Les Ogres-Dieux
Du plus jeune et plus petit des Ogres, c'est toute l'histoire d'une famille et de ses membres qui est contée. Héritage, coutumes, tiraillements... Un superbe récit gothique autour du déterminisme familial.
Best of 2010-2019 Best-of des 20 ans du site Cannibalisme Géantes et Géants Hubert Il y a 10 ans... Les prix lecteurs BDTheque 2014 Soleil
Du plus jeune et plus petit des Ogres, c’est toute l’histoire d’une famille et de ses membres qui est contée. Héritage, coutumes, tiraillements... Un superbe récit gothique autour du déterminisme familial.
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Date de parution | 05 Décembre 2014 |
Statut histoire | Une histoire par tome 4 tomes parus |
Les avis
Etrange série -hélas abandonnée- que voila. Hubert semble avoir atteint ici une sorte de quintessence de son œuvre, un pinacle de ce qu'il aimait et faisait déjà en bande-dessinée. Ce qui laisse prédominer la sensation de regret au sortir du quatrième tome, le gout d'inachevé restant tenace face à ce qui s'apparentait à une minutieuse construction narrative. Un chef-d'oeuvre inachevé ... Si je suis dithyrambique, c'est parce que je sens, à travers les différents volumes, l'importance que Hubert à accordé à la narration d'un univers de toutes les manières possibles pour en faire jaillir les messages. C'est le genre de série qu'il faut prendre le temps d'apprécier, de savourer même, en lisant minutieusement ces albums qui ont été édités comme une chronique d'un temps ancien. Commençons déjà par cela : l'édition de qualité, aux couvertures épaisses et dorées, aux pleines pages de grande taille pour aller dans le thème, aux enluminures qui la parsèment et aux nombreuses pages entièrement rédigées, jouant sur la chronique dans le récit. Une édition prestigieuse et à la hauteur de l'intérieur, que j'ai la chance d'avoir dans son superbe coffret qui rehausse encore plus l'ensemble. Une qualité visuelle qui rajoute déjà à l'ensemble. Le dessin est un élément fort du récit. Cet encrage noir, ce sens du dessin grandiose, étalé sur des pleines planches et jouant sur les gros plans des personnages gigantesques, le contraste d'échelle, les jeux sur les nombreux plans, tout est fait pour jouer sur le ressenti du gigantisme de cette dynastie. Il faut noter aussi le plaisir visuel des architectures, qui rendent visuellement parfaitement l'ambiance. C'est une recherche esthétique permanente, qui envoie du lourd dans nos mirettes ! Mais c'est le scénario qui tient en haleine pendant les quatre tomes. Sur départ qui semble classique, sur une famille royale de géants qui dévorent des humains, Hubert développe une histoire qui lorgne vers la création d'univers. Hubert se veut démiurge et tisse les liens de ce qui peut s'apparenter à l'Histoire de son monde. Narrée successivement par différents personnages afin de croiser les regards comme un historien croiserait les sources, présentant successivement les points de vue opposés pour en tirer la contradiction de toute vie, Hubert cherche une histoire qui ne rejoint jamais le manichéisme. Il montre que tout peut s'opposer dans une société, que lutter contre l'oppression ne fait pas de nous des gentils, que de bons sentiments peuvent se révéler tout aussi mauvais pour les autres. De façon assez claire, sous les thèmes chers au scénariste, il y a un sous-texte de la complexité d'un monde. Croire que tout est facile et sera vite résolu est un doux mensonge que la violence de la BD met bien vite à mal. J'ai aimé cette lecture, prenante comme un bon livre d'Histoire qui tente (vainement) de montrer une situation donnée à l'aulne de chacun de ses protagonistes. Qui aimer, qui détester, qui rejeter, qui soutenir ? Hubert n'aime pas les évidences et nous le fait bien sentir. Que penser de cette femme, dans le volume 4, enfermée, retirée du monde, le comprenant à travers les livres et se rendant compte que la lecture ne suffit pas à le comprendre ? Qu'il faut le vivre ! Moi qui aime tant lire, je ne peux qu'apprécier ce message. C'est une lecture éprouvante, donc, une lecture riche et dense, dont on ne sort pas facilement. Une lecture frustrante par cette absence de fin, clairement la série est incomplète et se dirigeait vers quelque chose de plus riche encore. C'est tout un monde, tout un univers qui se déploie devant nous et nous invite à s'y plonger. Hubert et Gatignol se sont accordés merveilleusement bien pour nous proposer cette pépite littéraire que je découvre cette année. Une réussite totale, à mes yeux. Me croiriez-vous si je vous disais que j'ai aimé ?
