tout aussi à l'aise pour faire transparaître discrètement le poids de la solitude urbaine, au travers de la relation très normale que Corrina entretient avec son chat. En plus de la perception de son environnement par Corrina, il utilise une deuxième métaphore qui justifie le titre du récit. Corrina Park vole de temps à autre un magazine dans la superette où elle fait ses courses (shoplifter en anglais). Ce petit accès de malhonnêteté fait écho à son ressenti d'être malhonnête vis-à-vis de la société en se contentant d'une vie matérielle sans motivation la justifiant à ses yeux. Cette histoire n'est pas une grande révolution dans l'histoire des comics, juste un récit intimiste d'une prise de conscience très concrète, à la fois personnelle et universelle. Le lecteur est conquis par les dessins rendant bien compte de l'environnement urbain (sans le dramatiser ou l'enlaidir) peuplé par des personnages sympathiques, sans être fades. Il suit l'évolution de l'état d'esprit de Corrina par le biais de scènes ordinaires, sans effet de manche, ou scènes chocs. Au final, l'auteur aura réalisé un récit à l'image son personnage : calme et posé, aboutissant lui aussi à la même prise de conscience : autant faire une bande dessinée qui parle de la condition humaine et d'un aspect particulier qui lui tient à cœur, plutôt que de perdre son temps à faire de la BD alimentaire et industrielle.

20/06/2024 (modifier)
Par Erik
Note: 2/5
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Je n'ai pas été plus enthousiasmé que cela au sortir de ma lecture concernant cette kleptomane coincée dans son boulot de publicitaire et vivant seule avec son chat. Il y en a qui tueraient pour avoir sa place à une époque où le chômage frôle les millions de demandeurs. Et non, elle n'est pas contente et manifeste sa frustration en dérobant des magazines dans des supermarchés. Si ce n'est pas pathétique ! Je n'arrive pas à avoir un peu de compassion pour cette maladie de riche qui lui permet de se rendre vivante. Mais bon, à la fin, la morale sera quand même sauve.

02/05/2015 (modifier)
Par Blue Boy
Note: 3/5
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Présenté comme le jeune prodige de la BD américaine, Michael Cho signe ici une fable subtile sur la quête de bonheur d’une jeune femme se débattant dans l’immensité déshumanisante de la mégapole new-yorkaise, à la recherche d’une porte de sortie. De son trait très graphique empreint de la tradition Comics US, l’auteur dresse également un portrait intimiste de Big Apple, avec des pleines pages saisissant parfaitement le paradoxe d’une ville toute en angles implacables mais qui sait se faire accueillante quand on s’y sent à sa place… Le choix d’une bichromie rouge et noire correspond plutôt bien aux codes de sobriété du roman graphique. A travers la solitude et le mal-être de Corrina, Michael Cho délivre une critique douce-amère de notre monde moderne vampirisé par la publicité. Mais ce qu’il veut surtout raconter, c’est le passage à l’âge adulte d’une jeune femme qui, par manque de confiance, hésite à réaliser son rêve de devenir écrivain. Le déclic arrivera de façon tout à fait inattendue, sous la forme d’une rencontre fortuite et en trompe l’œil du « prince charmant ». Une fois le livre refermé, ce récit simple et fluide continue à faire résonner en nous sa petite musique, celle que chacun a entendue ou entendra au moins une fois au cours de sa vie : l’impérieuse nécessité de dépasser ses propres limites pour enfin conquérir sa liberté.

02/11/2014 (modifier)
Par pol
Note: 2/5
L'avatar du posteur pol

Ce roman graphique met en scène une jeune femme de 25 / 30 ans suffisamment banale pour que la plupart des jeunes femmes puissent s’identifier au personnage. Il est question de son boulot qui ne lui plait pas, de sa vie qui l’ennuie d’une manière générale ou encore de sa vie sentimentale désespérément calme. Si certains romans graphiques permettent au lecteur de s’interroger sur leur propre vie, le résultat est un peu quelconque ici. C’est trop superficiel, rien n’est abordé en profondeur ou avec un regard original. Elle s’engueule avec son boss, elle parle à son chat et le nourri avec des croquettes qui coutent cher, elle sort boire un verre après le travail, elle n’a pas de mec… Bref toute une suite de situations qui sont trop communes. On passe de l’une à l’autre sans partager ses états d’âmes, sans qu’on ait envie de les analyser ni de se poser nous-même des questions. Le seul élément qui sort des sentiers battus est sa tendance à la cleptomanie pour la sortir de la monotonie de son quotidien. Mais là encore c’est trop léger, trop succin. Cela apporte tout juste un peu de piment sur la fin, mais ça ressemble uniquement à une porte de sortie qui permet de conclure cette histoire. Le graphisme est simple mais intéressant. Par exemple les visages sont expressifs sans être surchargés et la bichromie est utilisée à bon escient. Au final on obtient un album pas déplaisant à lire mais pas marquant en ce qui me concerne.

09/10/2014 (modifier)