J'ai hésité entre attribuer quatre ou cinq étoiles mais le récit épique du tome 3 m'a complétement envouté. J'avais pourtant eu du mal à entrer dans l'histoire lors de la lecture du premier tome, puis l'originalité et le graphisme ont été suffisamment efficaces pour me donner envie de découvrir la suite. Grand bien m'en a pris puisque les deux tomes suivants placent la barre très haut. Le dernier tome, sorte de préquel? m'a moins emballé, probablement car j'aurais souhaité une suite directe au tome 3. Le graphisme est époustouflant. Le format texte qui s'insère régulièrement dans le récit est une vraie réussite pour compléter au mieux l'histoire.
Un avis divergent de ma part, mais pour moi, les Ogres-Dieux sont une déception. Le premier tome est génialissime, un univers intéressant, des personnages attachants, de la cruauté, de l'humour. Et les dessins sont magnifiques. J'ai eu du mal à décrocher bien que l'album soit long. Le deuxième tome est quasi aussi bon que le premier bien que l'effet de surprise soit passé. J'ai déjà trouvé que le tome 3 était beaucoup plus ennuyeux, j'ai eu plus de mal à m'intéresser à cette intrigue, mais pouvait laisser penser d'une suite intéressante. Et le tome 4, c'est la douche froide. Déjà sur le principe, faire une préquelle, pourquoi ? L'intrigue lancée par le 3 n'en était qu'au début, mais on repart sur des personnages totalement nouveaux. Quel est le but nous raconter l'histoire de tous les quidams qui ont vécu dans cet univers ? Mais surtout j'ai trouvé l'histoire vraiment ennuyeuse, trop longue pour le sujet, j'ai eu du mal à aller au bout. Et évidemment, vu que c'est une préquelle, ça ne fait rien avancer. Quand je lis que ce tome 4 conclut en beauté la série, je ne peux pas être plus en désaccord. Déjà il ne clôt rien. Et en beauté, chacun ses goûts mais pas pour moi. Et vu que le scénariste est décédé malheureusement, on n’aura jamais de fin. Mes notes par albums : tome 1 ***** tome 2 **** tome 3 *** tome 4 **
4.5 2 choses m'ont marqué: le rythme et ce gris-noir. Le séquençage des parties, l'étalement sur les années passant comme une lettre à la poste, les textes de présentation des personnages pour la compréhension du contexte, c'est du travail d'orfèvre de la part du scénariste. Et côté graphisme, l'illustrateur récolte aussi les honneurs pour ses décors majustueux qui mélange différents styles, ses nuances girs-blanc-noir du meilleur et les pointes de dorure. Je n'ai lu que les 2 premiers mais je suis persuadé que les 2 suivants sont du même calibre. Et quels bels objets que les livres eux-mêmes, qui sied parfaitement à traiter d'affaires royales.
Tout est quasiment parfait ici pour moi. L’édition est magnifique, l’objet est superbe, la matière parfaite, l’impression excellente. Le scénario est subtil, raconté par petit à petit et il faut rester concentré de bout en bout. Le dessin est terrifiant, presque doux souvent et cruel pourtant, idéal en somme pour cette œuvre massive a plus d’un titre. Déjà lu et relu il sortira souvent de son étagère.
Tome 1 : Petit Un lourd et bel écrin pour une œuvre atypique, en noir et blanc, dont le thème vient puiser dans les terreurs enfantines suscitées par les contes populaires, « Le Petit Poucet » étant le plus emblématique. Sauf qu’ici, « Petit » n’est pas un humain mais un ogre. Comme Poucet, il est de taille réduite par rapport à la norme. Comme Poucet, le père cherche à s’en débarrasser mais pour d’autres raisons, juste parce qu’il porte les signes de la consanguinité. Celui-ci devra se débattre entre les pulsions violentes propres à ses origines et l’humanisme enseigné par sa tante Desdée, mise à l’écart de la Cour pour avoir refusé de manger des humains. Le récit est structuré selon deux axes narratifs entrelacés, d’une part la BD, d’autre part des textes illustrés racontant la vie des différents souverains depuis le fondateur. Graphiquement, on est séduit d’emblée par ces à-plats noirs conférant une atmosphère gothique à l’histoire. Cadrage et dessin révèlent chez son auteur un sens incontestable du rythme et du mouvement. Par sa capacité à représenter la démesure de ces ogres gargantuesques, Bertrand Gatignol parvient à insuffler du souffle à la hauteur de ce récit dantesque où l’on assiste aux derniers soubresauts d’une dynastie fin de race dans une ambiance fin de règne. Un bémol très personnel toutefois. J’ai peu apprécié l’expression de certains personnages notamment la physionomie « manga » du jeune ogre (une tête d’enfant posée sur un corps d’athlète), moi qui ne suis pas spécialement client du genre à l’exception d’œuvres plus matures dans la lignée de Taniguchi ou plus poétiques comme les films d’animation de Miyazaki. Par ailleurs, l’histoire d’amour entre Petit et la jeune fille a des allures de bluette mais reste adaptée à ce conte. Cela étant dit, ce n’est pas un livre destiné aux enfants de par la violence et la crudité de certaines scènes. L’ensemble reste tout de même très correct, même si en deçà de mes attentes. Mais indéniablement les auteurs ont fait preuve d’originalité et d’audace avec cet album qui contient une grille de lecture philosophique : la question du déterminisme familial. Une œuvre qui sort du lot parmi les productions de 2014. Il s’agit apparemment du premier tome d’une série mais qui se lit néanmoins comme un one-shot. -------------------------- Tome 2 : Demi-Sang Lire une bande dessinée comme celle-ci sur tablette est un grand tort. Je l’ai compris en lisant ce tome en version imprimée, alors que j’avais lu le premier en version digitale. Le plaisir de lecture s’en trouve littéralement augmenté, non seulement par le format de l’album (et son magnifique tirage) mais aussi par le rendu des superbes à-plats noirs, bien meilleur sur papier, caractéristique notable de cet ouvrage aux accents gothiques. Par moments, on a l’impression que Bertrand Gatignol s’est fait graveur, et l’on reste tout bonnement admiratif. De plus, le scénario du second volet de cette fantasy médiévale paraît mieux construit, avec un personnage central plus complexe. L’histoire reste toujours aussi cruelle et sombre, mais l’intrigue est bien plus prenante et la conclusion beaucoup plus âpre, pour ainsi dire débarrassée des mièvreries fleur bleue et tics mangaesques que l’on pouvait déplorer dans « Petit ». Ici, on assiste éberlué à la transformation de Yori, jeune Rastignac prêt à tout pour devenir le nouveau chambellan du royaume des Ogres-Dieux, montrant ainsi à ses demi-frères et autres ennemis de quoi est capable le bâtard dont on a voulu se débarrasser. Adulé lorsque, pour survivre, il tombe dans la prostitution, il va prendre conscience de ses charmes et s’en servir pour gravir les marches du pouvoir, non sans y laisser quelques plumes, quelques os brisés, voire son âme. Car en agissant de la sorte, n’a-t-il pas pris le risque de devenir pire que ceux qui le méprisaient ? Avec « Demi-Sang », fable implacable sur l’ambition et le pouvoir, Bertrand Gatignol et Hubert confèrent à leur œuvre une dimension shakespearienne qui la place dans le best-of des séries de ces dernières années. De même, chacun des tomes est une histoire à part entière, ce qui n’est pas la moindre de ses qualités ! Un bémol toutefois : on peut se demander si les courts récits illustrés consacrés aux chambellans du royaume et clôturant chaque chapitre apportent vraiment quelque chose, si ce n’est de renforcer l’aspect mythique de l’objet. On n’y voit pas forcément de lien direct avec la bande dessinée, et la profusion de personnages serait plutôt source de confusion. Cela étant dit, on pourra aisément en faire l’impasse si l’on craint de perdre en fluidité narrative. -------------------- Tome 3 : Le Grand Homme Fer de lance de la belle collection Métamorphose des Editions Soleil, la série des Ogres-Dieux trace depuis quatre ans son sillon, et ce de façon peu linéaire puisque ce troisième opus commence là où se terminait le premier, tandis que chaque volet est centré sur un personnage de la saga. Après Petit, Demi-Sang (Yori le chambellan), les auteurs nous proposent le portrait de Lours, le bien nommé, combattant nomade et clandestin pour la liberté et la justice : entré dans la rébellion après avoir été chassé des troupes du royaume, Lours était apprécié pour ses qualités de fin stratège mais fut une victime collatérale des luttes de pouvoir. En résistant à la tyrannie du chambellan, l’homme se livre parallèlement à une quête personnelle: obtenir la reconnaissance d’un père qui l’avait autrefois renié. Pour cela, il lui faudra traverser une immense forêt sombre et pleine de dangers, avant de rejoindre la tribu barbare où il a grandi. Si dans la forme on est plutôt dans le registre de l’aventure gothique teintée d’heroic fantasy, la trame de fond demeure l’étude psychologique de la nature humaine, les fameux ogres ne sont là que pour illustrer la cruauté et l’arbitraire d’un pouvoir tyrannique. Dans « Le grand homme », c’est une fois de plus, avec le besoin irrépressible de Lours d’être reconnu par son père, la question de la descendance présidant à la destinée d’un individu qui est abordée. Une question vieille comme le monde : pouvons-nous décider entièrement de notre destin ou sommes-nous immanquablement lesté par le contexte social et éducatif où nous avons grandi ? Cette fable œdipienne épique signée d’Hubert est comme toujours rehaussée par le graphisme unique de son compère Gatignol, lequel frappe par l’omniprésence de ce noir intense, parfaitement adapté au côté gothique de l’histoire. La séquence de la forêt est d’ailleurs emblématique de ce tome, faisant remonter avec délice nos peurs enfantines. Les troncs gigantesques et le feuillage inextricable y apparaissent extrêmement menaçants, semblant recouvrir mille dangers, telle une prophétie sinistre de ce qui attend Lours. Et en effet, le récit se terminera de manière saisissante, dans un tourbillon psychédélique de sang et de fureur, auquel succédera, contre toute attente, l’apaisement… Avec leurs Ogres-Dieux, Hubert et Gatignol, duo à la synergie rêvée, sont l’air de rien en train de construire une œuvre qui restera symbolique de cette décennie, une œuvre où la vigueur du manga vient flirter avec l’imagerie gothique européenne, où terreur et flamboyance côtoient l’épaisseur psychologique des protagonistes, où les contes d’antan rejoignent la puissance shakespearienne, le tout par une alchimie qui, on doit le reconnaître, se bonifie avec chaque album, monumentalisant toujours davantage cette épopée au souffle indéniable. -------------------- Tome 4 : Première-née « Première-née » sera donc l’ultime volet de cet incroyable quadriptyque (certes, le terme est moins agréable à l’oreille que « triptyque »), dont Hubert aura eu juste le temps de terminer le scénario avant de nous quitter début 2020. On sentait bien que cette série se bonifiait au fil des tomes. Avec le final grandiose que les auteurs nous livrent ici, on peut affirmer sans sourciller que « Les Ogres-dieux » accèdent au panthéon des meilleures séries BD de tous les temps, en tous cas de la collection Métamorphose. Contrairement aux trois volumes précédents — qui se lisent chacun, faut-il le rappeler, comme une histoire individuelle —, le personnage principal est une femme, Bragante, « première-née des enfants géants du Fondateur de la lignée royale ». Cloîtrée dans une tour du château, lasse du poids des ans et des ambitions insatisfaites, Bragante sent sa fin approcher. C’est à travers la fenêtre de la tour qu’elle va raconter son histoire à l’une de ses petites-filles, Elmire, à la taille démesurée. Car chez les Ogres, les enfants naissent plus grands que la génération précédente, provoquant souvent la mort de leur mère lors de l’accouchement. Son histoire, donc, est celle d’une femme, qui toute sa vie aura lutté face à un pouvoir masculin qui privilégiait la force physique et méprisait la réflexion et l’érudition. Son père, le roi-fondateur, ne voulait engendrer que des mâles pour mieux mener ses conquêtes et soumettre le monde à sa tyrannie, considérant les femmes comme des matrices juste bonnes à procréer. De fait, celles-ci seront recluses dans le gynécée, compensant leur asservissement par l’instruction, grâce à la bibliothèque constituée par Bragante, passionnée par les livres. Mais son père, qui voit cette initiative d’un mauvais œil, la considérant comme une menace envers son autorité, cherchera à la détruire. Par son dessin qui trouve avec le noir un vrai style graphique, évoquant tout en les revisitant, avec une approche gothique, les gravures médiévales, Bertrand Gatignol a su parfaitement représenter la puissance terrifiante et la violence aveugle de ces géants, en particulier des mâles, capables de broyer un humain à la force de leur main, selon leurs caprices. Il est parvenu à transférer en images la tension permanente qui irrigue le récit et scotche le lecteur. Parmi les passages les plus saisissants demeure cette scène où le jeune roi Korsabaal, fraîchement couronné, reçoit Bragante sa sœur aînée, bien plus petite en taille, entouré de ses frères aux faciès rendus difformes par la consanguinité, une scène qui rappelle certains tableaux de Velasquez représentant les infants d’Espagne, ou par extension « La Nef des fous », de Bosch, car de folie il est bien question dans cette histoire. Le formidable talent de conteur de Hubert rend cette histoire captivante, encore plus peut-être que les précédents volets de la série, dont le thème récurrent est celui de la filiation et de la transmission. Mais dans « Première-née », fable métaphorique du monde des Hommes — même s’ils ne sont ici que des figures secondaires dans une société dominée par les Ogres —, l’auteur aborde également le thème de la place des femmes dans un contexte patriarcal, et de leur combat pour s’affranchir de leur servitude. Le fait que les protagonistes soient ces géants au regard empreint de rage violente, les mâles en particulier, rend la chose encore plus terrifiante, car dans les alcôves de ce château aux dimensions vertigineuses se pratiquent des mœurs peu avouables : viol, inceste et maltraitance. Ce conte gothique dans lequel Hubert semble avoir placé tous les thèmes qui lui étaient chers, n’est rien d’autre qu’une allégorie des soubresauts de notre monde contemporain, où se joue la lutte entre deux courants opposés, la tradition réactionnaire et l’obscurantisme d’un côté, les valeurs de progrès et de culture de l’autre. Le ton du récit est grave, suggérant que la démocratie et la liberté restent toujours fragiles face à la bêtise aveugle et la tyrannie, mais de façon presque prémonitoire, l’histoire, qui se clôt sur la mort de l’érudite Bragante, double féminin de Hubert, nous laisse avec une note d’espoir apaisante. A la façon de "Peau d’homme", Hubert nous sert ici un formidable plaidoyer féministe pour la liberté et la connaissance, indissociables l’une de l’autre. Car au fond, le combat de Bragante est le même que celui de Bianca, quand bien même l’approche est plus joyeuse et plus légère dans le récit co-signé avec Zanzim. Avec « Première-née », on est davantage dans une tournure shakespearienne où les destinées se construisent dans les larmes et le sang. Dans les deux cas, c’est un superbe héritage — et un testament précieux, peu importe qu’il ait été conçu ou non dans cet esprit — que nous laisse cet auteur, un héritage qui ne fait que rendre son absence encore plus douloureuse.
Quel régal des humains! Bienvenue chez les ogres dieux, ils se délectent de ces créatures d'élevage faibles et insignifiantes et ils n'ont qu'une passion la guerre. Ce conte est présenté dans un ordre non chronologique, les 4 tomes qui ne se suivent pas sont axés sur un personnage différent qui apparait dans d'autres tomes. Chaque chapitre commence par une partie écrite qui présente soit le passé du personnage soit l'historique de sa fonction au sein de la société mais systématiquement aide ou nous éclaire sur le chapitre qui va suivre. Cette technique rend la compréhension de l'histoire facile, elle approfondit le fonctionnement de cette société et le caractère des personnages. Un conte qui commence par la naissance de Petit, fils du roi d'une famille de géants. Une histoire qui nous conte l'expansion de la dynastie des géants puis leur déclin. Le point commun de ce conte est la taille, Petit est grand chez les humains, le grand homme est petit, les géants sont de plus en plus grands puis de plus en plus petits. L'auteur exploite les différences de taille pour classer les habitants ou les bâtiments dont la hauteur est synonyme de domination. Un scénario rythmé qui nous fait partager le quotidien de la famille royale dans une ambiance médiévale. C'est épique, nous sommes emportés dans un conte plein de rebondissements. Nos héros se battent pour un avenir plus radieux et un monde plus respectueux pour tous les habitants, c'est classique mais ce qui constitue la réussite de cette série c'est son rythme avec tout ces personnages originaux, attachants et parfois cynique ou revanchard. Un dessin en noir et blanc réussi, des visages très expressifs et des décors travaillés qui créent une ambiance médiévale. Gatignol réussi à rendre crédible la vie conjointe des géants et des hommes dans un décor à l'échelle des géants. Un conte à lire absolument
Avis sur les trois premiers tomes sortis à ce jour. Une véritable fresque de fantasy épique et qui en même temps fait preuve d'une réelle sensibilité. L'univers est original, la narration idem : chaque tome est découpé en chapitres entre lesquels s'incrustent des nouvelles fort bien écrites et qui viennent contribuer très judicieusement à la compréhension et à l'atmosphère du récit. Les personnages sont également très charismatiques. L'histoire raconte la chute du royaume des Ogres-Dieux et le chaos qui en découle, où les humains de différents camps essaient de s'approprier l'héritier légitime du trône : Petit, fils du roi déchu, rejeté par sa famille car il avait presque la taille d'un humain (mais tout de même plus grand que la moyenne et doté d'une force surhumaine), et qui ne cherche lui qu'à protéger l'humaine qu'il aime et à trouver un clan reculé d'ogres dont il a appris l'existence, par-delà les montagnes qui ceinturent le royaume. Le tout est brillamment servi par le trait fin et élégant de Gatignol, qui maîtrise parfaitement le noir et blanc et les nuances de gris. J'aurais noté la série franchement bien sur la base des deux premiers tomes, mais le troisième m'incite à donner la note culte, car l'histoire y prend un tour inattendu et dantesque. J'étais happé comme jamais à sa lecture. La seconde partie du livre est vraiment étouffante et magistrale. Impossible de lâcher le livre. Les auteurs confirment tout le potentiel de leur univers. Une des très grandes séries du moment, et sans doute plus que cela quand les tomes suivants auront confirmé son rang. C'est grâce à des séries comme cela que l'on aime la bande dessinée.
Tome 2 : Demi-sang "Demi-sang" (second tome de la série des "Ogres-Dieux" que j'ai lu avant le premier, précisons-le) est l'un des livres les plus formellement impressionnants que j'aie vus depuis longtemps : l'incroyable élégance du dessin, réalisant une synthèse idéale entre les codes du manga et ceux de la ligne claire franco-belge, la beauté graphique de l'utilisation du noir et du gris pour composer des pages à la profondeur, à la complexité et à la lisibilité uniques, la perfection formelle de "l'objet livre" en général, tout cela fait de la lecture de "Demi-Sang" un grand (et rare) moment d'émotion esthétique. Mais bien sûr, ce ne serait rien sans la construction d'un univers aussi original que cohérent (disons une sorte de modernisation des contes de Perrault via "Game of Thrones"), rehaussé par de délicieux intermèdes "historiques", et l'histoire redoutablement machiavélique mais éternelle des ravages de l'ambition politique et de la soif de reconnaissance. Bref, une BD quasiment parfaite, à laquelle ne manque peut-être qu'un soupçon de folie pour atteindre la plus haute marche du podium. Tome 3 : Le Grand Homme Petite déception à la lecture du troisième volet des "Ogres-Dieux", l'extraordinaire saga d'heroic fantasy / contes de fées de Bertrand Gatignol et Hubert : autant les deux premiers tomes frôlaient la perfection, tant du point de vue formel que de ce qu'ils racontaient, autant ce "Grand Homme" se révèle bien lourd, voire ennuyeux, durant une bonne partie du trajet que nous effectuons avec Lours, Petit et leur bande, fuyant la fureur du Chambellan. Le problème n'est pas la beauté de l'objet, à nouveau spectaculaire, puisque les auteurs poursuivent leur travail de manière totalement cohérente avec les deux volumes précédents (même si le dessin accuse parfois des faiblesses dans la description de certains mouvements que l'on ne lui avait pas vu précédemment dans des scènes plus "hiératiques"...). Non, le problème est tout simplement qu'il est difficile d'accrocher à un enchaînement de péripéties peu enthousiasmantes : on reconnaît une forme de récit en Road Movie, si on ose dire, caractéristique de l'heroic fantasy, mais cela ne fonctionne tout simplement pas ici, faute peut-être d'une topographie qui fasse sens, ou même simplement d'une intrigue assez dynamique. Heureusement, tout change dans le dernier tiers du livre, quand nos "héros" et leurs poursuivants pénètrent dans une forêt terrifiante, où le graphisme en noir et blanc fait absolument merveille, et où Gatignol et Hubert créent enfin l'atmosphère surnaturelle que nous attendions. La toute dernière partie du "Grand Homme", conjuguant tragédie intime et grande scène psychédélique intelligemment mise en page, est extraordinaire, et permet de refermer le livre sur une impression extrêmement positive. Mieux encore, le terrible destin de Lours, être exceptionnel accumulant erreurs, mauvaises décisions et malchance au point de transformer son existence et celle de ceux qu'il aime en désastre absolu, nous hantera longtemps après avoir terminé la lecture.
Se lancer dans la lecture des "Ogres-Dieux" c'est retrouver le plaisir ambigu des contes cruels de notre enfance. Et quel plaisir ici, tant l'univers proposé est riche, tant dans le contenu que dans la forme ! En effet, la collection "Métamorphose" de chez Soleil cultive l'art du bel objet, et cette série ne fait pas exception à la règle. Il n'est qu'à voir le format de ces albums ! Rien ne semble assez grand pour faire rentrer ces ogres-dieux dans les cases. Ensuite, le trait remarquable de Bertrand Gatignol et sa somptueuse gestion des noirs donne à cette série toute la force et la noirceur nécessaire pour parfaire ces sombres histoires. Enfin, le découpage narratif en chapitres entrecoupés de courts récits écrits nous relatant l'histoire ancienne de personnages ayant eu un rôle important dans cet univers apporte encore un plus à cette série en étoffant de manière originale l'histoire de ces ogres tout puissants. A ce jour deux tomes constituent cette saga dantesque. "Petit", le premier tome, piochait allègrement du côté du Petit Poucet avec l'histoire de ce fils d'ogre qui nait "tout petit" et dont le père veut se débarrasser. Tous les ingrédients sont déjà là, du graphisme soigné aux décors majestueux où s'égayent ces ogres-dieux consanguins tous plus ou moins dégénérés à la cruauté sans pareil. Après un tel premier tome, la suite se faisait forcément attendre au tournant, et "Demi-sang" relève allègrement le pari de faire encore plus fort que "Petit". En effet, on retrouve ces décors démesurés alliant baroque et gothique qui confère à cet univers toute la noirceur et la grandeur, tout en attachant encore plus d'importance à la psychologie des personnages que l'on découvre ici, notamment celle de Yori, le personnage principal. Si le scénario est à mon sens encore plus affuté que le premier, le dessin n'est pas en reste et gagne lui aussi en puissance. Tout cela conjugué nous donne au final une série d’une rare richesse et puissance graphique comme on en lit trop peu souvent à mon goût. Un "must have" qui frise à mes yeux la perfection ; si la suite prévue est du même tenant, cette série basculera sans aucun doute dans mon petit panthéon des séries cultes. *** tome 3 *** Et bien voilà ! L'attente fût longue mais en valait vraiment la peine ! Quelle claque encore mes amis ! Avec ce troisième tome "Le Grand Homme", Hubert et Gatignol confortent pour ma part l'immense talent qui est le leur. Construit sur le même principe que les deux tomes précédents en alternant des chapitres de planches introduits par quelques pages de texte à la façon d'un conte, ils nous emmènent cette fois sur traces de Lours, un personnage qui n'a pas été sans me rappeler sans trop savoir pourquoi le Grands-Pas du Seigneur des Anneaux. Coutelier itinérant à la tête d'un groupe de résistants, il s'impose par son abnégation et son sens de la stratégie. La chute de la dynastie des Ogres va bouleverser tout ce petit univers et obliger Lours à faire face aux démons de son passé et soumettre sa résilience à rude épreuve. J'ai littéralement été happé par cet album qui monte progressivement en puissance. A chaque chapitre l'intrigue révèle un nouveau pan de l'histoire qui prend une profondeur impressionnante et d'une rare richesse. Wow !!! Quel background ! Quelle claque ! Bertrand Gatignol est quant à lui au dessin de plus en plus à l'aise avec cet univers et nous régale de planches toujours aussi sublimes dans un noir et blanc d'une rare élégance. Voilà un duo qui maîtrise parfaitement son sujet et nous régale d'un troisième album des plus aboutit ! Une cinquième étoile des plus méritée ! Bravo messieurs ! (Et vivement la suite !!!)
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